Conseil d'État

N° 325334
Publié au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
lecture du mercredi 23 novembre 2011

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par convention du 30 juin 1999, la commune de Montreuil a chargé la société d'économie mixte Montreuil Développement (Modev) de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté dite de la Porte de Montreuil ; que, dans le cadre de cette opération, la société Modev a acquis de la commune de Montreuil, le 28 janvier 2000, la propriété d'un terrain qui avait été exproprié en 1997 au bénéfice de cette collectivité ; qu'au vu d'études ayant mis en évidence, aux mois de février et avril 1999, une pollution par mercure du sol de ce terrain, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 2 octobre 2001 pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 514-1 du code de l'environnement, issues de l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, mis en demeure la société Modev de procéder à la remise en état du site pollué du fait de l'exploitation des installations classées qui s'y étaient succédé entre 1903 et 1993 ;
que la société Modev, après avoir, en application de cet arrêté, immédiatement procédé à la dépollution de ce site, a obtenu du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par un jugement devenu définitif, l'annulation de cet arrêté au motif que l'autorité préfectorale n'avait pu, sans commettre d'erreur de droit, mettre à sa charge la dépollution du site en sa seule qualité de détentrice de ce site alors qu'elle n'avait jamais eu la qualité d'exploitant d'une installation classée ;
qu'elle a ensuite saisi le même tribunal de conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis à sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice né, selon elle, de la faute qu'il avait commise en lui imposant la charge financière de la remise en état d'un site ayant été le siège d'une installation classée alors qu'elle n'avait pas la qualité d'exploitant de l'installation classée ni ne s'était substituée au responsable de la pollution en qualité d'exploitant ; que, par un jugement du 21 février 2008, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande et condamné l'Etat à verser à la société Modev la somme de 423 385,59 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 26 octobre 2004, en réparation du préjudice ainsi allégué ; que le ministre chargé de l'écologie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets " ; que selon l'article L. 541-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Au cas où les déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'élimination desdits déchets aux frais du responsable (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le détenteur de déchets de nature à porter atteinte à l'environnement a l'obligation d'en assurer l'élimination dans des conditions propres à éviter une telle atteinte ; que l'autorité investie des pouvoirs de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent des dangers pour l'environnement ; qu'en cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, le préfet doit prendre sur le fondement de ces dispositions, à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Montreuil Développement pouvait être regardée comme le détenteur des déchets en cause au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 541-2 du code de l'environnement ; que, par suite, le préfet aurait dû, sur le fondement des dispositions de l'article L. 541-3, en se substituant au maire défaillant, imposer à la société Modev l'élimination des déchets et la remise en état du site, qui était d'ailleurs indispensable à la réalisation du projet d'aménagement de logements et d'une école ; que cette circonstance est de nature à écarter l'engagement de la responsabilité de l'Etat dès lors que l'illégalité fautive de l'arrêté du 2 octobre 2001 ne peut être regardée comme étant à l'origine des préjudices subis par la société Modev ; qu'en estimant, sans tenir compte de cette circonstance, que dès lors qu'elles ne pouvaient constituer la base légale de la décision par laquelle la remise en état du site a été mise à la charge de la société Modev, les dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ne pouvaient justifier le refus du préfet d'indemniser cette société des frais exposés à cet effet et en engageant, par suite, la responsabilité de l'Etat en raison de l'illégalité de l'arrêté du 2 octobre 2001, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ;