Vaccination obligatoire :

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 14 septembre 2006

N° de pourvoi: 04-30642
Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 juin 2004), rendu sur renvoi après cassation (Ch. Soc., 2 avril 2003, pourvoi n° M 00-21.768), que M. X..., employé en qualité de veilleur de nuit par l'association "Le Foyer d'hébergement L'Oustalado" (l'association) dans un établissement accueillant des adultes handicapés, a subi, en 1993 et 1994, pour les besoins de cette activité professionnelle, la vaccination contre l'hépatite B ; que, souffrant d'une sclérose en plaques, dont il allègue que les premiers symptômes se sont manifestés peu après les injections vaccinales, il a sollicité la prise en charge de cette affection au titre de la législation professionnelle ;
Attendu que la caisse primaire d'assurance maladie fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la sclérose en plaques dont était atteint M. X... devait être prises en charge au titre du risque professionnel, alors, selon le moyen :
1 / que la victime qui ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité des lésions à l'accident en raison de la tardiveté de leur survenance doit établir le lien de causalité certain existant entre lesdites lésions et l'accident survenu à l'occasion du travail ; qu'en l'espèce, pour dire que la sclérose en plaques diagnostiquée chez M. X... le 9 juillet 1996 était liée à la vaccination contre l'hépatite B que ce dernier avait subie à trois reprises entre le 16 février et le 19 avril 1993, la cour d'appel s'est bornée à relever "la concordance" entre la vaccination et l'apparition des premiers troubles de la maladie relevée par les praticiens, dont les avis médicaux versés aux débats n'avaient retenu qu'une possibilité de causalité entre la sclérose en plaque diagnostiquée chez M. X... et la vaccination obligatoire dont il avait fait l'objet à la demande de son employeur, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que la sclérose en plaques diagnostiquée trois ans après la vaccination avait pour cause certaine cette dernière, a violé l'article L. 411-1 du code du travail ;
2 / qu'à supposer que M. X... ait pu bénéficier de la présomption d'imputabilité, son recours devait être rejeté dès lors qu'aucun lien de causalité ne pouvait exister entre la vaccination litigieuse et sa maladie ; qu'en estimant qu'il pouvait y avoir un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques quand ce lien de causalité a été nié par toute la communauté scientifique mondiale, la cour d'appel a violé l'article L. 411-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les troubles caractérisant la sclérose en plaques diagnostiquée le 9 juillet 1996 sont en fait apparus dans les semaines qui ont suivi la première injection de vaccin et sont allé par la suite en s'aggravant ; qu'avant de subir cette vaccination, M. X... était en parfaite santé, qu'aucune autre cause de déclenchement de la maladie n'a été décelée et que l'ensemble des praticiens consultés mettent l'accent sur la concordance entre la vaccination et l'apparition des troubles ;
Qu'au vu de ces éléments, la cour d'appel a pu estimer que la relation entre la maladie et la vaccination subie se trouvait établie, de sorte que M. X... rapportait la preuve, qui lui incombait de ce que la sclérose en plaques dont il était atteint doit être prise en charge au titre du risque professionnel ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 2 avril 2003

N° de pourvoi: 00-21768
Publié au bulletin Cassation partielle.

Attendu que M. X..., employé en qualité de veilleur de nuit par l'association "Le foyer d'hébergement l'Oustalado" (l'association l'Oustalado) dans un établissement accueillant des adultes handicapés, a subi, en 1993 et 1994, pour les besoins de cette activité professionnelle, la vaccination contre l'hépatite B imposée par l'article L. 10, devenu l'article L. 3111-4, du Code de la santé publique ; que souffrant d'une sclérose en plaques, dont il allègue que les premiers symptômes se sont manifestés peu après les injections vaccinales, il a sollicité la prise en charge de cette affection au titre de la législation professionnelle ; qu'il a été débouté de sa demande ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi principal :
Vu l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte du texte susvisé que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci ;
Attendu que pour débouter M. X... de son action tendant à voir constater l'existence d'un accident du travail consécutif à la vaccination dont il avait fait l'objet, la cour d'appel se borne à énoncer, d'une part, qu'il n'établissait pas "qu'un événement soudain susceptible d'être qualifié d'accidentel se serait produit au cours de cette vaccination et serait à l'origine de la lésion invoquée", d'autre part, que "la seule exécution de la vaccination obligatoire ne peut être considérée comme un événement accidentel en l'absence de circonstances particulières" ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi après avoir constaté que la vaccination avait été imposée au salarié par son employeur en raison de son activité professionnelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen unique du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2003 V N° 132 p. 130

Conseil d'État
N° 267635
Publié au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
lecture du vendredi 9 mars 2007

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 17 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nadine A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 mars 2004 par lequel le vice-président délégué du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines du 27 juin 2002 rejetant sa demande tendant à voir reconnaître l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont elle est atteinte ;
2°) statuant comme juge du fond, d'annuler ladite décision et d'enjoindre au directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines d'examiner de nouveau sa demande dans le délai déterminé par la présente décision ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier général de Sarreguemines la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que Mme A se pourvoit en cassation contre le jugement du 16 mars 2004 par lequel le vice-président délégué du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2002 par laquelle le directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines a rejeté sa demande tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité de la sclérose en plaques dont elle est atteinte à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B dont elle a fait l'objet en qualité d'infirmière dans cet établissement hospitalier ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : « La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application » ;

Considérant qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour statuer sur la demande présentée par Mme A, le magistrat délégué du tribunal administratif de Strasbourg a fait application des textes législatifs et réglementaires relatifs au régime des congés de maladie dans la fonction publique hospitalière ; que ces textes ne sont mentionnés ni dans les visas du jugement ni dans ses motifs ; qu'ainsi le jugement attaqué ne satisfait pas aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, Mme A est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'en vertu de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, l'agent hospitalier bénéficiant d'un congé de maladie conserve l'intégralité de son traitement, lorsque la maladie est imputable au service et a droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par cette maladie ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise du professeur Warter, que Mme A, qui n'avait manifesté aucun symptôme de sclérose en plaques antérieurement aux injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre de son activité professionnelle, a fait l'objet de deux injections de rappel de vaccination en mars 1991 et en mars 1996, et qu'elle a été victime en mai 1991 d'une névrite optique et en mai 1996 d'une paralysie régressive du membre supérieur droit, relevant toutes deux de la symptomatologie de la sclérose en plaques ; que, par lettre du 29 octobre 2001, le directeur général de la santé a proposé à Mme A une indemnisation au titre de la responsabilité de l'Etat du fait des vaccinations obligatoires, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, après avoir relevé que la commission nationale de règlement amiable des accidents vaccinaux avait « (...) considéré au vu des éléments du dossier que la vaccination contre l'hépatite B pouvait être regardée comme un facteur déclenchant de (son) état de santé » et qu'elle avait «(...) ainsi retenu une imputabilité directe de (ses) troubles à (sa) vaccination » ; qu'ainsi, dès lors que les rapports d'expertise, s'ils ne l'ont pas affirmé, n'ont pas exclu l'existence d'un tel lien de causalité, l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont souffre Mme A doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme établie, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de mars 1991 de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de l'intéressée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie, antérieurement à sa vaccination ; que, par suite, c'est à tort que le directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines a rejeté la demande de l'intéressée tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service de sa maladie ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du 27 juin 2002 du directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier général de Sarreguemines la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par Mme A devant le tribunal administratif de Strasbourg et le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande le centre hospitalier général de Sarreguemines au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mars 2004 et la décision du directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines du 27 juin 2002 refusant d'admettre l'imputabilité au service de l'affection dont est atteinte Mme A sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier général de Sarreguemines, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A.

Article 3 : Le centre hospitalier général de Sarreguemines versera à Mme A une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier général de Sarreguemines tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Nadine A, au centre hospitalier général de Sarreguemines et au ministre de la santé et des solidarités.

JCP 2007, II, 10142, note A. Laude
D. 2007, 2204, note L. Neyret
RLDC 2007, 44, obs. Ph. Pierre