Risque scientifiquement reconnu :
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 5 avril 2005 Cassation partielle.
Attendu que M. X... a été atteint en octobre 1994 d'un syndrome
de Lyell, maladie se caractérisant par une nécrose épidermique
toxique sur tout le corps et se traduisant cliniquement par un érythème
et un décollement de la peau ; qu'estimant que cette maladie avait été
provoquée par deux médicaments qui lui avaient été
prescrits pour une crise de goutte, le zyloric et le colchimax fabriqués
le premier par la société Laboratoire Wellcome aux droits de laquelle
se trouve la société Laboratoire Glaxosmithkline et le second
par la société Laboratoire Hoechst Houde aux droits de laquelle
se trouve la société Laboratoire Aventis, M. X... a assigné
ces deux laboratoires en responsabilité ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° F 02-12.065, pris en ses quatre branches,
formé par la société Laboratoire Aventis ;
Attendu que la société Laboratoire Aventis fait grief à
l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à réparer
le dommage subi par M. X... alors, selon le moyen :
1 / qu' en se fondant pour retenir que M. X... avait absorbé le médicament
incriminé, sur les seules déclarations de celui-ci non corroborées
par des éléments objectifs, la cour d'appel a méconnu la
règle selon laquelle nul ne peut se constituer une preuve à lui-même
et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article
1147 du Code civil ;
2 / qu'en se prononçant par un motif nécessairement hypothétique
en l'absence de constat objectif de la réalité de la communication
des ordonnances par M. X... au médecin ayant affirmé la prise
des médicaments, la cour d'appel qui n'a procédé que par
déduction, suppléant la carence de la preuve incombant à
M. X... a privé son arrêt de base légale au regard de l'article
1147 du Code civil ;
3 / qu'en se fondant sur des considérations insuffisantes ne faisant
pas ressortir la réalité d'une impossibilité de production
des ordonnances du patient, la cour d'appel qui a ainsi, sans justification,
pallié la carence de M. X... dans l'administration de la preuve qui lui
incombait, n'a pas légalement justifié son arrêt au regard
de l'article 1147 du Code civil ;
4 / qu'en énonçant que le syndrome de Lyell était imputable
de façon plausible aux médicaments incriminés et qu'un
lien de causalité ne pouvait être exclu , la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision au regard de l'article
1147 du Code civil
Mais attendu, d'abord, que le moyen ne tend, dans ses trois premières branches, qu'à remettre en cause le pouvoir des juges du fond qui ont souverainement estimé au vu des éléments de preuve qui leur étaient soumis que M. X... avait bien absorbé les médicaments litigieux qui lui avaient été prescrits ; qu'ensuite, en ayant relevé par motifs propres et adoptés que l'expert avait souligné que le lien entre l'absorption du médicament en cause et l'apparition du syndrome de Lyell était scientifiquement reconnu, que M. X... avait développé ce syndrome dans un délai de 7 à 21 jours après l'administration du colchimax ce qui correspondait au délai habituellement constaté entre l'administration du produit et la survenance de l'effet toxique, que la cessation du trouble coïncidait avec l'arrêt de la prise du médicament, qu'il n'était établi l'existence, ni d'une erreur de prescription, ni d'une prédisposition du patient à ce syndrome, ni d'une association avec d'autres médicaments, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par motifs hypothétiques a exactement caractérisé le lien de causalité entre l'absorption du médicament et le dommage subi par M. X... et a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° C 02-11.947 pris dans sa première
branche, formé par la société Laboratoire Glaxosmithkline
:
Attendu que la société Laboratoire Glaxosmithkline fait grief
à l'arrêt attaqué d'avoir retenu sa responsabilité
alors, selon le moyen, qu'en n'ayant pas constaté un manquement de la
société Laboratoire Glaxowellcome à son devoir d'information
dans la notice du zyloric et ce d'autant que, comme elle le rappelait dans ses
conclusions, M. X... ne lui reprochait pas un tel manquement et soulignait lui-même
dans ses propres écritures "que la notice du zyloric fait référence
expresse au syndrome de Lyell", la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que les juges du fond n'ont pas retenu à l'encontre du Laboratoire
Glaxosmithkline un manquement à son obligation d'information en ce qui
concerne la notice du "zyloric" ; que le moyen manque en fait ;
Mais sur la seconde branche du même moyen :
Vu l'article 1147 du Code civil interprété à la lumière
de l'article 6 de la directive n° 85/374 du Conseil des Communautés
européennes du 25/7/1985, alors non encore transposée en droit
français ;
Attendu que pour décider que le médicament zyloric était
atteint de défauts de nature à causer un danger pour les personnes
et qu'il n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait
légitimement s'attendre, l'arrêt retient qu'il suffit de constater
que certains des principes actifs du médicament en cause sont dangereux,
même si la manifestation du danger est rare ;
Attendu qu'en statuant ainsi sans rechercher si, au regard des circonstances
et notamment de la présentation du produit, de l'usage que le public
pouvait raisonnablement en attendre, du moment de sa mise en circulation et
de la gravité des effets nocifs constatés, le produit était
défectueux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale
à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2005 I N° 173 p. 146
RDTCiv 2005, 607
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 24 janvier 2006
N° de pourvoi: 03-20178
Publié au bulletin Rejet.
Attendu que Pascale X..., née le 3 octobre 1970, qui avait été
opérée à l'âge de neuf ans d'un craniopharyngiome
a présenté, à la suite de cette opération, des troubles
de croissance ; qu'un traitement a été sollicité auprès
de la Commission nationale de répartition de l'hormone de croissance
et accordé pour une période allant de janvier à juin 1985
; que Pascale X... ayant présenté des troubles de l'équilibre
en août 1999, sa famille a sollicité une expertise médicale
devant le juge des référés du tribunal de grande instance
de Montpellier ; que la maladie de Creutzfeldt Jakob a été diagnostiquée
le 25 mai 2001 avant son décès survenu le 12 juin 2001 ; que les
héritiers de Pascale X... ont assigné la Mutuelle générale
des préfectures et de l'administration territoriale (MGPAT), la société
Pharmacia, la région Languedoc-Roussillon, la Mutuelle de la fonction
publique, la fondation Institut Pasteur et l'association France hypophyse pour
obtenir réparation du préjudice de contamination subi, sa mère
sollicitant en outre l'indemnisation de son préjudice matériel
;
…
Sur le deuxième moyen ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré
l'institut Pasteur responsable de la contamination et de l'avoir condamné
à réparation, alors, selon le moyen :
1 / qu'en retenant pour déclarer l'institut Pasteur responsable de la
contamination de Pascale X... par l'agent infectieux responsable de la maladie
de Creutzfeldt Jakob, que le contrat passé entre l'association France
hypophyse et l'institut Pasteur comportait une stipulation pour autrui implicite
au bénéfice de Pascale X..., la cour d'appel a violé les
articles 1147 et 1382 du Code civil, interprétés à la lumière
de la directive du 25 juillet 1985 ;
2 / qu'en retenant pour estimer que la preuve du lien de causalité entre
le traitement par l'hormone de croissance France hypophyse et la maladie de
Creutzfeldt Jakob contractée par Pascale X... était rapportée,
que l'institut Pasteur ne démontrait pas que des patients aient été
contaminés par l'hormone de croissance Kabi ou que Pascale X... ait présenté
des causes particulières de contamination, la cour d'appel a renversé
la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil, interprété
à la lumière de la directive n° 85-374 du 25 juillet 1985
;
3 / qu'en l'état de la seule circonstance selon laquelle l'ensemble des
patients traités par l'hormone de croissance et qui ont présenté
une maladie de Creutzfeldt Jakob ont reçu l'hormone de croissance France
hypophyse , la cour d'appel s'est prononcée par un motif abstrait et
général privant sa décision de base légale au regard
des articles 1147 et 1382 du Code civil, interprétés à
la lumière de la directive n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;
Mais attendu que, la cour d'appel ayant à statuer sur la responsabilité
au regard des articles 1147 et 1382 du Code civil, n'avait pas à se référer
à la directive dont les dispositions étaient sans incidence sur
son appréciation ; qu'elle a d'abord, à bon droit retenu que tout
producteur était responsable des dommages causés par son produit,
tant à l'égard des victimes immédiates que des victimes
par ricochet, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elles avaient la
qualité de parties contractantes ou de tiers ; qu'elle a ensuite relevé,
d'une part, que la pharmacie centrale de l'assistance publique des hôpitaux
de Paris n'avait jamais eu la charge ni le droit de procéder au conditionnement
pharmaceutique de l'hormone produite par la société Kabivitrum,
que selon le rapport d'expertise, l'ensemble des étapes de fabrication
était assuré par cette firme pour son hormone et qu'il était
constant que tous les patients traités par l'hormone de croissance qui
avaient ensuite développé une maladie identique à celle
de Pascale X... l'avaient tous été par décision de l'association
France hypophyse ; que la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur un
motif d'ordre général a encore relevé, sans inverser la
charge de la preuve, que l'institut Pasteur ne démontrait par aucun élément
nouveau que les patients avaient été contaminés par l'hormone
de croissance Kabivitrum, ni que Pascale X... ait pu présenter des causes
particulières de contamination ; qu'elle a pu tirer de ses constatations,
qu'existaient des présomptions graves, précises et concordantes
d'imputabilité de la maladie de Creutzfeldt Jakob contractée par
Pascale X... à l'hormone de croissance fournie par l'association France
hypophyse ;
Que le moyen, inopérant en ses deux premières branches manque
en fait en sa troisième ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, d'avoir statué comme
il l'a fait, alors, selon le moyen :
1 / que le producteur n'est pas responsable s'il prouve que l'état des
connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation
de son produit ne permettait pas d'en déceler le défaut ; qu'en
refusant à l'institut Pasteur le bénéfice de l'exonération
pour risque de développement tout en constatant que le risque de transmission
de l'agent pathogène responsable de la maladie de Creutzfeldt Jakob par
l'hormone de croissance n'avait pu être identifié qu'au mois d'avril
985, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales
de ses propres constatations, dont il s'évinçait qu'à le
supposer établi, le défaut de l'hormone brute ayant servi à
la fabrication des lots d'hormone de croissance délivrés par la
pharmacie centrale des hôpitaux de Paris au nom de Pascale X... les 22
février et 14 mars 1985 était nécessairement indécelable
au moment où l'institut Pasteur s'est dessaisi de son produit ;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382
du Code civil, interprétés à la lumière de la directive
n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;
2 / que le bénéfice de la cause exonératoire prévue
à l'article 7-e) de la directive n° 85-374 du 25 juillet 1985 n'est
pas subordonné à une obligation de suivi à la charge du
producteur et en affirmant que l'institut Pasteur ne pouvait prétendre
à l'exonération pour risque de développement, dès
lors qu'il avait omis d'exiger de la pharmacie centrale des hôpitaux de
Paris qu'elle retire du marché les lots d'hormone de croissance de leur
caractère potentiellement contaminant, la cour d'appel a violé
les articles 1147 et 1382 du Code civil, interprétés à
la lumière de la directive n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'inapplicabilité à l'espèce des dispositions de la directive n° 85-374 du 25 juillet 1985 rend inopérants les griefs présentés à l'appui du troisième moyen ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué,
alors, selon le moyen :
1 / qu'en se bornant à retenir pour déclarer l'institut Pasteur
responsable de la maladie et du décès de Pascale X... pour manquement
à son obligation de prudence et de diligence, que le rapport établi
par l'IGAS en 1992 avait relevé des dysfonctionnements dans l'organisation
de l'hormone de croissance au sein de l'unité de radio-immunologie, sans
expliquer en quoi les mesures suggérées par l'IGAS auraient permis
d'éviter la contamination des lots administrés à Pascale
X..., la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un lien
de causalité direct et certain entre les manquements imputés à
l'institut Pasteur et la maladie de Pascale X..., privant sa décision
de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2 / qu'en se bornant pour imputer à faute à l'institut Pasteur
les faiblesses de l'organisation de la production de l'hormone de croissance
au sein de l'unité de radio-immunologie, à rapporter la teneur
des conclusions de la mission diligentée par l'IGAS en 1992, sans rechercher
si,en l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment
de l'extraction de l'hormone brute utilisée pour fabriquer les lots de
l'hormone de croissance délivrés à Pascale X..., l'institut
Pasteur pouvait savoir que les précautions dont le rapport de l'IGAS
a ultérieurement déploré l'absence étaient nécessaires
pour éviter le risque de contamination, la cour d'appel a derechef privé
sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code
civil ;
3 / qu'en se bornant à relever pour affirmer que l'institut Pasteur devait
répondre des conséquences dommageables de l'insuffisance des précautions
prises par l'association France hypophyse dans la collecte des hypophyses que
son dirigeant siégeait au conseil d'administration de l'association,
ce dont il ne résultait nullement que l'institut Pasteur disposait d'un
pouvoir de contrôle sur l'association France hypophyse , la cour d'appel
a de nouveau privé sa décision de base légale au regard
de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les
parties dans le détail de leur argumentation, a procédé
à la recherche invoquée, en relevant que le rapport de M. Y...
avait souligné, dès 1980, la nécessité impérative
de prendre toutes les précautions dans l'extraction, la purification
et la composition des hormones de croissance et que, malgré ce rapport,
les précautions recommandées n'avaient pas été suivies
d'effet ; qu'elle a pu en déduire l'existence d'un lien de causalité
certain et direct entre les manquements à la prudence imputés
à l'institut Pasteur et le préjudice de contamination subi par
Pascale X... ; qu'enfin, contrairement à ce qu'avance le moyen, l'arrêt
relève que, le 14 mai 1985, la décision de poursuite du traitement
par l'hormone extractive, avait été prise d'un commun accord entre
l'association France hypophyse et l'institut Pasteur ;
Que le moyen qui manque en fait en sa dernière branche est mal fondé
pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2006 I N° 34 p. 32
RTDCiv 2006, 323
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 24 janvier 2006
N° de pourvoi: 02-16648
Publié au bulletin Cassation partielle.
Attendu qu'en 1993, M. X..., médecin du travail, a prescrit à Mme Y..., présentant une surcharge pondérale à l'issue d'une maternité, de l'Isoméride, médicament destiné au traitement de l'obésité, composé de dexfenfluramine et fabriqué par les Laboratoires Ardix aux droits desquels se trouvent les Laboratoires Servier ; qu'à la suite du diagnostic, un an après, d'une hypertension artérielle pulmonaire primitive (HTAPP) ayant nécessité une transplantation bi-pulmonaire et une chirurgie cardiaque, Mme Y... a recherché la responsabilité des Laboratoires Servier, de M. X... et du Centre de médecine du travail des professions judiciaires, son employeur ;
Sur le premier moyen pris en ses deux branches du pourvoi principal des Laboratoires
Servier :
Attendu que les Laboratoires Servier font grief à l'arrêt d'avoir
dit que la prise d'Isoméride par Mme Y... avait eu un rôle déclenchant
de l'HTAPP dont elle avait été atteinte, alors, selon le moyen
:
1 / qu'en affirmant que dans la demande rectificative d'autorisation de mise
sur le marché (AMM) de 1995, ils ont souligné "des observations
d'hypertension artérielle grave, souvent mortelle, ont été
rapportées chez des patients ayant reçu des traitements par anorexigènes.
Une relation de cause à effet a été établie...",
la cour d'appel a dénaturé par adjonction ce document dans lequel
il est seulement précisé ""une relation avec la prise
de ces médicaments a été établie"sans mention
d'une cause à effet et a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / que selon l'article 1147 du Code civil interprété à
la lumière de l'article 4 de la directive du 25 juillet 1985, la victime
doit établir le lien de causalité direct et certain entre la prise
du médicament et l'apparition de la maladie dont elle est atteinte ;
qu'en déduisant l'existence d'un lien de causalité entre la prise
par Mme Y... d'Isoméride pendant deux mois et l'apparition d'une HTAPP
des indications figurant dans la rubrique "effets indésirables"
sur les notices et demandes d'AMM et des études épidémiologiques
et de pharmaco-vigilance analysées par les experts qui relèvent
seulement des coïncidences entre la prise de ce médicament et l'apparition
de la maladie, laquelle peut apparaître en dehors de toute prise du médicament,
la cour d'appel n'a pas constaté que le médicament était
un facteur déclenchant et en s'en tenant ainsi à des possibilités
ou probabilités de causalité, a violé le texte susvisé
;
Mais attendu, d'abord, que la première branche qui critique un motif
surabondant est inopérante ; qu'ensuite, la cour d'appel a relevé,
par motifs propres et adoptés, qu'il ressortait des études épidémiologiques
et de pharmaco-vigilance évoquées par les experts et de l'avis
même de ces derniers que la dexfenfluramine constituait un facteur favorisant
l'HTAPP même si elle n'en était pas la cause exclusive et que la
suspension de l'AMM de l'Isoméride par l'Agence du médicament
le 15 septembre 1997, intervenue concomitamment au retrait par le fabricant
de ce médicament dans les autres pays, était notamment due aux
cas d'HTAPP ayant entraîné des restrictions de prescription et
à l'existence d'un rapport bénéfice/risque n'apparaissant
plus favorable ;
qu'elle a aussi constaté que, dans le cas de Mme Y... qui avait un état
de santé satisfaisant avant 1993, les experts avaient écarté
les autres causes possibles d'HTAPP et estimé que l'Isoméride
était une cause directe et partielle dans la mesure où il y avait
une prédisposition de la patiente comme pour tout malade présentant
une affection très rare, et une cause adéquate, en l'absence de
tout autre motif de nature à l'expliquer ; qu'elle a pu en déduire
qu'il existait des présomptions graves, précises et concordantes
permettant, dans le cas de Mme Y..., d'imputer l'apparition de l'HTAPP à
la prise d'Isoméride ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal des Laboratoires Servier :
Attendu que les Laboratoires Servier font encore grief à l'arrêt
attaqué d'avoir retenu le caractère défectueux de l'Isoméride,
alors selon le moyen qu'en vertu de l'article 1147 du Code civil interprété
à la lumière de l'article 6 -1 de la directive du 25 juillet 1985,
un produit n'est défectueux que s'il n'offre pas la sécurité
à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que ne peut être
regardé comme défectueux le médicament qui produit des
effets indiqués dans les notices destinées aux médecins
et aux malades sous le contrôle des autorités sanitaires, à
la rubrique des effets indésirables ; qu'ainsi en se bornant à
rappeler la définition du défaut au sens du texte susvisé
et à relever que les Laboratoires Servier n'établissaient pas
pour échapper à leur responsabilité l'existence d'une cause
étrangère, sans caractériser le défaut dont serait
atteint l'Isoméride eu égard aux risques d'hypertension artérielle
pulmonaire mentionnés dans les notices, la cour d'appel a violé
le texte susvisé ;
Mais attendu qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que,
contrairement aux énonciations du moyen, à la date de la prescription,
l'annexe II de l'AMM de l'Isoméride, correspondant à l'information
reprise dans la notice, ne faisait aucune référence à l'existence
d'un risque d'HTAPP et l'annexe I, correspondant au résumé des
caractéristiques du produit dont disposait M. X..., mentionnait seulement
que des cas d'hypertension artérielle avaient été rapportés
chez des patients généralement obèses sans qu'aucun lien
de causalité n'ait été établi avec la prise d'Isoméride
; d'où il suit que le moyen manque en fait ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi provoqué de Mme Y..., pris en sa
première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour mettre hors de cause M. X... et le Centre de médecine
du travail, l'arrêt attaqué relève qu'en raison de l'état
de santé satisfaisant de Mme Y... jusqu'à la fin de l'année
1993 et des caractéristiques de l'Isoméride qui étaient
alors présentées, il n'était pas établi que la prescription
de ce produit aurait été imprudente, que l'absence de spécialisation
de M. X... dans le domaine de la nutrition était dans un tel contexte,
sans influence et que la faute commise par ce dernier en prescrivant de l'Isoméride
alors qu'il assurait un service de médecine préventive relevait
de la police de l'exercice de l'activité médicale entre médecins
et n'était pas de nature à constituer en la circonstance une faute
en relation avec le dommage ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que l'HTAPP dont a été atteinte Mme Y... était liée à la prescription d'Isoméride par M. X... ayant contrevenu à ses obligations de médecin du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2006 I N° 35 p. 34