Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 18 octobre 1960

Publié au bulletin REJET.

SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE : ATTENDU QUE, DES ENONCIATIONS DE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE, IL RESULTE QUE, LE 5 NOVEMBRE 1949, LE DOCTEUR Z..., CHIRURGIEN, A PRATIQUE, A LA CLINIQUE DU CHATEAU DE NEUILLY, HYSTERECTOMIE SUR LA PERSONNE DE LA DAME Y..., AVEC LE CONCOURS DU DOCTEUR GENEVIEVE X..., MEDECIN ANESTHESISTE, A LAQUELLE IL AVAIT FAIT APPEL POUR L'ANESTHESIE ;
QUE CETTE DERNIERE, AYANT FAIT, AU COURS DE L'OPERATION, ET POUR OBTENIR UN SILENCE ABDOMINAL PLUS COMPLET, UNE INJECTION DE CURARE DANS UNE VEINE DU DOS DE LA MAIN DROITE DE LA PATIENTE, IL S'ENSUIVIT UN OEDEME AVEC HEMATOME, ENTRAINANT, POUR LA DAME Y..., UNE PARALYSIE DU NERF CUBITAL DROIT, ET UNE INCAPACITE PERMANENTE PARTIELLE DE 10 % ;

ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A LA COUR D'APPEL, QUI A ORDONNE UNE EXPERTISE A L'EFFET DE DETERMINER SI UNE FAUTE POUVAIT ETRE IMPUTEE AU DOCTEUR X..., D'AVOIR DECLARE QUE LE DOCTEUR Z... SERAIT EVENTUELLEMENT RESPONSABLE DES CONSEQUENCES DOMMAGEABLES DE CETTE FAUTE, EN SA QUALITE DE COMMETTANT DE L'ANESTHESIOLOGUE, AU MOTIF QU'AUCUN CONTRAT N'ETAIT INTERVENU ENTRE CETTE DERNIERE ET LA PATIENTE, ET QU'A DEFAUT D'UN EXAMEN PREALABLE DE LA MALADE PAR LADITE ANESTHESIOLOGUE, CELLE-CI DEVAIT RECEVOIR, POUR L'ACCOMPLISSEMENT DE SA MISSION, DES INSTRUCTIONS DU CHIRURGIEN, ALORS QUE LE CHOIX D'UN ANESTHESIOLOGUE PAR LE CHIRURGIEN CONSTITUE, SOIT UNE GESTION D'AFFAIRES, SOIT UNE STIPULATION POUR AUTRUI, ET CREE, PAR SUITE, DES RAPPORTS DIRECTS ENTRE L'ANESTHESIOLOGUE ET LE PATIENT ;

MAIS ATTENDU QU'IL N'APPARAIT PAS QUE, DEVANT LES JUGES DU FOND, LE DEMANDEUR AU POURVOI AIT SOUTENU QUE LE CHOIX QU'IL AVAIT FAIT D'UN MEDECIN ANESTHESIOLOGUE, EN LA PERSONNE DU DOCTEUR GENEVIEVE X..., CONSTITUAT UNE GESTION D'AFFAIRES OU UNE STIPULATION POUR AUTRUI ;

QUE CE MOYEN, PROPOSE POUR LA PREMIERE FOIS DEVANT LA COUR DE CASSATION, EST NOUVEAU, ET QUE, MELANGE DE FAIT ET DE DROIT, IL EST IRRECEVABLE ;

SUR LA DEUXIEME BRANCHE DU MEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR CONSIDERE LE DOCTEUR WELTI, CHIRURGIEN, COMME LE COMMETTANT DU DOCTEUR X..., SANS AVOIR CARACTERISE LE LIEN DE PREPOSITION QUI POUVAIT L'UNIR A CELLE-CI ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARRET CONSTATE QUE LE DOCTEUR Z... AVAIT, SEUL, CHOISI L'ANESTHESIOLOGUE QUI DEVAIT L'ASSISTER DANS L'OPERATION QU'IL S'ETAIT ENGAGE A PRATIQUER SUR LA PERSONNE DE LA DAME Y..., SANS QUE RIEN N'ETABLISSE QUE CE CHOIX AIT ETE, MEME TACITEMENT, RATIFIE PAR LA DITE DAME ET QU'IL EN DEDUIT QU'AUCUN CONTRAT MEDICAL N'ETAIT INTERVENU ENTRE CELLE-CI ET LE DOCTEUR X... ;

ATTENDU QUE SI, EN L'ABSENCE D'UN TEL CONTRAT, LA RESPONSABILITE DU DOCTEUR X..., A L'EGARD DE LA DAME Y... NE POUVAIT ETRE, COMME LE RELEVE EXACTEMENT LA COUR D'APPEL, RECHERCHEE QUE SUR LE TERRAIN DELICTUEL OU QUASI DELICTUEL, C'EST NEANMOINS A BON DROIT QUE LES JUGES D'APPEL DECLARENT QUE LE DOCTEUR Z... DEVRAIT EVENTUELLEMENT REPONDRE DES CONSEQUENCES DOMMAGEABLES RESULTANT DE LA FAUTE QU'AURAIT PU COMMETTRE LE DOCTEUR X... ;

ATTENDU, EN EFFET, QUE LE CHIRURGIEN, INVESTI DE LA CONFIANCE DE LA PERSONNE SUR LAQUELLE IL VA PRATIQUER UNE OPERATION, EST TENU, EN VERTU DU CONTRAT QUI LE LIE A CETTE PERSONNE, DE FAIRE BENEFICIER CELLE-CI, POUR L'ENSEMBLE DE L'INTERVENTION, DE SOINS CONSCIENCIEUX, ATTENTIFS ET CONFORMES AUX DONNEES DE LA SCIENCE ;

QU'IL REPOND, DES LORS, DES FAUTES QUE PEUT COMMETTRE LE MEDECIN AUQUEL IL A RECOURS POUR L'ANESTHESIE, ET QU'IL SE SUBSTITUE, EN DEHORS DE TOUT CONSENTEMENT DU PATIENT, POUR L'ACCOMPLISSEMENT D'UNE PARTIE INSEPARABLE DE SON OBLIGATION ;

QU'AINSI, ET PAR CE MOTIF DE DROIT, SUBSTITUE A CEUX QUE CRITIQUE LE POURVOI, L'ARRET ATTAQUE SE TROUVE LEGALEMENT JUSTIFIE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE

Publication : N° 442
JCP 1960, II, 18446, note R. Savatier ;
Voir aussi Cass. civ., 29 mai 1963 : Gaz. Pal. 1963, 2ème sem., p. 290
: « le débiteur est responsable du fait de l'inexécution de ses obligations, alors même que cette inexécution proviendrait d'un tiers qu'il se serait substitué »

 

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 4 juin 1991

N° de pourvoi: 89-10446
Publié au bulletin Cassation.
Attendu que, le 27 août 1984, M. Y... s'est présenté à la consultation d'oto-rhino-laryngologie de la fondation Rothschild (la fondation) ; que le docteur Z..., diagnostiquant une récidive d'eczéma sec du conduit auditif externe gauche, avec plaie et perforation du tympan, lui a prescrit un traitement comportant l'instillation de gouttes auriculaires d'un médicament dénommé " Polydexa " ; que, le 5 septembre 1984, ce patient a fait l'objet, dans le même établissement, d'un nouvel examen par un autre médecin, M. A..., qui a renouvelé la prescription de " Polydexa " ; qu'à l'occasion d'une nouvelle consultation, motivée par des troubles de l'audition, des vertiges et une persistance de l'inflammation du conduit auditif, M. A... a prescrit la poursuite du traitement local ; que, quelques jours plus tard, M. Y... a été atteint de surdité de l'oreille gauche ; qu'un autre médecin de la fondation a prescrit son hospitalisation ; que le traitement pratiqué n'a apporté aucune amélioration et que le professeur X... a constaté la destruction de la moitié postérieure du tympan gauche, ainsi qu'une surdité totale ; que M. Y... a obtenu, par voie de référé, la désignation d'un médecin expert ; qu'après dépôt du rapport d'expertise, il a assigné tant la fondation que MM. Z... et A... en paiement d'une indemnité de 415 000 francs à titre principal contre la fondation et à titre subsidiaire contre les praticiens ; que le tribunal de grande instance a condamné la fondation à payer à M. Y... une somme de 110 000 francs ; que l'arrêt attaqué a débouté M. Y... de sa demande contre la fondation et a condamné in solidum MM. Z... et A... à lui payer une somme de 160 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi de M. Z... et le moyen unique du pourvoi provoqué de M. Y... :
Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour retenir la responsabilité de M. Z... la cour d'appel énonce que le statut particulier des médecins attachés à l'établissement de soins, dans les locaux duquel ils travaillaient, et par lequel ils étaient rémunérés, les plaçait dans une situation de dépendance administrative, sans les affranchir du respect des règles déontologiques ; qu'ils exerçaient librement leur art, sans être subordonnés, dans le domaine médical, par un lien quelconque de préposition à l'hôpital privé ; que s'ils n'avaient pas le libre choix des patients accueillis en consultation, ils avaient néanmoins la faculté de les orienter vers un autre service ; que, de même, le malade qui s'est rendu librement à leur consultation a ratifié leur choix en se soumettant à leur examen comme à leurs prescriptions ; que le contrat médical conclu entre chaque médecin et le patient a été matérialisé par les ordonnances que les praticiens ont délivrées à M. Y..., voire par des feuilles de maladie établies à leurs noms ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que le contrat de soins avait été conclu entre M. Y... et la fondation, dont M. Z... était médecin salarié, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et troisième moyens du pourvoi de M. Z... :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 1991 I N° 185 p. 122
JCP 1991, II, 21730

Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 26 mai 1999 Cassation partielle.

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu qu'à la suite d'une intervention chirurgicale faite en 1984 par un chirurgien, M. X..., dans les locaux de la société Clinique Victor Parchet de Butler, sur la personne de Mme Y..., cette dernière a souffert de troubles sensitifs et moteurs de l'avant-bras gauche ; que, statuant sur l'action engagée par Mme Y... contre l'établissement de santé et le praticien, l'arrêt confirmatif attaqué a retenu que ce dernier était responsable des conditions, génératrices du dommage, dans lesquelles la malade anesthésiée avait été positionnée et déplacée au cours de l'intervention chirurgicale ; que la cour d'appel a également retenu la responsabilité de la clinique au motif " qu'elle avait fourni au chirurgien les structures matérielles et humaines susceptibles de lui permettre de mener à bien ses interventions et que le lien contractuel existant entre l'établissement de santé et le patient justifiait la prise en compte de sa responsabilité " ;
Attendu, cependant, qu'en vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant au patient, un établissement de santé privé est responsable des fautes commises tant par lui-même que par ses substitués ou ses préposés qui ont causé un préjudice à ce patient ; que toutefois, si, nonobstant l'indépendance professionnelle inaliénable dont bénéficie le médecin dans l'exercice de son art, un tel établissement de santé peut, sans préjudice de son action récursoire, être déclaré responsable de fautes commises par un praticien à l'occasion d'actes médicaux d'investigations ou de soins pratiqués sur un patient, c'est à la condition que ce médecin soit son salarié ; qu'il appartenait, dès lors, à la cour d'appel de rechercher si le docteur X... exerçait à la clinique Victor-Pauchet-de-Butler à titre salarié ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 1999 I N° 175 p. 115
Semaine juridique, 1999-06-23, n° 25, p. 1193, rapport P. SARGOS.