COUR DE CASSATION
- 1ère Chambre civile -
- 17 février 1993 -
Rejet.
N° de pourvoi : 91-17458
Publié au bulletin
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 18 novembre
1984, M. X..., hémophile, qui était transporté dans le
véhicule conduit par Mme Masson, a été grièvement
blessé dans un accident de la circulation dont cette conductrice a été
déclarée responsable ; qu'hospitalisé le jour même
jusqu'au 7 janvier 1985, il a subi plusieurs interventions chirurgicales qui
ont nécessité la transfusion d'importantes quantités de
dérivés sanguins ; qu'un test de dépistage effectué
le 17 juillet 1985 a révélé qu'il était séropositif
; que M. X... a alors demandé à Mme Masson réparation de
ses préjudices, dont celui résultant de sa contamination par le
virus VIH ; que, au vu du rapport d'un collège d'experts qui avaient
reçu pour mission, notamment, de rechercher si M. X... avait contracté
le virus VIH lors des transfusions sanguines consécutives à l'accident
ou avant celles-ci, l'arrêt attaqué (Dijon, 16 mai 1991) a dit
Mme Masson tenue d'indemniser M. X... du préjudice né de la présence
du virus VIH et nommé un expert pour évaluer ce préjudice
;
Attendu que Mme Masson fait grief à cette décision d'avoir ainsi
statué alors que l'indemnisation d'une victime est subordonnée
à l'existence, dûment constatée, d'un lien de causalité
entre la faute initiale et le dommage invoqué ; qu'une probabilité
médicale ne saurait équivaloir à une certitude ;
qu'en se bornant à élever le pourcentage de probabilités
d'une contamination par les transfusions postérieures à l'accident,
tel que l'avait retenu, à partir d'une double hypothèse, le collège
d'experts, n'ayant pu obtenir ni le carnet d'hémophile de M. X... ni
le dossier de son suivi médical, la cour d'appel, qui n'a pu transformer
en certitude une probabilité très élevée, n'a pas
légalement justifié sa décision au regard de l'article
1382 du Code civil ;
Mais attendu que, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation
des éléments du rapport d'expertise concernant la disproportion
existant entre l'importance des dérivés sanguins transfusés
après l'accident par rapport aux produits administrés antérieurement
à M. X..., la cour d'appel a pu considérer que la contamination
de celui-ci était la conséquence des transfusions massives reçues
après l'accident ; qu'elle a ainsi légalement justifié
sa décision ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli
;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi .
Publication : Bulletin 1993 I N° 80 p. 52
Semaine juridique, 1994-03-16, n° 11, p. 101, note A.-Dorsner-Dolivet.
COUR DE CASSATION
- 2ème Chambre civile -
- 20 juillet 1993 -
Rejet.
N° de pourvoi : 92-06001
Publié au bulletin
Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27
novembre 1992), que M. X..., hémophile contaminé par le virus
d'immunodéficience humaine (VIH) à l'occasion de l'injection de
produits sanguins entre novembre 1984 et juin 1985, a présenté
une demande d'indemnisation au Fonds d'indemnisation des transfusés et
hémophiles contaminés par le VIH (le Fonds), créé
par l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ; que M.
X..., n'ayant pas accepté les offres du Fonds, a saisi la cour d'appel
de Paris aux fins d'indemnisation ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt
d'avoir, après avoir décidé que le Fonds devait verser
immédiatement à M. X... l'intégralité de la part
d'indemnisation du préjudice spécifique de contamination dérivant
de sa séropositivité, jugé, en revanche, que le paiement
d'un complément d'indemnisation de ce préjudice afférent
au syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) déclaré,
était subordonné à la constatation médicale de la
maladie, alors que, d'une part, doit être immédiatement indemnisé
un préjudice qui, bien que futur, présente un degré de
certitude suffisant ; qu'ainsi la cour d'appel n'aurait pu exiger que le préjudice
résultant pour une victime déjà séropositive de
la survenance du SIDA soit " absolument certain " et aurait violé
les articles 47-I, III et IV de la loi du 31 décembre 1991 et 1382 du
Code civil, alors que, d'autre part, la volonté clairement exprimée
du législateur au cours des travaux préparatoires a été
de considérer comme un préjudice certain et immédiatement
indemnisable la survenance du SIDA chez une personne séropositive, que,
par suite, aurait été violé l'article 47 de la loi du 31
décembre 1991, alors qu'enfin il résultait de l'audition du professeur
Montagnier que, compte tenu des données actuelles et prévisibles
de la science pour plusieurs années, 90 % des personnes séropositives
étaient appelées à contracter le SIDA dans un délai
de 12 ans à compter de leur séroconversion ; que la cour d'appel,
au lieu de se fonder exclusivement sur les allégations du Fonds, aurait
dû rechercher s'il ne résultait pas de cette audition qu'elle avait
elle-même ordonnée, mais dont elle n'a pas tenu compte, que le
préjudice lié à la survenance du SIDA chez une personne
déjà séropositive depuis 8 ans et située au stade
IV et dernier de la contamination sur l'échelle du CDC, était
suffisamment certain pour être d'ores et déjà indemnisé,
qu'ainsi elle aurait privé sa décision de base légale au
regard des articles 47-I, III et IV de la loi du 31 décembre 1991 et
1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le préjudice de M. X... comprend
les troubles dans ses conditions d'existence entraînés par la séropositivité
puis, s'il y a lieu, par la survenance du SIDA déclaré, et que
de nombreux essais thérapeutiques en cours visent à retarder,
voire à bloquer, le passage à la maladie ;
Que, de ces seules énonciations, qui relèvent de son pouvoir souverain
d'appréciation, la cour d'appel a pu déduire, justifiant légalement
sa décision, que le préjudice résultant de la survenance
du SIDA n'avait pas un caractère certain et décider que
le paiement de l'indemnisation afférente au SIDA déclaré
serait subordonné à la constatation médicale de la maladie
;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1993 II N° 274 p. 151
Dalloz, 1993-10-21, n° 36, p. 526, note Y. Chartier.
COUR DE CASSATION
- 1ère Chambre civile -
- 9 juillet 1996 -
Rejet.
N° de pourvoi : 94-12868
Publié au bulletin
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X..., victime,
le 4 octobre 1986, d'un accident de la circulation dont M.
Ben Tayeb, assuré auprès de la compagnie Assurances mutuelles
de France, a été reconnu responsable, a subi plusieurs
interventions chirurgicales au cours desquelles des quantités importantes
de concentrés globulaires et de plasma frais congelé lui ont été
transfusées ; qu'un test ayant révélé qu'il était
atteint du virus de l'hépatite C, M. X... a demandé réparation
de ce préjudice à l'auteur de l'accident et à l'assureur
de celui-ci, les Assurances mutuelles de France ; que l'arrêt attaqué
(Paris, 17 septembre 1993), statuant au vu du rapport d'un expert médecin
précédemment commis, a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Ben Tayeb et les Assurances mutuelles de France reprochent à
l'arrêt attaqué d'avoir prononcé cette condamnation alors
que, la réparation d'un préjudice étant subordonnée
à la preuve d'un lien de causalité entre la faute et le dommage,
la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les lots ayant servi à
la transfusion étaient infectés par le virus de l'hépatite
C et ne s'est pas expliquée sur les conclusions du rapport d'expertise
selon lesquelles 43 % des contaminations par ce virus devaient être attribuées
à des causes inconnues, n'était pas autorisée à
retenir que la relation entre l'hépatite C et les transfusions étaient
probables ; qu'elle n'a pas caractérisé, dès lors, le lien
de causalité, privant sa décision de base légale au regard
de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué retient que l'expert a constaté
que le blessé avait reçu un apport très élevé
de concentrés globulaires et de plasma frais congelé, le risque
augmentant avec le nombre d'unités transfusées, et que M. X...
n'avait jamais été transfusé auparavant et ne présentait
ni antécédent d'affection hépatique ni aucun autre facteur
de risque ; que la cour d'appel, appréciant souverainement la force probante
des éléments du rapport de l'expert, a pu en déduire que
la contamination trouvait sa cause directe dans les transfusions nécessitées
par l'accident ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli
;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir réparé
un préjudice hypothétique ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que, selon l'avis de
l'expert, l'hépatite paraissait " paisible " pour l'instant,
mais que l'évolution de cette affection pouvait être sournoise,
M. X... devant se soumettre à une surveillance stricte et régulière,
l'arrêt attaqué retient que l'anxiété résultant
de cette mesure et la nécessité d'une surveillance médicale
devaient être indemnisée par l'allocation d'une somme
de 50 000 francs ; que la cour d'appel, en prononçant cette condamnation
à titre d'indemnisation de la contamination par le virus de l'hépatite
C, a justifié sa décision ; que le moyen ne peut être davantage
accueilli que le précédent ;
PAR CES MOTIFS ; REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1996 I N° 306 p. 214