Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 6 mai 1998
N° de pourvoi: 96-13001
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 décembre 1995), que la société Sacdoc, maître de l'ouvrage, a fait édifier une usine, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Sica Habitat rural, depuis lors en liquidation judiciaire, assurée par la caisse régionale de réassurance mutuelle agricole (CRMA) Groupama Sud ; que la société Davum, assurée par la compagnie La Providence, a été chargée de la fourniture de panneaux ; que des désordres étant apparus, la société Sacdoc a assigné les constructeurs en réparation ;
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1149 du Code civil ;
Attendu que pour évaluer l'indemnité due à la société Sacdoc en raison des dommages subis, l'arrêt retient qu'il y a lieu d'appliquer un coefficient de vétusté ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas replacé le maître de l'ouvrage dans la situation où il se serait trouvé si l'acte dommageable ne s'était pas produit, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que la société Sacdoc dispose d'une créance en deniers ou quittances de 431 635,13 francs, envers les sociétés Davum et Sica Habitat rural sous réserve d'avoir produit à la liquidation de cette société, l'arrêt rendu le 12 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

________________________________________

Publication : Bulletin 1998 III N° 91 p. 62

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 16 juillet 1998
N° de pourvoi: 96-15380
Publié au bulletin Cassation.
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que la société Set Sud a relevé appel d'un jugement par l'intermédiaire de M. X..., avoué, selon déclaration du 21 septembre 1971 ; que cet appel a été déclaré caduc en raison du défaut d'inscription au rôle de ladite déclaration d'appel ; que la société a alors demandé réparation de son dommage à M. X... ;
Attendu que, pour condamner M. X... à payer à cette société la somme de 1 200 000 francs outre le remboursement des honoraires perçus par celui-ci, l'arrêt, après avoir indiqué les raisons qui auraient justifié la réformation du jugement entrepris, énonce que la société avait une chance sérieuse de voir réformer le jugement entrepris, que cette chance avait été définitivement perdue et que le préjudice subi par ladite société devait prendre en compte la condamnation prononcée à son encontre en principal, augmentée des intérêts et frais ainsi que les frais d'avocat et de déplacements qui sont justifiés, outre la restitution des honoraires perçus ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE.
Publication : Bulletin 1998 I N° 260 p. 181


Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 18 septembre 2007
N° de pourvoi: 07-80347
Publié au bulletin Cassation partielle

Vu les articles 1382 du code civil et L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties, et que la mise en cause de l'organisme social, prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, s'impose à peine d'irrecevabilité de la demande en réparation de la partie civile ;

Attendu que, prononçant sur la demande en réparation des préjudices moral et matériel ayant résulté pour Véronique Y... des violences exercées contre elle par son mari Christian X..., l'arrêt attaqué adopte les motifs des premiers juges et confirme la condamnation du prévenu à payer à la victime 1 000 euros au titre du préjudice corporel et la même somme pour l'indemnisation du préjudice moral ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'assurer que l'organisme social avait été mis en cause, et en s'abstenant de vérifier s'il avait contribué à indemniser le préjudice corporel de la victime et s'il bénéficiait d'un recours, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE

Réparation intégrale du D corpo

COUR DE CASSATION
- 1ère Chambre civile -
- 17 février 1993 -
Rejet.
N° de pourvoi : 91-17458
Publié au bulletin
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 18 novembre 1984, M. X..., hémophile, qui était transporté dans le véhicule conduit par Mme Masson, a été grièvement blessé dans un accident de la circulation dont cette conductrice a été déclarée responsable ; qu'hospitalisé le jour même jusqu'au 7 janvier 1985, il a subi plusieurs interventions chirurgicales qui ont nécessité la transfusion d'importantes quantités de dérivés sanguins ; qu'un test de dépistage effectué le 17 juillet 1985 a révélé qu'il était séropositif ; que M. X... a alors demandé à Mme Masson réparation de ses préjudices, dont celui résultant de sa contamination par le virus VIH ; que, au vu du rapport d'un collège d'experts qui avaient reçu pour mission, notamment, de rechercher si M. X... avait contracté le virus VIH lors des transfusions sanguines consécutives à l'accident ou avant celles-ci, l'arrêt attaqué (Dijon, 16 mai 1991) a dit Mme Masson tenue d'indemniser M. X... du préjudice né de la présence du virus VIH et nommé un expert pour évaluer ce préjudice ;
Attendu que Mme Masson fait grief à cette décision d'avoir ainsi statué alors que l'indemnisation d'une victime est subordonnée à l'existence, dûment constatée, d'un lien de causalité entre la faute initiale et le dommage invoqué ; qu'une probabilité médicale ne saurait équivaloir à une certitude ;
qu'en se bornant à élever le pourcentage de probabilités d'une contamination par les transfusions postérieures à l'accident, tel que l'avait retenu, à partir d'une double hypothèse, le collège d'experts, n'ayant pu obtenir ni le carnet d'hémophile de M. X... ni le dossier de son suivi médical, la cour d'appel, qui n'a pu transformer en certitude une probabilité très élevée, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments du rapport d'expertise concernant la disproportion existant entre l'importance des dérivés sanguins transfusés après l'accident par rapport aux produits administrés antérieurement à M. X..., la cour d'appel a pu considérer que la contamination de celui-ci était la conséquence des transfusions massives reçues après l'accident ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi .

Publication : Bulletin 1993 I N° 80 p. 52
Semaine juridique, 1994-03-16, n° 11, p. 101, note A.-Dorsner-Dolivet.

COUR DE CASSATION
- 2ème Chambre civile -
- 20 juillet 1993 -
Rejet.
N° de pourvoi : 92-06001
Publié au bulletin
Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 1992), que M. X..., hémophile contaminé par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) à l'occasion de l'injection de produits sanguins entre novembre 1984 et juin 1985, a présenté une demande d'indemnisation au Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH (le Fonds), créé par l'article 47 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ; que M. X..., n'ayant pas accepté les offres du Fonds, a saisi la cour d'appel de Paris aux fins d'indemnisation ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, après avoir décidé que le Fonds devait verser immédiatement à M. X... l'intégralité de la part d'indemnisation du préjudice spécifique de contamination dérivant de sa séropositivité, jugé, en revanche, que le paiement d'un complément d'indemnisation de ce préjudice afférent au syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) déclaré, était subordonné à la constatation médicale de la maladie, alors que, d'une part, doit être immédiatement indemnisé un préjudice qui, bien que futur, présente un degré de certitude suffisant ; qu'ainsi la cour d'appel n'aurait pu exiger que le préjudice résultant pour une victime déjà séropositive de la survenance du SIDA soit " absolument certain " et aurait violé les articles 47-I, III et IV de la loi du 31 décembre 1991 et 1382 du Code civil, alors que, d'autre part, la volonté clairement exprimée du législateur au cours des travaux préparatoires a été de considérer comme un préjudice certain et immédiatement indemnisable la survenance du SIDA chez une personne séropositive, que, par suite, aurait été violé l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991, alors qu'enfin il résultait de l'audition du professeur Montagnier que, compte tenu des données actuelles et prévisibles de la science pour plusieurs années, 90 % des personnes séropositives étaient appelées à contracter le SIDA dans un délai de 12 ans à compter de leur séroconversion ; que la cour d'appel, au lieu de se fonder exclusivement sur les allégations du Fonds, aurait dû rechercher s'il ne résultait pas de cette audition qu'elle avait elle-même ordonnée, mais dont elle n'a pas tenu compte, que le préjudice lié à la survenance du SIDA chez une personne déjà séropositive depuis 8 ans et située au stade IV et dernier de la contamination sur l'échelle du CDC, était suffisamment certain pour être d'ores et déjà indemnisé, qu'ainsi elle aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 47-I, III et IV de la loi du 31 décembre 1991 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le préjudice de M. X... comprend les troubles dans ses conditions d'existence entraînés par la séropositivité puis, s'il y a lieu, par la survenance du SIDA déclaré, et que de nombreux essais thérapeutiques en cours visent à retarder, voire à bloquer, le passage à la maladie ; Que, de ces seules énonciations, qui relèvent de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a pu déduire, justifiant légalement sa décision, que le préjudice résultant de la survenance du SIDA n'avait pas un caractère certain et décider que le paiement de l'indemnisation afférente au SIDA déclaré serait subordonné à la constatation médicale de la maladie ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 1993 II N° 274 p. 151
Dalloz, 1993-10-21, n° 36, p. 526, note Y. Chartier.

COUR DE CASSATION
- 1ère Chambre civile -
- 9 juillet 1996 -

Rejet.
N° de pourvoi : 94-12868
Publié au bulletin

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X..., victime, le 4 octobre 1986, d'un accident de la circulation dont M. Ben Tayeb, assuré auprès de la compagnie Assurances mutuelles de France, a été reconnu responsable, a subi plusieurs interventions chirurgicales au cours desquelles des quantités importantes de concentrés globulaires et de plasma frais congelé lui ont été transfusées ; qu'un test ayant révélé qu'il était atteint du virus de l'hépatite C, M. X... a demandé réparation de ce préjudice à l'auteur de l'accident et à l'assureur de celui-ci, les Assurances mutuelles de France ; que l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 1993), statuant au vu du rapport d'un expert médecin précédemment commis, a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Ben Tayeb et les Assurances mutuelles de France reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé cette condamnation alors que, la réparation d'un préjudice étant subordonnée à la preuve d'un lien de causalité entre la faute et le dommage, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que les lots ayant servi à la transfusion étaient infectés par le virus de l'hépatite C et ne s'est pas expliquée sur les conclusions du rapport d'expertise selon lesquelles 43 % des contaminations par ce virus devaient être attribuées à des causes inconnues, n'était pas autorisée à retenir que la relation entre l'hépatite C et les transfusions étaient probables ; qu'elle n'a pas caractérisé, dès lors, le lien de causalité, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué retient que l'expert a constaté que le blessé avait reçu un apport très élevé de concentrés globulaires et de plasma frais congelé, le risque augmentant avec le nombre d'unités transfusées, et que M. X... n'avait jamais été transfusé auparavant et ne présentait ni antécédent d'affection hépatique ni aucun autre facteur de risque ; que la cour d'appel, appréciant souverainement la force probante des éléments du rapport de l'expert, a pu en déduire que la contamination trouvait sa cause directe dans les transfusions nécessitées par l'accident ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir réparé un préjudice hypothétique ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que, selon l'avis de l'expert, l'hépatite paraissait " paisible " pour l'instant, mais que l'évolution de cette affection pouvait être sournoise, M. X... devant se soumettre à une surveillance stricte et régulière, l'arrêt attaqué retient que l'anxiété résultant de cette mesure et la nécessité d'une surveillance médicale devaient être indemnisée par l'allocation d'une somme de 50 000 francs ; que la cour d'appel, en prononçant cette condamnation à titre d'indemnisation de la contamination par le virus de l'hépatite C, a justifié sa décision ; que le moyen ne peut être davantage accueilli que le précédent ;
PAR CES MOTIFS ; REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1996 I N° 306 p. 214


Réparation intégrale du dommage de nature économique

Abandon de la réparation de la perte du profit espéré

Rupture abusive des pourparlers

COUR DE CASSATION
- Chambre Commerciale -
- 26 novembre 2003 -
Rejet.
N° de pourvoi : 00-10243 N° de pourvoi : 00-10949
Publié au bulletin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 1999), que la société Alain Manoukian a engagé avec les consorts X... et Y... (les consorts X...),, actionnaires de la société Stuck, des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de cette société ; que les pourparlers entrepris au printemps de l'année 1997 ont, à l'issue de plusieurs rencontres et de divers échanges de courriers, conduit à l'établissement, le 24 septembre 1997, d'un projet d'accord stipulant notamment plusieurs conditions suspensives qui devaient être réalisées avant le 10 octobre de la même année, date ultérieurement reportée au 31 octobre ; qu'après de nouvelles discussions, la société Alain Manoukian a, le 16 octobre 1997, accepté les demandes de modification formulées par les cédants et proposé de reporter la date limite de réalisation des conditions au 15 novembre 1997 ; que les consorts X... n'ayant formulé aucune observation, un nouveau projet de cession leur a été adressé le 13 novembre 1997 ; que le 24 novembre, la société Alain Manoukian a appris que les consorts X... avaient, le 10 novembre, consenti à la société Les complices une promesse de cession des actions de la société Stuck ; que la société Alain Manoukian a demandé que les consorts X... et la société Les complices soient condamnés à réparer le préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers ;

Sur le moyen unique du pourvoi formé par les consorts X..., pris en ses deux branches :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la société Alain Manoukian la somme de 400 000 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1 / que la liberté contractuelle implique celle de rompre les pourparlers, liberté qui n'est limitée que par l'abus du droit de rompre qui est une faute caractérisée par le fait de tromper la confiance du partenaire ; que la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément à la charge du cédant de nature à caractériser un tel comportement, contraire à la bonne foi contractuelle, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2 / que celui qui prend l'initiative de pourparlers en établissant une proposition d'achat de la totalité des actions d'une société, soumise à plusieurs conditions suspensives affectées d'un délai de réalisation, et qui ne manifeste aucune diligence pour la réalisation de ces conditions, ne saurait imputer à faute la rupture par son partenaire des pourparlers, après l'expiration de ce délai, de sorte que la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé, d'un côté, que les parties étaient parvenues à un projet d'accord aplanissant la plupart des difficultés et que la société Alain Manoukian était en droit de penser que les consorts X... étaient toujours disposés à lui céder leurs actions et, d'un autre côté, que les actionnaires de la société Stuck avaient, à la même époque, conduit des négociations parallèles avec la société Les complices et conclu avec cette dernière un accord dont ils n'avaient informé la société Alain Manoukian que quatorze jours après la signature de celui-ci, tout en continuant à lui laisser croire que seule l'absence de l'expert-comptable de la société retardait la signature du protocole, la cour d'appel a retenu que les consorts X... avaient ainsi rompu unilatéralement et avec mauvaise foi des pourparlers qu'ils n'avaient jamais paru abandonner et que la société Alain Manoukian poursuivait normalement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant relevé, par un motif non critiqué, que les parties avaient, d'un commun accord, prorogé la date de réalisation des conditions suspensives, le moyen pris de la circonstance que la rupture des pourparlers aurait été postérieure à cette date est inopérant ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Alain Manoukian :
Attendu que la société Alain Manoukian fait grief à l'arrêt d'avoir limité à 400 000 francs la condamnation à dommages-intérêts prononcée à l'encontre des consorts X... alors, selon le moyen, que celui qui rompt brutalement des pourparlers relatifs à la cession des actions d'une société exploitant un fonds de commerce doit indemniser la victime de cette rupture de la perte de la chance qu'avait cette dernière d'obtenir les gains espérés tirés de l'exploitation dudit fonds de commerce en cas de conclusion du contrat ; qu'il importe peu que les parties ne soient parvenues à aucun accord ferme et définitif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les consorts X... avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société Alain Manoukian en rompant unilatéralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers qui avaient eu lieu entre eux au sujet de la cession des actions de la société Stuck exploitant un fonds de commerce dans le centre commercial Belle Epine ; qu'en estimant néanmoins que le préjudice subi par la société Alain Manoukian ne pouvait correspondre, du seul fait de l'absence d'accord ferme et définitif, à la perte de la chance qu'avait cette société d'obtenir les gains qu'elle pouvait espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce et en limitant la réparation du préjudice subi par la société Alain Manoukian aux frais occasionnés par la négociation et aux études préalables qu'elle avait engagées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ;
Attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice subi par la société Alain Manoukian n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que la société Alain Manoukian fait encore grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Les Complices alors, selon le moyen, que le seul fait pour l'acquéreur de garantir par avance le vendeur de toute indemnité en cas de rupture des pourparlers auxquels ce dernier aurait pu se livrer avec un tiers antérieurement constitue une faute dont l'acquéreur doit réparation envers la victime de la rupture des pourparlers dès lors qu'une telle garantie constitue pour le vendeur, et pour le profit de l'acquéreur, une incitation à rompre brutalement des pourparlers, fussent-ils sur le point d'aboutir, sans risque pour lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la convention de cession liant les consorts X... à la société Les complices, celle-ci s'était engagée à garantir les vendeurs de toute indemnité que ceux-ci seraient éventuellement amenés à verser à un tiers pour rupture abusive des pourparlers ; qu'en considérant néanmoins que la société Les complices, dont les juges du fond ont constaté qu'elle avait profité des manoeuvres déloyales commises par les consorts X... à l'encontre de la société Alain Manoukian, n'avait commis aucune faute envers la société Alain Manoukian, victime de la rupture brutale des pourparlers qu'elle avait engagés avec les consorts X..., peu important qu'il n'ait pas été démontré que la société Les complices avait eu connaissance de l'état d'avancement de ces pourparlers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manoeuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ; Attendu qu'ayant relevé que la clause de garantie insérée dans la promesse de cession ne suffisait pas à établir que la société Les Complices avait usé de procédés déloyaux pour obtenir la cession des actions composant le capital de la société Stuck, ni même qu'elle avait une connaissance exacte de l'état d'avancement des négociations poursuivies entre la société Alain Manoukian et les cédants et du manque de loyauté de ceux-ci à l'égard de celle-là, la cour d'appel a exactement décidé que cette société n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Alain Manoukian, peu important qu'elle ait en définitive profité des manoeuvres déloyales des consorts X... ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois ;
Publication : Bulletin 2003 IV N° 186 p. 206
Revue trimestrielle de droit civil, janvier-mars 2004, n° 1, p. 80-86, note Jacques MESTRE et Bertrand FAGES


COUR DE CASSATION
- Chambre Commerciale -
- 13 novembre 2003 -
Cassation partielle
N° de pourvoi : 01-00376
Inédit
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 14 novembre 1997, M. X..., président du conseil d'administration de la société Etablissements X... et compagnie (la société X...), a cédé la quasi-totalité des actions composant le capital de cette société à la société Compagnie agricole de la Crau (la société La Crau) à l'égard de laquelle il a contracté le même jour une obligation de garantie de passif cautionnée par la société Crédit du Nord ; que le 29 janvier 1998, le conseil d'administration de la société X... a révoqué M. X... de ses fonctions de président ; que M. X..., invoquant le caractère abusif de sa révocation, a demandé que les sociétés X... et La Crau soient condamnées à lui payer des dommages-intérêts ; que la société La Crau a demandé que M. X... et la société Crédit du Nord soient condamnés à lui payer diverses sommes au titre de la garantie de passif et du remboursement de dépenses personnelles ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que les sociétés X... et La Crau font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes alors, selon le moyen :
1 / que les juges ne peuvent dénaturer les clauses claires et précises d'un contrat ; qu'en l'espèce, il résulte de l'article 1-4 du contrat de garantie du 14 novembre 1997 consacré aux états financiers que M. X... a garanti que "Les provisions figurant auxdits états financiers sont suffisantes pour couvrir les charges et les risques auxquels les sociétés sont exposées en ce compris notamment tous les engagements vis-à-vis de ses clients, fournisseurs, prestataires de services, salariés" ; qu'aux termes de l'article 2-1 du même contrat M. X... s'est engagé à indemniser les sociétés de tous les dommages, préjudices, pertes et responsabilités résultant de tout fait, événement ou circonstance ayant sa cause ou son origine à une date antérieure à la date des cessions et qui se révélerait ne pas être en conformité avec les déclarations et garanties énoncées au contrat ; qu'il s'est avéré que les provisions figurant auxdits états financiers relatives aux commissions à payer aux VRP sur les encaissements de septembre 1997 et les créances clients en attente ont révélé une insuffisance de 493 759 francs, suite notamment à l'application d'un taux de charge erroné ; que le préjudice de 493 759 francs avait bien sa cause dans un fait ou événement antérieur aux cessions, soit dans l'insuffisance de provision dans les états financiers ; qu'en affirmant néanmoins que la rémunération des VRP, leurs commissions en attente et non provisionnées, le chiffrage erroné des charges sociales n'entraient nullement dans le champ d'application des critères retenus par les parties pour faire jouer la garantie, la cour d'appel a manifestement dénaturé ledit contrat de garantie, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2 / que les juges ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis d'un contrat ; qu'en l'espèce, il résulte de l'article 1-3 du contrat de garantie du 14 novembre 1997 intitulé "Respect des lois et obligations" que les Etablissements X... et compagnie ont régulièrement accompli toutes les formalités légales ou réglementaires obligatoires et plus généralement sont en conformité avec toutes les lois, règlements et obligations quelconques qui leur sont applicables ; qu'aux termes de l'article 2-1 du même contrat, M. X... s'est engagé à indemniser les sociétés de tous les dommages, préjudices, pertes et responsabilités résultant de tout fait, événement ou circonstance ayant sa cause ou son origine à une date antérieure à la date des cessions et qui se révélerait ne pas être en conformité avec les déclarations et garanties énoncées au présent contrat ; qu'ainsi M. X... s'est-il engagé à rembourser le préjudice résultant de toute violation de la loi, antérieure aux cessions ;
qu'il s'est avéré que jusqu'en septembre 1997 la société Etablissements X... a payé les dépenses personnelles de l'un de ses dirigeants pour une somme totale de 67 105 francs, en violation manifeste de la loi ; qu'en affirmant néanmoins que les dépenses personnelles du dirigeant ne rentraient nullement dans le champ d'application des critères retenus par les parties pour faire jouer la garantie et qu'il n'avait jamais été prévu que M. X... puisse avoir à rembourser des dépenses qui lui auraient été personnelles, quand le paiement par la société de dépenses personnelles de ses dirigeants constitue une violation manifeste de la loi, la cour d'appel a dénaturé l'article 1134 du Code civil ;
3 / que les juges sont tenus de répondre aux moyens invoqués par les parties et d'examiner tous les documents produits à leur soutien ; qu'en l'espèce, les sociétés soutenaient que toutes les sommes réclamées étaient certaines et d'ailleurs certifiées par le commissaire aux comptes et l'expert-comptable ; qu'elles produisaient les attestations du cabinet Mazars et Guerard Turquin ainsi que du cabinet d'expertise comptable Union fiduciaire ; qu'en affirmant néanmoins que les sommes réclamées par les société étaient incertaines et non certifiées par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes, sans nullement examiner les pièces produites par lesdites sociétés, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation de la convention de garantie, que les sommes réclamées n'entraient pas dans le domaine de l'obligation du cédant, la cour d'appel n'était pas tenue de se prononcer sur les pièces attestant de l'exactitude de ces sommes ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches :
Attendu que les sociétés X... et La Crau font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer à M. X... la somme de 1 000 000 francs à titre de dommages-intérêts pour révocation abusive de sa fonction de président du conseil d'administration alors, selon le moyen :
1 / que la révocation du président de conseil d'administration peut intervenir à tout moment, sans préavis, ni précision de motifs et ne peut donner lieu à des dommages-intérêts que si elle revêt un caractère abusif eu égard aux circonstances dans lesquelles elle est intervenue ;
que les juges ne peuvent examiner que les circonstances dans lesquelles sa révocation est intervenue pour vérifier si elles ont porté atteinte à l'honneur de celui-ci ou si elle a été décidée sans respecter le principe de la contradiction ; que pour considérer la révocation de M. X... abusive, la cour d'appel a relevé que la révocation était intervenue quatre mois seulement après le projet de cession, qu'il était compréhensible que M. X... ait mal supporté la limitation de ses pouvoirs et que la société ne pouvait invoquer le désintéressement de M. X... de ses fonctions dès lors qu'elle reconnaissait qu'il avait formé le directeur général adjoint ; qu'en se déterminant ainsi par une appréciation des griefs faits par la société au président, et non par les circonstances propres aux conditions de la révocation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l'article L. 225-47 du Code de commerce ;
2 / que les circonstances de la révocation du président, laquelle peut intervenir à tout moment, ne peuvent être considérées comme brutales que si le principe de la contradiction n'a pas été respecté ; qu'en l'espèce, la société établissait que la révocation de M. X... n'était nullement intervenue dans des circonstances brutales, dès lors que c'était à l'initiative de M. X... lui-même que l'assemblée générale (le conseil d'administration) du 29 janvier 1998 avait été convoquée et qu'il y était assisté de son conseil ; qu'en affirmant néanmoins que ces deux éléments étaient sans incidence sur le caractère abusif ou non de la révocation, quand ils établissaient au contraire le respect manifeste du principe de la contradiction et partant l'absence de brutalité de la révocation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l'article L. 225-47 du Code de commerce ;
3 / que les juges sont tenus de motiver leur décision et de préciser les éléments sur lesquels ils la fondent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est pourtant contentée d'affirmer "qu'il était suffisamment établi que La Crau a dépêché sur place un certain M. Y..., époux de la secrétaire générale du groupe, pour dénigrer le président auprès des salariés" ; qu'en statuant ainsi sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour l'établir, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / que les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, il résultait d'attestations versées aux débats par M. X..., de MM. Z..., A... et B... que M. Y..., mari de la secrétaire générale du groupe, serait intervenu début janvier 1998 dans l'entreprise en informant les salariés qu'il "fallait oublier M. X... et que le nouveau patron c'était lui" ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait de ces attestations que la société La Crau avait dépêché M. Y... pour dénigrer le président auprès des salariés, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par une décision motivée exempte de dénaturation, que la société La Crau avait dépêché sur place M. Y..., époux de la secrétaire générale du groupe, pour dénigrer le président auprès des salariés, ce dont il résultait que la révocation de celui-ci avait été accompagnée de circonstances portant atteinte à sa réputation, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches du moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur les cinquième et sixième branches du moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 225-47 du Code de commerce ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que seul peut être réparé le préjudice trouvant sa cause dans le fait qui donne lieu à responsabilité ;
Attendu que pour confirmer le jugement ayant condamné les sociétés X... et La Crau à payer à M. X... la somme de 1 000 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir relevé que ce dernier ne peut évaluer son préjudice à 6 000 000 francs en excipant essentiellement d'une perte de revenus et qu'il ne peut prétendre qu'il serait resté président pendant dix ans, retient que la perte d ' une chance a été justement appréciée par les premiers juges ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice constitué par la perte d ' une chance de conserver les fonctions est sans lien avec les fautes commises lors de la révocation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Etablissements X... et compagnie et la société Compagnie agricole de la Crau à payer à M. X... 1 000 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 20 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Principe de réparation intégrale et libre utilisation des indemnisations par la victime


Cour de Cassation
Chambre civile 2

Audience publique du 8 juillet 2004 Cassation partielle sans renvoi
N° de pourvoi : 02-20199
Publié au bulletin
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 23 mai 1991, Mme X... qui circulait au volant de son véhicule automobile a été heurtée par un autre véhicule venant en sens contraire, dont le conducteur avait perdu le contrôle ; que Mme X... a fait assigner celui-ci, son assureur, l'agent judiciaire du Trésor et la CPAM du Calvados en réparation de son préjudice né de cet accident ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir fixé par confirmation du jugement déféré, à la somme de 98 433,85 euros l'indemnité due pour tierce personne pour la période ayant couru du 1er février 1992 au 30 avril 1997, alors, selon le moyen, que le montant d'une indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance par un membre de la famille ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour fixer le préjudice de la victime au titre de l'assistance tierce personne pendant cette période, a pris en compte très précisément le montant des sommes qu'elle a dû exposer qui représentent la totalité des salaires et charges sociales, congés payés et frais de gestion qu'elle a versés durant cette période à deux salariés et à l'association garde à domicile ; qu'en statuant ainsi, bien que l'époux de Mme X... ait pendant cette période servi principalement de tierce personne, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil" ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme X... ait soutenu devant la cour d'appel qu'elle avait bénéficié de l'assistance de son mari et que celle-ci devait être prise en compte dans le calcul de l'indemnité au titre de l'assistance d'une tierce personne ; que le moyen est donc nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;
Mais sur les troisième et quatrième moyens :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt subordonne le paiement par la compagnie Axa assurances IARD des condamnations au titre des frais d'aménagement du logement et des frais d'aménagement d'un véhicule à la fourniture de factures acquittées ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le principe de la réparation intégrale n'implique pas de contrôle sur l'utilisation des fonds alloués à la victime qui conserve leur libre utilisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a subordonné le paiement par la compagnie Axa assurances IARD des condamnations au titre des frais d'aménagement du logement et d'un véhicule à la fourniture de factures acquittées, l'arrêt rendu le 3 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;


Pas d’obligation de minimiser son propre dommage

2ème Chambre civile -
- 19 juin 2003 Cassation
N° de pourvoi : 00-22302
Publié au bulletin
Sur les deux premières branches du premier moyen et la première branche du second moyen : Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu que l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., qui exploitait un fonds de boulangerie, et sa fille ont été blessées le 12 septembre 1984 dans un accident de la circulation dont M. Y... a été reconnu responsable ; que Mme et Mlle X... ont assigné ce dernier en réparation de leurs préjudices ; Attendu que pour rejeter la demande de Mme X... en indemnisation de son préjudice résultant de la perte de son fonds de commerce et celle de Mlle X... relative à la perte de chance d'avoir pu reprendre un fonds de commerce prospère, l'arrêt retient que si Mme X... affirme que son fonds de commerce, resté inexploité jusqu'en mars 1990, avait perdu toute valeur puisque la clientèle avait disparu et le matériel était devenu obsolète, elle avait la possibilité de faire exploiter le fonds par un tiers et que si elle a choisi de le laisser péricliter, elle ne saurait en imputer la responsabilité à l'auteur de l'accident ; que la perte de valeur du fonds n'étant pas une conséquence de l'accident, Mlle X... ne pouvait en demander réparation à l'auteur de l'accident ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des constatations de l'arrêt que Mme X... avait subi, du fait de l'accident, pendant de nombreux mois une incapacité temporaire totale et partielle de travail, puis qu'elle avait conservé une incapacité permanente partielle l'empêchant de reprendre son activité de boulangerie, ce dont il résultait l'existence d'un lien de causalité directe entre l'accident et le préjudice allégué, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Que le rejet de la demande de Mlle X... relative à la réparation de la perte de chance alléguée doit être annulée par voie de conséquence ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE,
Publication : Bulletin 2003 II N° 203 p. 171
Revue trimestrielle de droit civil, octobre-décembre 2003, n° 4, p. 716-720, note Patrice JOURDAIN.
Defrénois, 2003-12-15, n° 23, jurisprudence, article 37845, p. 1574-1577, note Jean-Luc AUBERT.
La semaine juridique, Ed. G, n° 1-2, 2004-01-07, chronique, I, 101, p. 18-20, observations Geneviève VINEY

N° de pourvoi : 01-13289
Publié au bulletin
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu que l'auteur d'un accident est tenu d'en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a assigné M. Y... et son assureur, la MACIF, en indemnisation de l'aggravation de son préjudice corporel consécutif à un accident de la circulation survenu en 1988 ; Attendu que pour réduire le montant de l'indemnisation de l'aggravation de l'incapacité permanente partielle, l'arrêt retient que pour les troubles psychiques retenus par l'expert, Mme X... a été invitée par son neurologue en 1995, puis par son neuropsychologue en 1998, à pratiquer une rééducation orthophonique et psychologique, ce qu'elle n'a pas fait ; que ce refus de se soigner est fautif et que cette faute concourt pour partie à la persistance de troubles psychiques ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... n'avait pas l'obligation de se soumettre aux actes médicaux préconisés par ses médecins, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE,

Publication : Bulletin 2003 II N° 203 p. 171
Revue trimestrielle de droit civil, octobre-décembre 2003, n° 4, p. 716-720, note Patrice JOURDAIN.
Defrénois, 2003-12-15, n° 23, jurisprudence, article 37845, p. 1574-1577, note Jean-Luc AUBERT.
La semaine juridique, Ed. G, n° 1-2, 2004-01-07, chronique, I, 101, p. 18-20, observations Geneviève VINEY

Cour de Cassation
Chambre civile 2
Audience publique du 19 mars 1997 Rejet.

N° de pourvoi : 93-10914
Publié au bulletin
Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 24 novembre 1992), que M. X..., qui conduisait son camion, a été grièvement blessé dans une collision avec un autre camion appartenant à la société des Transports Laronze-Auvergne, assuré par la compagnie Mutuelle du Mans assurances IARD ; que M. X... leur a demandé la réparation de son préjudice ; que la compagnie La Mondiale et La Mondiale accidents sont intervenues aux fins de condamnation de la compagnie La Mutuelle du Mans Assurances IARD ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné cette compagnie et la société Laronze-Auvergne à verser diverses sommes à M. X..., alors, selon le moyen, que, d'une part, le choix des juges du fond entre l'allocation à la victime d'une rente ou d'un capital doit être motivé ; que le responsable ou son assureur qui se dessaisit d'un capital au montant élevé n'a aucun moyen, en cas d'amélioration de l'état de la victime, de remettre en cause ce qui a été définitivement jugé ; qu'en accordant à M. X... le bénéfice d'un capital au seul motif erroné qu'en cas d'amélioration avérée il appartiendra aux Transports Laronze-Auvergne et à leur assureur d'en tirer toutes conséquences de droit, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; que, d'autre part, le responsable d'un dommage n'a pas à supporter les conséquences financières du refus de la victime, de subir une intervention qui pourrait améliorer son état ; que, en condamnant les Transports Laronze-Auvergne et leur assureur à payer à M. X... un capital ne tenant pas compte d'une amélioration qui devait normalement se produire par la pose d'une prothèse, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et violé l'article 1382 du Code civil ; et qu'enfin la compagnie Mutuelle du Mans assurances IARD et la société des Transports Laronze-Auvergne faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que le refus de M. X... de subir l'intervention chirurgicale destinée à la pose d'une prothèse devait en tout cas avoir pour effet de mettre à sa charge exclusive le coût de l'intervention si elle venait à être ultérieurement décidée et de lui interdire toute demande d'aggravation due à ce refus ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 16-3 du Code civil que nul ne peut être contraint hors les cas prévues par la loi, de subir une intervention chirurgicale ;

Qu'ayant exactement énoncé que M. X... n'avait pas l'obligation de se soumettre à l'intervention destinée à la pose d'une prothèse demandée par la société des Transports Laronze-Auvergne et leur assureur la cour d'appel, répondant aux conclusions et retenant que M. X... avait subi un préjudice dont le principe n'était pas contesté, a souverainement décidé qu'il y avait lieu de lui allouer un capital ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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Publication : Bulletin 1997 II N° 86 p. 48