Cour de Cassation
Chambre civile 2
Audience publique du 1 avril 1999 Rejet.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 mai 1997), que
Mme Boudeau a été contrôlée par le service de surveillance
du magasin libre-service exploité par la société Aubray-Dis
(la société) après un passage à une caisse, la sonnerie
d'alarme ayant été déclenchée par la présence
dans son manteau d'un objet qu'elle n'avait pas fait facturer ; qu'alléguant
avoir alors subi une fouille en public et s'être vue exiger la remise d'une
pièce d'identité, elle a assigné la société
en responsabilité et indemnisation de son préjudice ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande,
alors, selon le moyen, d'une part, que, si les agents de surveillance des grands
magasins et supermarchés ne sauraient s'arroger le droit de fouiller les
clients ou de contrôler leur identité, ils peuvent inviter ces derniers
à présenter volontairement le contenu de leurs sacs personnels,
ou une pièce justifiant de leur identité ; qu'en l'espèce
il résulte des conclusions de Mme Boudeau elle-même que celle-ci
s'est " bien volontiers prêtée " aux opérations
de vérification effectuées par l'agent de sécurité
à la suite du déclenchement du dispositif antivol ; qu'en concluant
néanmoins à l'existence d'une fouille et d'un contrôle d'identité
illégitimes, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil
; d'autre part, qu'en imputant à la société Aubray-Dis une
faute résultant d'une méconnaissance de l'article 73 du Code de
procédure pénale, sans constater que Mme Boudeau avait été
arrêtée et retenue contre son gré dans les locaux de la société
Aubray-Dis, ce que contestait la société Aubray-Dis qui soutenait
avoir tenté de régler le litige à l'amiable, la cour d'appel
n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article
1382 du Code civil ; en outre, que, le premier juge a exclu toute voie de fait
au moment des contrôles, et toute rétention abusive, aux motifs que
Mme Boudeau avait consenti à ces opérations de vérification
et qu'il convenait, avant de faire appel aux services de police, d'essayer de
régler le litige à l'amiable ; qu'en s'abstenant de s'expliquer
sur ces motifs déterminants du jugement dont la société Aubray-Dis
demandait confirmation, la cour d'appel a privé sa décision de toute
base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; enfin, que la cour
d'appel aurait dû rechercher, ainsi qu'elle y était invitée,
si la victime n'avait pas été, par son comportement fautif, au moins
pour partie à l'origine de son propre préjudice ; qu'en effet, alors
qu'à l'occasion de son passage en caisse un objet sorti de son emballage
plastique avait été découvert dans la capuche de son manteau,
Mme Boudeau avait fait constamment preuve d'un comportement agressif en prenant
à partie la caissière, l'agent de sécurité et le directeur
du supermarché ; qu'en ne recherchant pas si un tel comportement n'était
pas à l'origine, au moins pour partie, du prétendu déficit
de considération et de l'atteinte à la dignité, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société a laissé
procéder, en la présence publique de ses clients, à la fouille
du contenu du sac, des poches et des vêtements de Mme Boudeau, a exigé
d'elle la remise d'une pièce attestant de son identité et a tardé
à aviser les services de police, méconnaissant ainsi les dispositions
de l'article 73 du Code de procédure pénale ;
Que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, justifiant
légalement sa décision, a pu déduire que la société
avait engagé sa responsabilité ;
Et attendu que, la société n'ayant pas soutenu que Mme Boudeau avait
elle-même commis une faute en rapport avec son dommage, le grief, pris en
sa quatrième branche, est nouveau et mélangé de fait et de
droit ;
D'où il suit que le moyen, en partie irrecevable, est mal fondé
pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1999 II N° 66 p. 48
Dalloz, 1999-07-08, n° 26, p. 387, note D. MAYER.