Cour de cassation
Chambre civile 2
Audience publique du 7 février 1990 Rejet
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Basse-Terre, 26 septembre
1988), que, s'apprêtant à ouvrir un pot de peinture acheté
par elle à la société Reynoir (la société),
Mme de Teyrac fut victime d'une projection du couvercle et de la peinture ; que,
blessée, elle demanda la réparation de son préjudice à
la société ; que celle-ci mit en cause la Société
parisienne d'achat en commun et la société Vitex-Saidex, fabricant
des pots de peinture ; que celle-ci assigna à son tour la société
SFPRV qui avait mis au point la formule de fabrication de la peinture ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré
la société seule responsable de l'accident subi par la victime alors
que, d'une part, en ne s'expliquant pas sur la date des explosions des pots de
peinture dans le magasin de la société et sur la question de savoir
si la société avait eu connaissance, avant la vente du pot de peinture
à la victime, de l'explosion d'un pot acquis par un autre client, la cour
d'appel n'aurait pas motivé sa décision, empêchant ainsi la
Cour de Cassation de contrôler l'existence et la qualification de la faute
découlant de l'omission de retirer de la vente un produit dangereux, alors
que, d'autre part, la responsabilité d'une explosion d'un pot de peinture
incombant au fabricant, gardien de sa structure, la cour d'appel n'aurait pas
répondu aux conclusions soutenant que la société n'était
pas gardienne de la structure du pot de peinture et aurait violé l'article
1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'apprécier
la valeur et la portée des preuves qui lui étaient soumises que
la cour d'appel, motivant sa décision, a estimé que plusieurs
boîtes identiques entreposées dans les réserves de la société
avaient explosé, qu'en janvier 1978 un client de la société
avait été victime d'un accident survenu dans les mêmes circonstances
et que le 4 février 1978, date de l'acquisition du pot de peinture par
Mme de Tayrac, la société avait eu connaissance, peu de
temps auparavant, du caractère dangereux et du vice affectant les pots
de peinture offerts à la vente ;
Que, de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire qu'en ne
retirant pas de la vente ces produits dangereux, la société avait
commis une faute ;
Et attendu que, condamnée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
la société n'avait pas de recours contre le fabricant en sa qualité
de gardien ;
Que la cour d'appel n'était donc pas tenue de répondre à
des conclusions inopérantes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi