Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 22 octobre 1996, bulletin n° 261), qu'à deux reprises, la société Banchereau a confié à la Société française de messagerie internationale (SFMI), un pli destiné à l'office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'agriculture en vue d'une soumission à une adjudication de viande ; que ces plis n'ayant pas été remis au destinataire le lendemain de leur envoi, avant midi, ainsi que la SFMI s'y était engagée, la société Banchereau n'a pu participer aux adjudications ;
qu'elle a assigné la SFMI en réparation de son préjudice ; que celle-ci a invoqué la clause du contrat limitant l'indemnisation du retard au prix du transport dont elle s'était acquittée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Chronopost qui vient aux droits de la SFMI, reproche à l'arrêt d'avoir dit que son engagement s'analyse en une obligation de résultat, alors, selon le moyen, que si les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour interpréter la convention des parties en présence de plusieurs stipulations qu'il y a lieu de rapprocher, c'est à la condition de prendre en considération toutes ces stipulations ;
qu'en faisant purement et simplement abstraction de la clause des conditions générales de la société Chronopost précisant que cette société s'engage à déployer tous ses efforts pour livrer ses clients dans les délais, dont la société Chronopost faisait valoir qu'elle était caractéristique d'une simple obligation de moyens, la cour d'appel a dénaturé par omission les stipulations contractuelles en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui s'est bornée à appliquer la doctrine de la Cour de Cassation, n'a pas encouru le grief du moyen ; que celui-ci est irrecevable ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1150 du Code civil, l'article 8, paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et les articles 1er et 15 du contrat type messagerie, établi par décret du 4 mai 1988, applicable en la cause ;
Attendu que pour déclarer inapplicable le contrat type messagerie, l'arrêt retient que le contrat comporte une obligation particulière de garantie de délai et de fiabilité qui rend inapplicable les dispositions du droit commun du transport ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir décidé que la clause limitative de responsabilité du contrat pour retard à la livraison était réputée non écrite, ce qui entraînait l'application du plafond légal d'indemnisation que seule une faute lourde du transporteur pouvait tenir en échec, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du deuxième moyen et sur le troisième moyen : CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2002 IV N° 121 p. 129
Vous êtes toujours concentrés, on continue :
Voici ce que dit la Cour de cass. :
Vu l'article 1150 du Code civil,
l'article 8, paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982
et les articles 1er et 15 du contrat type messagerie, établi par décret
du 4 mai 1988, applicable en la cause ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir
décidé que la clause limitative de responsabilité du contrat
pour retard à la livraison était réputée non écrite,
ce qui entraînait l'application du plafond légal d'indemnisation
que seule une faute lourde du transporteur pouvait tenir en échec, la
cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Décomposons :
Vu l'article 1150 du Code civil,
l'article 8, paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982
et les articles 1er et 15 du contrat type messagerie, établi par décret
du 4 mai 1988, applicable en la cause ;
Vous notez tout d'abord le visa, 1150,
sur la responsabilité contractuelle qui est limitée aux préjudices
prévisibles (genre : un transporteur indemnisera le contenu normal d'une
valise, c'est prévisible, pas une valise contenant 3 kg de diamants,
ce n'est pas prévisible).
En principe, vous ignorez complètement le contenu des autres textes,
on y reviendra.
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir décidé que la clause limitative de responsabilité du contrat pour retard à la livraison était réputée non écrite,
La Cour de Cassation relève tout d'abord que la
clause limitative de responsabilité n'est pas applicable.
Rien de nouveau ici : depuis 1996, on sait que cette clause est non écrite
puisqu'elle vide le contrat de son contenu.
ce qui entraînait l'application du plafond légal d'indemnisation que seule une faute lourde du transporteur pouvait tenir en échec, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Alors soit : la clause limitative prévue au contrat
est écartée. Mais par ailleurs, apprenez, mes petites, que dans
le droit du transport, les lois ou réglements prévoient des limites
d'indemnisation : tant par kilo de marchandise.
C'est cela qui est évoqué avec le "plafond légal d'indemnisation".
Et vous devinez, dès lors, de quoi parlent de "l'article
8, paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et les
articles 1er et 15 du contrat type messagerie, établi par décret
du 4 mai 1988". Ce sont justement ces plafonds fixés par
la loi.
Plafonds qui, en fait, précisent l'art. 1150, (seul
le dommage prévisible peut-être indemnisé) dans le domaine
du transport ici considéré.
Or, 1150, et donc les plafonds légaux peuvent être écartés
en cas de faute lourde ; citons 1150 : "le débiteur n'est tenu que
des D et I qui ont été prévus, lorsque ce n'est point par
son dol que l'obligation n'est point exécutée".
Dol = faute lourde. D'accord ?
Donc, bilan :
la clause limitative est écartée puisqu'elle vide le ct de son
contenu ;
Chronopost doit indemniser, mais au maximum selon les plafonds ;
les plafonds ont été écartés par la CA ;
Encore eut-il fallu prouver une faute lourde...
C'est clair ?
Il nous reste encore un arrêt Chronopost.