Cour de Cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 3 décembre 2003 Rejet.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 mai 2002), que la société
Precom, preneuse à bail depuis le 1er janvier 1986 de locaux à
usage commercial appartenant à la société civile immobilière
(SCI) Place Saint-Jean, a restitué les lieux loués le 31 décembre
1997 ; que par acte du 6 janvier 2000, la SCI Place Saint-Jean l'a assignée
en paiement d'une certaine somme en réparation de son préjudice
résultant du manquement du preneur à son obligation de restituer
les lieux dans un état d'entretien permettant une relocation immédiate
et aisée ;
Attendu que la SCI Place Saint-Jean fait grief à l'arrêt de la
débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que "l'indemnisation
du bailleur en raison de l'inexécution par le preneur des réparations
locatives prévues par le bail n'est subordonnée ni à l'exécution
des réparations ni même à la justification d'un préjudice
; que, dès lors, en refusant de faire droit à la demande d'indemnisation
présentée par la SCI Place St-Jean du fait de la restitution des
lieux par le preneur dans un état lamentable, au prétexte que
cette société, qui ne produisait qu'un devis estimatif, ne prétendait
ni avoir réalisé des travaux ni avoir dû consentir un nouveau
bail à des conditions défavorables et que la preuve d'un préjudice
ne serait donc pas rapportée, circonstances qui n'étaient pourtant
pas de nature à priver la bailleresse de son droit à indemnisation
des conséquences du manquement de son locataire à son obligation
d'entretien, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1732 du Code
civil
Mais attendu que des dommages-intérêts ne peuvent être
alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu'il
est résulté un préjudice de la faute contractuelle
; que la cour d'appel, ayant relevé que la SCI Place Saint-Jean avait
donné à bail les locaux à une société Pat
Nat Coiffure en les déspécialisant et que l'installation dans
les locaux d'un salon de coiffure avait nécessité un réaménagement
spécifique complet par le nouveau preneur, que le bailleur ne prétendait
ni avoir réalisé des travaux ou contribué à l'aménagement
du nouveau preneur ni dû consentir un bail à des conditions plus
défavorables que si l'état des lieux avait été différent,
en a exactement déduit que sa demande de dommages-intérêts
devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2003 III N° 221 p. 196
Revue trimestrielle de droit civil, n° 2, avril-juin 2004, p. 295-296, note
Patrice JOURDAIN. Répertoire du notariat Defrénois, 2004-10-15,
n° 19, article 38026, p. 1332-1335, observations Laurent RUET
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 20 avril 2005
N° de pourvoi: 03-18390
Publié au bulletin Cassation partielle.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 juin 2003), que, par
acte du 19 juin 1995, les consorts X..., aux droits desquels est venue Mme Y...,
ont donné à bail en renouvellement aux époux Z... des locaux
à usage commercial de boucherie et d'habitation ; que, reprochant à
leur bailleresse de ne pas leur assurer une jouissance paisible des lieux loués
et de manquer gravement à ses obligations contractuelles, les époux
Z... l'ont assignée pour obtenir la "résolution" judiciaire
du bail, se voir autoriser à délaisser les lieux et obtenir une
certaine somme à titre de dommages-intérêts ;
Sur le second moyen :
Attendu que les époux Z... font grief à l'arrêt de les débouter
de leur demande tendant à voir imputer à Mme Y... la responsabilité
de la résiliation du bail commercial, faute d'avoir assuré le
clos et le couvert de certains locaux donnés à bail, alors, selon
le moyen :
1 / que le bailleur doit s'abstenir de tout fait de nature à priver le
preneur de tout ou partie des avantages que celui-ci tient du bail ; qu'il lui
est notamment interdit de modifier la chose louée ; que s'agissant d'obligations
de ne pas faire, le bailleur qui y contrevient, doit des dommages-et-intérêts
par le seul fait de la contravention, sans qu'il y ait lieu à mise en
demeure préalable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel
a violé l'article 1145 du Code civil, ensemble les articles 1719 et 1723
du même Code ;
2 / que le preneur qui a été privé de la jouissance d'une
partie des locaux donnés à bail est en droit d'obtenir, sans avoir
à justifier du préjudice résultant de cette jouissance,
l'exécution par équivalent du contrat et donc le paiement de dommages-intérêts
à la mesure de l'inexécution partielle, et du seul fait de cette
inexécution ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé
les articles 1134, 1142, 1145 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme Y... avait condamné par la
pose d'un cadenas l'accès à des bâtiments à usage
d'abattoir et de buanderie faisant partie des biens donnés à bail
aux époux Z... et qu'un grillage était en cours d'implantation,
mais que ces bâtiments étaient inoccupés par les
locataires et abritaient des oiseaux qui en avaient dégradé l'intérieur,
la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants, a pu en déduire
que les époux Z..., qui n'utilisaient pas ces locaux, n'avaient subi
aucun préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1719 du Code civil, ensemble l'article 1725 du même Code
;
Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans
qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement
le preneur de la chose louée pendant la durée du bail ;
Attendu que, pour débouter les époux Z... de leur demande tendant
à voir imputer à Mme Y... la responsabilité de la résiliation
du bail du fait des troubles anormaux de voisinage causés par un colocataire,
l'arrêt retient que, si le bailleur est responsable des divers ennuis,
troubles et abus qui peuvent se produire entre locataires habitant un même
immeuble, lorsque ces agissements excèdent les inconvénients normaux
de voisinage, ce principe de garantie ne s'applique pas lorsque les actes reprochés
aux colocataires ne se rattachent en rien à la jouissance commune normale
de l'immeuble, mais résultent de rapports de mauvais voisinage et que
les époux Z... ne sont, dès lors, pas fondés à invoquer
à l'encontre de Mme Y... les troubles de voisinage, causés par
un colocataire, qui ne lui sont pas imputables ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une
condition qu'elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés
;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2005 III N° 96 p. 89
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 8 mars 2005
N° de pourvoi: 03-17434
Non publié au bulletin Rejet
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 mai 2003), qu'un
arrêt définitif rendu le 23 mai 2000 a dit la société
Thermco entièrement responsable du préjudice subi par la société
SNAM à la suite de pannes subies par un four à scories en raison
de la détérioration prématurée de son garnissage
réfractaire, dit la société Ashland-Avébène
tenue de garantir à hauteur des deux tiers la société Thermco
des condamnations mises à sa charge, rejeté l'appel en garantie
formé par la société Thermco contre la société
Lafarge Refractories, et, réformant du chef liquidant le dommage de la
société SNAM, a, avant dire droit, commis expert ayant mission
de donner son avis sur l'évaluation des préjudices ; qu'après
dépôt du rapport d'expertise évaluant ceux-ci à la
somme de 441 359,73 euros, la cour d'appel a intégralement rejeté
la demande de la société SNAM tendant à voir fixer à
ce montant sa créance sur la société Thermco, entre-temps
mise en redressement puis liquidation judiciaires, et décidé qu'il
était inutile d'examiner sa demande directe en paiement, nouvellement
formée contre la société Ashland-Avébène
;
Attendu que la société SNAM fait grief à l'arrêt
d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que l'indemnisation d'une partie en raison de l'inexécution par l'autre
de ses obligations contractuelles n'est pas subordonnée à la justification
d'un préjudice ; qu'après avoir constaté que la société
Thermco avait manqué à ses obligations de délivrance et
de conseil en ne livrant pas un four capable de supporter 200 à 300 fusions
ainsi qu'il avait été prévu au contrat, en sorte que la
société SNAM n'a pu réaliser que 113 fusions, la cour d'appel
ne pouvait débouter cette dernière de sa demande d'indemnisation
sans violer les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
2 / que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal
a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée
relativement à la contestation qu'il tranche, que par son arrêt
du 23 mai 2000, devenu définitif, la cour d'appel a, en son dispositif,
confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit la
société Thermco entièrement responsable du préjudice
subi par la société SNAM à la suite des pannes subies par
le four à ferronickel ; qu'en déboutant néanmoins cette
société de sa demande d'indemnisation au prétexte qu'elle
ne rapporterait pas la preuve de son préjudice, la cour d'appel a méconnu
l'autorité de chose jugée attachée à sa précédente
décision du 23 mai 2000 et violé les articles 480 du nouveau Code
de procédure civile et 1351 du Code civil ;
3 / qu'en refusant purement et simplement d'évaluer un dommage dont l'existence
était ainsi caractérisée en son principe, la cour d'appel
a violé l'article 4 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que des dommages-intérêts ne
peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue,
constate qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle
;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt du 23 mai 2000 ayant seulement défini
les modalités de réparation en décidant que le préjudice
réparable serait calculé à la mesure des conséquences
des pannes du four, la chose jugée par cet arrêt ne s'étend
pas à l'existence même d'un tel préjudice ;
Et attendu, enfin, qu'ayant relevé qu'aucun préjudice n'était
prouvé, et qu'en outre la société SNAM ne justifiait pas
d'un lien de causalité avec les manquements reprochés à
la société Thermco, la cour d'appel a légalement justifié
sa décision de rejeter toute demande indemnitaire ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches
;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 15 novembre 2005
N° de pourvoi: 03-18541
Non publié au bulletin Cassation partielle
Attendu qu'à la suite d'une première panne, M. X..., garagiste,
s'est vu confier le camion de M. Y... pour réparation ;
qu'en raison d'un nouvel incident technique survenu peu de temps après,
M. X... a une nouvelle fois pris en charge le véhicule, dont le moteur,
après dépose, a été confié, en sous-traitance,
à un autre garagiste, M. Z... ; que le véhicule s'étant
révélé irréparable, M. Y... a engagé contre
MM. X... et Z... une action en responsabilité et en restitution du véhicule
et du moteur endommagé ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, tel qu'énoncé
dans le mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt
:
Attendu que saisie de conclusions de M. X... faisant valoir qu'il avait dès
sa première intervention conseillé le remplacement du moteur,
la cour d'appel, dans le respect du principe de la contradiction, a souverainement
estimé que le garagiste n'avait pas rapporté la preuve de ses
allégations ; que le moyen, en ses trois premières branches, est
dépourvu de tout fondement ;
Sur le deuxième moyen, tel qu'énoncé dans le mémoire
en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu qu'en l'absence de toute contradiction entre les motifs et le dispositif,
l'arrêt attaqué condamne MM. X... et Z... à restituer, respectivement,
le camion et le moteur, après avoir constaté que ce moteur était
détenu par le garagiste sous-traitant ; que le moyen manque en fait ;
Et sur le troisième moyen, tel qu'énoncé dans le mémoire
en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu que dans ses conclusions d'appel, M. X... se bornait à solliciter
sa mise hors de cause et la condamnation de M. Y... au paiement de dommages-intérêts
; que le moyen, nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour condamner M. X... au paiement d'une indemnité correspondant
au coût du remplacement du moteur défectueux, l'arrêt attaqué
retient que les premières réparations effectuées par M.
X... s'étaient révélées inefficaces puisque le camion
était à nouveau tombé en panne après avoir parcouru
une cinquantaine de kilomètres ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le moteur était
devenu irréparable du fait même de l'intervention du garagiste,
la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité
entre l'inexécution de l'obligation contractuelle et le dommage réparé,
a privé sa décision de base légale au regard du
texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 26 février 2002
N° de pourvoi: 99-19053
Publié au bulletin Rejet.
Attendu que MM. Y... et X..., avocats au barreau de Tours associés dans
une société civile professionnelle, sont convenus, en 1996, d'un
arbitrage en vue d'arrêter les modalités matérielles et
financières de retrait de M. X... de la SCP ; que la sentence arbitrale
a constaté la renonciation, conforme aux dispositions de l'article 32
des statuts de la SCP, de M. X... à exercer son activité professionnelle
à Tours ou dans l'une des communes limitrophes ; que M. X... s'étant
cependant installé à Tours, M. Y... l'a assigné en paiement
d'une somme de 623 400 francs pour défaut d'exécution de son obligation
ainsi qu'à 100 000 francs à titre de dommages-intérêts
;
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par M. Y... :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Orléans,
24 juin 1999), infirmant le jugement qui avait fait droit à ces demandes,
d'avoir limité à 90 000 francs la réparation de son préjudice
moral, tout en rejetant les autres demandes, alors, selon le moyen, qu'ayant
constaté que la contravention de M. X... à l'obligation de ne
pas faire résultant des articles 32 et 37 des statuts de la société
civile professionnelle d'avocats Simonneau-Roumagnac, l'arrêt infirmatif
attaqué ne pouvait refuser à M. Y..., victime de cette contravention,
toute indemnisation de ce chef, en raison de ce qu'il n'avait pas apporté
les éléments de détermination du préjudice ainsi
subi, de sorte qu'en ajoutant à la loi une condition qui n'y figure pas,
les dommages-intérêts étant dus " par le seul fait
de la contravention ", explicitement constatée, l'arrêt attaqué
qui prive M. Y... de son droit à réparation intégrale,
a violé par fausse application l'article 1145 du Code civil ;
Mais attendu que l'article 1145 du Code civil, qui dispense
de la formalité de mise en demeure lorsque le débiteur a contrevenu
à une obligation de ne pas faire, ne dispense pas celui qui réclame
réparation de la contravention à cette obligation d'établir
le principe et le montant de son préjudice ; que, dès
lors, la cour d'appel ayant souverainement apprécié le montant
du préjudice moral et constaté que M. Y... ne justifiait pas d'un
autre préjudice, le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident formé par M. X... : (Publication
sans intérêt) ;
Par ces motifs :
REJETTE les pourvois.
Publication : Bulletin 2002 I N° 68 p. 51
Defr 2002, 759, obs. E. Savaux