Amiante

Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 28 février 2002 Rejet

N° de pourvoi : 99-17201
ARRÊT N° 1
Attendu que Serge X..., salarié de la société Ferodo (aujourd'hui société Valeo) d'octobre 1953 à mars 1955 et de novembre 1957 à février 1964, a été atteint en 1997 d'un mésothéliome que la Caisse primaire d'assurance maladie a reconnu comme maladie professionnelle en mars 1998 ; qu'il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin d'obtenir un complément d'indemnisation en raison de la faute inexcusable de son employeur ; qu'après son décès, la procédure a été reprise par sa veuve et par ses enfants ; que l'arrêt attaqué (Caen, 27 mai 1999) a constaté que la décision du tribunal déclarant inopposable à la société Valeo la décision de la Caisse d'assurance maladie de reconnaître le caractère professionnel de la maladie était devenue irrévocable, dit que le décès était dû à la faute inexcusable de l'employeur, fixé au maximum la majoration de rente, fixé le montant des préjudices personnels de la victime, et dit que la réparation de ces préjudices serait versée directement aux consorts X... par la caisse primaire d'assurance maladie ;
Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Valeo fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action engagée par Serge X..., alors, selon le moyen :
1° qu'il résulte des articles L. 452-1 et L. 461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale que l'action en recherche d'une faute inexcusable de l'employeur suppose établie à son encontre l'existence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ; qu'ainsi, si la reconnaissance de la maladie professionnelle a été jugée inopposable à l'employeur, il en découle nécessairement que l'action en recherche d'une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle est aussi inopposable à l'employeur ; qu'en décidant pourtant de la recevabilité d'une telle action à l'encontre de la société Valeo pour laquelle il a été définitivement jugé que la reconnaissance comme maladie professionnelle du mésothéliome dont était atteint Serge X... lui était inopposable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles précités ;
2° qu'en toute hypothèse, les articles L. 452-2 et L. 452-3, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale prévoient que la majoration de rente de la victime comme les indemnités en réparation de préjudices divers de la victime ou de ses ayants droit alloués en cas de faute inexcusable de l'employeur sont versés directement à la victime ou aux ayants droit par la caisse primaire d'assurance maladie, qui peut en récupérer le montant auprès de l'employeur ; qu'il en résulte que les demandes de la victime ou de ses ayants droit fondées sur ces textes doivent être aussi dirigées contre la Caisse ; qu'en décidant pourtant que Serge X... et ses ayants droit étaient en droit de diriger leur action uniquement contre l'employeur, la cour d'appel a violé par fausse application les textes précités ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt retient à bon droit que les rapports entre la Caisse et l'assuré sont indépendants des rapports entre la Caisse et l'employeur et des rapports entre le salarié et l'employeur, et que le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la Caisse et l'employeur ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la juridiction étant en mesure, après débat contradictoire, de rechercher si la maladie a un caractère professionnel, et si l'assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute ;
Et attendu, ensuite, qu'aux termes de l'article L. 452-4, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale, à défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit, d'une part, et l'employeur, d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider, la victime ou ses ayants droit devant appeler la Caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement ; qu'il en résulte que l'action est nécessairement dirigée contre l'employeur, même dans le cas où la Caisse se trouve privée de recours à son égard ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses six branches :
Attendu que la société Valeo reproche enfin à l'arrêt d'avoir dit que la maladie professionnelle de Serge X... était due à sa faute inexcusable, alors, selon le moyen :
1° que les premiers juges, comme la cour d'appel, n'ont jamais été saisis dans le présent litige d'un recours portant sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Serge X... ; qu'ainsi, en recherchant si la maladie dont était atteint ce dernier était ou non une maladie professionnelle et en décidant qu'elle possédait bien ce caractère, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et le respect du principe du contradictoire, violant ainsi les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2° que la cour d'appel, saisie d'une demande tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance d'une maladie professionnelle devait nécessairement rechercher si cette maladie, et elle seule, avait pour origine une faute de l'employeur ; qu'il n'est pas contesté que Serge X... n'a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie qu'au titre d'un mésothéliome qu'il avait contracté en 1977 ; qu'ainsi, la cour d'appel devait examiner si les fonctions occupées par Serge X... et ses conditions de travail au sein de la société Ferodo, devenue Valeo, avaient, entre 1953 et 1964 et par la faute de l'employeur, une relation causale avec le mésothéliome ; qu'en omettant pourtant de procéder à une telle recherche, tout en se prononçant sur une autre maladie, à savoir l'asbestose, maladie certes liée à l'amiante et inscrite au tableau n° 30 depuis 1950, mais totalement étrangère au mésothéliome, qui est un cancer de la plèvre pouvant avoir diverses origines, et inscrit au tableau n° 30 en 1976, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ;
3° qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que selon le collège des médecins agréés, qui s'est trouvé être le seul examinateur légal de Serge X... et qui devait se prononcer sur la maladie professionnelle, Serge X... était atteint d'une " maladie tableau 30 D caractérisée, qui correspond au mésothéliome malin ", lequel collège ne s'est pas prononcé sur le diagnostic d'asbestose ; que la cour d'appel relève encore que la caisse primaire d'assurance maladie n'a pris en charge que le seul mésothéliome ; qu'en affirmant cependant que Serge X... était atteint de plusieurs maladies professionnelles, à savoir l'asbestose et le mésothéliome, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
4° qu'en tout état de cause, selon l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, la faute inexcusable n'est caractérisée que si la faute est d'une gravité exceptionnelle et dérive d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur et de l'absence de toute cause justificative ; que la cour d'appel ne pouvait, en l'espèce, retenir l'existence d'une faute inexcusable sans à aucun moment rechercher si la faute imputée à la société Valeo dérivait ou non d'un acte ou d'une omission volontaire, et surtout si elle était d'une gravité exceptionnelle, élément impératif pour justifier la qualification de faute inexcusable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ;

5° que la conscience du danger caractérisant la faute inexcusable ne pouvait résulter au cas présent que de la connaissance entre 1953 et 1964 de la dangerosité spécifique de l'amiante ; qu'en l'état de la recherche telle qu'elle se présentait jusqu'en 1976, date de la création d'une réglementation d'hygiène et de sécurité spécifique à l'amiante par les décrets " amiante " et l'inscription du " mésothéliome " au tableau n° 30 des maladies professionnelles, aucun employeur ne devait avant cette date avoir conscience du danger couru par un employé travaillant dans une usine d'amiante, et ce d'autant si cet employé n'exerçait pas ses fonctions de façon continue dans les ateliers de transformation ; qu'en décidant cependant que la société Valeo avait eu conscience du danger des éventuelles inhalations d'amiante plus de dix ans avant 1976, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 451-2 du Code de la sécurité sociale ;
6° que, si toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et de façon impartiale par les juges conformément à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, tel ne peut être le cas pour une partie à qui il est demandé dans le cadre de sa défense d'apporter des preuves relatives à des faits remontant à plus de trente ans ; qu'en requérant pourtant de la société Valéo qu'elle démontre avoir mis en oeuvre dans les années 1950 et 1960 des mesures de protection réglementaires et efficaces dans une de ses usines de transformation de l'amiante, la cour d'appel a violé le texte précité ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, saisie par le salarié d'une demande d'indemnisation supplémentaire d'une maladie professionnelle pour faute inexcusable de l'employeur, était par là même saisie d'une demande tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dans les rapports entre le salarié et l'employeur, dès lors que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge la maladie à titre professionnel était déclarée inopposable à celui-ci ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt, après avoir constaté que le certificat médical initial faisait état d'asbestose, et que la caisse primaire d'assurance maladie avait indiqué au salarié que le collège de trois médecins avait estimé qu'il était atteint d'asbestose nettement caractérisée et qu'elle prenait cette affection en charge, qui relevait du tableau 30 D, a pu décider, sans contredire les termes de cette prise en charge, qu'il résultait des différents certificats médicaux et des conclusions du collège de trois médecins que Serge X... était atteint à la fois d'asbestose et d'un mésothéliome, tous deux de nature professionnelle ;

Et attendu, enfin, qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Ferodo avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi .

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Publication : Bulletin 2002 V N° 81 p. 74
Droit social, avril 2002, n° 4, p. 445 447, note A. LYON-CAEN. Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2002, n° 2, p. 310-312, note P. JOURDAIN. Le Dalloz, 10 octobre 2002, n° 35, Jurisprudence, p. 2696 2701, note Xavier PRETOT Revue de jurisprudence sociale, n° 06/02, juin 2002, Chronique, p. 495-504, note Patrick MORVAN.
Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 1999-05-27


Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 28 février 2002 Rejet

N° de pourvoi : 99-18389
ARRÊT N° 2
Attendu que Mme X..., salariée de la société Eternit de 1949 à 1959, a été reconnue le 12 janvier 1981 atteinte d'une asbestose professionnelle entraînant un taux d'incapacité de 10 %, porté à 25 % le 20 décembre 1991 ; que le 21 août 1996, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de voir reconnue la faute inexcusable de son employeur ; que l'arrêt attaqué (Douai, 30 juin 1999) a déclaré sa demande non prescrite, faute pour la caisse primaire d'assurance maladie de justifier de la notification à la salariée de la clôture de l'enquête légale, dit que la maladie professionnelle était due à la faute inexcusable de la société Eternit, fixé la rente au taux maximum et condamné la société à verser diverses sommes à Mme X... ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Eternit fait grief à la cour d'appel d'avoir écarté la prescription, alors, selon le premier moyen :
1° qu'en vertu de l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale, au cas où une enquête a été diligentée, les droits de la victime se prescrivent par deux ans à compter de la clôture de l'enquête, et que viole ce texte l'arrêt attaqué qui substitue, dans les rapports entre l'employeur et la victime, à ce point de départ légal une autre date circonstancielle, à savoir la date de la notification de la clôture par la Caisse à la victime ;
2° que si, dans les rapports entre la Caisse et la victime d'une maladie professionnelle, la prescription de l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale peut ne commencer à courir qu'à la condition que la Caisse, conformément aux dispositions de l'ancien article 478 du même Code, ait averti la victime par pli recommandé de la clôture en l'informant de la mise à sa disposition de l'ensemble du dossier en ses bureaux et en lui adressant une expédition du procès-verbal d'enquête, une telle solution, qui a un fondement purement indemnitaire, n'est opposable qu'au débiteur de ces formalités, c'est-à-dire à la Caisse dont la cour d'appel a relevé la carence, de sorte que l'arrêt attaqué, qui décide que la prescription n'avait pas couru, non seulement à l'égard de la Caisse, mais également à l'égard de l'employeur, a violé les articles L. 431-2 du Code de la sécurité sociale et 1382 du Code civil ;

3° qu'il en est d'autant plus ainsi que les droits de la victime à l'égard de la Caisse, fixés par l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, ne sont pas les mêmes que les droits de la victime à l'égard de l'employeur, fixés par l'article L. 452-3 du même Code, de sorte que l'arrêt attaqué, qui ne constate aucune indivisibilité des prestations et indemnités, ne justifie pas légalement sa décision au regard desdits textes en décidant que du fait de la carence de la Caisse la prescription n'aurait pas couru également à l'encontre de l'employeur malgré l'écoulement du délai de deux ans fixé par l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale à compter de la clôture de l'enquête ; et alors, selon le quatrième moyen, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui rejette le recours subsidiaire de la société Eternit à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de ladite société invoquant le préjudice que lui avait fait subir la Caisse par la faute qu'elle avait commise en violant les dispositions applicables à une enquête légale à laquelle la société Eternit était totalement étrangère ;

Mais attendu que l'article 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, tel que modifié par l'article 49 de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001, applicable aux procédures en cours, rouvre les droits aux prestations, indemnités et majorations prévues par les dispositions du Livre IV du Code de la sécurité sociale, y compris en cas de faute inexcusable de l'employeur, au profit des victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er juillet 1947 et l'entrée en vigueur de la loi, sans distinguer selon que la victime avait ou non fait constater sa maladie en temps utile ; que, par ces motifs substitués aux motifs erronés critiqués par le 1er moyen, et sur lesquels les parties se sont expliquées, l'arrêt se trouve légalement justifié en ce qu'il a déclaré l'action recevable, dans les conditions prévues par la loi précitée ;
Et attendu que le quatrième moyen est dès lors sans objet ;

Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches :
Attendu que la société Eternit industries fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que la maladie professionnelle dont est atteinte Mme X... est due à une faute inexcusable de son employeur, alors, selon le deuxième moyen :

1° qu'un dispositif de mesures spécifiques à la protection des risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante n'a été défini qu'à compter d'un décret n° 77-949 du 17 août 1977 qui a posé pour la première fois une règle appropriée en fonction du degré de concentration des fibres d'amiante dans l'atmosphère (à savoir alors deux fibres par centimètre cube, concentration qui devait être ultérieurement peu à peu réduite pour atteindre 0,1 fibre par centimètre cube en vertu du décret n° 96-08 du 7 février 1996) ; que viole en conséquence les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui considère la société Eternit comme l'auteur d'une faute inexcusable en fonction de textes relatifs à la salubrité en général dans les établissements industriels (décrets du 10 mars 1894, du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948) et totalement inappropriés aux poussières d'amiante, en ne tenant aucun compte des textes spécifiques édictés depuis 1977 ;
2° que selon l'article 21 du décret du 10 juillet 1913, qui avait repris les dispositions du décret du 10 mars 1894, l'employeur ne pouvait être constitué en faute au regard des dispositions de ce décret relatives à l'empoussièrement qu'en cas de non-respect d'une mise en demeure passé un délai d'un mois ; qu'en l'absence de constatation d'une quelconque méconnaissance par la société Eternit d'une telle mise en demeure, viole ce texte l'arrêt attaqué qui considère que ladite société aurait commis une faute, d'une exceptionnelle gravité, par suite de la méconnaissance des dispositions de ce décret au regard d'une maladie professionnelle liée à l'amiante ;
3° que ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui retient l'existence d'une faute inexcusable de la société Eternit sur le fondement d'irrégularités décrites par l'inspecteur du travail dans une lettre du 1er février 1996, à la suite de visites opérées en octobre et novembre 1995 dans l'établissement de Thiant, sans tenir compte du fait que des prélèvements de poussières effectués en mars 1996, en exécution d'une mise en demeure du même inspecteur du travail, par un organisme agréé pour procéder aux contrôles de la concentration en poussières d'amiante de l'atmosphère des lieux de travail, avaient fait apparaître qu'en tout lieu de l'établissement la concentration en poussières d'amiante était bien inférieure au maximum alors autorisé et que la moyenne des concentrations mesurées était de 0,024 fibre par centimètre cube en regard d'une valeur limite de 0,1 fibre par centimètre cube posée par le décret n° 96-98 du 7 février 1996, le contrôleur ayant conclu : " ces résultats traduisent donc une situation satisfaisante et reflètent bien la propreté générale de l'usine " ;
4° que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel ne pouvait en tout état de cause valablement se fonder sur des considérations non contemporaines de la déclaration de la maladie ;

5° que manque encore de base légale au regard des mêmes articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui retient l'existence d'une faute inexcusable de la société Eternit sur le fondement d'attestations d'anciens salariés (par ailleurs demandeurs dans d'autres procédures) relatant des faits non précisément situés dans le temps, sans tenir compte du fait que ces attestations ne portaient pas sur le niveau de concentration de poussières d'amiante dans l'atmosphère, seul élément légalement et scientifiquement déterminant quant au risque lié à l'exposition des salariés à ces poussières en vertu des textes spécifiques, et ne tenaient pas compte des résultats des prélèvements officiels de poussières effectués dans l'établissement de Thiant faisant apparaître que les densités de poussières de cet établissement étaient toujours inférieures au taux réglementairement autorisé ;
6° que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel a omis de tenir compte du fait que la société Eternit avait de tous temps été en avance sur les pouvoirs publics en la matière (avec, antérieurement à la publication en 1977 du premier texte réglementaire spécifique à la protection contre l'inhalation des poussières d'amiante, l'apparition du broyage humide en 1952, du traitement centralisé de l'amiante humide en 1963, du transport pneumatique de l'amiante humide en 1968, du dépoussiérage centralisé pour tous les tours d'usinage en 1970, et la réflexion " plan poussière " en 1976) ;
7° que, faute d'avoir caractérisé le lien de causalité qui aurait existé entre la faute imputée à la société Eternit et la maladie professionnelle contractée par le salarié au poste qu'il occupait, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
Et alors, selon le troisième moyen :
1° que l'inscription de l'asbestose en 1950 au tableau n° 30 des maladies professionnelles et l'inscription dans la liste des travaux susceptibles de provoquer cette maladie de la manipulation et de la l'utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication de l'amiante-ciment en 1951 ne sauraient par elles-mêmes rendre auteur d'une faute inexcusable l'employeur qui continue d'exercer l'une des activités prises en compte dans ledit tableau, laquelle, de ce fait, demeure licite sous réserve du respect des normes de prévention en vigueur, de sorte que l'arrêt attaqué qui, en l'absence d'interdiction du traitement de l'amiante à l'époque, se détermine par la considération que la seule connaissance par la société Eternit de l'inscription de l'asbestose au tableau des maladies professionnelles aurait un " caractère fautif " viole les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;

2° qu'un vide juridique ayant incontestablement existé quant aux mesures de sécurité à prendre dans les établissements où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante et un dispositif de mesures appropriées n'ayant été défini par les pouvoirs publics que par un décret n° 77-949 du 17 août 1977 que les juges du fond se sont totalement abstenus de considérer, la cour d'appel ne pouvait, sans priver sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, caractériser la conscience du danger qu'aurait dû avoir l'employeur quant aux risques qu'il faisait courir au salarié du fait de l'utilisation d'une matière qui demeurait autorisée, en se référant à un article confidentiel paru dans une revue médicale en 1930 et en ignorant le caractère très progressif de l'évolution des connaissances scientifiques en la matière ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Eternit industries avait commis une faute inexcusable ; que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.

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Publication : Bulletin 2002 V N° 81 p. 74
Droit social, n° 4, avril 2002, p. 445 447, note A. LYON-CAEN. Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2002, n° 2, p. 310-312, note P. JOURDAIN. Le Dalloz, 10 octobre 2002, n° 35, Jurisprudence, p. 2696 2701, note Xavier PRETOT Revue de jurisprudence sociale, n° 06/02, juin 2002, Chronique, p. 495-504, note Patrick MORVAN.
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 1999-06-30

Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 28 février 2002 Rejet

N° de pourvoi : 00-11793
ARRÊT N° 3
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 99-18.390 et 00-11.793 ;
Attendu que, par décision du 3 septembre 1988, la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge comme maladie professionnelle à compter du 15 décembre 1987, avec une incapacité permanente de 100 %, le mésothéliome pleural dont était atteint Lahcène X..., salarié de la société Eternit industries ; que ce dernier est décédé le 19 février 1989 ; que sa veuve et ses enfants ont saisi, le 21 août 1996, la juridiction de sécurité sociale afin de voir reconnue la faute inexcusable de son employeur et d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice personnel, ainsi que de celui dont avait souffert le salarié avant sa mort ; que le premier arrêt attaqué (Douai, 30 juin 1999) a déclaré leur action recevable, dit que la maladie était due à la faute inexcusable de la société Eternit industries, fixé le taux de la rente et condamné la société à indemniser les consorts X... de leur préjudice moral ; que le second arrêt attaqué (Douai, 17 décembre 1999) a fixé le montant du préjudice personnel de Lahcène X... et dit que le règlement de ces sommes aux ayants droit incombait à la Caisse primaire d'assurance maladie, à charge pour elle d'en récupérer le montant conformément à l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et sur le quatrième moyen du pourvoi n° 99-18.390 :
Attendu que la société Eternit fait grief à la cour d'appel d'avoir écarté la prescription, alors, selon les moyens :
1° qu'est inopposable à l'employeur la reconnaissance d'une maladie professionnelle pour laquelle l'enquête légale est obligatoire lorsque la Caisse a omis de procéder à une telle enquête ; que, concernant M. X..., atteint d'un mésothéliome, les premiers juges avaient constaté que la caisse primaire d'assurance maladie n'était pas en mesure de justifier avoir procédé, comme elle l'aurait dû, à une enquête légale, et que la société Eternit se prévalait de cette omission dans ses conclusions d'appel ; qu'il s'ensuit que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 442-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui statue sur la portée du défaut de notification à la victime ou à ses ayants droit du dossier de l'enquête légale en ses bureaux sans s'expliquer au préalable sur le défaut de réalisation de toute enquête légale concernant cette victime ; que, de surcroît, l'arrêt attaqué est empreint de contradiction puisqu'il retient implicitement l'existence d'une enquête légale tout en déclarant expressément adopter la motivation des premiers juges qui avaient constaté l'incapacité de la Caisse à établir qu'elle aurait diligenté une enquête légale, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2° qu'en vertu de l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale, au cas où une enquête a été diligentée, les droits de la victime se prescrivent par deux ans à compter de la clôture de l'enquête, et que viole ce texte l'arrêt attaqué qui substitue, dans les rapports entre l'employeur et la victime, à ce point de départ légal une autre date circonstancielle, à savoir la date de la notification de la clôture par la Caisse à la victime ;
3° que si, dans les rapports entre la Caisse et la victime d'une maladie professionnelle, la prescription de l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale peut ne commencer à courir qu'à la condition que la Caisse, conformément aux dispositions de l'ancien article 478 du même Code, ait averti la victime par pli recommandé de la clôture en l'informant de la mise à sa disposition de l'ensemble du dossier en ses bureaux et en lui adressant une expédition du procès-verbal d'enquête, une telle solution, qui a un fondement purement indemnitaire, n'est opposable qu'au débiteur de ces formalités, c'est-à-dire à la Caisse dont la cour d'appel a relevé la carence, de sorte que l'arrêt attaqué qui décide que la prescription n'avait pas couru, non seulement à l'égard de la Caisse, mais également à l'égard de l'employeur, a violé les articles L. 431-2 du Code de la sécurité sociale et 1382 du Code civil ;
4° qu'il en est d'autant plus ainsi que les droits de la victime à l'égard de la Caisse, fixés par l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, ne sont pas les mêmes que les droits de la victime à l'égard de l'employeur, fixés par l'article L. 452-3 du même Code, de sorte que l'arrêt attaqué, qui ne constate aucune indivisibilité des prestations et indemnités, ne justifie pas légalement sa décision au regard desdits textes en décidant que du fait de la carence de la Caisse la prescription n'aurait pas couru également à l'encontre de l'employeur malgré l'écoulement du délai de deux ans fixé par l'article L. 431-2 du Code de la sécurité sociale à compter de la clôture de l'enquête ;
5° que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui rejette le recours subsidiaire de la société Eternit à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de ladite société invoquant le préjudice que lui avait fait subir la Caisse par la faute qu'elle avait commise en violant les dispositions applicables à une enquête légale à laquelle la société Eternit était totalement étrangère ;

Mais attendu que l'article 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, tel que modifié par l'article 49 de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001, applicable aux procédures en cours, rouvre les droits aux prestations, indemnités et majorations prévues par les dispositions du Livre IV du Code de la sécurité sociale, y compris en cas de faute inexcusable de l'employeur, au profit des victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er juillet 1947 et l'entrée en vigueur de la loi, sans distinguer selon que la victime avait ou non fait constater sa maladie en temps utile ; que, par ces motifs substitués aux motifs erronés critiqués par le premier moyen, et sur lesquels les parties se sont expliquées, l'arrêt se trouve légalement justifié en ce qu'il a déclaré l'action recevable dans les conditions prévues par la loi précitée ;
Et attendu que le quatrième moyen est, dès lors, sans objet ;
Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches :
Attendu que la société Eternit industries fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que la maladie professionnelle dont était atteint M. X... était due à une faute inexcusable de son employeur, alors, selon les moyens :
1° qu'un dispositif de mesures spécifiques à la protection des risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante n'a été défini qu'à compter d'un décret n° 77-949 du 17 août 1977 qui a posé pour la première fois une règle appropriée en fonction du degré de concentration des fibres d'amiante dans l'atmosphère (à savoir alors deux fibres par centimètre cube, concentration qui devait être ultérieurement peu à peu réduite pour atteindre 0,1 fibre par centimètre cube en vertu du décret n° 96-08 du 7 février 1996) ; que viole, en conséquence, les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui considère la société Eternit comme l'auteur d'une faute inexcusable en fonction de textes relatifs à la salubrité en général dans les établissements industriels (décrets du 10 mars 1894, du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948) et totalement inappropriés aux poussières d'amiante, en ne tenant aucun compte des textes spécifiques édictés depuis 1977 ;
2° que selon l'article 21 du décret du 10 juillet 1913, qui avait repris les dispositions du décret du 10 mars 1894, l'employeur ne pouvait être constitué en faute au regard des dispositions de ce décret relatives à l'empoussièrement qu'en cas de non-respect d'une mise en demeure passé un délai d'un mois ; qu'en l'absence de constatation d'une quelconque méconnaissance par la société Eternit d'une telle mise en demeure, viole ce texte l'arrêt attaqué qui considère que ladite société aurait commis une faute, d'une exceptionnelle gravité, par suite de la méconnaissance des dispositions de ce décret au regard d'une maladie professionnelle liée à l'amiante ;

3° que ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui retient l'existence d'une faute inexcusable de la société Eternit sur le fondement d'irrégularités décrites par l'inspecteur du Travail dans une lettre du 1er février 1996, à la suite de visites opérées en octobre et novembre 1995 dans l'établissement de Thiant, sans tenir compte du fait que des prélèvements de poussières effectués en mars 1996, en exécution d'une mise en demeure du même inspecteur du Travail, par un organisme agréé pour procéder aux contrôles de la concentration en poussières d'amiante de l'atmosphère des lieux de travail, avaient fait apparaître qu'en tout lieu de l'établissement la concentration en poussières d'amiante était bien inférieure au maximum alors autorisé et que la moyenne des concentrations mesurées était de 0,024 fibre par centimètre cube en regard d'une valeur limite de 0,1 fibre par centimètre cube posée par le décret n° 96-98 du 7 février 1996, le contrôleur ayant conclu : " ces résultats traduisent donc une situation satisfaisante et reflètent bien la propreté générale de l'usine ;
4° que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel ne pouvait en tout état de cause valablement se fonder sur des considérations non contemporaines de la déclaration de la maladie ;
5° que manque encore de base légale au regard des mêmes articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui retient l'existence d'une faute inexcusable de la société Eternit sur le fondement d'attestations d'anciens salariés (par ailleurs demandeurs dans d'autres procédures) relatant des faits non précisément situés dans le temps, sans tenir compte du fait que ces attestations ne portaient pas sur le niveau de concentration de poussières d'amiante dans l'atmosphère, seul élément légalement et scientifiquement déterminant quant au risque lié à l'exposition des salariés à ces poussières en vertu des textes spécifiques, et ne tenaient pas compte des résultats des prélèvements officiels de poussières effectués dans l'établissement de Thiant faisant apparaître que les densités de poussières de cet établissement étaient toujours inférieures au taux réglementairement autorisé ;
6° que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel a omis de tenir compte du fait que la société Eternit avait de tous temps été en avance sur les pouvoirs publics en la matière (avec, antérieurement à la publication en 1977 du premier texte réglementaire spécifique à la protection contre l'inhalation des poussières d'amiante, l'apparition du broyage humide en 1952, du traitement centralisé de l'amiante humide en 1963, du transport pneumatique de l'amiante humide en 1968, du dépoussiérage centralisé pour tous les tours d'usinage en 1970, et la réflexion " plan poussière " en 1976) ;

7° que, faute d'avoir caractérisé le lien de causalité qui aurait existé entre la faute imputée à la société Eternit et la maladie professionnelle contractée par le salarié au poste qu'il occupait, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
8° que l'inscription de l'asbestose en 1950 au tableau n° 30 des maladies professionnelles et l'inscription dans la liste des travaux susceptibles de provoquer cette maladie de la manipulation et de l'utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication de l'amiante-ciment en 1951 ne sauraient par elles-mêmes rendre auteur d'une faute inexcusable l'employeur qui continue d'exercer l'une des activités prises en compte dans ledit tableau, laquelle, de ce fait, demeure licite sous réserve du respect des normes de prévention en vigueur, de sorte que l'arrêt attaqué qui, en l'absence d'interdiction du traitement de l'amiante à l'époque, se détermine par la considération que la seule connaissance par la société Eternit de l'inscription de l'asbestose au tableau des maladies professionnelles aurait un " caractère fautif " viole les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
9° que M. X... ayant été atteint d'un mésothéliome, et le mésothéliome ayant été inscrit au tableau n° 30 en 1976 seulement et étant une maladie totalement différente de l'asbestose inscrite à ce tableau en 1950, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui, pour l'appréciation de la conscience que la société Eternit avait pu avoir du danger qu'avait couru M. X... en travaillant dans son établissement de Thiant, fait exclusivement référence à la date d'inscription de l'asbestose au tableau des maladies professionnelles en ignorant totalement le fait que le mésothéliome n'avait été inscrit à ce tableau que vingt-six ans plus tard ; que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que, M. X... ayant été victime d'un mésothéliome reconnu en 1988, le très long délai de latence de cette maladie impliquait que le salarié n'avait pu être contaminé qu'antérieurement à la publication du décret du 5 janvier 1976 qui avait inscrit le mésothéliome au tableau n° 30 des maladies professionnelles ;
10° qu'un vide juridique ayant incontestablement existé quant aux mesures de sécurité à prendre dans les établissements où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante et un dispositif de mesures appropriées n'ayant été défini par les pouvoirs publics que par un décret n° 77-949 du 17 août 1977 que les juges du fond se sont totalement abstenus de considérer, la cour d'appel ne pouvait, sans priver sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, caractériser la conscience du danger qu'aurait dû avoir l'employeur quant aux risques qu'il faisait courir au salarié du fait de l'utilisation d'une matière qui demeurait autorisée, en se référant à un article confidentiel paru dans une revue médicale en 1930 et en ignorant le caractère très progressif de l'évolution des connaissances scientifiques en la matière ;

Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Eternit industries avait commis une faute inexcusable ; que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° 00-11.793, commun au moyen unique du pourvoi provoqué de la caisse primaire d'assurance maladie :
Attendu que la société Eternit industries et la caisse primaire d'assurance maladie font grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen, qu'il résulte de la législation spécifique des articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale que l'indemnisation complémentaire des éléments de préjudice personnel en cas de faute inexcusable est demandée soit par la victime soit par ses ayants droit, et que les ayants droit d'une victime décédée ne peuvent prétendre qu'à l'attribution de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice personnel ; qu'il s'ensuit que viole les textes précités l'arrêt attaqué qui impute à la société Eternit industries le paiement de dommages-intérêts aux ayants droit de la victime d'une maladie professionnelle en réparation des préjudices purement personnels (préjudice de souffrances physiques, préjudice psychologique, préjudice d'agrément) subis par cette dernière ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les ayants droit de la victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur et décédé des suites de cette maladie étaient recevables à exercer, outre l'action en réparation du préjudice moral qu'ils subissent personnellement du fait de ce décès, l'action en réparation du préjudice moral personnel de la victime résultant de sa maladie ; que le moyen est mal fondé ;
Par ces motifs :
REJETTE les pourvois.

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Publication : Bulletin 2002 V N° 81 p. 74
Droit social, n° 4, avril 2002, p. 445 447, note A. LYON-CAEN. Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2002, n° 2, p. 310-312, note P. JOURDAIN. Le Dalloz, 10 octobre 2002, n° 35, Jurisprudence, p. 2696 2701, note Xavier PRETOT Revue de jurisprudence sociale, n° 06/02, juin 2002, Chronique, p. 495-504, note Patrick MORVAN.

Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 28 février 2002 Rejet

N° de pourvoi : 99-21255
ARRÊT N° 4
Met hors de cause la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ;
Attendu que Pierre X..., employé par la société Eternit industries de 1957 à 1963, a été reconnu atteint, le 6 mars 1996, d'un mésothéliome pleural, maladie professionnelle du tableau n° 30, dont il est décédé le 14 décembre 1996 ; que M. Y..., employé par la même société de 1957 à 1989, a été reconnu atteint, le 23 novembre 1988, d'une asbestose professionnelle entraînant une incapacité permanente partielle (IPP) de 8 % ; que Gilbert Z..., employé de 1960 à 1993, est décédé le 1er juillet 1994 d'un mésothéliome pleural, reconnu maladie professionnelle le 19 mai 1994 ; que André A..., employé de 1955 à 1984, a été reconnu atteint, le 15 mai 1992, d'un mésothéliome pleural professionnel, dont il est décédé le 1er juin 1992 ; que M. B..., salarié de 1957 à 1989, a été reconnu atteint d'asbestose professionnelle le 10 septembre 1990, avec un taux d'IPP de 5 % ; que M. C..., salarié de 1957 à 1993, a été reconnu atteint d'asbestose professionnelle le 15 mars 1994, avec un taux d'IPP de 5 % ; que les héritiers de Pierre X..., M. Y..., les héritiers de Gilbert Z... et de André A..., M. B... et M. C... ont saisi la juridiction de sécurité sociale afin d'obtenir un complément d'indemnisation en raison de la faute inexcusable de la société Eternit ; que l'arrêt attaqué (Dijon, 12 octobre 1999) a déclaré non prescrite l'action des consorts X..., dit que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie reconnaissant la maladie professionnelle était inopposable à la société Eternit, déclaré prescrites les actions à titre principal de M. Y..., des consorts Z... et A..., de MM. B... et C..., a déclaré ceux-ci recevables à demander le bénéfice de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 et constaté qu'ils avaient déposé leur demande le 30 mars 1999, dit que les maladies professionnelles des six salariés étaient dues à la faute inexcusable de la société Eternit, fixé au maximum la majoration des rentes et fixé le montant des sommes réparant les préjudices personnels ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que la société Eternit, déclarée auteur d'une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle de six de ses salariés, avait intérêt, au sens de l'article 609 du nouveau Code de procédure civile, à former un pourvoi contre cette décision, même en l'absence de condamnation pécuniaire ; que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen dirigé contre les dispositions de l'arrêt concernant les consorts X... :

Attendu que la société Eternit fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, que Pierre X... n'ayant travaillé au service de la société Eternit que pendant quatre ans, et seulement jusqu'au 30 novembre 1963, ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 461-1 et suivants du Code de la sécurité sociale et du tableau n° 30 des maladies professionnelles la cour d'appel qui retient que le mésothéliome dont ce salarié s'est révélé atteint en 1996 était imputable à son exposition aux fibres d'amiante au sein de la société Eternit, sans vérifier, comme elle y était invitée, si ce salarié n'avait pas été exposé au même risque chez ses autres employeurs pendant la période de plus de trente-deux ans séparant son départ de la société Eternit et le premier diagnostic de sa maladie, et s'il n'existait pas une incertitude quant à l'entreprise au sein de laquelle avait été contractée ladite maladie ; qu'il en est d'autant plus ainsi qu'au cas où le salarié a pu être exposé au risque successivement dans des entreprises différentes, les textes applicables (article 4 bisde l'arrêté du 1er octobre 1976) prévoient l'imputation des dépenses afférentes à la maladie, non pas au compte desdites entreprises, mais à un compte spécial alimenté par le régime général ;
Mais attendu que le fait que la maladie professionnelle soit imputée aux divers employeurs chez lesquels le salarié a été exposé au risque n'interdit pas à celui-ci, pour demander une indemnisation complémentaire, de démontrer que l'un d'eux a commis une faute inexcusable ;
Sur le premier moyen dirigé contre les dispositions concernant les autres parties, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Eternit fait grief à la cour d'appel d'avoir déclaré recevables les demandes fondées sur les dispositions de l'article 40 de la loi n° 98-1184 du 23 décembre 1998, alors, selon le moyen :
1° que le paragraphe II de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 vise la réouverture " des droits aux prestations et indemnités dont les organismes sociaux ont la charge ", ce qui ne correspond pas aux majorations de rente et indemnités complémentaires pour faute inexcusable, lesquelles sont, en vertu des articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, remboursés par l'employeur, la Caisse se bornant à en faire l'avance, de sorte que viole l'article 40 précité l'arrêt attaqué qui décide la réouverture des délais de prescription pour les demandes fondées sur l'allégation d'une faute inexcusable et laisse s'instaurer un débat sur celle qui est imputée à la société Eternit ;

2° qu'à supposer que l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 concerne aussi les majorations de rente et les indemnités complémentaires pour faute inexcusable, la demande relative à ces droits complémentaires ne pourrait être dissociée de celle qui concerne l'octroi de la rente elle-même, de sorte que, statuant sur le cas de victimes qui avaient fait reconnaître leur droit à rente en temps utile, viole l'article 40 précité l'arrêt attaqué qui fait application séparément de ce texte aux majorations de rente et indemnités complémentaires et admet ainsi une autonomie de l'action en faute inexcusable qui pourrait être examinée dans un cadre et dans des délais distincts de ceux des droits principaux ;
3° que le paragraphe III de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 dispose que " les droits qui résultent des dispositions du paragraphe II prennent effet de la date du dépôt de la demande " ; que le paragraphe II du même texte ne prévoit lui-même aucune dérogation à la procédure à suivre pour obtenir l'octroi des diverses prestations afférentes aux accidents du travail et aux maladies professionnelles ; que dès lors, en autorisant les victimes à formuler directement en cause d'appel une demande d'indemnisation au titre de l'article 40 et en les dispensant de se conformer à la procédure de l'article L. 452-4, relatif à la recherche d'un règlement amiable, et à celle des articles R. 441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale, l'arrêt attaqué, qui évoque directement ces droits nouveaux, a violé les textes précités ;
Mais attendu que l'article 40 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, tel que modifié par l'article 49 de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001, applicable aux procédures en cours, rouvre les droits aux prestations, indemnités et majorations prévues par les dispositions du Livre IV du Code de la sécurité sociale, y compris en cas de faute inexcusable de l'employeur, au profit des victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles, dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er juillet 1947 et l'entrée en vigueur de la loi, sans distinguer selon que la victime avait ou non fait constater sa maladie en temps utile ;
Et attendu que la cour d'appel, saisie d'une demande d'indemnisation supplémentaire pour faute inexcusable, a déclaré à bon droit recevable l'action tendant aux mêmes fins fondée sur les dispositions de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième et le troisième moyens dirigés contre les dispositions concernant les consorts X..., et sur le second moyen dirigé contre les dispositions concernant les autres parties, pris en leurs diverses branches :
Attendu que la société Eternit fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la maladie professionnelle dont étaient atteints Pierre X... et les autres salariés était due à sa faute inexcusable, alors, selon les moyens :

1° que ni la prise en charge par la Sécurité sociale en 1945 au tableau n° 30 de certaines maladies professionnelles de l'amiante ou sa désignation dans le décret du 31 août 1950 comme l'une des maladies engendrées par les fibres d'amiante, ou encore l'inscription par le décret du 3 octobre 1951 de la manipulation de l'amiante dans la liste des travaux susceptibles de provoquer des maladies de l'amiante ne sauraient, par elles-mêmes, rendre auteur d'une faute inexcusable l'employeur qui continue d'exercer l'une des activités prises en compte dans ledit tableau, laquelle, de ce fait même, demeure licite sous réserve du respect des normes de prévention en vigueur, de sorte que l'arrêt attaqué, qui, en l'absence d'interdiction du traitement de l'amiante à l'époque, se détermine par la considération que la seule connaissance par la société Eternit de l'inscription de l'amiante au tableau de certaines maladies professionnelles aurait caractérisé la conscience du danger, viole les articles L. 452-1 et suivants et L. 461-7 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
2° que c'est de très nombreuses années après la cessation de l'exposition au risque de Pierre X..., le 30 novembre 1963, que, par décret n° 76-34 du 5 janvier 1976, le mésothéliome, dont il a été atteint, a été inscrit au tableau n° 30 des maladies professionnelles et que, par décret n° 77-949 du 17 août 1977, des mesures particulières aux fibres d'amiante ont été imposées dans les établissements où le personnel est exposé à l'action de celles-ci, de sorte que ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes précités l'arrêt attaqué qui considère que la société Eternit avait eu conscience du danger auquel elle avait exposé, entre 1957 et 1963, Pierre X..., atteint d'un mésothéliome diagnostiqué seulement en 1996 ;
3° qu'il ne résulte d'aucun des motifs de l'arrêt que la cour d'appel ait constaté l'existence d'un lien de causalité entre la faute retenue sur le fondement de témoignages généraux et imprécis, concernant une période indéterminée, et les maladies des salariés, de sorte que l'arrêt attaqué qui, en l'occurrence, se dispense de préciser en quoi la réalisation du risque, connu et répertorié, correspondant aux maladies professionnelles litigieuses serait directement, pour chacune des victimes, liée à ladite faute, prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale et du tableau n° 30 des maladies professionnelles ;
4° que pas davantage ces motifs, qui se bornent à faire état de la violation d'une " obligation générale de sécurité ", toutes époques confondues, et sans considération de la différence entre les postes occupés par les défendeurs, ne caractérisent au regard des textes précités l'existence d'une faute d'une exceptionnelle gravité constitutive d'une faute inexcusable ;

5° qu'il résulte des textes très postérieurs à la période où Pierre X... se trouvait épisodiquement exposé au risque chez Eternit entre 1957 et 1963 que la prévention des maladies de l'amiante repose sur l'élimination de fibres microscopiques et imperceptibles à l'oeil nu (quelques microns), de sorte que l'arrêt attaqué, qui, pour imputer à la société Eternit une faute inexcusable commise à l'époque susvisée, se détermine par des motifs inopérants tirés de la prétendue non-application des textes anciens destinés au seul traitement des poussières industrielles en général, textes dont l'inefficacité à éliminer le risque spécifique engendré par les fibres d'amiante résulte précisément de la législation postérieure, prive sa décision de base légale au regard des articles L. 451-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
6° qu'après avoir considéré comme inutile l'expertise technique ordonnée par le Tribunal, l'arrêt infirmatif, qui se détermine seulement sur la base de certains témoignages, pose le postulat erroné que le traitement des poussières industrielles prévu par la loi du 13 juin 1893 et par les décrets du 10 mars 1894 et du 10 juillet 1913 aurait permis d'éliminer le risque résultant de l'inhalation de fibres d'amiante, perdant ainsi de vue la spécificité du risque lié au caractère micrométrique des particules en suspension dans l'atmosphère, et en conséquence desquelles le législateur a été conduit à mettre en place des normes et une réglementation entièrement distinctes de celles concernant les poussières indutrielles ; qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur le caractère inopérant du traitement des poussières industrielles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
7° que, faute d'indiquer sur quels éléments techniques elle se fonde pour affirmer que le traitement normal des poussières industrielles selon les anciens textes aurait été de nature à tenir en échec la pollution spécifique de l'amiante, la cour d'appel, qui ne caractérise pas le lien de causalité entre la prétendue faute et les maladies litigieuses, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants précités ;
8° qu'en supposant applicables la loi du 12 juin 1893 et les décrets du 10 mars 1894 et du 10 juillet 1913, ne caractérise nullement la méconnaissance de ceux-ci par la société Eternit la cour d'appel qui au lieu de se référer comme le prévoient les textes précités à des contrôles effectués sur place par des inspecteurs habilités qui enregistrent des excès d'empoussièrement laissés à leur appréciation et portent la responsabilité de délivrer éventuellement des injonctions, lesquelles ne constituent en faute les industriels visités qu'en cas de refus d'obtempérer dans le délai d'un mois se fonde, en l'absence de tout seuil d'empoussièrement réglementairement défini par lesdits textes, sur les seuls témoignages de retraités relatifs à des faits anciens de plusieurs dizaines d'années ; qu'ainsi, en substituant comme elle l'a fait a posteriori sa propre appréciation à celle des fonctionnaires compétents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

9° que, si l'arrêt attaqué, pour infirmer le chef du jugement qui ordonnait une expertise, se réfère incidemment aux " rapports, recommandations et injonctions du service de prévention " de la caisse régionale d'assurance maladie, il ne caractérise, faute d'analyser les pièces auxquelles il se réfère, aucune injonction délivrée, entre 1957 et 1963, en application des textes de 1893, 1894 et 1913 relatifs aux poussières en général, qui n'aurait pas été suivie d'effet dans le délai réglementaire, ce qui aurait pu seulement justifier la qualification d'une faute au regard de ces textes ; qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué n'a pas justifié sa solution au regard des textes précités et des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Eternit industries avait commis une faute inexcusable ; que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.

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Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 28 février 2002 Cassation partielle

N° de pourvoi : 00-10051
ARRÊT N° 5
Attendu que Denis X... a été engagé comme mécanicien le 16 juin 1976 par la société Les Forges d'Allevard, pour être mis à la disposition de la société Wheelabrator Allevard, puis a été muté en 1980 à la société Allevard Aciers où il a exercé l'activité de mécanicien jusqu'en 1986, puis de magasinier jusqu'en 1996 ; qu'il a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie un mésothéliome professionnel, constaté par certificat médical du 7 novembre 1994 ; que la Caisse, après avoir formulé des réserves dans l'attente de l'enquête à effectuer, a reconnu le caractère professionnel de la maladie et en a informé la société Allevard Aciers le 14 novembre 1995 ; que le 11 octobre 1996, la caisse régionale d'assurance maladie a décidé de ne pas inscrire les dépenses relatives à la maladie professionnelle au compte de la société Allevard Aciers, le salarié ayant été exposé au risque chez plusieurs employeurs ; que Denis X... est décédé le 12 octobre 1996 et que la caisse, après avoir fait procéder à une enquête légale, a reconnu le caractère professionnel du décès ; que l'arrêt attaqué, statuant sur la demande des ayants droit de Denis X..., a dit que le décès était dû à la faute inexcusable de la société Allevard Aciers, aux droits de qui venait la société Ascométal, et a fixé le montant des indemnisations, mais a déclaré inopposable à la société la procédure ayant conduit à la reconnaissance de la maladie professionnelle dont est décédé Denis X... ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal de la caisse primaire d'assurance maladie, contestée par la défense :
Attendu que, même dans le cas où les dépenses afférentes à la maladie professionnelle sont inscrites au compte spécial en raison de ce que le salarié a été exposé au risque chez plusieurs employeurs, la Caisse primaire d'assurance maladie, tenue de faire l'avance des sommes allouées aux ayants droit en réparation de leur préjudice personnel, conserve contre l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue le recours prévu par l'article L. 452-3, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale ; que le pourvoi de la Caisse est donc recevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la société Ascométal, pris en ses cinq branches :
Attendu que la société Ascométal fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que la maladie professionnelle de Denis X... était due à la faute inexcusable de la société Allevard Aciers, alors, selon le moyen :

1° que la maladie de Denis X... ayant été reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie au titre du tableau n° 30, et la caisse régionale d'assurance maladie ayant imputé la charge financière de cette maladie au compte spécial en raison d'une exposition de la victime au risque chez plusieurs employeurs, ne justifie pas sa solution au regard des articles L. 452-1 et suivants et L. 461-1 du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui retient que Denis X... aurait été exposé au risque de l'amiante au sein de la société Allevard Aciers sans constater que le salarié aurait été exposé de façon habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante au sein de cette entreprise ;
2° que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que l'arrêt attaqué considère que Denis X... aurait été exposé aux poussières d'amiante lors de ses interventions sur des matériels protégés par l'amiante de 1980 à 1986, sans prendre en considération l'attestation du 6 février 1998 de M. Tauttmann, chef de poste à l'aciérie de 1977 à 1986, indiquant qu'à partir de l'année 1978 les plaques de revêtement d'amiante de la cuve du four avaient été retirées et qu'il n'y en avait plus en 1979, et que l'amiante utilisé pour l'enrubannage des flexibles avait été remplacé par de la fibre de verre en 1979, l'attestation du 3 février 1999 de M. Bataillon, chef d'atelier de l'aciérie de 1974 à 1986, indiquant que l'amiante utilisé pour se protéger de la chaleur était confiné et non volatile, qu'au début les flexibles du four étaient enveloppés d'amiante tressé qui était renouvelé une fois par mois environ, opération au cours de laquelle les ouvriers étaient protégés par des masques mis à leur disposition, et que l'amiante avait été progressivement retiré et qu'il n'y en avait plus en 1980, ainsi que l'attestation du 25 janvier 1999 de M. Hellio, chef du service de l'entretien de l'aciérie de 1971 à 1986, indiquant que l'amiante était présent au four 30 tonnes de l'aciérie sous forme d'enrobage des faisceaux électriques afin de les protéger des projections d'acier en fusion, que les ouvriers intervenaient une fois par mois pour changer ces protections, opération d'une durée de l'ordre de quatre heures qui était effectuée le dimanche à l'arrêt du four, que l'amiante avait été progressivement retiré dès sa prise de fonction et à mesure des progrès techniques, qu'à partir de 1980 l'amiante n'était plus utilisé au four 30 tonnes pour protéger les faisceaux, et qu'il avait utilisé toute son autorité auprès des ouvriers de l'entretien pour qu'ils portent les équipements de protection individuelle, et notamment les masques respiratoires, mis à leur disposition lors des travaux les mettant en contact avec l'amiante ;

3° que l'article 4 du décret n° 77-949 du 17 août 1977 dispose qu'en cas de travaux occasionnels et de courte durée où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, et s'il est techniquement impossible de respecter les dispositions de l'article 3 dudit décret, des équipements de protection individuelle doivent être mis à la disposition du personnel, notamment des appareils respiratoires anti-poussières ; que ne justifie pas légalement sa décision l'arrêt attaqué qui retient que la société Allevard Aciers n'a pas respecté les prescriptions de ce décret sans s'expliquer sur les attestations susvisées, régulièrement versées aux débats par la société Ascométal, qui constataient que lors des travaux les mettant exceptionnellement au contact avec de l'amiante, les ouvriers étaient tenus d'utiliser les équipements de protection individuelle, et notamment les masques respiratoires, mis à leur disposition ;
4° que ce défaut de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel a également omis de prendre en considération les nombreux constats de contrôle de l'empoussièrement effectués par la Caisse régionale d'assurance maladie et le Commissariat à l'énergie atomique, organismes qui ont surtout effectué des recherches sur la teneur de l'atmosphère en silicium, chrome, manganèse et plomb, mais qui n'auraient pas manqué de faire état de fibres d'amiante s'ils en avaient repérées ;
5° que selon l'article 2 du décret n° 77-949 du 17 août 1977 applicable aux faits de l'espèce, la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié durant sa journée de travail ne devait pas dépasser deux fibres par centimètre cube, seules étant considérées les fibres de plus de cinq microns de longueur, de trois microns au plus de largeur et dont le rapport longueur/largeur excédait trois ; qu'il s'ensuit que ne justifie pas légalement sa solution au regard de ce texte et des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui impute la maladie professionnelle de Denis X... à une faute inexcusable de la société Allevard Aciers au motif que ladite société n'avait pas respecté les prescriptions du décret précité du 17 août 1977, faute d'avoir constaté que le taux de concentration de poussières d'amiante dans l'atmosphère dans laquelle avait évolué le salarié aurait excédé le seuil réglementairement autorisé ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Allevard Aciers avait commis une faute inexcusable ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal de la caisse primaire d'assurance maladie, pris en sa première branche :
Vu les articles R. 441-11 et R. 441-13 du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que, pour déclarer inopposable à l'employeur la décision de la caisse primaire de reconnaître le caractère professionnel de la maladie, l'arrêt attaqué, après avoir énoncé exactement que la caisse primaire était tenue, préalablement à sa décision, d'une part, d'assurer l'information de l'employeur sur la procédure d'instruction et les points susceptibles de lui faire grief, et, d'autre part, de lui communiquer, sur sa demande, l'entier dossier qu'elle a constitué, relève que la société, avisée de la décision de la Caisse le 14 novembre 1995, a demandé le 28 février 1996 communication du dossier, et que la caisse a refusé de lui transmettre les pièces médicales ; qu'il retient que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie a été prise sans qu'ait été préalablement communiqué à la société l'entier dossier ayant conduit la Caisse à prendre sa décision ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la demande de communication du dossier par la société Allevard Aciers était postérieure à la décision contestée, sans caractériser en quoi la procédure préalable à cette décision était irrégulière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Allevard Aciers la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaître le caractère professionnel de la maladie, l'arrêt rendu le 3 novembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry.

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Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 28 février 2002 Rejet

N° de pourvoi : 00-13172
ARRÊT N° 6
Attendu que M. X..., salarié de la société Everite, spécialisée dans la fabrication de produits en amiante-ciment, de 1947 à 1978, a été reconnu atteint d'asbestose professionnelle à compter du 21 octobre 1991 ; que le 15 novembre 1996, il a saisi la caisse primaire d'assurance maladie en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, puis, le 18 mars 1997, le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que celui-ci, après avoir ordonné la mise en cause des trois compagnies d'assurance susceptibles de garantir la société Everite, a déclaré l'action prescrite comme engagée plus de deux années après la première constatation médicale de la maladie, et rejeté la demande de mise hors de cause des compagnies d'assurance ; que l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 janvier 2000) a confirmé cette décision, mais, statuant en application des dispositions de l'article 40, paragraphes II à IV, de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, a dit que la maladie professionnelle de M. X... était due à la faute inexcusable de son employeur, fixé la majoration de rente au maximum, dit que la victime pouvait demander la réparation de son préjudice personnel et ordonné une expertise médicale ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Everite, pris en ses trois branches : (Publication sans intérêt) ;
Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leurs diverses branches :
Attendu que la société Everite reproche à l'arrêt d'avoir retenu à sa charge l'existence d'une faute inexcusable, alors, selon le deuxième moyen :
1° que l'utilisation de l'amiante n'ayant été interdite qu'à compter du 1er janvier 1997, le simple fait que la victime ait été exposée au risque d'une maladie professionnelle connue et répertoriée à un tableau des maladies professionnelles ne suffit pas à constituer en faute l'employeur qui poursuivait des activités visées audit tableau, de sorte que ne caractérise pas une faute inexcusable et viole les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui déduit du visa de l'amiante au tableau n° 25, d'abord, et au tableau n° 30, ensuite, la conscience que devait avoir ladite société du danger auquel elle soumettait ses ouvriers en poursuivant légalement ses activités classiques de fabrication de produits en amiante-ciment à compter de la parution desdits tableaux ; que de surcroît la conscience du danger par la société Everite est d'autant moins caractérisée par l'arrêt attaqué que la cour d'appel ne reproche en définitive à ladite société que son comportement jusqu'en 1977 (" en omettant de prendre jusqu'en 1977 toutes les dispositions nécessaires pour éviter la mise de ses salariés en contact avec l'amiante "), c'est-à-dire concernant une période où les pouvoirs publics n'avaient pas encore édicté de réglementation protectrice spécifique aux fibres d'amiante ;

2° qu'il résulte tant du décret spécifique n° 77-949 du 17 août 1977, qui réglemente " les parties des locaux et chantiers où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère ", que du tableau n° 30 des maladies professionnelles, qui concerne " les travaux exposant à l'inhalation des poussières d'amiante ", que l'exercice d'activités mettant le personnel en contact avec l'amiante était autorisé à l'époque considérée, de sorte que viole ces textes l'arrêt attaqué qui retient l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur au motif que celui-ci a mis ses salariés " en contact avec l'amiante " ;
3° qu'en se fondant sur des textes relatifs au traitement des poussières industrielles en général (loi du 12 juin 1893, loi du 26 novembre 1912, décret du 20 novembre 1904, décret du 6 mars 1961), ne caractérise pas légalement le lien de causalité qui aurait existé entre la maladie du salarié et l'imprudence imputée à l'employeur dans le traitement des poussières de l'usine, l'arrêt attaqué qui omet de rechercher et d'indiquer en quoi l'application de ces textes généraux, qui ne comportent aucune norme contrôlable, aurait été de nature à éliminer le risque d'inhalation de fibres microscopiques (de l'ordre de quelques microns) qui sont à l'origine des affections liées à l'amiante et dont l'élimination n'a été organisée que par le décret n° 77-949 du 17 août 1977, premier texte spécifique à la matière et fondé sur des données scientifiques, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
4° qu'il existe une différence fondamentale entre les poussières industrielles en général visées par l'arrêt attaqué et définies par l'article R. 232-5-1 du Code du travail en fonction de leur " volume aérodynamique " et de leur " vitesse de chute ", dont la concentration, évaluée sur une période de huit heures, peut légalement atteindre 5 milligrammes par mètre cube d'air, et la réglementation spécifique prévue par l'article R. 232-5-5 et le décret du 17 avril 1977 relatif aux mesures particulières applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère, qui dispose que la concentration moyenne en fibres d'amiante dans l'atmosphère inhalée par un salarié pendant sa journée de travail ne doit pas dépasser deux fibres par centimètre cube, de sorte qu'en refusant de faire application du texte spécifique à la matière pour apprécier la conscience du danger que devait avoir l'employeur, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
Et alors, selon le troisième moyen,

1° que, retenant la période antérieure au décret de 1977 pour caractériser la faute imputée à la société Everite, viole l'article 5 du Code civil la cour d'appel qui, au lieu de procéder à un examen individuel de chaque affaire, comme l'exige la constatation d'une faute inexcusable, se réfère, dans quinze décisions du même jour, à la même appréciation syncrétique relative, toutes époques confondues, à un empoussièrement massif déduit de quelques témoignages concernant, de manière indéfinie, différentes époques, différents locaux et différentes activités de l'établissement de Bassens, et qui statue par voie de disposition générale, constituant ainsi l'entreprise en état de faute permanente à l'égard de tout le personnel, toutes époques confondues, ne précisant nullement ni la nature des poussières, ni l'exposition du poste occupé par chaque victime ;
2° que, pour les mêmes raisons, la cour d'appel prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui statue sur le cas de quinze personnes différentes sans même se soucier de vérifier si les témoignages retenus correspondaient aux périodes d'emploi et aux postes de celles-ci ;
3° qu'en l'absence de normes dont l'apparition n'est survenue qu'en 1977 la constatation d'une faute de l'employeur dans le traitement et l'évacuation des poussières prévus par l'article 6 du décret du 10 juillet 13 était subordonnée par le même texte (article 21) à la mise en oeuvre d'une procédure comprenant l'appréciation préalable d'un fonctionnaire compétent, la délivrance d'une mise en demeure de remédier aux insuffisances constatées, l'établissement d'un procès-verbal constatant la carence de l'employeur au terme d'un délai donné, et que, dès lors, en substituant à ce dispositif légal de simples déclarations de témoins recueillies en vue du procès sur des faits se situant entre vingt et cinquante ans auparavant, la cour d'appel a violé ensemble les dispositions précitées, devenues les articles R. 232-12, R. 232-13 et R. 232-14 du Code du travail ;
4° qu'au surplus, inverse indûment la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil, l'arrêt attaqué qui, concernant la preuve d'une prétendue faute inexcusable de l'employeur, dont la charge incombe au demandeur, retient l'existence à cette époque d'un empoussièrement massif dans l'usine au motif que la société Everite n'était pas à même de s'expliquer sur les mesures de lutte contre l'empoussièrement qu'elle avait pu adopter avant 1956 ;
5° que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale l'arrêt attaqué qui :
se contredit en faisant reproche à l'employeur de ne pas avoir mis en oeuvre des moyens suffisants pour éliminer les poussières en général et qui, par ailleurs, met en doute l'efficacité desdits moyens pour " mettre l'ouvrier à l'abri du risque sanitaire provoqué par l'amiante ",

se contredit encore dans ses explications, en énonçant tantôt que " ce n'est qu'aux environs de l'année 1977 qu'un travail efficace de dépoussiérage a été mis en oeuvre, tantôt que ce n'est qu'au cours des dernières années de fonctionnement de l'usine fermée en 1987 que les résultats satisfaisants ont pu être enregistrés ",
méconnaît les termes du litige en considérant que les premiers résultats d'analyse de l'air dont se prévaut l'employeur sont de 1983 bien que la société Everite ait fait valoir dans ses conclusions qu'en l'état de la réglementation du 17 août 1977, qui limitait le niveau d'empoussièrement autorisé à un seuil de 2 fibres/cm3, les résultats des contrôles d'atmosphère étaient, selon le comité d'hygiène et de sécurité lui-même, " excellents ", et ceci dès l'entrée en vigueur de la réglementation,
affirme, sans s'expliquer sur les " excellents " résultats des contrôles d'atmosphère susvisés dès l'entrée en vigueur de la réglementation de 1977, que ce n'aurait été qu'à compter de 1983 et au cours des dernières années de fonctionnement de l'usine fermée en 1987 que des résultats d'empoussièrement satisfaisants avaient pu être enregistrés,
méconnaît les termes du litige en retenant qu'il ressortait des " propres écritures de l'employeur " que cela n'avait été qu'aux environs de l'année 1977 qu'un travail efficace de dépoussiérage avait été mis en oeuvre, bien que la société Everite ait longuement fait valoir dans ses conclusions, sur le fondement des rapports annuels des services médicaux du travail et du comité d'hygiène et de sécurité, qu'elle n'avait jamais cessé depuis 1956 de mettre en place et d'améliorer des équipements et des installations destinés à éviter les émissions de poussières et à réaliser le dépoussiérage des postes de travail,
omet de tenir compte, pour l'appréciation du respect par la société Everite de son " obligation de sécurité sanitaire ", du fait qu'il était établi par les rapports annuels et comptes rendus des réunions mensuelles du comité d'hygiène et de sécurité que tout le personnel de l'entreprise avait bénéficié d'un suivi médical complet, assuré tant par le médecin du travail de l'usine que par la caisse régionale d'assurance maladie, à leur embauche et périodiquement tout au long de leur carrière chez Everite ;
6° que méconnaît les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui énonce que les premiers résultats d'analyse de l'air dont se prévalait la société Everite étaient de 1983, en dénaturant ainsi les termes clairs et précis du point 44 du " bordereau des pièces communiquées ", lequel visait les " mesures d'empoussièrement, mars 1978 à décembre 1986 " ;

7° que méconnaît les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui énonce que les premiers rapports de la médecine du travail produits par l'employeur étaient de 1976, en dénaturant ainsi les termes clairs et précis du point 20 du " bordereau des pièces communiquées ", lequel visait le " rapport d'activité des services médicaux du travail, 1960 " ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Everite avait commis une faute inexcusable ; que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi incident de la compagnie Mutuelles du Mans Assurances, pris en leurs diverses branches, et sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la compagnie Axa corporate solutions, pris en ses deux branches :
Attendu que la compagnie Mutuelles du Mans Assurances et la compagnie Axa corporate solutions, venant aux droits de la compagnie Axa Global Risks font grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui a rejeté leur demande de mise hors de cause, et d'avoir refusé de les mettre hors de cause, alors, selon le premier moyen de la compagnie Mutuelles du Mans Assurances :
1° qu'il n'appartient à aucune juridiction de pouvoir se saisir d'office, pas plus que d'ordonner d'office la mise en cause d'un assureur en dehors des cas où la loi le prévoit expressément et à titre exceptionnel ; que la compagnie Mutuelles du Mans a été mise en cause par le tribunal des affaires de sécurité sociale en vertu d'une décision qui a ordonné d'office son intervention à l'instance ; qu'en confirmant une telle décision, la cour d'appel a entaché sa décision d'excès de pouvoir au regard de l'article 332 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que d'une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2° qu'il appartient au juge, le cas échéant, d'inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige ; qu'une telle invitation n'a pas eu lieu en l'espèce où l'intervention du tiers a été décidée d'office, et ce sans que les parties à l'instance aient fait valoir contre ce tiers une quelconque prétention, serait-ce même celle de lui rendre commun le jugement à intervenir ; d'où il suit que la cour d'appel s'est substituée aux parties et par là même a méconnu les droits du tiers forcé à intervenir en violation des articles 332 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;
3° que le tribunal des affaires de sécurité sociale est incompétent ratione materiae pour statuer ou même préjuger de l'obligation de garantie qui pourrait incomber à une compagnie d'assurances privée au titre du contrat d'assurance ; qu'en l'espèce, le juge du fond était saisi d'un litige relatif à la prétendue faute inexcusable de l'employeur au regard des dispositions du Code de la sécurité sociale ; qu'en déclarant son arrêt commun à une compagnie d'assurances privée, la cour d'appel a par là même entaché sa décision d'incompétence et méconnu les articles 33 du nouveau Code de procédure civile et L. 142-1 du Code de la sécurité sociale ;
Alors, selon le second moyen du pourvoi de la compagnie Mutuelles du Mans :
1° qu'il incombe au juge du fond de motiver sa décision par laquelle il déclare le jugement commun à un tiers ; que le simple visa du texte légal pas plus que la référence à une condamnation de l'employeur ne sauraient par eux-mêmes constituer une motivation de nature à justifier la décision attaquée à l'égard d'un tiers dont les droits et obligations, et par conséquent le lien avec litige, demeurent inconnus ; d'où il suit que la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2° qu'il incombe aux juges du fond de rechercher et de justifier des faits et actes juridiques indispensables au soutien de sa décision ; qu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que l'assureur privé ait jamais accordé sa garantie à l'occasion d'un sinistre imputable à la " faute inexcusable " du prétendu assuré, pas plus d'ailleurs qu'il n'a été établi, ni même allégué, qu'un risque tel celui qui résulterait de l'inhalation de fibres microscopiques d'amiante ait jamais été l'objet d'une police d'assurance souscrite auprès de la compagnie Mutuelles du Mans ; qu'un tel risque lié à l'utilisation même de l'amiante n'a été reconnu par le législateur qu'en 1997, postérieurement à l'expiration du contrat d'assurance ; que dès lors en déclarant son arrêt commun à la compagnie d'assurances, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard du principe de sécurité juridique, du principe de confiance légitime, de l'article 2 du Code civil et de l'article L. 113-5 du Code des assurances ;
Et alors, selon le pourvoi de la compagnie Axa corporate solutions :

1° que l'arrêt ne pouvait s'abstenir de répondre aux conclusions de la compagnie Axa Global Risks se prévalant de ce que la société Everite avait fait délivrer assignation à l'ensemble de ses assureurs et coassureurs concernés, devant le tribunal de grande instance de Tours, pour faire trancher la question de la couverture d'assurance, ce qui impliquait l'incompétence du tribunal des affaires de sécurité sociale, et en toute hypothèse, son dessaisissement pour litispendance sur la question litigieuse au profit de la juridiction de droit commun ; que la cour d'appel a violé les articles 100 et suivants, 103 et suivants, et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2° qu'en toute hypothèse, le tribunal des affaires de sécurité sociale et, sur appel, la chambre sociale de la cour d'appel, étaient incompétents pour appeler et maintenir en cause les compagnies d'assurance, et en particulier la compagnie Axa Global Risks ; que selon les articles L. 142-1 et L. 142-2 du Code de la sécurité sociale, la mission des tribunaux des affaires de sécurité sociale est limitée aux différends auxquels donne lieu l'application des législation et réglementation de sécurité sociale ; que les relations assuré-assureur sont de nature contractuelle et que le contentieux qui peut les opposer relève des seules juridictions de droit commun, c'est-à-dire des tribunaux d'instance et de grande instance, et que l'article 332 du nouveau Code de procédure civile ne pouvait justifier la mise en cause litigieuse, d'office et en violation des règles de compétence applicables ; que la cour d'appel a violé les articles 42 et 332 du nouveau Code de procédure civile, L. 142-1 et L. 142-2 du Code de la sécurité sociale et R. 114-1 du Code des assurances ;
Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article R. 142-19 du Code de la sécurité sociale, la comparution des parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est provoquée par une convocation délivrée par le secrétariat du tribunal ; que le Tribunal, en ordonnant la mise en cause des compagnies d'assurances susceptibles de garantir la société Everite pour le cas où il serait établi que la maladie professionnelle est due à sa faute inexcusable, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'il tient de l'article 332 du nouveau Code de procédure civile ;
Et attendu, ensuite, que l'intervention forcée ordonnée par le tribunal, qui ne tendait qu'à une déclaration de jugement commun, entrait dans la compétence des juridictions de sécurité sociale ; que la déclaration de jugement commun ne se prononçant pas sur les relations entre les parties et les intervenants forcés, c'est à bon droit que l'exception de litispendance a été rejetée ;
D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Par ces motifs :
REJETTE les pourvois.

 


Cour de Cassation
Chambre sociale
Audience publique du 28 février 2002 Rejet

N° de pourvoi : 99-17221
Publié au bulletin

Président : M. Sargos .
Rapporteur : M. Ollier.
Premier avocat général :M. Benmakhlouf.
Avocats : M. Bouthors (arrêt n° 1), la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez (arrêts nos 1, 2, 3 et 4), la SCP Célice, Blancpain et Soltner (arrêts nos 2, 3, 4, 5, 6 et 7), M. Foussard (arrêts nos 2, 3 et 7), M. de Nervo (arrêt n° 4), la SCP Rouvière et Boutet (arrêts nos 5 et 6), la SCP Peignot et Garreau


ARRÊT N° 7
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que Jean X... a travaillé pour la société Usinor-Denain, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui, après la société Sollac, le groupe Usinor Sacilor Sollac, comme conducteur, du 13 octobre 1950 au 15 février 1978, date à laquelle il s'est trouvé en invalidité ; qu'il a déclaré le 24 août 1994 un mésothéliome pleural, dont la prise en charge à titre professionnel a été décidée par la Caisse primaire d'assurance maladie en janvier 1996 ; qu'après le décès de son mari, survenu le 28 septembre 1996, Mme X... a saisi la juridiction de sécurité sociale pour obtenir un complément d'indemnisation en raison de la faute inexcusable de l'employeur ; que, la société Sollac ayant fait valoir que la décision de prise en charge ne lui était pas opposable, Mme X... a demandé subsidiairement la condamnation de la Caisse à lui verser des dommages et intérêts ; que l'arrêt attaqué (Douai, 28 mai 1999) a dit que la décision de la Caisse était inopposable à la société Sollac, et a débouté Mme X..., en l'absence de faute inexcusable de l'employeur ;
Attendu que Mme X... fait grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :
1° que la reconnaissance des dangers d'une exposition à l'amiante pour les salariés a été admise bien avant l'embauche de Jean X..., intervenue le 13 octobre 1950, d'abord par une ordonnance du 2 août 1945 créant le tableau n° 25 des maladies professionnelles relatif à la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de la silice libre ou de l'amiante, puis par le décret du 31 août 1950 créant le tableau n° 30 propre à l'asbestose, maladie consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante ; qu'en l'espèce, il est constant que Jean X... a été exposé sans protection aux poussières d'amiante pendant près de vingt-huit ans, du 13 octobre 1950 au 15 février 1978, date à laquelle il a été placé en invalidité au titre de la maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30 dont il est par la suite décédé ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le salarié portait des éléments de protection contre la chaleur en amiante et travaillait dans des locaux contenant de l'amiante ; que dès lors l'employeur aurait dû avoir conscience du danger qu'il faisait courir à son salarié en l'exposant sans protection aux poussières d'amiante ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2-1, L. 461-2, R. 461-3 du Code de la sécurité sociale et R. 232-5-7 du Code du travail, ensemble l'article 6 du décret du 10 juillet 13 abrogé par le décret n° 73-1048 du 15 novembre 1973 et les articles R. 232-12 et R. 232-14 du Code du travail dans leur rédaction issue du décret n° 73-1048 du 15 novembre 1973 et abrogée par le décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984, applicables en l'espèce ;

2° que l'exposition au risque prévue par l'article L. 461-2 du Code de la sécurité sociale s'entend seulement d'une exposition habituelle, indépendamment de toute participation du salarié à l'exécution de travaux comportant l'usage direct de matériaux susceptibles d'entraîner une maladie professionnelle ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 461-2 précité ;
3° qu'en toute hypothèse, il résultait des éléments du débat que les produits à base d'amiante ont été inclus dès le 5 janvier 1976, soit à une date où le salarié était encore exposé sans aucune protection aux poussières d'amiante, dans le tableau n° 30, en raison des risques inhérents à leur dégradation ; qu'en ne recherchant pas si l'employeur n'aurait pas dû avoir conscience, à tout le moins à partir de cette date, des risques inhérents à la formation de poussières d'amiante, et en conséquence prendre les mesures nécessaires à la protection des travailleurs exposés à ces poussières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-2-1, L. 461-2, R. 461-3 du Code de la sécurité sociale et R. 232-5-7 du Code du travail, ensemble de l'article 6 du décret du 10 juillet 13 abrogé par le décret n° 73-1048 du 15 novembre 1973 et des articles R. 232-12 et R. 232-14 du Code du travail dans leur rédaction issue du décret n° 73-1048 du 15 novembre 1973 et abrogée par le décret n° 84-1093 du 7 décembre 1984, applicables en l'espèce ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que l'arrêt relève que Jean X... ne participait pas à des travaux comportant l'usage direct de l'amiante ; qu'il retient en outre que le port d'éléments de protection contre la chaleur ou l'implantation dans des locaux d'éléments d'isolation comportant de l'amiante ne faisaient l'objet, pendant la période d'emploi de l'intéressé, d'aucune disposition restrictive, et qu'en l'état des connaissances scientifiques, la société Sollac, qui n'utilisait pas l'amiante comme matière première, pouvait ne pas avoir conscience que l'utilisation de ces éléments de protection et le travail à proximité de ces équipements constituaient un risque pour le salarié ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que la société Sollac n'avait pas commis de faute inexcusable ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.