En l’affaire N.N. et T.A. c. Belgique,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section),
siégeant en une chambre composée de :
András Baka, président,
Françoise Tulkens,
Ireneu Cabral Barreto,
Vladimiro Zagrebelsky,
Antonella Mularoni,
Danute Jociene,
Dragoljub Popovic, juges,
et de Mme F. Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les
5 juin 2007 et 31 mars 2008,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière
date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 65097/01)
dirigée contre le Royaume de Belgique et dont deux ressortissants de
cet Etat, N.N. et T.A. (« les requérants »), ont saisi la
Cour le 14 juillet 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde
des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la
Convention »). Par une décision du 8 novembre 2004, le président
de la chambre a accédé à la demande de non-divulgation
de leur identité formulée par les requérants (article 47
§ 3 du règlement).
2. Les requérants, sont représentés devant la Cour par
M. F. van Hoof, professeur de droit international, résidant à
Ijsselstein (Pays-Bas). Le gouvernement défendeur est représenté
par son agent, M. C. Debrulle, Directeur général du Service Public
Fédéral de la Justice.
3. Les requérants alléguaient en particulier que l’article
8 de la Convention avait été violé du fait de la production
de leur correspondance dans le cadre de la procédure en mesures provisoires
relative au divorce du second requérant.
4. La requête a d’abord été attribuée à
la deuxième section, puis à la première section de la Cour
(article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée
d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été
constituée conformément à l’article 26 § 1 du
règlement.
5. Par une décision du 9 février 2006, la chambre a déclaré
la requête partiellement recevable.
6. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des
observations écrites complémentaires (article 59 § 1 du règlement).
7. Les 1er novembre 2004 et 19 janvier 2007, la Cour a modifié la composition
de ses sections (article 25 § 1 du règlement). Le 19 janvier 2007,
la présente requête a été attribuée à
la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
8. Les requérants sont nés respectivement en 1956 et 1963 et
résident à Knokke-Heist.
9. Les requérants expliquent qu’ils entretiennent une relation
homosexuelle durable.
10. Le second requérant, T.A., épousa Mme B.V. le 11 août
1979.
11. Le 17 décembre 1993, l’épouse de T.A. déposa
une requête devant le tribunal de première instance de Bruges en
vue d’obtenir le divorce pour faute à charge de son mari.
12. Le 23 décembre 1993, elle introduisit auprès du président
de ce même tribunal, une demande de mesures provisoires pour la durée
de la procédure concernant notamment les contributions alimentaires à
son égard ainsi qu’à celui des enfants communs, l’exercice
de l’autorité parentale et leur hébergement.
13. Dans le cadre de cette procédure, B.V. fit état de la relation
amoureuse entretenue par les requérants et déposa des lettres
et documents privés appartenant à T.A. parmi lesquels se trouvaient
des lettres à caractère amoureux échangées par les
requérants.
14. Le 20 décembre 1995, N.N., par l’intermédiaire de son
conseil, déposa une requête en intervention volontaire auprès
du président du tribunal de première instance de Bruges. Se prévalant
de son droit au respect de sa vie privée et au secret de sa correspondance,
N.N. sollicita l’interdiction de la production de ces lettres ou leur
exclusion des débats.
15. Dans ses conclusions, T.A. qui ne contesta pas formellement son homosexualité,
ni l’existence de sa relation avec N.N., formula la même demande,
faisant notamment valoir que ces questions étaient relatives à
celle de la faute des époux, et donc non pertinente au stade des mesures
provisoires. T.A. fit également valoir que, pour entrer en possession
de la correspondance, B.V. avait fracturé la serrure de son porte-documents.
16. Dans l’intervalle, le conseil de B.V. avait, par lettre du 13 juin
1994, invité T.A., à déposer plainte auprès de la
police au sujet de ce dernier point. T.A. ne donna aucune suite à cette
lettre.
17. Dans une ordonnance du 17 janvier 1996, le président du tribunal
de première instance de Bruges rejeta les demandes des requérant,
en faisant valoir notamment les motifs suivants :
« (...) Hormis les lettres émanant d’une personne tenue par
le secret professionnel, les autres lettres d’un tiers à un des
conjoints peuvent être invoquées à titre de preuve. La seule
restriction à stipuler dans ce cas est que la personne souhaitant faire
usage de telles lettres ne soit pas entrée en leur possession de manière
illicite par le biais, par exemple, d’un délit.
Dans la mesure où il n’existe aucune preuve concluante que cela serait le cas, la demande de la partie intervenant volontairement et de la partie défenderesse doit être déclarée non fondée. »
18. Le président ordonna également une série de mesures
provisoires sans faire aucune référence à la correspondance
litigieuse.
19. Les requérants interjetèrent appel. Ils firent notamment valoir
que des lettres privées ne pouvaient être communiquées à
des tiers sans l’accord de leur auteur ou destinataire sans violer l’article
8 de la Convention. Ils soutinrent également que, puisque la demande
de mesures provisoires ne concernait ni directement ni indirectement la question
de la faute d’un des époux, il n’existait pas, en l’espèce,
d’intérêt supérieur pour déroger au principe
du secret de la correspondance et ce d’autant plus que, selon eux, l’épouse
du premier requérant était entrée illicitement en possession
des lettres en cause.
20. Le 11 mai 1998, la cour d’appel de Gand rejeta leurs recours et confirma
pour l’essentiel, sans se référer à la correspondance
litigieuse, les mesures provisoires qui avaient été ordonnées
par le président du tribunal de première instance. S’agissant
de la présence au dossier de la correspondance litigieuse, selon cette
cour, la problématique était identique dans le cadre d’une
procédure en divorce ou d’une demande de mesures provisoires de
sorte que la question de l’examen ou non de la faute n’était
pas pertinente. Elle jugea que si, en droit commun, des documents privés
ne pouvaient être déposés par un tiers, la jurisprudence
et la doctrine avaient admis une exception dans le cadre des procédures
en divorce et, partant, dans les demandes de mesures provisoires qui y sont
relatives. Elle releva qu’une double réserve existait à
cet égard en ce sens que, ni l’auteur, ni le destinataire ne pouvaient
être soumis au secret professionnel et que l’autre conjoint ne pouvait
utiliser de moyen illicite pour entrer en possession de ces lettres. Suivant
sur ce point l’ordonnance du président du tribunal de première
instance, la cour d’appel estima, en outre, que les requérants
ne pouvaient soutenir à bon droit que l’épouse du premier
requérant avait usé de moyens illicites pour entrer en possession
desdits documents puisqu’ils n’en n’avaient pas rapporté
la preuve. Selon la cour d’appel, l’affirmation selon laquelle ces
lettres avaient été laissées dans le domicile conjugal
était par ailleurs étayée par la circonstance que même
un brouillon de l’original retrouvé par B.V. dans la corbeille
à papier avait été produit. La cour d’appel ajouta
que la simple affirmation de T.A. selon laquelle cette correspondance se trouvait
dans un porte-documents fermé par une serrure à chiffres ne s’appuyait
sur aucun fait concret et aurait dû, le cas échéant, donner
lieu à une plainte pénale pour vol et infraction, ce qui, à
ce moment, n’avait pas été le cas.
21. Les requérants se pourvurent en cassation. Se prévalant de
la violation de l’article 29 de la Constitution belge qui garantit le
secret de la correspondance et de l’article 8 de la Convention, ils se
plaignirent d’une violation de leur vie privée et plus particulièrement
du secret des lettres. Ils firent valoir qu’une exception au principe
du secret de la correspondance devait faire l’objet d’une interprétation
restrictive et que, par conséquent, une telle exception n’était
pas justifiée dans le cadre d’une demande de mesures provisoires
pour la durée d’une procédure en divorce au cours de laquelle
la question d’une éventuelle faute commise par un des époux
n’était pas abordée.
22. Par un arrêt du 27 janvier 2000, la Cour de cassation rejeta leurs
moyens. D’après la Cour de cassation, ces dispositions ne comportaient
pas d’interdiction pour une personne, entrée régulièrement
en possession de lettres, d’utiliser celles-ci comme moyens de preuve
dans le cadre d’une procédure en divorce ou d’une demande
de mesures provisoires durant l’instance en divorce. La Cour de cassation
jugea également que la circonstance que l’examen de la demande
de mesures provisoires ne portait pas sur le comportement fautif d’un
des époux ou du moins, dans une moindre mesure que dans le cadre de la
procédure de divorce elle-même, était sans incidence. En
outre, elle estima que la cour d’appel avait jugé irrévocablement
que l’épouse du premier requérant était entrée
régulièrement en possession des lettres litigieuses. Elle en conclut
que les dispositions précitées n’étaient pas violées
en l’espèce.
23. Par un jugement du 12 mars 2004, le tribunal de première instance
de Bruges se prononça sur le divorce de T.A. et B.V.
24. T.A. interjeta appel de ce jugement.
25. Le 23 février 2006, la cour d’appel de Gand rendit un arrêt
avant dire droit par lequel elle suspendit la procédure, dans l’attente
que la Cour statue sur la requête.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
1. La Constitution garantit le respect à la vie privée et familiale et le secret des lettres
Article 22
« Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret et la règle visée à l’article 134 garantissent la protection de ce droit. »
Article 29
« Le secret des lettres est inviolable.
La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste. »
2. Le code pénal prévoit
Article 458
« Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d’enquête parlementaire) et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent francs à cinq cents francs. »
Article 462
« Ne donneront lieu qu’à des réparations civiles, les vols commis par des époux au préjudice de leurs conjoints, par un veuf ou une veuve, quant aux choses qui avaient appartenu à l’époux décédé ; par des descendants au préjudice de leurs ascendants, par des ascendants, au préjudice de leurs descendants, ou par des alliés aux mêmes degrés. »
3. Les droits et devoirs respectifs des époux
26. Les droits et devoirs respectifs des époux sont définis au
Chapitre VI du Titre V du code civil. En particulier, l’article 213 dispose
:
Article 213
« Les époux ont le devoir d’habiter ensemble ; ils se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. »
4. Les dispositions du code civil en matière de divorce
27. Une loi du 27 avril 2007, entrée en vigueur le 1er septembre 2007,
a modifié les dispositions applicables en la matière.
28. Actuellement, les dispositions pertinentes se lisent comme suit :
Article 229
« § 1er. Le divorce est prononcé lorsque le juge constate
la désunion irrémédiable entre les époux. La désunion
est irrémédiable lorsqu’elle rend raisonnablement impossible
la poursuite de la vie commune et la reprise de celle-ci entre eux. La preuve
de la désunion irrémédiable peut être rapportée
par toutes voies de droit.
§ 2. La désunion irrémédiable est établie lorsque
la demande est formée conjointement par les deux époux après
plus de six mois de séparation de fait ou qu’elle est répétée
à deux reprises conformément à l’article 1255, §
1er du Code judiciaire.
§ 3. Elle est également établie lorsque la demande est formée
par un seul epoux après plus d’un an de séparation de fait
ou qu’elle est répétée à deux reprises conformément
à l’article 1255, § 2, du Code judiciaire. »
Article 230
« Les époux peuvent également divorcer par consentement mutuel, aux conditions fixées dans la quatrième partie, livre IV, chapitre XI, section 2, du Code judiciaire. »
29. A l’époque des faits de l’espèce, les dispositions
pertinentes se lisaient comme suit :
Article 229
« Chaque époux pourra demander le divorce pour adultère de son conjoint. »
Article 231
« Les époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès, sévices ou injures graves de l’un d’eux envers l’autre. »
Article 232
« Chacun des époux peut demander le divorce pour cause de séparation de fait de plus de deux ans s’il ressort de cette situation que la désunion des époux est irrémédiable (...) »
Le divorce peut également être demandé par l’un des époux si la séparation de fait de plus de deux ans est la conséquence de l’état de démence ou de l’état grave de déséquilibre mental dans lequel se trouve l’autre époux et s’il ressort de cette situation que la désunion des époux est irrémédiable (...) »
Article 233
« Le consentement mutuel et persévérant des époux exprimé de la manière prescrite par la loi, sous les conditions et après les épreuves qu’elle détermine, prouvera suffisamment que la vie commune leur est insupportable, et qu’il existe, par rapport à eux, une cause péremptoire de divorce. »
5. Les dispositions du code civil concernant le dol
Article 1169
« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie ne l’aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé. »
6. Jurisprudence relative à la production de la correspondance d’un des époux dans le cadre d’une procédure de divorce
30. Par un arrêt du 27 février 1913 (Pas., 1913, I, 123), confirmé
le 28 mai 1953, la Cour de cassation a jugé que :
« La correspondance confidentielle entre un conjoint et un tiers peut
être déposée par l’autre conjoint dans une procédure
en divorce pour peu que la correspondance ait été obtenue de manière
licite et que la personne qui a remis cette correspondance ne soit pas tenue
au secret des lettres. »
Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt
de la cour d’appel de Bruxelles du 14 mars 2001 :
« Les relations conjugales et familiales appartiennent de toute évidence
à la sphère même de la vie privée – et donc
le droit au respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance
– prennent forcément une signification spécifique en matière
de relations conjugales et familiales. Certes le mariage et la cohabitation
n’abolissent pas la notion de vie privée. L’individu a droit
au respect d’un espace privé – son intimité –
même au sein de son couple et de sa famille. Cependant, le droit au respect
de la vie privée et le principe du secret des lettres s’accordent,
dans les rapports conjugaux, avec les devoirs mis par la loi à charges
des époux, et notamment avec les devoirs de cohabitation et de fidélité.
Ils y sont atténués par le droit légitime – s’il
est exercé en dehors de tout caractère obsessionnel ou disproportionné
– de s’assurer que son conjoint respecte ses devoirs conjugaux (voir
Bruxelles 24 avril 1997, R. 7. D.R., 1997, 371 et J.L.M.B., 1998, Liège,
27 octobre 1998, R.7.D.R., 1999, 516 et E.J., 2000, 29, F. APS). Dans un débat
judiciaire ayant pour but le divorce, la correspondance échangée
entre un des époux et un tiers peut être produite pour servir de
preuve d’un grief, cause de divorce, sans le consentement de l’auteur
ou du destinataire, pour autant que l’époux qui l’a produit,
n’ait, pour se la procurer, pas eu recours à des procédés
illicites ou disproportionnés au but poursuivi (voir, Bruxelles, 24 février
1998, J.L.M.B., 1999, p. 1513). En effet, ni l’article 8 C.E.D.H., ni
les articles 15, 22 et 29 de la Constitution, qui en sont inspirés, n’interdisent
que des lettres régulièrement entrées en possession d’un
des époux soient utilisés dans le cadre d’une procédure
en divorce (Cass., 27 janvier 2000, J.L.M.B., 1195). »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
31. Les requérants se plaignent de la violation de l’article 8
de la Convention, rédigé comme suit dans sa partie pertinente
:
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...) de
sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Thèse des requérants
32. Les requérants allèguent que l’ingérence considérée
ne répondait pas aux conditions d’accessibilité et de prévisibilité
requises. Ils font valoir que T.A. n’a jamais caché son orientation
sexuelle et que B.V. en a eu connaissance dès avant leur mariage. Par
ailleurs, T.A. n’a jamais nié sa relation extraconjugale avec N.N.
La jurisprudence citée par le Gouvernement est critiquée par une
partie de la doctrine. De plus, à supposer que le droit pour un conjoint
d’apporter la preuve en violation du secret de la correspondance (que
le Gouvernement tire des droits et devoirs des époux) existe, il ne peut
aller jusqu’à violer le droit à la vie privée d’un
tiers. Aucun principe ne reconnaît à une personne le droit de contrôler
un tiers du seul fait qu’ils aient entre eux des droits et devoirs mutuels.
Au contraire, en règle générale, le principe est que le
droit au respect de la vie privée prévaut sur les formes de contrôle
pouvant être exercées. Dans le contentieux des relations dans le
cadre d’un contrat de travail, qui sont plus hiérarchisées
que les relations conjugales et dans lesquelles l’employeur peut exercer
un contrôle sur ses employés sous certaines conditions, les juridictions
belges ont constamment jugé que l’employeur pouvait uniquement
exercer son autorité de la manière la moins intrusive du droit
de ses employés. Il en va de même, dans le cadre des relations
entre les autorités et les personnes détenues, où le contrôle
doit également être légitime. Or, le droit belge n’indique
pas avec assez de clarté l’étendue et les modalités
d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités
dans le domaine considéré. A cet égard, il convient de
noter que l’arrêt de la Cour de cassation de 1913 trouve son fondement
dans le pouvoir marital traditionnel du mari, abrogé par une loi de 1958
qui a placé les époux sur un pied d’égalité.
De plus l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 14 mars
2001 est postérieur aux décisions en cause et se réfère
à l’arrêt de la Cour de cassation du 27 janvier 2000 qui
fait l’objet de la présente requête.
33. Quant à la justification donnée par le Gouvernement, à
savoir la protection des droits d’autrui et, en l’occurrence, celui
de prouver un élément dans le cadre d’une procédure
judiciaire, le droit belge comprend un grand nombre de moyens de preuve, notamment
la preuve testimoniale et le constat d’adultère par huissier.
34. S’agissant de la proportionnalité de l’ingérence,
T.A. n’a jamais contesté son homosexualité et sa relation
avec N.N. et, partant, l’apport de cette preuve par B.V. par la production
de leur correspondance intime n’avait aucune utilité. Par ailleurs,
l’affaire Knotter (Knotter c. Pays-Bas, no 11031/84, décision de
la Commission du 17 décembre 1987, non publiée), citée
par le Gouvernement, se distingue complètement des circonstances de l’espèce.
De plus, les lettres litigieuses n’avaient pas été adressées
à B.V. et, dès lors, N.N. ne pouvait pas se douter que celle-ci
était susceptible d’entrer en possession de ces lettres et, encore
moins, qu’elle allait les utiliser dans le cadre d’une procédure
de mesures provisoires. Les requérants précisent enfin que T.A.
n’a pas porté plainte pour vol en raison de l’obstacle constitué
par l’article 462 du code pénal.
B. Thèse du Gouvernement
35. Le Gouvernement fait valoir que l’utilisation de la correspondance
d’un des époux peut être utilisée comme un moyen de
preuve dans le cadre d’une procédure en divorce. En raison du caractère
accessoire de la procédure de mesures provisoires, le stade au cours
duquel cette preuve est apportée est sans incidence. La base légale
se trouve dans les articles 213 et 229 du code civil sur le fondement desquels
chaque époux a le droit de vérifier si les devoirs conjugaux sont
respectés et, le cas échéant, d’apporter la preuve
du contraire dans le cadre d’une procédure de divorce. Ce principe
repose sur une jurisprudence et une doctrine bien établies et notamment
les arrêts de la Cour de cassation du 27 février 1913 et de la
cour d’appel de Bruxelles du 14 mars 2001. Il existe d’ailleurs
une profusion de précédents jurisprudentiels allant dans le même
sens et que, partant, la prévisibilité était acquise. La
jurisprudence précitée montre également que la règle
est énoncée avec clarté et constance et était par
ailleurs accessible puisqu’elle a fait l’objet de publications.
Cette jurisprudence a posé des critères stricts, répondant
au principe d’interprétation restrictive quant à l’utilisation
de la correspondance à titre de preuve : ni l’émetteur,
ni le destinataire des lettres ne doivent être tenus au secret professionnel
et le conjoint ne peut pas être entré en possession de ces lettres
de manière répréhensible. A cet égard, il convient
de relever, qu’en l’espèce, aucun des requérants n’étaient
liés par le secret professionnel. En outre, les requérants n’ont
pas démontré le caractère illicite de l’acquisition
des lettres. La correspondance litigieuse date en effet de la période
durant laquelle T.A. vivait encore avec B.V. et il n’a pas été
démontré que celle-ci était entrée en sa possession
de manière illicite. Ainsi, le fondement réside dans les devoirs
conjugaux des époux et l’ingérence dans le droit à
la vie privée en cause a non seulement pour but de préserver l’ordre
public et les bonnes mœurs, mais aussi les droits et libertés d’autrui.
En effet, si le droit au respect de la vie privée devait être absolu
entre les époux, cela impliquerait qu’un certain nombre de faits
survenant pendant le mariage de deux personnes ne pourrait jamais être
prouvés. Or, dans le cadre des procédures judiciaires, il existe
une nécessité absolue de pouvoir établir des faits relevant
de la vie privée et, dans les procédures de divorce, le droit
à la preuve prime clairement sur le droit à la vie privée.
Selon le Gouvernement, qui renvoie à l’affaire Knotter précitée,
il serait déraisonnable de priver un conjoint, victime d’adultère
ou d’injures graves, de ce qui constitue bien souvent le seul moyen de
preuve à sa disposition. Quant à la nécessité de
l’ingérence, celle-ci est pertinente et proportionnée en
raison du respect des critères susmentionnés et de la nécessité
qu’avait B.V. de prouver l’existence d’un motif de divorce.
Il importe peu que la correspondance ait été produite dans la
procédure au fond ou dans le cadre de la demande de mesures provisoires
dont celle-ci est l’accessoire. Enfin, N.N. devait raisonnablement s’attendre
à ce que B.V. apprenne l’existence de la relation qu’il entretenait
avec son époux et utilise leur correspondance comme moyen de preuve.
C. Appréciation de la Cour
1. Sur l’existence de l’ingérence
36. La Cour rappelle qu’il est de jurisprudence constante que «
la disposition de l’article 8 § 1 de la Convention a essentiellement
pour objet de protéger l’individu contre des ingérences
arbitraires des pouvoirs publics dans sa vie privée ou familiale »
(cf. Marckx c. Belgique, arrêt du 13 juin 1979, série A no 31,
§ 31). Elle estime que la production et le dépôt sans leur
accord, dans le cadre d’une procédure judiciaire, de lettres échangées
entre deux personnes par une tierce personne qui n’en est ni l’expéditrice,
ni la destinataire, peut s’analyser en une ingérence dans la vie
privée de ces personnes. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté
par le Gouvernement.
Selon la Cour, sont sans incidence sur ce qui précède la circonstance
que cette tierce personne soit mariée à l’un des correspondants,
le lieu et la manière dont celle-ci a pris possession desdites lettres,
ou le fait qu’un tel dépôt s’inscrive dans le cadre
d’une procédure en divorce ou d’une demande de mesures provisoires.
2. Sur la justification de l’ingérence
37. La Cour rappelle qu’une atteinte au droit d’une personne au
respect de sa vie privée et de sa correspondance viole l’article
8 si elle n’est pas « prévue par la loi », ne poursuit
pas un but ou des buts légitimes visés par le paragraphe 2 et
n’est pas « nécessaire dans une société démocratique
» en ce sens qu’elle n’est pas proportionnée aux objectifs
poursuivis. La question qui se pose en l’espèce est de savoir si
l’ingérence litigieuse se justifie au regard du paragraphe 2 de
l’article 8 de la Convention.
a) L’ingérence était-elle « prévue par la loi
» ?
38. La Cour constate, à l’instar du Gouvernement, qu’une
jurisprudence et une doctrine bien établies admettent l’utilisation
de la correspondance d’un des époux à titre de preuve de
la faute de celui-ci dans le cadre d’une procédure en divorce au
fond. Dans ce cas de figure, l’ingérence en cause est incontestablement
prévue par la loi. Cependant, la présente requête concerne
la procédure de mesures provisoires prises « en référé
» et non une procédure en divorce.
39. La Cour note que la procédure de mesures provisoires a pour but d’aménager
une situation d’attente entre les époux pendant la durée
de la procédure de divorce et jusqu’à la dissolution du
mariage, sans pouvoir en principe préjuger du fond, c’est-à-dire
reconnaître l’existence d’une faute dans le chef d’un
des époux ou encore organiser la situation de manière irréversible.
Elle est l’accessoire d’une procédure en divorce dans la
mesure où elle suppose l’introduction d’une telle procédure
qui implique, actuellement, la désunion irrémédiable des
époux et, antérieurement, que la vie commune leur était
insupportable. Le président du tribunal, statuant en référé,
peut prendre un ensemble de mesures provisoires (pension alimentaire, hébergement,
garde et droit de visite des enfants, etc.) mais celles-ci peuvent, en fait,
se révéler être assez durables (en l’espèce,
la procédure en divorce dure depuis plus de dix ans). Pour ce faire,
ce magistrat doit tenir compte du contexte et est amené à envisager
l’ensemble de la situation en ce y compris les éléments
la rendant conflictuelle, ce qui pouvait à l’époque des
faits de la cause englober des données susceptibles d’être
considérées au fond comme constitutives d’une faute. Il
s’ensuit que la distinction entre les deux procédures est assez
formelle et qu’elle réside essentiellement dans le caractère
provisoire attaché aux mesures ainsi que dans l’interdiction faite
au juge de préjuger du fond, notamment en se prononçant sur le
comportement fautif éventuel d’un des époux.
40. Se fondant sur ces considérations, le Gouvernement soutient que,
puisque la procédure de mesures provisoires est l’accessoire de
la procédure en divorce, le stade auquel la preuve d’un motif de
divorce est apportée importe peu. Par ailleurs, selon l’arrêt
de la Cour de cassation, la circonstance que l’examen de la demande de
mesures provisoires ne portait pas sur le comportement fautif d’un des
époux ou, du moins, dans une moindre mesure que dans le cadre de la procédure
de divorce elle-même, était sans incidence.
41. De l’avis de la Cour, ces affirmations ne sont pas suffisantes en
elles-mêmes pour en déduire que l’ingérence était
prévue par la loi en ce qui concerne la procédure de mesures provisoires.
En effet, elle relève qu’aucune des décisions jurisprudentielles
citées par le Gouvernement ne concerne la procédure de mesures
provisoires mais qu’elles sont au contraire toutes relatives à
la procédure de divorce elle-même, hormis celles qui sont relatives
à la présente affaire et une décision qui est relative
à une procédure de requête civile entre époux (arrêt
de la cour d’appel de Bruxelles du 2 mai 2002). Ne pouvant être
introduite qu’après le dépôt d’une demande de
divorce, la procédure de mesures provisoires impose à la personne
qui réclame de telles mesures de prouver que la poursuite de la vie commune
entre les époux est devenue impossible ou, comme le précisait
l’ancien article 231 du code civil, insupportable. Ceci ne peut –
et ne pouvait – être déduit de la seule demande de divorce
ou des déclarations de l’époux qui le demande. Elle doit
en principe être appuyée d’éléments de preuve.
Dans ces conditions, l’époux contre lequel la demande est dirigée
doit s’attendre à ce que son conjoint dépose, à l’appui
de sa thèse, tous les éléments de nature à établir
l’impossibilité de poursuite de la vie commune. Ceci était
d’autant plus vrai en l’espèce dans la mesure où la
procédure civile est régie en droit belge par le « principe
dispositif ». Ce principe, qui consiste à donner aux parties des
pouvoirs d’initiative et d’impulsion, implique que la responsabilité
de la marche de la procédure leur incombe (voir, entre autres, mutatis
mutandis, Scopelliti c. Italie, arrêt du 23 novembre 1993, série
A no 278, § 25). En outre, c’est au demandeur que revient l’obligation
d’apporter la preuve de ses allégations, conformément à
l’adage Actori incumbit probatio. Il en découle que les requérants
devaient s’attendre à ce que l’épouse du second requérant
dépose en tant que partie demanderesse des éléments de
preuve dans le cadre de la procédure de mesures provisoires qu’elle
avait initiée. A l’estime de la Cour, il en résulte que
l’ingérence en cause peut être considérée comme
« prévue par la loi ».
b) L’ingérence visait-elle un « but légitime »
?
42. La Cour relève que le but poursuivi par l’ingérence
était la protection des droits d’autrui, à savoir le droit
d’une personne mariée de mettre fin au lien matrimonial existant
lorsque la poursuite de la vie commune n’est plus possible. Dans la mesure
où l’épouse du second requérant faisait valoir que
pareille impossibilité était due au comportement fautif de celui-ci,
il devait raisonnablement s’attendre à ce que les preuves du comportement
mis en cause soient apportées par la partie demanderesse. Relevant également
du droit d’une partie à un procès de se voir offrir une
possibilité raisonnable la présenter sa cause – y compris
ses preuves (Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, arrêt du 27 octobre 1993,
série A no 274, § 33), un tel motif est un but légitime au
sens du paragraphe second de l’article 8 de la Convention.
c) L’ingérence était-elle « nécessaire dans
une société démocratique » ?
43. Il reste à examiner si l’ingérence était «
nécessaire dans une société démocratique »,
c’est-à-dire proportionnée au but légitime poursuivi.
Pour ce faire, la Cour est amenée à trancher le conflit existant
en l’espèce entre, d’une part, le droit d’une partie
à un procès, de surcroît demanderesse (en l’espèce
B.V., alors l’épouse de T.A.), de faire valoir l’ensemble
des arguments et moyens de preuve à l’appui de sa cause au regard
de son droit à un procès équitable et, d’autre part,
le droit à l’intimité de l’autre partie qui peut imposer
à l’Etat l’obligation positive de faire obstacle à
l’utilisation d’éléments de preuve susceptibles de
porter atteinte à son droit à la vie privée. De part et
d’autre, il s’agit de droits qui méritent a priori un égal
respect, ce qui amène la Cour à examiner l’ensemble de la
situation.
44. La Cour a déjà relevé qu’en droit belge la procédure
civile est régie par le principe dispositif et que c’est au demandeur
que revient l’obligation d’apporter la preuve de ses allégations
(voir ci-dessus, paragraphe 37). Selon la jurisprudence de la Cour, les exigences
découlant du droit à une procédure contradictoire sont
en principe les mêmes au civil comme au pénal (Werner c. Autriche,
arrêt du 24 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions
1997-VII, § 66) et l’égalité des armes implique l’obligation
d’offrir, dans les différends opposant des intérêts
de caractère privé, à chaque partie une possibilité
raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent
pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire
(arrêts Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce
et Papageorgiou c. Grèce du 9 décembre 1994, série A no
301-B, § 46, et Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas du 27 octobre 1993, série
A no 274, § 33). L’article 6 implique notamment, à la charge
du « tribunal », l’obligation de se livrer à un examen
effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à
en apprécier la pertinence pour la décision à rendre (Perez
c. France [GC], no 47287/99, § 80, CEDH 2004-I, et Van de Hurk c. Pays-Bas,
arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, p. 19, § 59).
45. Par ailleurs, la Cour rappelle que le choix des mesures propres à
garantir l’observation de l’article 8 de la Convention dans les
rapports interindividuels relève en principe de la marge d’appréciation
des Etats contractants (voir, parmi de nombreux précédents, Leempoel
et S.A. Ed. Cine revue c. Belgique, no 64772/01, 9 novembre 2006 ; Keegan c.
Irlande, arrêt du 26 mai 1994, série A no 290, p. 19, § 49,
et Botta c. Italie, arrêt du 24 février 1998, Recueil 1998-I, §
33). Il existe à cet égard différentes manières
d’assurer le « respect de la vie privée » et «
la nature de l’obligation de l’Etat dépend de l’aspect
de la vie privée qui se trouve en cause » (X et Y c. Pays-Bas,
arrêt du 26 mars 1985, série A no 91, p. 12, § 24).
46. La Cour note d’emblée que l’affaire s’inscrit dans
le cadre d’une procédure en divorce, qui est par nature une procédure
au cours de laquelle des éléments de l’intimité de
la vie privée et familiale des parties sont susceptibles d’être
révélés (L.L. c. France, no 7508/02, § 45, CEDH 2006-...).
Le fait que l’instance en cause soit spécifiquement relative aux
mesures provisoires ne saurait obvier ce constat, la distinction entre la procédure
en référé et celle au fond étant assez formelle
et le magistrat statuant en référé amené à
envisager l’ensemble de la situation conflictuelle, y compris les éléments
susceptibles d’être considérés au fond (voir ci-dessus,
paragraphe 35).
47. Toutefois, aux yeux de la Cour, les ingérences qui en découlent
inévitablement doivent se limiter autant que faire se peut à celles
qui sont rendues strictement nécessaires par les spécificités
de la procédure, d’une part, et par les données du litige
d’autre part (ibid.).
48. La Cour relève tout d’abord que la production de la correspondance
dans le cadre d’une procédure en divorce est soumise à deux
conditions qui ont été précisées par la jurisprudence
et qui ont été jugées, par les juridictions internes, comme
remplies en l’espèce : que la personne qui la produit ne soit pas
entrée irrégulièrement en possession des pièces
qu’elle produit et que ces pièces ne soient pas couvertes par le
secret professionnel. On peut donc en déduire que la législation
interne assortit de garanties suffisantes l’utilisation de données
relevant de la vie privée des parties dans ce type de procédure
(a contrario, L.L. c. France, précité, § 47).
49. La Cour relève ensuite que le second requérant ne soutient
pas que la preuve de sa relation hors-mariage par sa femme aurait dicté
l’adoption de mesures provisoires et il ne se plaint pas de celles qui
ont été ordonnées. Il se plaint seulement de la révélation
de sa liaison avec le premier requérant et de la publicité qui
y fut donnée.
50. Il est vrai que ce requérant n’a jamais, que ce soit au cours
de la procédure des mesures provisoires ni au fond, contesté la
réalité de sa relation. Dans la mesure où les faits n’étaient
pas contestés et n’étaient, en outre, pas pertinents puisque
la question de la faute éventuelle d’un époux ne se posait
pas à ce moment de la procédure, on pourrait soutenir qu’il
était dépourvu de toute nécessité de laisser les
lettres litigieuses dans le dossier. Toutefois, on ne saurait déterminer,
a posteriori, des faits de l’espèce l’attitude que le second
requérant aurait adoptée si les pièces n’avaient
pas été produites ou avaient été écartées.
On ne saurait donc tirer de cette circonstance que les juridictions se devaient
d’écarter ces lettres des débats en retirant ainsi à
l’épouse du second requérant la possibilité de les
produire à l’appui de ses prétentions. La publicité
finalement donnée à la liaison des requérants résulte
essentiellement de leur action visant à l’interdiction de la production
des pièces litigieuses. La Cour relève aussi que le seul fait
que les pièces litigieuses ont été jointes au dossier de
procédure de cette affaire et y figurent encore ne leur confère
pas un caractère public, vu le caractère restreint de l’accès
aux dossiers de ce type.
51. Dans ces conditions, le refus des juridictions internes d’écarter
en l’espèce les lettres litigieuses, s’il peut faire l’objet
de critiques, ne saurait passer pour être disproportionné aux buts
poursuivis.
52. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,
Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation
de l’article 8 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 mai 2008
en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
F. Elens-Passos András Baka
Greffière adjointe Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles
45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé
de l’opinion concordante de Mme Mularoni à laquelle se rallie M.
Zagrebelsky.
A.B.B.
F.E-P.
OPINION CONCORDANTE DE LA JUGE MULARONI À LAQUELLE SE RALLIE LE JUGE ZAGREBELSKY
Tout en partageant le raisonnement et la conclusion de la chambre, je tiens
à souligner que j’ai des difficultés avec une phrase du
paragraphe 50 et avec une partie du paragraphe 51 de l’arrêt.
Quant au paragraphe 50, je ne partage pas l’opinion de la majorité
selon laquelle la relation entre les requérants, et par conséquent
les lettres litigieuses, n’étaient pas pertinentes « puisque
la question de la faute éventuelle d’un époux ne se posait
pas à ce moment de la procédure ». A ce propos, j’observe
que la demande introduite par l’épouse du second requérant
concernait, entre autres, l’exercice de l’autorité parentale
et l’hébergement des enfants (voir le paragraphe 12 de l’arrêt).
Mme B.V. a probablement estimé que les lettres pouvaient être pertinentes
pour la détermination de ces aspects du litige, les juridictions nationales
n’ont pas vu de problèmes et je n’en vois pas non plus.
Quant au paragraphe 51, j’éprouve des difficultés à
comprendre pourquoi la majorité parvient à la conclusion que le
refus des juridictions internes d’écarter en l’espèce
les lettres litigieuses « peut faire l’objet de critiques ».
D’une part, cette conclusion n’est assortie d’aucune explication
; d’autre part, le raisonnement développé sous l’angle
de la justification de l’ingérence me semble aller dans le sens
exactement contraire à cette critique formulée par la majorité.
Quoi qu’il en soit, je n’ai pour ma part aucune critique à
adresser aux juridictions internes relativement à leur refus d’écarter
en l’espèce les lettres litigieuses.