Attendu qu'à partir du mois de juin 1974, M. Y..., médecin,
a suivi la grossesse de Mme X... ; que, lors de la visite du 8e mois, le 16
décembre 1974, le praticien a suspecté une présentation
par le siège et a prescrit une radiographie foetale qui a confirmé
cette suspicion ; que, le samedi 11 janvier 1975, M. Y... a été
appelé au domicile de Mme X... en raison de douleurs, cette dernière
entrant à la clinique A... devenue clinique Z... le lendemain dimanche
12 janvier dans l'après-midi, où une sage-femme lui a donné
les premiers soins, M. Y... examinant sa patiente vers 19 heures, c'est-à-dire
peu avant la rupture de la poche des eaux, la naissance survenant vers 19 heures
30 ; qu'en raison de la présentation par le siège un relèvement
des bras de l'enfant, prénommé Franck, s'est produit, et, lors
des manoeuvres obstétricales, est survenue une dystocie de ses épaules
entraînant une paralysie bilatérale du plexus brachial, dont M.
Franck X... a conservé des séquelles au niveau du membre supérieur
droit, son IPP après consolidation étant de 25 % ; qu'après
sa majorité, ce dernier a engagé une action contre le médecin
et la clinique en invoquant des griefs tirés des fautes commises lors
de sa mise au monde et d'une absence d'information de sa mère quant aux
risques inhérents à une présentation par le siège
lorsque l'accouchement par voie basse était préféré
à une césarienne ; que l'arrêt attaqué l'a débouté
;
Sur le moyen unique, pris en ses première et cinquième branches
:
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que M. Y... a procédé à l'accouchement de Mme X... dans le lit de celle-ci, sur une bassine, lui-même et une sage-femme tenant chacun une jambe de la parturiente ; qu'eu égard à ces conditions de réalisation de l'accouchement, à propos desquelles le rapport d'expertise précisait que les manoeuvres réalisées sur la bassine pour traiter la dystocie " n'en ont certainement pas été facilitées ", M. Franck X... avait fait valoir dans ses conclusions qu'il existait à la clinique une " salle de travail " dotée d'une table d'accouchement et que les raisons de son absence d'utilisation pour un accouchement dangereux par le siège étaient restées inconnues ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur les deuxième, troisième et quatrième branches du moyen :
Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ;
Attendu que la cour d'appel a estimé que le grief de défaut d'information sur les risques, en cas de présentation par le siège, d'une césarienne et d'un accouchement par voie basse, ne pouvait être retenu dès lors que le médecin n'était pas en 1974 contractuellement tenu de donner des renseignements complets sur les complications afférentes aux investigations et soins proposés, et ce d'autant moins qu'en l'espèce le risque était exceptionnel ;
Attendu, cependant, qu'un médecin ne peut être dispensé de son devoir d'information vis-à-vis de son patient, qui trouve son fondement dans l'exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, par le seul fait qu'un risque grave ne se réalise qu'exceptionnellement ; que la responsabilité consécutive à la transgression de cette obligation peut être recherchée, aussi bien par la mère que par son enfant, alors même qu'à l'époque des faits la jurisprudence admettait qu'un médecin ne commettait pas de faute s'il ne révélait pas à son patient des risques exceptionnels ; qu'en effet, l'interprétation jurisprudentielle d'une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l'époque des faits considérés et nul ne peut se prévaloir d'un droit acquis à une jurisprudence figée ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2001 I N° 249 p. 157