Cour de cassation
chambre mixte
Audience publique du vendredi 18 mai 2007

N° de pourvoi: 05-40803
Publié au bulletin Cassation

Statuant sur le pourvoi formé par M. Guy X..., domicilié ...,

contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2004 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Haironville, société anonyme, dont le siège est 16 rue de la Forge, 55000 Haironville,

défenderesse à la cassation ;

Par arrêt du 16 janvier 2007, la chambre sociale a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le président de chambre le plus ancien faisant fonction de premier président, a, par ordonnance du 22 mars 2007, indiqué que cette chambre mixte sera composée de la première chambre civile, de la chambre commerciale, financière et économique, de la chambre sociale.

Le demandeur invoque, devant la chambre mixte, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. X... ;

Des conclusions banales en défense et un mémoire en défense ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, avocat de la société Haironville ;

Le rapport écrit de M. Gridel, conseiller, et l'avis écrit de M. Mathon, avocat général, ont été mis à la disposition des parties.

Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du 11 mai 2007, où étaient présents : M. Cotte, président de chambre le plus ancien faisant fonction de premier président, M. Ancel, Mme Collomp, présidents, M. Joly, conseiller doyen remplaçant M. le président Cotte, M. Gridel, conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Bargue, Mme Mazars, MM. Bailly, Gallet, Mmes Perony, Guirimand, M. Guérin, conseillers, M. Mathon, avocat général, Mme Tardi, greffier en chef ;

Sur le rapport de M. Gridel, conseiller, assisté de Mme Dubos, greffier en chef au service de documentation et d'études, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, de la SCP Gatineau, l'avis de M. Mathon, avocat général, auquel parmi les parties invitées à le faire, la SCP Gatineau a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. X..., chauffeur de direction au service de la société Haironville, s'est fait adresser sur son lieu de travail, sous enveloppe comportant pour seules indications son nom, sa fonction et l'adresse de l'entreprise, une revue destinée à des couples échangistes à laquelle il était abonné ; que, conformément à la pratique habituelle et connue de l'intéressé, l'enveloppe a été ouverte par le service du courrier, puis déposée avec son contenu au standard à l'intention de son destinataire ; que d'autres employés s'étant offusqués de la présence de ce magazine dans un lieu de passage, l'employeur a engagé contre M. X... une procédure disciplinaire qui a abouti à sa rétrogradation avec réduction corrélative de son salaire ; que l'intéressé a signé en conséquence un avenant à son contrat de travail ; que sa contestation ultérieure de la sanction a été rejetée par les juges du fond ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si M. X... avait donné son accord librement, et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que le salarié conservant la faculté de contester la sanction dont il a fait l'objet, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche dont s'agit ; que le moyen est inopérant ;

Sur le même moyen, pris en sa troisième branche, en son grief invoquant une ouverture illicite du pli :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que, pour juger qu'il avait manqué à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a cru devoir se fonder sur le prétendu préjudice résultant pour l'employeur de l'ouverture du pli qui, adressé au salarié, avait été ouvert par le service en charge du courrier ; que l'employeur ne pouvait cependant, sans violer la liberté fondamentale du respect de l'intimité de la vie du salarié, prendre connaissance du courrier qui lui était adressé à titre personnel ; qu'il ne pouvait donc dès lors être sanctionné à raison du prétendu préjudice de l'employeur résultant de l'ouverture illicite de ce courrier personnel ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code du travail ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le pli litigieux était arrivé sous une simple enveloppe commerciale démunie de toute mention relative à son caractère personnel ; qu'en l'état de ces motifs dont il se déduisait que cet envoi avait pu être considéré, par erreur, comme ayant un caractère professionnel, la cour d'appel a exactement décidé que son ouverture était licite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, cette dernière en son grief fondé sur le respect dû à la vie privée :

Vu l'article 9 du code civil, ensemble l'article L. 122-40 du code du travail ;

Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a retenu qu'il est patent que le document litigieux, particulièrement obscène, avait provoqué un trouble dans l'entreprise, porté atteinte à son image de marque et eu immanquablement un retentissement certain sur la personne même de son directeur dont M. X... était le chauffeur et donc un proche collaborateur ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu, d'autre part, que la réception par le salarié d'une revue qu'il s'est fait adresser sur le lieu de son travail ne constitue pas un manquement aux obligations résultant de son contrat, et enfin, que l'employeur ne pouvait, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 2007, Chambre mixte, N° 3

Code du travail

Article L121-1 (abrogé au 1 mai 2008, devenu L. 1221-1 à L. 1221-3)

Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être constaté dans les formes qu'il convient aux parties contractantes d'adopter.

Le contrat de travail constaté par écrit est rédigé en français. [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC du 29 juillet 1994.]

Lorsque l'emploi qui fait l'objet du contrat ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le contrat de travail doit comporter une explication en français du terme étranger.

Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier. Les deux textes font également foi en justice. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoqué contre ce dernier.

L'employeur ne pourra se prévaloir à l'encontre du salarié auquel elles feraient grief des clauses d'un contrat de travail conclu en violation du présent article.

Article L122-40 (abrogé au 1 mai 2008, devenu L. 1331-1)

Constitue une sanction [*disciplinaire *] toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.