Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 16 janvier 2007

N° de pourvoi: 05-86580
Publié au bulletin
Rejet
pourvois formés par Y... Goran, le comité régional des pêches maritimes et élevages marins de Bretagne (CRPM), partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 20 octobre 2005, qui, pour pollution marine par rejet d'hydrocarbures, a condamné le premier à 200 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 2 mars 2004, un officier de la marine nationale, en mission de surveillance aérienne, a constaté la présence d'une nappe irisée de 11 km de long et de 100 mètres de large dans le sillage de l'Arroyofrio Dios, navire battant pavillon portugais, alors qu'il se trouvait au large de la pointe de Penmarc'h, faisant route vers le sud ; que le capitaine, Goran Y..., a été poursuivi pour rejet d'hydrocarbures dans la zone économique par un navire autre que citerne, d'une jauge brute égale ou supérieure à cinq cents tonneaux ; que la cour d'appel l'a condamné de ce chef et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du comité régional des pêches maritimes et élevages marins de Bretagne (CRPM) ;
En cet état ;

I - Sur le pourvoi de Goran Y... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 9 et 10 de l'annexe I de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973, telle que modifiée par le Protocole du 17 février 1978 et par ses modificatifs, des articles L. 218-10, L. 218-20, L. 218-21, L. 218-24, L. 218-29 et L. 218-30 du code de l'environnement, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Goran Y... coupable du rejet d'hydrocarbures dans les eaux territoriales françaises par un navire étranger et l'a condamné à 200 000 euros d'amende, outre les réparations civiles ;
"aux motifs que le rejet constaté dans le sillage de l'Arroyofrio Dos par la voie aérienne est largement supérieur aux normes autorisées par la Convention Marpol qui ne permet pas de rejeter à la mer, hors zone spéciale, pour un navire de jauge brute supérieure à quatre cents tonneaux, un effluent dont la teneur en hydrocarbures est supérieure à 15 ppm ; que la règle 9 1 b) de l'annexe I de ladite Convention ne distingue pas, concernant les navires d'une jauge brute égale ou supérieure à quatre cents tonneaux, autres que les pétroliers, catégorie dans laquelle entre le navire Arroyofrio Dos, selon que les effluents ou résidus proviennent de la cale des machines ou de celle des marchandises ; que seuls les pétroliers font l'objet de cette distinction suivant que le rejet à la mer d'hydrocarbures provient de la cargaison particulière ou de la cale de la tranche des machines, le rejet de résidus provenant de leur cargaison étant soumis pour échapper à l'application de la règle 9, à des conditions plus sévères énumérées à son alinéa a), que celui de la tranche de la cale des machines ; qu'il peut en être déduit que, si la Convention Marpol n'a pas, comme pour les pétroliers, imposé des conditions d'exonération plus sévères dans le cas de résidus provenant de la cale des marchandises d'un navire "sec", elle n'a pas pour autant écarté l'application de la règle 9 de son annexe I à tout rejet provenant de cette cale qui ne remplirait pas les conditions cumulatives énumérées aux points i) à v) de la règle 9 1 b) ; que, dès lors, l'interdiction tient à la teneur du rejet en hydrocarbures et non à leur provenance de telle ou telle soute, la distinction n'étant opérée par la Convention Marpol que pour les pétroliers et dans un sens aggravant si le résidu rejeté provient de leur cargaison ;
"alors que, la règle 9 de l'annexe I de la Convention Marpol interdit tout rejet d'hydrocarbures qui proviennent de la tranche de cargaison des navires pétroliers et de la tranche des machines de tous les navires qui doivent, avant rejet à la mer, être contrôlés et traités par les équipements requis à la règle 16 ; que le refoulement direct à la mer des eaux de cales provenant des locaux non visés par la règle 9 ne contrevient pas à la Convention Marpol ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 7), Goran Y... faisait valoir qu'il avait versé aux débats une attestation établie par le bureau Veritas, le 31 janvier 2005, qui indiquait que "l'examen des dispositions constructives du navire de charge pour cargaisons sèches "Arroyofrio Dos" figurant sur les plans communiqués ne fait apparaître aucune non conformité à la Convention Marpol 73/78. En particulier, est conforme à la Convention la disposition usuelle de pompage direct à la mer des eaux de cales à marchandises de ce navire de charge" ; qu'en se bornant à affirmer que "l'interdiction (édictée par la Convention Marpol) tient à la teneur du rejet en hydrocarbures et non à leur provenance de telle ou telle soute" (arrêt attaqué, p. 11, paragraphe 2), sans examiner l'attestation délivrée par le bureau Veritas, la cour d'appel, qui a ainsi fait une application erronée de la règle 9 1 b) de l'annexe I de la Convention Marpol, a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, les juges énoncent que l'interdiction du rejet à la mer tient à la teneur des effluents en hydrocarbures et non à leur provenance de telle ou telle soute ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, la règle 9 de l'annexe I de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, faite à Londres, le 2 novembre 1973, modifiée, interdit le rejet à la mer des hydrocarbures ou des mélanges d'hydrocarbures, par les navires autres que pétroliers, quelle que soit la cale dont provient l'effluent, à moins que ne soient réunies plusieurs conditions ; qu'il n'importe que celle tenant à la conformité du dispositif de surveillance et de contrôle des rejets ait été satisfaite dès lors qu'il n'était pas contesté que celle relative à la teneur en hydrocarbures de l'effluent ne l'était pas ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

II - Sur le pourvoi du CRPM :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er et 2 de la loi n° 91-411 du 2 mai 1991, 20 et 23 du décret n° 92-335 du 30 mars 1992, de l'article 21 bis du décret du 9 janvier 1852 sur l'exercice de la pêche maritime, de l'arrêté préfectoral n° 131/2003 du 22 mai 2003, des articles 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble, violation des droits de la défense :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Bretagne ;
"aux motifs que, "le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Bretagne demande la confirmation du jugement et que lui soit alloué en cause d'appel la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'il n'apporte aucun élément permettant de vérifier qu'il répond aux conditions posées par l'article L. 141- et L. 142-1 du code de l'environnement ou que, par ses statuts ou sa nature juridique, il relève des dispositions spéciales lui donnant le droit d'exercer en justice ceux reconnus à la partie civile ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a reçu le comité régional des pêches en sa constitution de partie civile" ;
"alors que, d'une part, en déclarant irrecevable la constitution de partie civile du comité régional des pêches maritimes de Bretagne sans l'inviter à présenter ses explications sur ce moyen soulevé d'office, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et les droits de la défense ;
"alors que, d'autre part, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de la Bretagne tient son droit d'agir des articles 1er et 2 de la loi n° 91-411 du 2 mai 1991 et de son décret d'application n° 92-335 du 30 mars 1992 fixant les règles d'organisation et de fonctionnement des comités régionaux, ainsi que de l'arrêté préfectoral n° 131-2003 portant nomination des membres du conseil du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne ; qu'en déclarant irrecevable la constitution de partie civile dudit comité, l'arrêt attaqué a violé l'ensemble de ces dispositions" ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile du CRPM de Bretagne, l'arrêt retient que cet organisme ne relève pas de dispositions spéciales lui permettant d'exercer les droits de la partie civile, en ce qui concerne les atteintes aux intérêts qu'il a pour objet de défendre ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, à qui il appartenait de vérifier, même d'office, la recevabilité de ladite constitution, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Goran Y... devra payer, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, à chacune des deux associations et à chacun des syndicats mixtes constitués en défense ;
Publication : Bulletin criminel 2007 N° 10 p. 30