Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 13 mars 2007

N° de pourvoi: 06-80922
Publié au bulletin
Rejet
pourvois formés par X... Charalambos, la société Thenamaris Ship Management, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 19 janvier 2006, qui, pour pollution marine, a condamné le premier à 140 000 euros d'amende, a dit que cette amende serait supportée à concurrence de 120 000 euros par la seconde, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme,14-2 du Pacte des Nations unies sur les droits civils et politiques,9 et 10 de l'annexe I de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973, telle que modifiée par le Protocole du 17 février 1978, L. 218-10 et L. 218-21 du code de l'environnement,121-1 et 121-3 du code pénal, de l'article préliminaire et des articles 427,591 et 593 du code de procédure pénale :
" en ce que la cour d'appel de Rennes a confirmé la culpabilité de Charalambos X... du chef de rejet d'hydrocarbures dans les eaux territoriales par un navire-citerne étranger autre que citerne d'une jauge brute égale ou supérieure à cent cinquante tonneaux ;
" aux motifs que, le 5 septembre 2000, à 7 heures 50 Z UTC, soit 9 heures 50 locales, Philippe Y... et Marc Z..., contrôleurs des douanes affectés à la brigade de surveillance aéro-maritime de Lann-Bihoué, assuraient une surveillance maritime de routine à cent soixante-dix nautiques de la pointe de Penmarch au moyen d'un avion Cessna 406 n° FZ13ES dont Philippe Y... était le commandant de bord, lorsque, se trouvant en zone Océan, au 46'07N de latitude et 007'W 3 8 de longitude, ils constataient la présence d'une traînée continue irisée argentée de couleur vive avec des zones foncées de catégories B, D et F, axée au 2 10, d'une largeur d'un demi nautique pour une longueur de dix nautiques dans le sillage d'un navire citerne de cent cinquante-neuf mille tonneaux battant pavillon maltais nommé " Concordia I " ; que le bâtiment, qui naviguait à quinze noeuds, se trouvait en zone économique ; que les traces se trouvaient dans son sillage, à son contact et qu'aucune autre trace ne se trouvait à l'avant du navire, le rejet provenant de la poupe côté babord ; que la nappe révélait la présence d'hydrocarbures ; qu'ayant pris contact avec le navire sur canal V.H.F. Marine, le contrôleur Philippe Y... était mis en relation avec une personne se présentant comme étant le capitaine, qui se défendait d'être à l'origine de la pollution, déclarant qu'il vidangeait les toilettes du bord ; que le rejet cessait à ce moment-là ; que, s'étant présentés comme les occupants d'un avion de la patrouille maritime des douanes, les fonctionnaires signalaient à leur interlocuteur qu'il procédait à un rejet d'hydrocarbures et qu'ils allaient rédiger un procès-verbal de constatation de pollution maritime ; qu'ils relevaient le nom du capitaine, qui déclarait se nommer X..., et la raison sociale de l'armateur qu'il leur indiquait comme étant Nobility Navigation Company ; que les fonctionnaires ayant repris leur mission de surveillance, le capitaine reprenait contact avec eux pour protester et demander des précisions sur le contenu du procès-verbal ; qu'il était relevé une infraction aux dispositions de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, signée à Londres le 2 novembre 1973, modifiée par le Protocole du 17 février 1978 et de la loi n° 83-593 du 5 juillet 1983 réprimant la pollution de la mer par les hydrocarbures ; que, le 7 septembre 2000, de 18 heures 30 à 21 heures, il était procédé par le capitainerie maritime d'Algesiras dépendant de la direction générale de la marine marchande du ministère espagnol des travaux publics à l'inspection du navire citerne Concordia I lors de son passage par le détroit de Gibraltar sur sa route de Rotterdam à Sidi Kerir (Egypte) ; que cette inspection, réalisée à la suite d'une plainte des autorités maritimes françaises, permettait de constater que le navire, qui avait été construit en 1977 en Norvège, disposait de sept citernes de charge centrales, de deux citernes latérales à ballast séparées de quatorze citernes de charge / ballast et de deux citernes de décantation ; qu'à l'examen des livres registres des hydrocarbures, il était constaté qu'au moment de l'inspection par l'aéronef, le navire était en train de faire une décharge de dix mètres cubes d'eaux huileuses de fond de cale de la salle des machines au moyen de l'équipement séparateur eau-huile, ainsi qu'un nettoyage des citernes de charge en envoyant le résidu du nettoyage aux citernes de rétention et sans effectuer aucune décharge à la mer ; qu'il avait été procédé, au port de Rotterdam, à la vérification du scellage de la vanne hydraulique de contrôle de charge qui actionne la décharge à la mer et se trouve du côté bâbord à la hauteur du commencement du château ; que la décharge à la mer, située au-dessous de la ligne de flottaison dans la voûte de tribord était scellée au moment de l'intervention des fonctionnaires espagnols ; que l'examen du journal de navigation a permis de relever, à une certaine position précisée dans le rapport d'inspection, plusieurs taches d'hydrocarbures sur le côté bâbord du navire jusqu'à deux encablures, et ce, pendant à peu près vingt minutes ; qu'à 9 heures 15, le journal de navigation mentionne la présence d'un aéronef à proximité du navire ; l'attestation du séparateur d'eau de fond de cale était caduque depuis le 31 mars 1990 ; qu'enfin, il était constaté que le fond de cale était propre ; qu'il n'était procédé, en cours d'enquête, à aucune audition des personnes en cause, qu'il s'agisse du capitaine ou de l'armateur ; que des poursuites ayant dans un premier temps été exercées devant le tribunal correctionnel de Paris, cette juridiction rendait, le 16 juin 2003, un jugement d'incompétence en raison des lieux, au visa des dispositions de l'article L. 218-29 du code de l'environnement, modifié par l'article 4 de la loi du 15 avril 2003 ; que les poursuites ayant été reprises devant le tribunal correctionnel de Brest, l'affaire a été examinée à l'audience tenue par cette juridiction, le 14 septembre 2004, et à laquelle Charalambos X... a comparu ; qu'il a notamment déclaré qu'au moment du contrôle par les douanes françaises, il traversait une zone de nappes d'hydrocarbures, qu'il n'y a rien sur les photos qui prouve la pollution, ce qui sort de la coque n'étant que de l'eau de refroidissement du navire, c'est-à-dire du gaz inerte, brassée par le sillon naturel produit par l'hélice ; qu'il a prétendu que la péremption du certificat du séparateur, mentionnée par les fonctionnaires espagnols, était une erreur et que tout était en ordre lors de l'inspection effectuée cinq jours auparavant à Rotterdam ; qu'il a déclaré être sûr que rien ne sortait du bateau, pourvu d'un système ODM de surveillance des décharges d'hydrocarbures qui contrôle tout ce qui est jeté " par " la mer, qui sonne en cas de problème et qui n'avait pas été activé depuis Rotterdam ; que, pour retenir la culpabilité de Charalambos X... et la responsabilité civile de la société Thenamaris Ship Management, les premiers juges ont considéré que les constatations et les déclarations des enquêteurs permettaient d'exclure toute erreur d'identification, de même que la présence de toutes autres nappes d'hydrocarbures et que le séparateur quinze ppm n'était pourvu, selon les constatations faites par les autorités espagnoles, que d'un certificat qui n'était plus valable depuis le 31 mars 1990 ; que le prévenu et la personne morale poursuivie en qualité de civilement responsable discutent l'élément matériel de l'infraction en contestant tout d'abord la capacité scientifique de l'agent verbalisateur à apprécier la réalité de la présence d'hydrocarbures ainsi que son indépendance et son impartialité qui, d'après ces appelants, ne seraient pas suffisamment assurées par son statut de fonctionnaire de l'administration des douanes qui le rendrait dépendant de l'État ; mais que la mission des fonctionnaires habilités, au sens des dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 (actuellement article L. 218-26 du code de l'environnement), à constater les infractions aux dispositions des règles 9,10 et 20 de l'annexe 1 de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires faite à Londres le 2 novembre 1973, telle que modifiée par le Protocole du 17 février 1978 et par ses modificatifs ultérieurs régulièrement approuvés ou ratifiés, ne consiste nullement à réaliser des opérations expertales, mais seulement à procéder à des constatations, mission qui est aussi celle, entre autres, des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie pour les infractions à la loi pénale, et qui n'a pas été outrepassée par Philippe Y... et ses collègues en ce qu'ils ont rapporté dans leur procès-verbal du 5 septembre 2000 et, en ce qui concerne Philippe Y... et Marc Z..., dans leurs déclarations à la gendarmerie, les indices qu'ils avaient relevés et qualifié le degré probatoire de ces indices dans le sens d'une pollution par des hydrocarbures rejetés par le navire Concordia I ; que les appelants principaux prétendent, en second lieu, déduire de l'examen des photographies prises par les fonctionnaires verbalisateurs l'existence, dans toute la zone traversée par le navire, devant, derrière et sur les côtés du bâtiment, de taches d'hydrocarbures préexistantes à son passage mais les clichés photographiques-et leurs agrandissements-auxquels se référent le prévenu et la société Thenamaris ne révèlent nullement la présence de taches distinctes de la nappe allongée située derrière le navire et pouvant correspondre à des nappes d'hydrocarbures susceptibles d'être confondues avec un rejet provenant du navire ; qu'ils invoquent, d'autre part, le rapport de visite des inspecteurs espagnols qui n'établit ni déficience ni mauvais entretien à l'origine d'un rejet d'hydrocarbures, précisant en particulier que les vannes de décharge des citernes de ballast étaient scellées à Algesiras comme elles l'étaient à Rotterdam, alors que l'utilisation de telles vannes serait indispensable pour rejeter des résidus pétroliers à la mer ; qu'il n'est cependant pas contesté qu'il y avait bien un rejet en provenance du navire, mais qu'il est soutenu qu'il s'agissait des eaux usées utilisées pour la fabrication de gaz inerte, étant précisé que, le navire étant équipé d'une propulsion par turbine à vapeur, le seul pétrole présent se trouve dans un conduit entre la chaudière et les soutes à combustible, de sorte que la totalité du combustible nécessaire à la propulsion est brûlé dans les chaudières et que rien ne peut s'écouler dans la cale machine pour être ensuite évacué à la mer ; que, cependant, les éléments apportés par la défense n'obligent pas à considérer que ce rejet d'eaux usées présenté comme normal soit incompatible avec la présence simultanée, par le même orifice ou par un autre, d'un rejet polluant ; que, dès lors, que les éléments recueillis par les enquêteurs établissent que la nappe qui se formait immédiatement dans le sillage du navire était bien composée d'hydrocarbures, la détermination exacte du moyen par lequel ce produit a pu s'en échapper n'est pas un élément nécessaire à la constitution matérielle de l'infraction de pollution ; que, d'ailleurs, l'observation de la défense, selon laquelle la capacité du navire à contenir les eaux usées étant de seize mètres cubes (selon le certificat " sludge tank "), une nappe de dix miles de long et de cinq cent mètres de large correspond à un volume de cent soixante-dix mètres cubes, de beaucoup supérieur à cette capacité, est précisément de nature à exclure que le rejet constaté fût uniquement constitué de ces eaux usées ; que, de même, les indications du rapport de déballastage du 13 septembre 2000, selon lesquelles le navire contenait encore, à son arrivée à Sidi Kerir, trente-sept mille neuf cent vingt-cinq mètres cubes d'eau propre, cinquante-quatre mille cinq cent vingt-cinq mètres cubes d'eau sale et deux cent quarante-cinq mètres cubes de résidus pétroliers, ne sont pas incompatibles avec le fait d'avoir procédé à des rejets d'hydrocarbures au cours du voyage ; qu'enfin, le prévenu et la personne morale poursuivie comme civilement responsable font valoir, au vu de l'analyse effectuée par Charles B..., que, si elle provenait du Concordia, la trace n'aurait pas dû être droite et continue car, compte tenu de la vitesse du navire, soit douze noeuds, de sa direction et de l'influence d'un vent de quinze noeuds, elle aurait nécessairement dérivé et n'aurait pas pu, surtout dans sa partie la plus éloignée du navire, se trouver dans son sillage ; mais que la dernière des sept photographies annexées au procès-verbal du 5 septembre 2000 montre une traînée qui n'est pas rectiligne, ce qui est effectivement compatible avec l'action du vent relevée par le technicien mandaté par la défense, mais qui rejoint le navire que l'on aperçoit au loin, dispositif confirmé par les autres photos, en particulier la sixième et la cinquième ; qu'en outre, un rejet provenant d'un navire lui est nécessairement rattaché, malgré la dérive pouvant être due, notamment, à l'action des vents et des courants, ce qui lui fait subir une déformation tout à fait compréhensible, mais sans aller jusqu'à un détachement de la traînée par rapport à sa source tant que le rejet n'est pas interrompu ; que, tel est le cas dans la situation observée le 5 septembre 2000 par les fonctionnaires des douanes françaises rattachés à la B.S.A.M. de Lann-Bihoué, constatée dans le procès-verbal qu'ils ont dressé le même jour et dont il convient de rappeler que ses énonciations font foi jusqu'à preuve contraire (article 12 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983), et relatée en détails par Philippe Y... et Marc Z... dans leurs auditions effectuées les 6 et 9 novembre 2000 par la gendarmerie maritime ; que leurs observations visuelles sont corroborées par les photographies prises de l'avion dont l'examen démontre l'absence de pollution à l'avant du navire dans le sillage duquel se trouvait, à l'arrière et à son contact, une traînée continue irisée argentée de couleur vive avec des zones foncées ; que le contrôleur de première classe Philippe Y..., entendu comme témoin à l'audience de la cour, a précisé, en se référant au code d'apparence de l'Accord de Bonn, que la partie la plus importante de la nappe correspondait au code 1, soit un reflet gris argenté (0,04 à 0,30 µm d'épaisseur) avec une irisation en surface, que la zone périphérique correspondait au code 2, soit une teinte arc-en-ciel (0,30 à 5 µm d'épaisseur) et que l'apparence métallique correspondant au code 3 (5 à 50 µm d'épaisseur) s'appliquait à des petites taches localisées au centre de la nappe ; que les catégories mentionnées dans le procès-verbal étaient les suivantes : aspect d'une nappe argentée à la surface de l'eau (B), ruban de couleur vive (D), couleurs plus foncées (M) ; qu'en conséquence, les critères d'apparence caractéristiques des hydrocarbures étaient bien présents dans la nappe créée de façon continue dans le sillage du navire Concordia I, ce dont il résulte de façon certaine que ce navire procédait à un rejet d'hydrocarbures en violation des textes visés à la prévention et en particulier, de la règle 9 de l'annexe I à la Convention du 2 novembre 1973 ; que cette déduction se trouve confirmée par le fait que le rejet a cessé au moment où les fonctionnaires des douanes françaises se sont signalés par radio au capitaine du navire : que les moyens de défense invoqués par le prévenu et la société citée en qualité de civilement responsable, exposés à la rubrique 11) A 4.-pages 12 à 15-de leurs conclusions, et examinés ci-dessus dans les présents motifs ne sont pas de nature à rapporter la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal dans les conditions fixées par l'article 431 du code de procédure pénale ; que, par conséquent, la preuve de l'élément matériel du rejet d'hydrocarbures par le navire Concordia I se trouve rapportée et les conditions d'exonération énoncées au point 1 de la règle 9 de l'annexe 1 à la Convention Marpol ne sont pas réunies ; qu'en l'absence de justification, par le commandant de ce navire, d'une raison ou d'un incident qui aurait occasionné ou nécessité le rejet constaté dans son sillage, ce rejet doit être présumé volontaire et la référence à la prétendue rigueur des contrôles exercés par les groupes pétroliers affréteurs n'est pas de nature à faire disparaître l'élément intentionnel ainsi caractérisé et confirmé dans son existence par la cessation du rejet polluant au moment où le capitaine a été averti de l'intervention des fonctionnaires des douanes ;
" alors que, d'une part, la preuve de l'existence d'une pollution maritime par rejet d'hydrocarbures incombe à la partie poursuivante, en particulier sur la nature du rejet incriminé ; que les constatations visuelles des agents se référant à la Convention Marpol et aux Accords de Bonn doivent être corroborées par des éléments objectifs au sens du recueil des preuves issu de la signature desdits textes ; que pareille exigence, insuffisamment prise en compte par la pratique des douanes françaises, appartient aux premiers droits de la défense qui grèvent de sujétions particulières l'exercice d'un pouvoir de police spécial, en particulier sur les conditions de l'établissement objectif de l'élément matériel de l'infraction ; qu'en l'espèce, une simple observation visuelle ne saurait tenir lieu de l'enquête recommandée par les instruments internationaux ; qu'en l'état, les prévenus n'ont pu légalement être reconnus coupables d'une pollution maritime en l'absence du moindre élément matériel susceptible de faire l'objet d'une contradiction utile de la part de la défense dont les droits fondamentaux ont, partant, été délibérément méconnus par les services et par l'arrêt ;
" alors que, d'autre part, dans une matière technique, une simple observation visuelle, s'inscrirait-elle dans le cadre de la Convention Marpol et des Accords de Bonn, n'est qu'une constatation sujette à interprétation ; que, si les agents verbalisateurs prétendent interpréter leurs constatations, ils jouent un rôle d'expert qui ne leur a pas été dévolu par les textes ; qu'en avalisant ainsi l'interprétation propre aux agents quand ces derniers n'avaient pris aucune précaution pour objectiver leur opinion par tout procédé technique, notamment des prélèvements, susceptibles de donner sens et portée à leur première impression, la cour a derechef violé les textes visés au moyen et a privé le demandeur d'un procès équitable ;
" alors que, enfin, en l'état du constat d'une apparence de rejet d'hydrocarbures résultant du procès-verbal des douanes faisant simplement foi jusqu'à preuve contraire, la défense démontrait qu'aucun rejet interdit n'avait matériellement pu être effectué lors de la traversée de Rotterdam à Sidi Kerir par Gibraltar où le navire, lors de son passage, avait fait l'objet d'un contrôle à la demande des autorités françaises qui ne révèlera aucune anomalie de fonctionnement ; qu'en se fiant, dès lors, à la seule estimation visuelle initiale, sans autre égard pour la portée de l'inspection effectuée à Gibraltar, la cour a considéré que les démonstrations techniques de la défense corroborées par ladite inspection, n'excluaient pas nécessairement l'hypothèse d'un rejet prohibé durant la traversée, sans autrement expliciter la valeur de cette hypothèse, se déterminant ainsi à la faveur d'un motif purement hypothétique et accordant de facto une portée irréfragable au procès-verbal initial, en violation du principe de la présomption d'innocence " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 5 septembre 2000, il a été constaté par des contrôleurs des douanes en mission de surveillance aérienne, dans la zone économique au large de la pointe de Penmarch (Finistère), la présence d'une traînée continue argentée dans le sillage du navire citerne Concordia I, battant pavillon maltais ; qu'à son passage, le 7 septembre, dans le port d'Algésiras, le navire a fait l'objet d'un contrôle des autorités espagnoles ; que son capitaine, Charalambos X..., a été poursuivi pour rejet d'hydrocarbures par un navire citerne d'une jauge brute égale ou supérieure à cent cinquante tonneaux ; qu'il a été condamné de ce chef à une amende, dont une partie a été mise à la charge de la société Thenamaris Ship Management ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, retient que le procès-verbal établi par les fonctionnaires des douanes, corroboré par les photographies prises depuis l'avion de surveillance, relève la présence, au contact de la poupe du Concordia I d'une traînée continue irisée argentée de couleur vive avec des zones foncées ; que cette description correspond à des critères d'apparence caractéristiques des hydrocarbures ; qu'aucune trace de pollution n'est visible à l'avant du navire et que le rejet a cessé dès qu'un contact radio a été établi avec le bord ; que le capitaine a indiqué qu'au moment du contrôle le navire effectuait une décharge d'eaux huileuses de fond de cale de la salle des machines, au moyen du séparateur quinze ppm, et un rejet d'eaux usées ; que les juges retiennent toutefois que, selon les autorités espagnoles, le certificat du séparateur n'était plus valable depuis le 31 mars 1990, et qu'ils ajoutent que la circonstance alléguée d'un rejet d'eaux usées n'exclut pas l'écoulement simultané d'hydrocarbures, la capacité de stockage des eaux usées par le navire ne permettant pas d'expliquer l'émission d'une nappe de dix miles de long sur cinq cent mètres de large ; que les juges énoncent encore que les indications du rapport de déballastage du 13 septembre 2000 selon lesquelles le navire contenait encore trente-sept mille neuf cent vingt-cinq mètres cubes d'eau propre, cinquante-quatre mille cinq cent vingt-cinq mètres cubes d'eau sale et deux cent quarante-cinq mètres cubes de résidus pétroliers, ne sont pas incompatibles avec le fait d'avoir procédé à des rejets d'hydrocarbures en cours de voyage ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, d'une part, aucun instrument international n'impose qu'il soit dérogé, en matière de rejets illicites d'hydrocarbures, au principe de liberté de la preuve ; que, dès lors, les juges ont pu fonder leur conviction sur un faisceau d'indices tirés de l'aspect de la nappe polluée, de sa position par rapport au navire et de son interruption à la suite du contact radio ;
Que, d'autre part, en décrivant l'aspect de la nappe polluée par référence à des codes d'apparence, dont la validité est reconnue sur le plan international comme mode de preuve de la teneur d'un rejet en hydrocarbures, l'agent verbalisateur ne procède pas à une expertise, mais se borne à emprunter des catégories, établies sur la base d'études scientifiques, qui lui permettent de rendre compte, précisément et objectivement, de ce qu'il a personnellement observé, dans un procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve contraire, conformément aux dispositions de l'article L. 218-67 du code de l'environnement ;
D'où il suit que ne saurait être admis le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, à laquelle les juges du fond ont procédé sans inverser la charge de la preuve ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme,111-3 du code pénal, 1er de la loi 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'armement et aux ventes maritimes, L. 218-20 du code de l'environnement,2,10,591 et 593 du code de procédure pénale :
" en ce que la cour d'appel de Rennes a condamné solidairement la société Thenamaris Ship Management ;
" aux motifs, qu'en raison de la gravité de l'atteinte à l'environnement que constitue le rejet volontaire d'hydrocarbures en mer, il est justifié de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé contre le prévenu une peine d'amende de 140 000 euros ; que la société Thenamaris dénie sa qualité de civilement responsable en exposant que l'armateur du navire est la société Nobility Navigation Company tandis qu'elle-même, la société Thenamaris, se présente comme le gérant du navire et agent de l'armateur ; qu'il résulte des renseignements recueillis dans le cadre de l'enquête préliminaire par la brigade de gendarmerie maritime de Lann-Bihoué, par l'intermédiaire du groupe nautique de Rosny-sous-Bois (Service technique de recherches judiciaires et de documentation) que, si le propriétaire du navire est bien Nobility Navigation Ltd. " C / O Thenamaris (Ships Management), la seule adresse indiquée pour les deux dénominations est 16, Athinas & Voreou Streets, Vouliagmeni,166 71 Athens, Greece et rien ne permet de considérer que l'existence de ces deux dénominations corresponde à des personnes morales distinctes liées par un contrat de mandat ; que, d'autre part, au point 3 de sa déclaration écrite versée aux débats, le capitaine Charalambos X... précise : « Le navire est géré par Thenamaris sous un système conforme au code international de gestion de la sécurité (système ISM). Nous avons des instructions strictes de Thenamaris pour prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas causer de pollution et respecter intégralement les règles internationales, nationales ou locales dont le but est la protection de l'environnement et éviter toute pollution ; que ces éléments d'identification statutaire et fonctionnelle sont suffisants pour caractériser la qualité d'exploitant du navire en la personne de la société Thenamaris Ship Management à laquelle sont par conséquent applicables les dispositions de l'article 10 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983, devenu l'article L. 218-24 du code de l'environnement, permettant à la juridiction de mettre à sa charge, en totalité ou en partie, le paiement des amendes prononcées à l'encontre du capitaine, et ce, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute à la charge de l'exploitant ; que la commission de l'infraction se situant dans le cadre de l'exploitation du navire, le jugement sera confirmé en ce que, par application des dispositions précitées, il a mis le paiement de l'amende à la charge de la société exploitante à hauteur de 120 000 euros ;
" alors que, seuls l'armateur ou les intervenants assimilés à l'armateur en vertu de la loi du 3 janvier 1969 peuvent être civilement tenus au paiement de l'amende ; que la société Thenamaris Ship Management en charge de la gestion du navire pour le compte de la société Nobility Navigation n'entrait pas dans les prévisions de la loi susvisée et ne pouvait en conséquence être civilement tenue " ;

Attendu que, pour mettre à la charge de la société Thenamaris Ship Management une partie de l'amende infligée au capitaine, la cour d'appel retient, d'une part, que, si le propriétaire du navire est bien Nobility Navigation Ltd, cette société n'a d'autre adresse que celle de Thenamaris, de sorte que rien ne permet de considérer que l'existence des deux dénominations corresponde à des personnes morales distinctes, d'autre part, qu'il résulte des déclarations du capitaine que le navire est géré par la société Thenamaris, de laquelle émanent toutes les instructions en matière de respect des règles internationales relatives à la prévention des pollutions et à la protection de l'environnement ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, l'article L. 218-24 du code de l'environnement, qui permet de mettre tout ou partie de l'amende prononcée à l'encontre du capitaine à la charge de l'exploitant ou du propriétaire du navire, ne distingue pas selon que l'exploitant agit en son propre nom ou pour le compte d'autrui ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 000 euros la somme que Charalambos X... devra payer au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, à chacune des parties civiles, l'association France nature environnement, l'association TOS, le Syndicat mixte de protection du littoral landais, et le Syndicat mixte de protection du littoral breton ;
Publication : Bulletin criminel 2007, n° 80, p. 397

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 13 mars 2007

N° de pourvoi: 05-87363
Publié au bulletin
Rejet
formé par X... Burak, la société Cimil Denizcilik A.S, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 7 novembre 2005, qui, pour pollution marine, a condamné le premier à 300 000 euros d'amende, a dit que cette amende serait supportée à concurrence de 290 000 euros par la seconde, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1° du Protocole additionnel n° 1 à ladite Convention, 14-2 du Pacte des Nations unies sur les droits civils et politiques, 9 et 10 de l'annexe I de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973, telle que modifiée par le Protocole du 17 février 1978, des articles L. 218-10 et L. 218-21 du code de l'environnement, 121-1 et 121-3 du code pénal, de l'article préliminaire, et des articles 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
"en ce que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé la culpabilité des demandeurs du chef de rejet d'hydrocarbures dans les eaux territoriales par un navire étranger autre que citerne d'une jauge brute égale ou supérieure à cinq cents tonneaux ; "aux motifs que, par le procès-verbal du 29 janvier 2004, Jean-Marc Y..., chef de bord de l'aéronef de la marine nationale Nord 262 «Etoile Delta», en mission d'instruction, a constaté, à cette date, à 15 heures 32 UTC, soit 16 heures 32, heure locale, en mer méditerranée, en zone spéciale Marpol 73/78 et dans la zone de protection écologique créée par le décret n° 2004-33 du 8 janvier 2004, la présence d'une nappe d'hydrocarbure dans le sillage du navire de charge Cimil, lequel était à la position 42'52' Nord et 004'40' Est ; que Jean-Marc Y... a précisé dans son procès-verbal que la visibilité était supérieure à dix miles nautiques, que la luminosité était excellente et que la nappe observée, d'une longueur de deux nautiques et demi et d'une largeur de cinquante mètres, était continue, située sur l'arrière du navire, en contact avec la poupe de celui-ci, et présentait l'aspect d'une nappe argentée à la surface de l'eau avec des irisations ; qu'il y a également mentionné : «un contact établi sur chenal 16 VHM/FM avec le bâtiment pour lui demander de passer sur le chenal onze ; reprise de contact sur le chenal onze où nous demandons à l'interlocuteur, qui s'est présenté comme l'officier en second, sa provenance, sa destination, son indicatif d'appel international, son numéro IMO ainsi que le nom du commandant ; il coopère ; nous lui demandons ensuite s'il est victime d'une avarie, il hésite et nous indique qu'il va chercher le commandant ; après changement d'interlocuteur, la personne s'identifiant comme le commandant du navire nous signifie qu'il n'y a aucune avarie à bord, qu'il n'a pas traversé de manière accidentelle une pollution, qu'il ne nettoie pas ses cuves ; nous l'informons de l'existence d'une pollution de sillage à l'arrière de son bateau, nous lui demandons des informations à ce sujet ; il nous répond qu'il ignore la présence de cette pollution et qu'il n'a aucune information à fournir à ce sujet ; les rejets cessent dès la prise de contact radio et après le passage à la verticale du Cimil ; aucune pollution, n'était présente dans un rayon de dix nautiques autour du Cimil» ; qu'aucune photographie n'a pu être prise, l'appareil photographique de l'avion s'étant révélé, à cette occasion, hors d'usage ; qu'en raison des conditions météorologiques défavorables, il n'a pu être procédé à des prélèvements sur zone ; que l'enquête a établi que le navire Cimil (...) était commandé par le prévenu, Burak X... ; que celui-ci, entendu par les enquêteurs avec l'assistance d'un interprète, le 29 janvier 2005, à l'arrivée du navire au port autonome de Marseille, a déclaré qu'il était depuis trois mois le commandant de ce porte-conteneurs comptant un équipage de quatorze personnes, lui compris, et pratiquant principalement du charter en fonction des chargements qui leur étaient proposés ; que Burak X... a indiqué qu'il avait effectivement été contacté par radio par les militaires de la marine nationale, précisant sur ce point : «j'ai tout de suite appelé la salle machine en même temps que je regardais mon sillage ; je n'ai rien pu voir car il y avait beaucoup de vent et une mer forte ; le chef machine m'a annoncé qu'il n'y avait aucune raison pour que nous soyons à l'origine de la pollution» ; qu'entendu à sa suite par les enquêteurs, le chef mécanicien du navire a confirmé les déclarations du prévenu ; que l'enquête a démontré que le navire Cimil avait appareillé le même jour de Barcelone aux environs de 5 heures 30 à destination de Marseille et que la pollution constatée se trouvait très précisément sur la route suivie par ce navire et dans la zone de protection écologique ; que Philippe Z..., administrateur en chef des affaires maritimes, qui a procédé le 29 janvier à 21 heures 10 à l'examen du navire, a conclu, avant d'avoir communication du «journal machine», rédigé en langue turque, en substance, qu'aucun élément probant ne permet de conclure, ni même de laisser penser que le navire ait procédé à des rejets de résidus dans la journée du 29, même si une telle hypothèse ne pouvait être totalement exclue ; qu'après traduction du «journal de bord des machines», Philippe Z..., de nouveau entendu, a déclaré que le nettoyage de la cale machine dont faisait état ledit journal de bord entraînait nécessairement des effluents qu'il estimait à dix à vingt mètres cubes ; qu'il a ajouté que, si, effectivement, l'opération décrite dans le journal machine consistait à tout le moins en un nettoyage de la cale machines, les effluents auraient dû se trouver dans le bilge tank ou dans le fond de la cale, qui était vide au moment de son inspection ; qu'en conséquence, il a conclu à un rejet par dessus bord ; (...) ; que la différence avec les quantités d'eaux de cales relevée dans le bilge tank par Philippe Z... lors de son examen du navire le 29 janvier 2004, est incompatible avec le nettoyage de la cale machine tel que mentionné dans le journal machine, fût-il pratiqué avec une serpillière comme le prévenu l'a soutenu devant le tribunal, à l'aide d'un balai à frange ou encore à la main, comme il le soutient aujourd'hui dans ses conclusions ; que Jean-Marc Y..., entendu par les enquêteurs, les 29 janvier et 1er février 2004, puis à l'audience du tribunal et à celle de la cour, a confirmé les constatations qu'il avait personnellement faites et énoncées dans son procès-verbal ; qu'il a précisé qu'il était pilote dans l'aéronautique navale depuis avril 1998, qu'il totalisait mille six cents heures de vol, qu'il avait reçu une formation spécifique en matière de pollution maritime, qu'il avait participé, depuis 2001, à neuf missions dans ce domaine et que, dans ces circonstances, il n'avait pu se méprendre sur la nature de la trace qu'il avait constatée exclusivement à l'arrière du navire, en contact avec ce navire et dans laquelle il avait clairement identifié une pollution de sillage de faible épaisseur avec irisation de couleur argent ; qu'il a également précisé que le rejet avait cessé durant l'échange radio ; qu'il résulte des articles L. 218-28 et L. 218-26 du code de l'environnement que les procès-verbaux dressés par les chefs de bord des aéronefs de la marine nationale font foi jusqu'à preuve du contraire ; que la preuve contraire des constatations personnellement faites et rapportées sur une matière de sa compétence par Jean-Marc Y..., chef de bord d'un aéronef de la marine nationale, agissant dans l'exercice de ses fonctions n'est pas rapportée ; que les écrits des «experts» désignés par l'armateur ne sont pas de nature à établir une telle preuve, les considérations personnelles du capitaine André A... sur les pièces de la procédure n'apportant aucun élément utile à leur compréhension et les conclusions de Jean-Jacques B..., selon lesquelles «les légères traces argentées notées dans le sillage du navire ne peuvent provenir que de la traversée d'une nappe déjà existante» ayant été infirmée par le prévenu lors de la communication radio du 29 janvier 2004 ; que ce dernier n'a jamais démenti la déclaration qu'il a faite à cette occasion ; que les conclusions de la défense, quant aux contradictions qu'elle aurait relevées sur ce point entre les déclarations de Jean-Marc Y... et celles de Matthieu C..., détecteur navigateur aérien, qui se trouvait à l'arrière de l'avion, sont sans fondement ; qu'il ressort en effet de l'ensemble des témoignages recueillis que seuls Jean-Marc Y..., chef de bord placé à l'avant de l'avion, est entré en communication avec l'officier de quart du Cimil puis avec le prévenu et ce, exclusivement en anglais, langue parlée par ces trois personnes ; (...) ; que les conclusions du prévenu quant aux prétendues contradictions des déclarations des divers membres d'équipage de l'avion Etoile Delta sur la trace relevée ne sont pas plus probantes ; que, si ces derniers donnent de cette trace une description en des termes qui ne sont ni identiques, preuve si besoin est de l'authenticité de leurs propos, ni techniques, les témoins en mission d'entraînement à la navigation n'étant pas, à l'exception de Jean-Marc Y..., des spécialistes de la pollution maritime, leurs déclarations ne contiennent aucune autre divergence que celles dues à l'angle de vue nécessairement différent des membres de l'équipage en fonction de la position occupée par chacun d'eux dans l'avion ; que, notamment, Tony D..., seul à avoir mentionné la présence de zones de substances compactes d'environ dix mètres carrés qui se trouvaient entre deux eaux, placé au milieu de l'avion entre deux hublots, ne pouvait avoir qu'une vue latérale donc imparfaite, de la nappe ; que les membres de l'équipage, placés à l'arrière de l'avion, n'ont eu qu'une vision très sommaire ; que les membres de l'équipage, qui se trouvaient dans la cabine de pilotage ont confirmé les constatations faites par Jean-Marc Y... ; que le pilote de l'avion a précisé : «durant la remontée de la traînée, j'ai pu constater que cette trace était continue jusqu'à l'arrière du bateau, que le nom du bateau était Cimil et que son port d'attache était Istanboul ; je vous précise que la traînée mesurait environ cinquante mètres de large et deux nautiques et demi de long ; concernant la longueur, la mesure a été effectuée par le navigateur ; ensuite, je suis passé sur le bâbord du navire et j'ai constaté qu'il avait une route d'environ trente degrés et une vitesse d'environ dix noeuds ; ces constatations ont été effectuées visuellement ; puis, sur ordre du chef de bord, j'ai effectué plusieurs manoeuvres afin de rester proche du navire, je peux vous préciser que, lors de ces manoeuvres, j'ai constaté qu'il n'y avait aucune tâche similaire autour du navire et qu'il n'y avait aucun autre navire en vue dans le secteur ; je vous précise que la météo était très favorable, soleil avec une visibilité supérieure à dix kilomètres» ; que, contrairement à ce que soutient la défense, qui produit des pièces établissant que le Cimil a déchargé le 2 janvier 2004 à Barcelone 0,3 mètre cube des déchets suivants : «déchets alimentaires, plastique, cendre, chiffons huileux, autres (0,1 mètre cube)», il est démontré, d'une part, par les documents de bord communiqués aux enquêteurs et à l'expert le 29 janvier 2004, d'autre part, par les attestations établies par E... F... Adnan et par le prévenu, que le dernier déchargement de résidus et de mélanges d'hydrocarbures a eu lieu à Malte le 6 janvier 2004 et non le 28 janvier 2004 à Barcelone ; que les attestations produites par le prévenu établies par Adil Emre G... et Bulent H..., deux officiers du Cimil et le chef mécanicien, qui disent s'être trouvés sur la passerelle ou dans la salle à manger, ne démontrent nullement que «personne n'était présent dans le compartiment machine lors du survol de l'avion et lors du premier contact radio ; qu'il ressort des mentions du procès-verbal et des explications données par Jean-Marc Y... que l'arrêt du rejet est intervenu au cours des échanges radio ; que le prévenu lui-même a reconnu au cours de son audition par les enquêteurs avoir «tout de suite appelé la salle machine dès l'appel de Jean-Marc Y...» ; qu'il était matériellement impossible pour ce dernier, chef de bord de l'avion qui survolait le navire, de constater les mouvements d'équipage à l'intérieur dudit navire, la présence d'un tuyau de déversement ou d'une pompe ou encore une trace d'écoulement sur les flancs du bateau ; qu'il résulte suffisamment des énonciations du procès-verbal dressé le 29 janvier 2004 par Jean-Marc Y..., chef de bord d'un aéronef de la marine nationale, corroborées par les constatations faites par les membres de son équipage, par l'administrateur en chef des affaires maritimes et par les enquêteurs, que le prévenu, commandant du porte-conteneurs étranger Cimil, d'une jauge brute supérieure à cinq cents tonneaux, a procédé, le 29 janvier 2004, en mer méditerranée, en zone spéciale Marpol 73/78 et dans la zone de protection écologique, à un rejet d'hydrocarbures caractérisé par la présence exclusive dans le sillage de ce navire et en contact avec la poupe de celui-ci d'une nappe continue, argentée à la surface de l'eau avec des irisations, d'une longueur de deux nautiques et demi et d'une largeur de cinquante mètres ; qu'en l'absence d'avarie alléguée, l'arrêt du rejet au cours de l'échange radio avec l'agent qui a constaté cette pollution établit suffisamment l'élément intentionnel du délit reproché ; "alors que, d'une part, la preuve de l'existence d'une pollution maritime par rejet d'hydrocarbures incombe à la partie poursuivante, en particulier sur la nature du rejet incriminé ; que les constatations visuelles des agents se référant à la Convention Marpol et aux Accords de Bonn doivent être corroborées par des éléments objectifs au sens du recueil des preuves issu de la signature desdits textes ; que pareille exigence, en l'espèce ignorée par les services, appartient aux premiers droits de la défense qui grèvent de sujétions particulières l'exercice d'un pouvoir de police spécial, en particulier sur les conditions de l'établissement objectif de l'élément matériel de l'infraction ; qu'en l'espèce, une simple observation visuelle – d'ailleurs non accompagnée d'un cliché photographique ne saurait tenir lieu de l'enquête recommandée par les instruments internationaux ; qu'en l'état, les prévenus n'ont pu légalement être reconnus coupables d'une pollution maritime en l'absence du moindre élément matériel susceptible de faire l'objet d'une contradiction utile de la part de la défense dont les droits fondamentaux ont, partant, été délibérément méconnus par les services et par l'arrêt ; "alors que, d'autre part, dans une matière technique, une simple observation visuelle, s'inscrirait-elle dans le cadre de la Convention Marpol et des Accords de Bonn, n'est qu'une constatation sujette à interprétation ; que, si les agents verbalisateurs prétendent interpréter leurs constatations, ils jouent un rôle d'expert qui ne leur a pas été dévolu par les textes ; qu'en avalisant ainsi l'interprétation propre aux agents quand ces derniers n'avaient pris aucune précaution pour objectiver leur opinion par tout procédé technique, notamment des prélèvements, susceptibles de donner sens et portée à leur première impression et de permettre à la défense de présenter des objections utiles, au besoin par voie d'expertise, la cour a derechef violé les textes visés au moyen et a privé le demandeur d'un procès équitable" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 29 janvier 2004, il a été constaté par le chef de bord d'un aéronef de la marine nationale, dans la zone de protection écologique au large de la côte méditerranéenne, la présence d'une nappe argentée dans le sillage du navire de charge Cimil, battant pavillon turc ; qu'à son arrivée dans le port de Marseille, le navire a fait l'objet d'une inspection ; que son capitaine, Burak X..., a été poursuivi pour rejet d'hydrocarbures dans une zone spéciale, par un navire autre que citerne, d'une jauge brute égale ou supérieure à cinq cents tonneaux ; qu'il a été condamné de ce chef à une amende, dont une partie a été mise à la charge de la société Cimil Denizcilik A.S., propriétaire du navire ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l'arrêt énonce qu'aux termes du procès-verbal, établi par le chef de bord d'un aéronef de la marine nationale, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, la nappe argentée, avec des irisations, d'environ cinquante mètres de large sur quatre kilomètres et demi de long, qui a été observée dans des conditions de luminosité excellentes, était continue, située à l'arrière du navire, en contact avec la poupe de celui-ci ; que le rejet a cessé dès qu'a été établi un contact radio entre l'aéronef de contrôle et le bord, qu'aucune pollution n'était visible à l'avant du Cimil et qu'il n'y avait aucun autre navire dans un rayon de dix nautiques ; que les juges retiennent que l'administrateur des affaires maritimes, qui a procédé, le 29 janvier 2004, à une enquête à bord du navire, après son accostage dans le port de Marseille, a relevé l'indication, dans le journal de bord des machines, d'un nettoyage de la salle des machines et du fond de cale des cuves, réalisé le 28 janvier 2004, dont les effluents ne se retrouvaient pas dans le fond de la cale, qui était vide, ni dans la caisse des eaux sales, dont le niveau n'avait varié que de 0,04 mètre cube entre le 28 et le 29 janvier ; que, quelle qu'ait été la méthode employée pour réaliser ce nettoyage, il n'aurait pu produire une si faible quantité de résidus; que les juges relèvent enfin que Burak X... n'a, à aucun moment, soutenu qu'il avait traversé une nappe existante ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, d'une part, aucun instrument international n'impose qu'il soit dérogé, en matière de rejets illicites d'hydrocarbures, au principe de liberté de la preuve ; que, dès lors, les juges ont pu fonder leur conviction sur un faisceau d'indices tirés de l'aspect de la nappe polluée, de sa position par rapport au navire, de son interruption à la suite du contact radio, de l'absence d'autre navire à proximité, ainsi que des discordances entre les indications du journal de bord et les constatations opérées dans les cales ;
Que, d'autre part, en décrivant l'aspect de la nappe polluée par référence à des codes d'apparence, dont la validité est reconnue sur le plan international comme mode de preuve de la teneur d'un rejet en hydrocarbures, l'agent verbalisateur ne procède pas à une expertise, mais se borne à emprunter des catégories, établies sur la base d'études scientifiques, qui lui permettent de rendre compte, précisément et objectivement, de ce qu'il a personnellement observé, dans un procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve contraire, conformément aux dispositions de l'article L. 218-67 du code de l'environnement ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Burak X... devra payer au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale à chacune des parties civiles, l'association France nature environnement et l'association Greenpeace France ;
Publication : Bulletin criminel 2007, n° 79, p. 390