Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme,14-2 du Pacte des Nations
unies sur les droits civils et politiques,9 et 10 de l'annexe I de la Convention
internationale pour la prévention de la pollution par les navires du
2 novembre 1973, telle que modifiée par le Protocole du 17 février
1978, L. 218-10 et L. 218-21 du code de l'environnement,121-1 et 121-3 du code
pénal, de l'article préliminaire et des articles 427,591 et 593
du code de procédure pénale :
" en ce que la cour d'appel de Rennes a confirmé la culpabilité
de Charalambos X... du chef de rejet d'hydrocarbures dans les eaux territoriales
par un navire-citerne étranger autre que citerne d'une jauge brute égale
ou supérieure à cent cinquante tonneaux ;
" aux motifs que, le 5 septembre 2000, à 7 heures 50 Z UTC, soit
9 heures 50 locales, Philippe Y... et Marc Z..., contrôleurs des douanes
affectés à la brigade de surveillance aéro-maritime de
Lann-Bihoué, assuraient une surveillance maritime de routine à
cent soixante-dix nautiques de la pointe de Penmarch au moyen d'un avion Cessna
406 n° FZ13ES dont Philippe Y... était le commandant de bord, lorsque,
se trouvant en zone Océan, au 46'07N de latitude et 007'W 3 8 de longitude,
ils constataient la présence d'une traînée continue irisée
argentée de couleur vive avec des zones foncées de catégories
B, D et F, axée au 2 10, d'une largeur d'un demi nautique pour une longueur
de dix nautiques dans le sillage d'un navire citerne de cent cinquante-neuf
mille tonneaux battant pavillon maltais nommé " Concordia I "
; que le bâtiment, qui naviguait à quinze noeuds, se trouvait en
zone économique ; que les traces se trouvaient dans son sillage, à
son contact et qu'aucune autre trace ne se trouvait à l'avant du navire,
le rejet provenant de la poupe côté babord ; que la nappe révélait
la présence d'hydrocarbures ; qu'ayant pris contact avec le navire sur
canal V.H.F. Marine, le contrôleur Philippe Y... était mis en relation
avec une personne se présentant comme étant le capitaine, qui
se défendait d'être à l'origine de la pollution, déclarant
qu'il vidangeait les toilettes du bord ; que le rejet cessait à ce moment-là
; que, s'étant présentés comme les occupants d'un avion
de la patrouille maritime des douanes, les fonctionnaires signalaient à
leur interlocuteur qu'il procédait à un rejet d'hydrocarbures
et qu'ils allaient rédiger un procès-verbal de constatation de
pollution maritime ; qu'ils relevaient le nom du capitaine, qui déclarait
se nommer X..., et la raison sociale de l'armateur qu'il leur indiquait comme
étant Nobility Navigation Company ; que les fonctionnaires ayant repris
leur mission de surveillance, le capitaine reprenait contact avec eux pour protester
et demander des précisions sur le contenu du procès-verbal ; qu'il
était relevé une infraction aux dispositions de la Convention
internationale pour la prévention de la pollution par les navires, signée
à Londres le 2 novembre 1973, modifiée par le Protocole du 17
février 1978 et de la loi n° 83-593 du 5 juillet 1983 réprimant
la pollution de la mer par les hydrocarbures ; que, le 7 septembre 2000, de
18 heures 30 à 21 heures, il était procédé par le
capitainerie maritime d'Algesiras dépendant de la direction générale
de la marine marchande du ministère espagnol des travaux publics à
l'inspection du navire citerne Concordia I lors de son passage par le détroit
de Gibraltar sur sa route de Rotterdam à Sidi Kerir (Egypte) ; que cette
inspection, réalisée à la suite d'une plainte des autorités
maritimes françaises, permettait de constater que le navire, qui avait
été construit en 1977 en Norvège, disposait de sept citernes
de charge centrales, de deux citernes latérales à ballast séparées
de quatorze citernes de charge / ballast et de deux citernes de décantation
; qu'à l'examen des livres registres des hydrocarbures, il était
constaté qu'au moment de l'inspection par l'aéronef, le navire
était en train de faire une décharge de dix mètres cubes
d'eaux huileuses de fond de cale de la salle des machines au moyen de l'équipement
séparateur eau-huile, ainsi qu'un nettoyage des citernes de charge en
envoyant le résidu du nettoyage aux citernes de rétention et sans
effectuer aucune décharge à la mer ; qu'il avait été
procédé, au port de Rotterdam, à la vérification
du scellage de la vanne hydraulique de contrôle de charge qui actionne
la décharge à la mer et se trouve du côté bâbord
à la hauteur du commencement du château ; que la décharge
à la mer, située au-dessous de la ligne de flottaison dans la
voûte de tribord était scellée au moment de l'intervention
des fonctionnaires espagnols ; que l'examen du journal de navigation a permis
de relever, à une certaine position précisée dans le rapport
d'inspection, plusieurs taches d'hydrocarbures sur le côté bâbord
du navire jusqu'à deux encablures, et ce, pendant à peu près
vingt minutes ; qu'à 9 heures 15, le journal de navigation mentionne
la présence d'un aéronef à proximité du navire ;
l'attestation du séparateur d'eau de fond de cale était caduque
depuis le 31 mars 1990 ; qu'enfin, il était constaté que le fond
de cale était propre ; qu'il n'était procédé, en
cours d'enquête, à aucune audition des personnes en cause, qu'il
s'agisse du capitaine ou de l'armateur ; que des poursuites ayant dans un premier
temps été exercées devant le tribunal correctionnel de
Paris, cette juridiction rendait, le 16 juin 2003, un jugement d'incompétence
en raison des lieux, au visa des dispositions de l'article L. 218-29 du code
de l'environnement, modifié par l'article 4 de la loi du 15 avril 2003
; que les poursuites ayant été reprises devant le tribunal correctionnel
de Brest, l'affaire a été examinée à l'audience
tenue par cette juridiction, le 14 septembre 2004, et à laquelle Charalambos
X... a comparu ; qu'il a notamment déclaré qu'au moment du contrôle
par les douanes françaises, il traversait une zone de nappes d'hydrocarbures,
qu'il n'y a rien sur les photos qui prouve la pollution, ce qui sort de la coque
n'étant que de l'eau de refroidissement du navire, c'est-à-dire
du gaz inerte, brassée par le sillon naturel produit par l'hélice
; qu'il a prétendu que la péremption du certificat du séparateur,
mentionnée par les fonctionnaires espagnols, était une erreur
et que tout était en ordre lors de l'inspection effectuée cinq
jours auparavant à Rotterdam ; qu'il a déclaré être
sûr que rien ne sortait du bateau, pourvu d'un système ODM de surveillance
des décharges d'hydrocarbures qui contrôle tout ce qui est jeté
" par " la mer, qui sonne en cas de problème et qui n'avait
pas été activé depuis Rotterdam ; que, pour retenir la
culpabilité de Charalambos X... et la responsabilité civile de
la société Thenamaris Ship Management, les premiers juges ont
considéré que les constatations et les déclarations des
enquêteurs permettaient d'exclure toute erreur d'identification, de même
que la présence de toutes autres nappes d'hydrocarbures et que le séparateur
quinze ppm n'était pourvu, selon les constatations faites par les autorités
espagnoles, que d'un certificat qui n'était plus valable depuis le 31
mars 1990 ; que le prévenu et la personne morale poursuivie en qualité
de civilement responsable discutent l'élément matériel
de l'infraction en contestant tout d'abord la capacité scientifique de
l'agent verbalisateur à apprécier la réalité de
la présence d'hydrocarbures ainsi que son indépendance et son
impartialité qui, d'après ces appelants, ne seraient pas suffisamment
assurées par son statut de fonctionnaire de l'administration des douanes
qui le rendrait dépendant de l'État ; mais que la mission des
fonctionnaires habilités, au sens des dispositions de l'article 11 de
la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 (actuellement article L. 218-26 du code
de l'environnement), à constater les infractions aux dispositions des
règles 9,10 et 20 de l'annexe 1 de la Convention internationale pour
la prévention de la pollution par les navires faite à Londres
le 2 novembre 1973, telle que modifiée par le Protocole du 17 février
1978 et par ses modificatifs ultérieurs régulièrement approuvés
ou ratifiés, ne consiste nullement à réaliser des opérations
expertales, mais seulement à procéder à des constatations,
mission qui est aussi celle, entre autres, des fonctionnaires de police et des
militaires de la gendarmerie pour les infractions à la loi pénale,
et qui n'a pas été outrepassée par Philippe Y... et ses
collègues en ce qu'ils ont rapporté dans leur procès-verbal
du 5 septembre 2000 et, en ce qui concerne Philippe Y... et Marc Z..., dans
leurs déclarations à la gendarmerie, les indices qu'ils avaient
relevés et qualifié le degré probatoire de ces indices
dans le sens d'une pollution par des hydrocarbures rejetés par le navire
Concordia I ; que les appelants principaux prétendent, en second lieu,
déduire de l'examen des photographies prises par les fonctionnaires verbalisateurs
l'existence, dans toute la zone traversée par le navire, devant, derrière
et sur les côtés du bâtiment, de taches d'hydrocarbures préexistantes
à son passage mais les clichés photographiques-et leurs agrandissements-auxquels
se référent le prévenu et la société Thenamaris
ne révèlent nullement la présence de taches distinctes
de la nappe allongée située derrière le navire et pouvant
correspondre à des nappes d'hydrocarbures susceptibles d'être confondues
avec un rejet provenant du navire ; qu'ils invoquent, d'autre part, le rapport
de visite des inspecteurs espagnols qui n'établit ni déficience
ni mauvais entretien à l'origine d'un rejet d'hydrocarbures, précisant
en particulier que les vannes de décharge des citernes de ballast étaient
scellées à Algesiras comme elles l'étaient à Rotterdam,
alors que l'utilisation de telles vannes serait indispensable pour rejeter des
résidus pétroliers à la mer ; qu'il n'est cependant pas
contesté qu'il y avait bien un rejet en provenance du navire, mais qu'il
est soutenu qu'il s'agissait des eaux usées utilisées pour la
fabrication de gaz inerte, étant précisé que, le navire
étant équipé d'une propulsion par turbine à vapeur,
le seul pétrole présent se trouve dans un conduit entre la chaudière
et les soutes à combustible, de sorte que la totalité du combustible
nécessaire à la propulsion est brûlé dans les chaudières
et que rien ne peut s'écouler dans la cale machine pour être ensuite
évacué à la mer ; que, cependant, les éléments
apportés par la défense n'obligent pas à considérer
que ce rejet d'eaux usées présenté comme normal soit incompatible
avec la présence simultanée, par le même orifice ou par
un autre, d'un rejet polluant ; que, dès lors, que les éléments
recueillis par les enquêteurs établissent que la nappe qui se formait
immédiatement dans le sillage du navire était bien composée
d'hydrocarbures, la détermination exacte du moyen par lequel ce produit
a pu s'en échapper n'est pas un élément nécessaire
à la constitution matérielle de l'infraction de pollution ; que,
d'ailleurs, l'observation de la défense, selon laquelle la capacité
du navire à contenir les eaux usées étant de seize mètres
cubes (selon le certificat " sludge tank "), une nappe de dix miles
de long et de cinq cent mètres de large correspond à un volume
de cent soixante-dix mètres cubes, de beaucoup supérieur à
cette capacité, est précisément de nature à exclure
que le rejet constaté fût uniquement constitué de ces eaux
usées ; que, de même, les indications du rapport de déballastage
du 13 septembre 2000, selon lesquelles le navire contenait encore, à
son arrivée à Sidi Kerir, trente-sept mille neuf cent vingt-cinq
mètres cubes d'eau propre, cinquante-quatre mille cinq cent vingt-cinq
mètres cubes d'eau sale et deux cent quarante-cinq mètres cubes
de résidus pétroliers, ne sont pas incompatibles avec le fait
d'avoir procédé à des rejets d'hydrocarbures au cours du
voyage ; qu'enfin, le prévenu et la personne morale poursuivie comme
civilement responsable font valoir, au vu de l'analyse effectuée par
Charles B..., que, si elle provenait du Concordia, la trace n'aurait pas dû
être droite et continue car, compte tenu de la vitesse du navire, soit
douze noeuds, de sa direction et de l'influence d'un vent de quinze noeuds,
elle aurait nécessairement dérivé et n'aurait pas pu, surtout
dans sa partie la plus éloignée du navire, se trouver dans son
sillage ; mais que la dernière des sept photographies annexées
au procès-verbal du 5 septembre 2000 montre une traînée
qui n'est pas rectiligne, ce qui est effectivement compatible avec l'action
du vent relevée par le technicien mandaté par la défense,
mais qui rejoint le navire que l'on aperçoit au loin, dispositif confirmé
par les autres photos, en particulier la sixième et la cinquième
; qu'en outre, un rejet provenant d'un navire lui est nécessairement
rattaché, malgré la dérive pouvant être due, notamment,
à l'action des vents et des courants, ce qui lui fait subir une déformation
tout à fait compréhensible, mais sans aller jusqu'à un
détachement de la traînée par rapport à sa source
tant que le rejet n'est pas interrompu ; que, tel est le cas dans la situation
observée le 5 septembre 2000 par les fonctionnaires des douanes françaises
rattachés à la B.S.A.M. de Lann-Bihoué, constatée
dans le procès-verbal qu'ils ont dressé le même jour et
dont il convient de rappeler que ses énonciations font foi jusqu'à
preuve contraire (article 12 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983), et
relatée en détails par Philippe Y... et Marc Z... dans leurs auditions
effectuées les 6 et 9 novembre 2000 par la gendarmerie maritime ; que
leurs observations visuelles sont corroborées par les photographies prises
de l'avion dont l'examen démontre l'absence de pollution à l'avant
du navire dans le sillage duquel se trouvait, à l'arrière et à
son contact, une traînée continue irisée argentée
de couleur vive avec des zones foncées ; que le contrôleur de première
classe Philippe Y..., entendu comme témoin à l'audience de la
cour, a précisé, en se référant au code d'apparence
de l'Accord de Bonn, que la partie la plus importante de la nappe correspondait
au code 1, soit un reflet gris argenté (0,04 à 0,30 µm d'épaisseur)
avec une irisation en surface, que la zone périphérique correspondait
au code 2, soit une teinte arc-en-ciel (0,30 à 5 µm d'épaisseur)
et que l'apparence métallique correspondant au code 3 (5 à 50
µm d'épaisseur) s'appliquait à des petites taches localisées
au centre de la nappe ; que les catégories mentionnées dans le
procès-verbal étaient les suivantes : aspect d'une nappe argentée
à la surface de l'eau (B), ruban de couleur vive (D), couleurs plus foncées
(M) ; qu'en conséquence, les critères d'apparence caractéristiques
des hydrocarbures étaient bien présents dans la nappe créée
de façon continue dans le sillage du navire Concordia I, ce dont il résulte
de façon certaine que ce navire procédait à un rejet d'hydrocarbures
en violation des textes visés à la prévention et en particulier,
de la règle 9 de l'annexe I à la Convention du 2 novembre 1973
; que cette déduction se trouve confirmée par le fait que le rejet
a cessé au moment où les fonctionnaires des douanes françaises
se sont signalés par radio au capitaine du navire : que les moyens de
défense invoqués par le prévenu et la société
citée en qualité de civilement responsable, exposés à
la rubrique 11) A 4.-pages 12 à 15-de leurs conclusions, et examinés
ci-dessus dans les présents motifs ne sont pas de nature à rapporter
la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal dans les
conditions fixées par l'article 431 du code de procédure pénale
; que, par conséquent, la preuve de l'élément matériel
du rejet d'hydrocarbures par le navire Concordia I se trouve rapportée
et les conditions d'exonération énoncées au point 1 de
la règle 9 de l'annexe 1 à la Convention Marpol ne sont pas réunies
; qu'en l'absence de justification, par le commandant de ce navire, d'une raison
ou d'un incident qui aurait occasionné ou nécessité le
rejet constaté dans son sillage, ce rejet doit être présumé
volontaire et la référence à la prétendue rigueur
des contrôles exercés par les groupes pétroliers affréteurs
n'est pas de nature à faire disparaître l'élément
intentionnel ainsi caractérisé et confirmé dans son existence
par la cessation du rejet polluant au moment où le capitaine a été
averti de l'intervention des fonctionnaires des douanes ;
" alors que, d'une part, la preuve de l'existence d'une pollution maritime
par rejet d'hydrocarbures incombe à la partie poursuivante, en particulier
sur la nature du rejet incriminé ; que les constatations visuelles des
agents se référant à la Convention Marpol et aux Accords
de Bonn doivent être corroborées par des éléments
objectifs au sens du recueil des preuves issu de la signature desdits textes
; que pareille exigence, insuffisamment prise en compte par la pratique des
douanes françaises, appartient aux premiers droits de la défense
qui grèvent de sujétions particulières l'exercice d'un
pouvoir de police spécial, en particulier sur les conditions de l'établissement
objectif de l'élément matériel de l'infraction ; qu'en
l'espèce, une simple observation visuelle ne saurait tenir lieu de l'enquête
recommandée par les instruments internationaux ; qu'en l'état,
les prévenus n'ont pu légalement être reconnus coupables
d'une pollution maritime en l'absence du moindre élément matériel
susceptible de faire l'objet d'une contradiction utile de la part de la défense
dont les droits fondamentaux ont, partant, été délibérément
méconnus par les services et par l'arrêt ;
" alors que, d'autre part, dans une matière technique, une simple
observation visuelle, s'inscrirait-elle dans le cadre de la Convention Marpol
et des Accords de Bonn, n'est qu'une constatation sujette à interprétation
; que, si les agents verbalisateurs prétendent interpréter leurs
constatations, ils jouent un rôle d'expert qui ne leur a pas été
dévolu par les textes ; qu'en avalisant ainsi l'interprétation
propre aux agents quand ces derniers n'avaient pris aucune précaution
pour objectiver leur opinion par tout procédé technique, notamment
des prélèvements, susceptibles de donner sens et portée
à leur première impression, la cour a derechef violé les
textes visés au moyen et a privé le demandeur d'un procès
équitable ;
" alors que, enfin, en l'état du constat d'une apparence de rejet
d'hydrocarbures résultant du procès-verbal des douanes faisant
simplement foi jusqu'à preuve contraire, la défense démontrait
qu'aucun rejet interdit n'avait matériellement pu être effectué
lors de la traversée de Rotterdam à Sidi Kerir par Gibraltar où
le navire, lors de son passage, avait fait l'objet d'un contrôle à
la demande des autorités françaises qui ne révèlera
aucune anomalie de fonctionnement ; qu'en se fiant, dès lors, à
la seule estimation visuelle initiale, sans autre égard pour la portée
de l'inspection effectuée à Gibraltar, la cour a considéré
que les démonstrations techniques de la défense corroborées
par ladite inspection, n'excluaient pas nécessairement l'hypothèse
d'un rejet prohibé durant la traversée, sans autrement expliciter
la valeur de cette hypothèse, se déterminant ainsi à la
faveur d'un motif purement hypothétique et accordant de facto une portée
irréfragable au procès-verbal initial, en violation du principe
de la présomption d'innocence " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 5 septembre 2000, il a été constaté par des contrôleurs des douanes en mission de surveillance aérienne, dans la zone économique au large de la pointe de Penmarch (Finistère), la présence d'une traînée continue argentée dans le sillage du navire citerne Concordia I, battant pavillon maltais ; qu'à son passage, le 7 septembre, dans le port d'Algésiras, le navire a fait l'objet d'un contrôle des autorités espagnoles ; que son capitaine, Charalambos X..., a été poursuivi pour rejet d'hydrocarbures par un navire citerne d'une jauge brute égale ou supérieure à cent cinquante tonneaux ; qu'il a été condamné de ce chef à une amende, dont une partie a été mise à la charge de la société Thenamaris Ship Management ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable
des faits reprochés, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés,
retient que le procès-verbal établi par les fonctionnaires des
douanes, corroboré par les photographies prises depuis l'avion de surveillance,
relève la présence, au contact de la poupe du Concordia I d'une
traînée continue irisée argentée de couleur vive
avec des zones foncées ; que cette description correspond à des
critères d'apparence caractéristiques des hydrocarbures ; qu'aucune
trace de pollution n'est visible à l'avant du navire et que le rejet
a cessé dès qu'un contact radio a été établi
avec le bord ; que le capitaine a indiqué qu'au moment du contrôle
le navire effectuait une décharge d'eaux huileuses de fond de cale de
la salle des machines, au moyen du séparateur quinze ppm, et un rejet
d'eaux usées ; que les juges retiennent toutefois que, selon les autorités
espagnoles, le certificat du séparateur n'était plus valable depuis
le 31 mars 1990, et qu'ils ajoutent que la circonstance alléguée
d'un rejet d'eaux usées n'exclut pas l'écoulement simultané
d'hydrocarbures, la capacité de stockage des eaux usées par le
navire ne permettant pas d'expliquer l'émission d'une nappe de dix miles
de long sur cinq cent mètres de large ; que les juges énoncent
encore que les indications du rapport de déballastage du 13 septembre
2000 selon lesquelles le navire contenait encore trente-sept mille neuf cent
vingt-cinq mètres cubes d'eau propre, cinquante-quatre mille cinq cent
vingt-cinq mètres cubes d'eau sale et deux cent quarante-cinq mètres
cubes de résidus pétroliers, ne sont pas incompatibles avec le
fait d'avoir procédé à des rejets d'hydrocarbures en cours
de voyage ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié
sa décision ;
Que, d'une part, aucun instrument international n'impose qu'il
soit dérogé, en matière de rejets illicites d'hydrocarbures,
au principe de liberté de la preuve ; que, dès lors, les juges
ont pu fonder leur conviction sur un faisceau d'indices tirés de l'aspect
de la nappe polluée, de sa position par rapport au navire et de son interruption
à la suite du contact radio ;
Que, d'autre part, en décrivant l'aspect de la nappe polluée par
référence à des codes d'apparence, dont la validité
est reconnue sur le plan international comme mode de preuve de la teneur d'un
rejet en hydrocarbures, l'agent verbalisateur ne procède pas à
une expertise, mais se borne à emprunter des catégories, établies
sur la base d'études scientifiques, qui lui permettent de rendre compte,
précisément et objectivement, de ce qu'il a personnellement observé,
dans un procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve contraire, conformément
aux dispositions de l'article L. 218-67 du code de l'environnement ;
D'où il suit que ne saurait être admis le moyen, qui se borne à
remettre en question l'appréciation souveraine des faits et circonstances
de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement
débattus, à laquelle les juges du fond ont procédé
sans inverser la charge de la preuve ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme,111-3 du code pénal,
1er de la loi 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'armement et aux ventes
maritimes, L. 218-20 du code de l'environnement,2,10,591 et 593 du code de procédure
pénale :
" en ce que la cour d'appel de Rennes a condamné solidairement
la société Thenamaris Ship Management ;
" aux motifs, qu'en raison de la gravité de l'atteinte à
l'environnement que constitue le rejet volontaire d'hydrocarbures en mer, il
est justifié de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé contre
le prévenu une peine d'amende de 140 000 euros ; que la société
Thenamaris dénie sa qualité de civilement responsable en exposant
que l'armateur du navire est la société Nobility Navigation Company
tandis qu'elle-même, la société Thenamaris, se présente
comme le gérant du navire et agent de l'armateur ; qu'il résulte
des renseignements recueillis dans le cadre de l'enquête préliminaire
par la brigade de gendarmerie maritime de Lann-Bihoué, par l'intermédiaire
du groupe nautique de Rosny-sous-Bois (Service technique de recherches judiciaires
et de documentation) que, si le propriétaire du navire est bien Nobility
Navigation Ltd. " C / O Thenamaris (Ships Management), la seule adresse
indiquée pour les deux dénominations est 16, Athinas & Voreou
Streets, Vouliagmeni,166 71 Athens, Greece et rien ne permet de considérer
que l'existence de ces deux dénominations corresponde à des personnes
morales distinctes liées par un contrat de mandat ; que, d'autre part,
au point 3 de sa déclaration écrite versée aux débats,
le capitaine Charalambos X... précise : « Le navire est géré
par Thenamaris sous un système conforme au code international de gestion
de la sécurité (système ISM). Nous avons des instructions
strictes de Thenamaris pour prendre toutes les mesures nécessaires pour
ne pas causer de pollution et respecter intégralement les règles
internationales, nationales ou locales dont le but est la protection de l'environnement
et éviter toute pollution ; que ces éléments d'identification
statutaire et fonctionnelle sont suffisants pour caractériser la qualité
d'exploitant du navire en la personne de la société Thenamaris
Ship Management à laquelle sont par conséquent applicables les
dispositions de l'article 10 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983, devenu
l'article L. 218-24 du code de l'environnement, permettant à la juridiction
de mettre à sa charge, en totalité ou en partie, le paiement des
amendes prononcées à l'encontre du capitaine, et ce, sans qu'il
soit nécessaire de caractériser une faute à la charge de
l'exploitant ; que la commission de l'infraction se situant dans le cadre de
l'exploitation du navire, le jugement sera confirmé en ce que, par application
des dispositions précitées, il a mis le paiement de l'amende à
la charge de la société exploitante à hauteur de 120 000
euros ;
" alors que, seuls l'armateur ou les intervenants assimilés à
l'armateur en vertu de la loi du 3 janvier 1969 peuvent être civilement
tenus au paiement de l'amende ; que la société Thenamaris Ship
Management en charge de la gestion du navire pour le compte de la société
Nobility Navigation n'entrait pas dans les prévisions de la loi susvisée
et ne pouvait en conséquence être civilement tenue " ;
Attendu que, pour mettre à la charge de la société
Thenamaris Ship Management une partie de l'amende infligée au capitaine,
la cour d'appel retient, d'une part, que, si le propriétaire du navire
est bien Nobility Navigation Ltd, cette société n'a d'autre adresse
que celle de Thenamaris, de sorte que rien ne permet de considérer que
l'existence des deux dénominations corresponde à des personnes
morales distinctes, d'autre part, qu'il résulte des déclarations
du capitaine que le navire est géré par la société
Thenamaris, de laquelle émanent toutes les instructions en matière
de respect des règles internationales relatives à la prévention
des pollutions et à la protection de l'environnement ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié
sa décision ;
Qu'en effet, l'article L. 218-24 du code de l'environnement, qui permet de mettre
tout ou partie de l'amende prononcée à l'encontre du capitaine
à la charge de l'exploitant ou du propriétaire du navire, ne distingue
pas selon que l'exploitant agit en son propre nom ou pour le compte d'autrui
;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Charalambos X... devra payer au titre
de l'article 618-1 du code de procédure pénale, à chacune
des parties civiles, l'association France nature environnement, l'association
TOS, le Syndicat mixte de protection du littoral landais, et le Syndicat mixte
de protection du littoral breton ;
Publication : Bulletin criminel 2007, n° 80, p. 397
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 13 mars 2007
N° de pourvoi: 05-87363
Publié au bulletin
Rejet
formé par X... Burak, la société Cimil Denizcilik A.S,
civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
7e chambre, en date du 7 novembre 2005, qui, pour pollution marine, a condamné
le premier à 300 000 euros d'amende, a dit que cette amende serait supportée
à concurrence de 290 000 euros par la seconde, a ordonné une mesure
de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7
de la Convention européenne des droits de l'homme, 1° du Protocole
additionnel n° 1 à ladite Convention, 14-2 du Pacte des Nations unies
sur les droits civils et politiques, 9 et 10 de l'annexe I de la Convention
internationale pour la prévention de la pollution par les navires du
2 novembre 1973, telle que modifiée par le Protocole du 17 février
1978, des articles L. 218-10 et L. 218-21 du code de l'environnement, 121-1
et 121-3 du code pénal, de l'article préliminaire, et des articles
427, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation
des droits de la défense :
"en ce que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé la culpabilité
des demandeurs du chef de rejet d'hydrocarbures dans les eaux territoriales
par un navire étranger autre que citerne d'une jauge brute égale
ou supérieure à cinq cents tonneaux ; "aux motifs que, par
le procès-verbal du 29 janvier 2004, Jean-Marc Y..., chef de bord de
l'aéronef de la marine nationale Nord 262 «Etoile Delta»,
en mission d'instruction, a constaté, à cette date, à 15
heures 32 UTC, soit 16 heures 32, heure locale, en mer méditerranée,
en zone spéciale Marpol 73/78 et dans la zone de protection écologique
créée par le décret n° 2004-33 du 8 janvier 2004, la
présence d'une nappe d'hydrocarbure dans le sillage du navire de charge
Cimil, lequel était à la position 42'52' Nord et 004'40' Est ;
que Jean-Marc Y... a précisé dans son procès-verbal que
la visibilité était supérieure à dix miles nautiques,
que la luminosité était excellente et que la nappe observée,
d'une longueur de deux nautiques et demi et d'une largeur de cinquante mètres,
était continue, située sur l'arrière du navire, en contact
avec la poupe de celui-ci, et présentait l'aspect d'une nappe argentée
à la surface de l'eau avec des irisations ; qu'il y a également
mentionné : «un contact établi sur chenal 16 VHM/FM avec
le bâtiment pour lui demander de passer sur le chenal onze ; reprise de
contact sur le chenal onze où nous demandons à l'interlocuteur,
qui s'est présenté comme l'officier en second, sa provenance,
sa destination, son indicatif d'appel international, son numéro IMO ainsi
que le nom du commandant ; il coopère ; nous lui demandons ensuite s'il
est victime d'une avarie, il hésite et nous indique qu'il va chercher
le commandant ; après changement d'interlocuteur, la personne s'identifiant
comme le commandant du navire nous signifie qu'il n'y a aucune avarie à
bord, qu'il n'a pas traversé de manière accidentelle une pollution,
qu'il ne nettoie pas ses cuves ; nous l'informons de l'existence d'une pollution
de sillage à l'arrière de son bateau, nous lui demandons des informations
à ce sujet ; il nous répond qu'il ignore la présence de
cette pollution et qu'il n'a aucune information à fournir à ce
sujet ; les rejets cessent dès la prise de contact radio et après
le passage à la verticale du Cimil ; aucune pollution, n'était
présente dans un rayon de dix nautiques autour du Cimil» ; qu'aucune
photographie n'a pu être prise, l'appareil photographique de l'avion s'étant
révélé, à cette occasion, hors d'usage ; qu'en raison
des conditions météorologiques défavorables, il n'a pu
être procédé à des prélèvements sur
zone ; que l'enquête a établi que le navire Cimil (...) était
commandé par le prévenu, Burak X... ; que celui-ci, entendu par
les enquêteurs avec l'assistance d'un interprète, le 29 janvier
2005, à l'arrivée du navire au port autonome de Marseille, a déclaré
qu'il était depuis trois mois le commandant de ce porte-conteneurs comptant
un équipage de quatorze personnes, lui compris, et pratiquant principalement
du charter en fonction des chargements qui leur étaient proposés
; que Burak X... a indiqué qu'il avait effectivement été
contacté par radio par les militaires de la marine nationale, précisant
sur ce point : «j'ai tout de suite appelé la salle machine en même
temps que je regardais mon sillage ; je n'ai rien pu voir car il y avait beaucoup
de vent et une mer forte ; le chef machine m'a annoncé qu'il n'y avait
aucune raison pour que nous soyons à l'origine de la pollution»
; qu'entendu à sa suite par les enquêteurs, le chef mécanicien
du navire a confirmé les déclarations du prévenu ; que
l'enquête a démontré que le navire Cimil avait appareillé
le même jour de Barcelone aux environs de 5 heures 30 à destination
de Marseille et que la pollution constatée se trouvait très précisément
sur la route suivie par ce navire et dans la zone de protection écologique
; que Philippe Z..., administrateur en chef des affaires maritimes, qui a procédé
le 29 janvier à 21 heures 10 à l'examen du navire, a conclu, avant
d'avoir communication du «journal machine», rédigé
en langue turque, en substance, qu'aucun élément probant ne permet
de conclure, ni même de laisser penser que le navire ait procédé
à des rejets de résidus dans la journée du 29, même
si une telle hypothèse ne pouvait être totalement exclue ; qu'après
traduction du «journal de bord des machines», Philippe Z..., de
nouveau entendu, a déclaré que le nettoyage de la cale machine
dont faisait état ledit journal de bord entraînait nécessairement
des effluents qu'il estimait à dix à vingt mètres cubes
; qu'il a ajouté que, si, effectivement, l'opération décrite
dans le journal machine consistait à tout le moins en un nettoyage de
la cale machines, les effluents auraient dû se trouver dans le bilge tank
ou dans le fond de la cale, qui était vide au moment de son inspection
; qu'en conséquence, il a conclu à un rejet par dessus bord ;
(...) ; que la différence avec les quantités d'eaux de cales relevée
dans le bilge tank par Philippe Z... lors de son examen du navire le 29 janvier
2004, est incompatible avec le nettoyage de la cale machine tel que mentionné
dans le journal machine, fût-il pratiqué avec une serpillière
comme le prévenu l'a soutenu devant le tribunal, à l'aide d'un
balai à frange ou encore à la main, comme il le soutient aujourd'hui
dans ses conclusions ; que Jean-Marc Y..., entendu par les enquêteurs,
les 29 janvier et 1er février 2004, puis à l'audience du tribunal
et à celle de la cour, a confirmé les constatations qu'il avait
personnellement faites et énoncées dans son procès-verbal
; qu'il a précisé qu'il était pilote dans l'aéronautique
navale depuis avril 1998, qu'il totalisait mille six cents heures de vol, qu'il
avait reçu une formation spécifique en matière de pollution
maritime, qu'il avait participé, depuis 2001, à neuf missions
dans ce domaine et que, dans ces circonstances, il n'avait pu se méprendre
sur la nature de la trace qu'il avait constatée exclusivement à
l'arrière du navire, en contact avec ce navire et dans laquelle il avait
clairement identifié une pollution de sillage de faible épaisseur
avec irisation de couleur argent ; qu'il a également précisé
que le rejet avait cessé durant l'échange radio ; qu'il résulte
des articles L. 218-28 et L. 218-26 du code de l'environnement que les procès-verbaux
dressés par les chefs de bord des aéronefs de la marine nationale
font foi jusqu'à preuve du contraire ; que la preuve contraire des constatations
personnellement faites et rapportées sur une matière de sa compétence
par Jean-Marc Y..., chef de bord d'un aéronef de la marine nationale,
agissant dans l'exercice de ses fonctions n'est pas rapportée ; que les
écrits des «experts» désignés par l'armateur
ne sont pas de nature à établir une telle preuve, les considérations
personnelles du capitaine André A... sur les pièces de la procédure
n'apportant aucun élément utile à leur compréhension
et les conclusions de Jean-Jacques B..., selon lesquelles «les légères
traces argentées notées dans le sillage du navire ne peuvent provenir
que de la traversée d'une nappe déjà existante» ayant
été infirmée par le prévenu lors de la communication
radio du 29 janvier 2004 ; que ce dernier n'a jamais démenti la déclaration
qu'il a faite à cette occasion ; que les conclusions de la défense,
quant aux contradictions qu'elle aurait relevées sur ce point entre les
déclarations de Jean-Marc Y... et celles de Matthieu C..., détecteur
navigateur aérien, qui se trouvait à l'arrière de l'avion,
sont sans fondement ; qu'il ressort en effet de l'ensemble des témoignages
recueillis que seuls Jean-Marc Y..., chef de bord placé à l'avant
de l'avion, est entré en communication avec l'officier de quart du Cimil
puis avec le prévenu et ce, exclusivement en anglais, langue parlée
par ces trois personnes ; (...) ; que les conclusions du prévenu quant
aux prétendues contradictions des déclarations des divers membres
d'équipage de l'avion Etoile Delta sur la trace relevée ne sont
pas plus probantes ; que, si ces derniers donnent de cette trace une description
en des termes qui ne sont ni identiques, preuve si besoin est de l'authenticité
de leurs propos, ni techniques, les témoins en mission d'entraînement
à la navigation n'étant pas, à l'exception de Jean-Marc
Y..., des spécialistes de la pollution maritime, leurs déclarations
ne contiennent aucune autre divergence que celles dues à l'angle de vue
nécessairement différent des membres de l'équipage en fonction
de la position occupée par chacun d'eux dans l'avion ; que, notamment,
Tony D..., seul à avoir mentionné la présence de zones
de substances compactes d'environ dix mètres carrés qui se trouvaient
entre deux eaux, placé au milieu de l'avion entre deux hublots, ne pouvait
avoir qu'une vue latérale donc imparfaite, de la nappe ; que les membres
de l'équipage, placés à l'arrière de l'avion, n'ont
eu qu'une vision très sommaire ; que les membres de l'équipage,
qui se trouvaient dans la cabine de pilotage ont confirmé les constatations
faites par Jean-Marc Y... ; que le pilote de l'avion a précisé
: «durant la remontée de la traînée, j'ai pu constater
que cette trace était continue jusqu'à l'arrière du bateau,
que le nom du bateau était Cimil et que son port d'attache était
Istanboul ; je vous précise que la traînée mesurait environ
cinquante mètres de large et deux nautiques et demi de long ; concernant
la longueur, la mesure a été effectuée par le navigateur
; ensuite, je suis passé sur le bâbord du navire et j'ai constaté
qu'il avait une route d'environ trente degrés et une vitesse d'environ
dix noeuds ; ces constatations ont été effectuées visuellement
; puis, sur ordre du chef de bord, j'ai effectué plusieurs manoeuvres
afin de rester proche du navire, je peux vous préciser que, lors de ces
manoeuvres, j'ai constaté qu'il n'y avait aucune tâche similaire
autour du navire et qu'il n'y avait aucun autre navire en vue dans le secteur
; je vous précise que la météo était très
favorable, soleil avec une visibilité supérieure à dix
kilomètres» ; que, contrairement à ce que soutient la défense,
qui produit des pièces établissant que le Cimil a déchargé
le 2 janvier 2004 à Barcelone 0,3 mètre cube des déchets
suivants : «déchets alimentaires, plastique, cendre, chiffons huileux,
autres (0,1 mètre cube)», il est démontré, d'une
part, par les documents de bord communiqués aux enquêteurs et à
l'expert le 29 janvier 2004, d'autre part, par les attestations établies
par E... F... Adnan et par le prévenu, que le dernier déchargement
de résidus et de mélanges d'hydrocarbures a eu lieu à Malte
le 6 janvier 2004 et non le 28 janvier 2004 à Barcelone ; que les attestations
produites par le prévenu établies par Adil Emre G... et Bulent
H..., deux officiers du Cimil et le chef mécanicien, qui disent s'être
trouvés sur la passerelle ou dans la salle à manger, ne démontrent
nullement que «personne n'était présent dans le compartiment
machine lors du survol de l'avion et lors du premier contact radio ; qu'il ressort
des mentions du procès-verbal et des explications données par
Jean-Marc Y... que l'arrêt du rejet est intervenu au cours des échanges
radio ; que le prévenu lui-même a reconnu au cours de son audition
par les enquêteurs avoir «tout de suite appelé la salle machine
dès l'appel de Jean-Marc Y...» ; qu'il était matériellement
impossible pour ce dernier, chef de bord de l'avion qui survolait le navire,
de constater les mouvements d'équipage à l'intérieur dudit
navire, la présence d'un tuyau de déversement ou d'une pompe ou
encore une trace d'écoulement sur les flancs du bateau ; qu'il résulte
suffisamment des énonciations du procès-verbal dressé le
29 janvier 2004 par Jean-Marc Y..., chef de bord d'un aéronef de la marine
nationale, corroborées par les constatations faites par les membres de
son équipage, par l'administrateur en chef des affaires maritimes et
par les enquêteurs, que le prévenu, commandant du porte-conteneurs
étranger Cimil, d'une jauge brute supérieure à cinq cents
tonneaux, a procédé, le 29 janvier 2004, en mer méditerranée,
en zone spéciale Marpol 73/78 et dans la zone de protection écologique,
à un rejet d'hydrocarbures caractérisé par la présence
exclusive dans le sillage de ce navire et en contact avec la poupe de celui-ci
d'une nappe continue, argentée à la surface de l'eau avec des
irisations, d'une longueur de deux nautiques et demi et d'une largeur de cinquante
mètres ; qu'en l'absence d'avarie alléguée, l'arrêt
du rejet au cours de l'échange radio avec l'agent qui a constaté
cette pollution établit suffisamment l'élément intentionnel
du délit reproché ; "alors que, d'une part, la preuve de
l'existence d'une pollution maritime par rejet d'hydrocarbures incombe à
la partie poursuivante, en particulier sur la nature du rejet incriminé
; que les constatations visuelles des agents se référant à
la Convention Marpol et aux Accords de Bonn doivent être corroborées
par des éléments objectifs au sens du recueil des preuves issu
de la signature desdits textes ; que pareille exigence, en l'espèce ignorée
par les services, appartient aux premiers droits de la défense qui grèvent
de sujétions particulières l'exercice d'un pouvoir de police spécial,
en particulier sur les conditions de l'établissement objectif de l'élément
matériel de l'infraction ; qu'en l'espèce, une simple observation
visuelle – d'ailleurs non accompagnée d'un cliché photographique
ne saurait tenir lieu de l'enquête recommandée par les instruments
internationaux ; qu'en l'état, les prévenus n'ont pu légalement
être reconnus coupables d'une pollution maritime en l'absence du moindre
élément matériel susceptible de faire l'objet d'une contradiction
utile de la part de la défense dont les droits fondamentaux ont, partant,
été délibérément méconnus par les
services et par l'arrêt ; "alors que, d'autre part, dans une matière
technique, une simple observation visuelle, s'inscrirait-elle dans le cadre
de la Convention Marpol et des Accords de Bonn, n'est qu'une constatation sujette
à interprétation ; que, si les agents verbalisateurs prétendent
interpréter leurs constatations, ils jouent un rôle d'expert qui
ne leur a pas été dévolu par les textes ; qu'en avalisant
ainsi l'interprétation propre aux agents quand ces derniers n'avaient
pris aucune précaution pour objectiver leur opinion par tout procédé
technique, notamment des prélèvements, susceptibles de donner
sens et portée à leur première impression et de permettre
à la défense de présenter des objections utiles, au besoin
par voie d'expertise, la cour a derechef violé les textes visés
au moyen et a privé le demandeur d'un procès équitable"
;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 29 janvier 2004, il a été constaté par le chef de bord d'un aéronef de la marine nationale, dans la zone de protection écologique au large de la côte méditerranéenne, la présence d'une nappe argentée dans le sillage du navire de charge Cimil, battant pavillon turc ; qu'à son arrivée dans le port de Marseille, le navire a fait l'objet d'une inspection ; que son capitaine, Burak X..., a été poursuivi pour rejet d'hydrocarbures dans une zone spéciale, par un navire autre que citerne, d'une jauge brute égale ou supérieure à cinq cents tonneaux ; qu'il a été condamné de ce chef à une amende, dont une partie a été mise à la charge de la société Cimil Denizcilik A.S., propriétaire du navire ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable
des faits reprochés, l'arrêt énonce qu'aux termes du procès-verbal,
établi par le chef de bord d'un aéronef de la marine nationale,
qui fait foi jusqu'à preuve contraire, la nappe argentée, avec
des irisations, d'environ cinquante mètres de large sur quatre kilomètres
et demi de long, qui a été observée dans des conditions
de luminosité excellentes, était continue, située à
l'arrière du navire, en contact avec la poupe de celui-ci ; que le rejet
a cessé dès qu'a été établi un contact radio
entre l'aéronef de contrôle et le bord, qu'aucune pollution n'était
visible à l'avant du Cimil et qu'il n'y avait aucun autre navire dans
un rayon de dix nautiques ; que les juges retiennent que l'administrateur des
affaires maritimes, qui a procédé, le 29 janvier 2004, à
une enquête à bord du navire, après son accostage dans le
port de Marseille, a relevé l'indication, dans le journal de bord des
machines, d'un nettoyage de la salle des machines et du fond de cale des cuves,
réalisé le 28 janvier 2004, dont les effluents ne se retrouvaient
pas dans le fond de la cale, qui était vide, ni dans la caisse des eaux
sales, dont le niveau n'avait varié que de 0,04 mètre cube entre
le 28 et le 29 janvier ; que, quelle qu'ait été la méthode
employée pour réaliser ce nettoyage, il n'aurait pu produire une
si faible quantité de résidus; que les juges relèvent enfin
que Burak X... n'a, à aucun moment, soutenu qu'il avait traversé
une nappe existante ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié
sa décision ;
Que, d'une part, aucun instrument international n'impose qu'il
soit dérogé, en matière de rejets illicites d'hydrocarbures,
au principe de liberté de la preuve ; que, dès lors, les juges
ont pu fonder leur conviction sur un faisceau d'indices tirés de l'aspect
de la nappe polluée, de sa position par rapport au navire, de son interruption
à la suite du contact radio, de l'absence d'autre navire à proximité,
ainsi que des discordances entre les indications du journal de bord et les constatations
opérées dans les cales ;
Que, d'autre part, en décrivant l'aspect de la nappe polluée par
référence à des codes d'apparence, dont la validité
est reconnue sur le plan international comme mode de preuve de la teneur d'un
rejet en hydrocarbures, l'agent verbalisateur ne procède pas à
une expertise, mais se borne à emprunter des catégories, établies
sur la base d'études scientifiques, qui lui permettent de rendre compte,
précisément et objectivement, de ce qu'il a personnellement observé,
dans un procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve contraire, conformément
aux dispositions de l'article L. 218-67 du code de l'environnement ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question
l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances
de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement
débattus, ne saurait être admis ; Et attendu que l'arrêt
est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Burak X... devra payer au titre de l'article
618-1 du code de procédure pénale à chacune des parties
civiles, l'association France nature environnement et l'association Greenpeace
France ;
Publication : Bulletin criminel 2007, n° 79, p. 390