Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 11 juillet 2001

N° de pourvoi: 01-83054
Non publié au bulletin
Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Guiseppe,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 2 avril 2001, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de pollution par un navire, mise en danger d'autrui et abstention volontaire de provoquer les mesures permettant de combattre un sinistre, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1, 7 et 8 de la loi du 5 juillet 1983, 223-1 et 223-7 du Code pénal, 3.4 de la Convention du 29 novembre 1969, modifiée par le Protocole du 27 novembre 1992, sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, 4 de la Convention internationale portant création du Fipol du 18 décembre 1971, modifiée le 27 novembre 1992, 2, 3, 138, 142, 142-1, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de Giuseppe X... tendant à la mainlevée du contrôle judiciaire lui imposant le versement d'un cautionnement de 10 millions de francs ;

"aux motifs propres que de nombreuses constitutions de parties civiles sont intervenues dans cette procédure ; que le demandeur, dans son mémoire, sous couvert de l'existence d'une procédure d'indemnisation étrangère à la procédure pénale, mais au demeurant limitée quant à son application, au regard des qualifications juridiques retenues contre lui, discute de la recevabilité desdites constitutions de parties civiles ; que la chambre de l'instruction, dans le cadre du contentieux du contrôle judiciaire, n'est pas compétente pour prononcer sur la recevabilité des parties civiles ; qu'en effet, en permettant aux personnes mises en examen de faire appel des ordonnances qu'il prévoit, l'article 186, alinéa 1er, du Code de procédure pénale leur a attribué un droit dont elles ne sauraient s'autoriser pour faire juger des questions étrangères à l'unique objet de cet appel ; que la Cour, dans le cadre du contentieux du contrôle judiciaire, ne saurait non plus, comme l'y incite le mis en examen dans son mémoire, examiner le fond et prononcer sur les qualifications ; que s'il est exact que Giuseppe X... a, jusqu'à présent, déféré aux convocations de justice, un cautionnement dans le cadre d'un contrôle judiciaire, aux fins d'assurer la représentation pour toute la durée de la procédure et, éventuellement pour l'exécution du jugement, est nécessaire au regard de sa situation particulière, Giuseppe X...,
ressortissant italien, vivant en Angleterre, n'ayant aucune garantie de représentation en France ; que Giuseppe X... fait valoir son impécuniosité aux fins d'obtenir l'infirmation de l'ordonnance entreprise ; qu'il résulte, cependant, des pièces de la procédure et notamment de ses déclarations devant le juge, le 6 juillet 2000, qu'il participe à de nombreuses sociétés dont il tire des ressources ; que Giuseppe X... est propriétaire de plusieurs navires (Luigi, Muria Zagura) dont il n'est pas établi que les créances hypothécaires dépassent la valeur vénale ; qu'en effet, outre l'Erika, il a, entre 1997 et 1999, acquis trois autres pétroliers et un minéralier ; qu'au surplus, le magistrat a, à bon droit, constaté que Giuseppe X... n'aurait pu, sans fonds propres, faire financer par des établissements bancaires l'achat desdits navires ; qu'enfin, contrairement aux allégations du demandeur, Giuseppe X... encourt, au regard des qualifications pénales retenues à son encontre dans le cadre de sa mise en examen, des peines d'emprisonnement et d'amende, et ce sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'une d'entre elles ne serait pas sanctionnable par une peine d'emprisonnement ; que, dès lors, un contrôle judiciaire pouvait être ordonné ; qu'en cet état, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, Giuseppe X... pouvant s'acquitter du cautionnement qui lui a été imposé compte tenu de ses ressources et de l'état de sa fortune (propriétaire d'au moins trois navires), ledit montant n'étant, au demeurant, pas excessif au regard de la valeur des navires malgré la dette bancaire de Giuseppe X... et du montant prévisible des dégâts causés par le naufrage de l'Erika (arrêt, pages 9 et 10) ;

"et aux motifs adoptés du premier juge que les victimes peuvent à tout moment de la procédure se constituer parties civiles et les plaignants se faire connaître ; qu'il n'est pas contesté ni contestable que des moyens matériels et humains considérables ont été mis en oeuvre notamment dans le cadre des secours apportés à l'équipage et du remorquage de l'épave et ce, en liaison directe avec les infractions reprochées à Giuseppe X... de mise en danger d'autrui et de l'article 223-7 du Code pénal ; que l'instruction en cours a notamment pour but de rechercher toutes les conséquences dommageables engendrées par ces infractions ; que la part du cautionnement affectée à ces réparations apparaît proportionnée aux dommages subis et aux responsabilités encoures (ordonnance, page 2) ;

"1 ) alors que ni le fait que la personne mise en examen soit étrangère, ni la circonstance que celle-ci réside en dehors du territoire français ne suffisent à caractériser un risque de non-représentation, lequel implique l'existence d'éléments concrets permettant de considérer que l'intéressé est susceptible de se soustraire aux convocations du juge pendant l'instruction, puis à l'exécution du jugement ;

"qu'ainsi, en se déterminant par la seule circonstance que Giuseppe X..., quoique ayant jusqu'à présent déféré à toutes les convocations en justice, ne présenterait aucune garantie de représentation en France, compte tenu de sa situation particulière de ressortissant italien résidant en Angleterre, sans rechercher concrètement en quoi l'intéressé, dont l'adresse est parfaitement connue du magistrat instructeur, risquerait, à l'avenir, de se soustraire aux convocations du juge, la chambre de l'instruction a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 142 du Code de procédure pénale ;

"2 ) alors que la constitution de partie civile n'ayant pas pour seule finalité l'octroi d'une indemnisation compensatrice du préjudice subi, l'incompétence du juge répressif pour statuer sur des demandes indemnitaires du plaignant ne préjuge en rien de la recevabilité de la constitution de partie civile de ce dernier ;

"qu'en l'espèce, il est constant que, pour solliciter la mainlevée du contrôle judiciaire, le demandeur a expressément fait valoir que la réparation des dommages consécutifs à l'infraction de pollution par les navires, prévue aux articles 1, 7 et 8 de la loi du 8 juillet 1983, échappe à la compétence des juridictions répressives, dès lors qu'elle relève exclusivement du régime prévu par la Convention du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, et la Convention internationale du 18 décembre 1971 créant le Fipol ;

"que, sur ces bases, Giuseppe X... soutenait que la juridiction d'instruction ne pouvait évaluer le montant du cautionnement en considération de dommages dont la réparation échappe nécessairement à la compétence du juge pénal ;

"que, dès lors, en estimant, pour confirmer l'ordonnance entreprise, que, sous couvert de l'existence d'une procédure d'indemnisation étrangère à la procédure pénale, le mis en examen discute en réalité la recevabilité des constitutions de parties civiles, et que ce débat échappe à l'unique objet du contentieux portant sur les obligations du contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3 ) alors qu'en s'abstenant de répondre au chef péremptoire du mémoire du demandeur, qui soutenait précisément que le cautionnement, en ce qu'il garantit la réparation des dommages causés par l'infraction, constitue une mesure conservatoire des droits des victimes et, partant, ne peut être fixé qu'en considération des seules demandes en réparation relevant de la compétence du juge répressif, de sorte qu'en l'espèce, l'ampleur des dégâts causés par le naufrage de l'Erika ne pouvait, s'agissant de dommages de pollution, relevant d'un régime d'indemnisation spécial, être prise en compte pour évaluer le montant du cautionnement mis à la charge du mis en examen, la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Giuseppe X..., armateur du pétrolier "Erika", a été placé sous contrôle judiciaire avec l'obligation de fournir un cautionnement de dix millions de francs garantissant, à concurrence d'un million de francs, sa représentation à tous les actes de la procédure, et de neuf millions de francs, le paiement de la réparation des dommages causés par les infractions, des restitutions et des amendes ; que, par ordonnance du 22 septembre 2000, le juge d'instruction a rejeté sa demande de mainlevée du contrôle judiciaire ;

Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, les juges, après avoir rappelé les faits reprochés à l'intéressé, énoncent qu'un cautionnement est nécessaire au regard de sa situation particulière de ressortissant italien vivant en Angleterre, n'ayant aucune garantie de représentation en France ; qu'ils relèvent que le demandeur, dans son mémoire, sous le couvert d'une procédure d'indemnisation étrangère à l'instance pénale, mais au demeurant limitée quant à son application, au regard des qualifications juridiques retenues contre lui, discute de la recevabilité des nombreuses constitutions de parties civiles intervenues dans la procédure ; qu'ils ajoutent qu'en permettant aux personnes mises en examen de faire appel des ordonnances qu'il prévoit, l'article 186, alinéa 1er, du Code de procédure pénale leur a attribué un droit dont elles ne sauraient s'autoriser pour faire juger des questions étrangères à l'unique objet de cet appel ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, répondant aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, la chambre de l'instruction, qui a souverainement apprécié que le cautionnement s'imposait en raison des nécessités de l'instruction et à titre de mesure de sûreté et fixé son montant, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;