Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 8 septembre 2009

N° de pourvoi: 08-87035
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Andrew,
- LA SOCIÉTÉ AZALEA MARITIME, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 30 septembre 2008, qui, pour pollution marine par rejet d'hydrocarbures, a condamné le premier à 200 000 euros d'amende, a mis cette somme à la charge de la seconde à hauteur de 90 % et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 218-10, L. 218-11, L. 218-20, L. 218-24 du code de l'environnement et des règles 9, 10 et 11 de l'annexe I de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973, modifiée par le protocole du 17 février 1978 et par ses modificatifs (Marpol 73/78), 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Andrew X... coupable de rejet d'hydrocarbures à la mer, a condamné ce dernier à une peine d'amende de 200 000 euros et a condamné in solidum Andrew X... et la société Azalea, civilement responsable, à des réparations envers les parties civiles ;

"aux motifs que, pour être exonératoire de responsabilité, l'avarie doit être un événement extérieur à toute action de l'équipage qui, par sa soudaineté, s'impose à lui sans qu'il ait pu par sa propre vigilance l'éviter ou qu'il ne soit mis en mesure, par des précautions raisonnables, dès qu'il survient, à en limiter les effets ; qu'en l'espèce, l'avarie alléguée est celle ayant affecté le séparateur des eaux mazouteuses défaillant en raison du fonctionnement de la cellule de détection qualifié d'aléatoire ; que la défense fait valoir que le dysfonctionnement de la cellule de détection n'a pu survenir qu'entre 11 heures et 11 heures 15 puisque depuis 8 heures 24, moment auquel le séparateur a été mis en oeuvre, jusqu'à 11 heures 15, moment de constatation du rejet illicite, aucune alarme ne s'est déclenchée et que la longueur de la nappe étant de 7,4 kilomètres, la pollution en se rapportant au temps nécessaire au navire pour parcourir cette distance a débuté à 11 heures ; qu'il en est déduit que le fonctionnement de l'installation étant en outre aléatoire, l'équipage n'avait aucun moyen de déceler le dysfonctionnement soudain du séparateur 15 ppm, aucune alarme ne s'étant déclenchée ; que la défense conteste également que le piquage et la présence d'une vanne permettant le rinçage permanent de la cellule pendant l'aspiration des eaux mazouteuses et ainsi une inhibition du boîtier d'analyse puissent constituer une infraction aux spécifications de la Convention Marpol comme l'ont estimé les inspecteurs du centre de sécurité des navires du nord Finistère ; qu'en effet, selon la défense, il ne servait à rien d'envoyer de l'eau douce par ce piquage sur le tuyautage dans le détecteur puisque dans ce cas l'alarme ne se serait pas déclenchée ; qu'au demeurant, le certificat IOPP a été renouvelé après que le détecteur eut été remplacé à l'escale suivante dans le port de Setubal alors que la tuyauterie est restée en l'état ; qu'elle ajoute que, dès qu'il a été informé de la pollution, le capitaine a fait cesser le rejet en ordonnant de stopper l'opération de séparation des eaux mazouteuses et qu'il a ainsi pris toutes les précautions raisonnables après la découverte du rejet pour le faire cesser ; que, toutefois, le rapport des inspecteurs susmentionnés démontre que le fonctionnement de l'installation était lui-même aléatoire en raison des opérations manuelles que devaient réaliser les mécaniciens afin de régler la pression nécessaire pour obtenir une analyse du liquide par la cellule de détection ; que, dès lors, la vigilance du bord devait être plus élevée que celle consistant à s'en remettre au déclenchement d'alarmes automatiques dont il savait qu'il n'était pas certain qu'ils se produisent compte tenu du caractère aléatoire de l'installation dont il disposait à bord ; qu'en prenant le risque de procéder à une opération de rejet sans prendre la précaution de s'assurer, y compris visuellement au cours du rejet, que le système de filtrage et des eaux mazouteuses fonctionnait de manière à assurer un rejet en dessous du seuil exigé par la Convention Marpol, l'équipage et, au premier chef, son capitaine, a agi avec témérité en ayant conscience que, si l'installation dont il disposait ne fonctionnait pas correctement, il en résulterait probablement un dommage sous forme d'une pollution du milieu marin par rejet illicite d'hydrocarbures ; qu'en conséquence, l'avarie alléguée n'a pas un caractère exonératoire au sens des dispositions précitées de la Convention Marpol ;

"1/ alors qu'en application de la règle 11 de l'annexe I de la Convention Marpol, le capitaine du navire peut s'exonérer de sa responsabilité pénale si le rejet prohibé d'hydrocarbures à la mer provient d'une avarie survenue au navire ou à son équipement ; que les deux rapports établis par le centre de sécurité des navires du Finistère Nord constataient qu'en raison d'une avarie, le séparateur installé sur le navire City of Paris présentait un dysfonctionnement aléatoire ; qu'en affirmant, sur le fondement de ces rapports, que c'était le fonctionnement de l'installation qui était en lui-même aléatoire, indépendamment de toute avarie, ce dont elle a déduit l'imprudence du capitaine du navire qui n'aurait pas dû s'en remettre lors des rejets en mer au seul déclenchement de l'alarme automatique, la cour d'appel a dénaturé les rapports susvisés et par suite violé les textes visés au moyen ;

"2/ alors qu'en application de la règle 11 de l'annexe I de la Convention Marpol, l'avarie n'a pas de caractère exonératoire si le capitaine a agi témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement ; qu'en estimant que le capitaine du navire avait agi avec imprudence en procédant à des rejets en mer en s'en remettant uniquement aux déclenchements d'alarmes automatiques dont il savait qu'il n'était pas certain qu'ils se produisent compte tenu du caractère aléatoire de l'installation dont il disposait à bord, sans établir cependant que le caractère aléatoire du fonctionnement de l'installation était effectivement connu de l'intéressé avant l'incident du 5 janvier 2007, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 5 avril 2007, il a été constaté dans la zone économique exclusive, au large du golfe de Gascogne, dans l'axe sud-ouest de la pointe de Penmarc'h, à 193 miles nautiques de l'Ile de Sein, par un officier pilote de la marine nationale, en mission de surveillance aérienne, la présence d'une nappe d'hydrocarbures de 9 kilomètres de long et de 15 mètres de large, dans le sillage du navire roulier City of Paris, battant pavillon de l'Ile de Man, ayant comme capitaine Andrew X..., de nationalité anglaise, et comme armateur la société Azalea Martitime ; que l'analyse des clichés et l'enquête diligentée ont révélé que le rejet à plus de 100 parts par million, depuis l'arrière du bâtiment provenait d'un produit épais de type boues (sludges) ; que le capitaine, poursuivi du chef de rejet d'hydrocarbures en mer par un navire étranger autre que citerne d'une jauge brute égale ou supérieure à 500 tonneaux, a demandé à bénéficier du fait justificatif prévu par la règle 11 de l'annexe I de la Convention de Londres du 22 novembre 1973, dite Convention Marpol, pour les rejets à la mer des hydrocarbures ou des mélanges d'hydrocarbures provenant d'une avarie survenue à un navire ou à son équipement ; que le tribunal l'a relaxé en accueillant ce moyen de défense ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés et mettre l'amende à la charge de l'armateur à hauteur de 90 %, l'arrêt, après avoir relevé que le fonctionnement défaillant du séparateur des eaux mazouteuses et de sa cellule de détection, connu du bord, impliquait une vigilance élevée du capitaine qui ne pouvait pas s'en remettre aux déclenchements d'alarmes automatiques, retient, en faisant ressortir la longueur de la nappe qui doit être rapprochée de la vitesse du bâtiment, que le rejet illicite qui se produisait depuis un certain temps, ne pouvait pas, compte tenu de sa visibilité, échapper à l'attention du prévenu ; que les juges ajoutent que l'opération a été immédiatement interrompue par celui-ci et que le rejet a aussitôt cessé lorsque le prévenu a eu connaissance de l'intervention de l'aéronef de surveillance ; qu'ils en déduisent que les conditions fixées par la règle 11 ne sont pas remplies et que le rejet en cause constitue un rejet interdit par la règle 9 ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et dès lors que, d'une part, il résulte des articles L. 218-10 et L. 218-21 du code de l'environnement que les règles relatives aux interdictions de rejets d'hydrocarbures en mer édictées dans un intérêt de protection du milieu marin sont personnellement imposées aux capitaines des navires qui doivent exercer une action directe sur leurs subordonnés pour faire cesser un rejet prohibé et que, d'autre part, c'est au capitaine du navire d'apporter la preuve des diligences entreprises à cet effet, la cour d'appel a justifié sa décision, hors de toute dénaturation ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 3 000 euros la somme globale qu'Andrew X... devra payer à l'association France nature environnement, à l'association Truite ombre et saumon, à l'association Fédération des sociétés pour l'étude, la protection et l'aménagement de la nature dans le Sud-Ouest et à l'association Ligue pour la protection des oiseaux au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;