Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 5 mai 2009
N° de pourvoi: 07-87362
Publié au bulletin
Rejet
Statuant sur les pourvois formés par :
1) l'association pour la protection des animaux sauvages,?2) le syndicat mixte
de protection du littoral breton ?3) le syndicat mixte de protection du littoral
landais ?4) l'association truite ombre et saumon ?5) l'association la ligue
pour la protection des oiseaux ?6) l'association fédération des
sociétés pour l'etude, la protection et l'aménagement de
la nature dans le sud ouest ?7) l'association france nature environnement ?parties
civiles
?contre l'arrêt de cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 27 septembre
2007, qui, dans la procédure suivie contre Knut X... du chef de pollution
marine par rejet d'hydrocarbures, a constaté l'extinction de l'action
publique et a prononcé sur les intérêts civils ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 228 et
237 de la Convention de Montego Bay (CNUDM), 4 de la Convention internationale
pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973
(Convention Marpol), 9 et 10 de l'annexe I de ladite Convention, L. 218-10 et
L. 218-20 du code de l'environnement, 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a constaté l'extinction des poursuites
engagées devant le tribunal correctionnel de Brest contre Knut X...,
prévenu, et la société Euro Trans, civilement responsable,
en application des dispositions de l'article 228-1 de la Convention de Montego
Bay ;
"aux motifs que la Norvège, Etat du pavillon, ayant fait connaître
qu'elle engageait elle-même des poursuites du chef de la même infraction,
le principe de la suspension des poursuites exercées par l'Etat côtier,
en l'espèce la France, devait s'appliquer ; que s'il n'existe pas la
preuve au dossier que les poursuites aient été engagées
par la Norvège dans les six mois de la convocation à comparaître
remise au capitaine le 18 mars 2005, il peut être déduit du renvoi
de l'affaire par le tribunal correctionnel de Brest le 18 octobre 2005, sur
la demande du procureur de la République qu'il était déjà
connu de ce dernier que ce pays avait engagé des poursuites ; que le
procureur de la République n'a au demeurant pas demandé au tribunal
de passer outre à la demande de suspension au motif que le délai
pour que celle-ci soit présentée aurait été expiré
; qu'il doit être dès lors tenu de manière raisonnable pour
acquis que les autorités norvégiennes ont engagé des poursuites
dans le délai fixé par la convention sans que la date précise
à laquelle ces poursuites ont été engagées soit
connue ;
"et aux motifs que lorsque les tribunaux de l'Etat du pavillon ont rendu
leur jugement il est mis fin aux poursuites, jusqu'alors suspendues, exercées
devant ceux de l'Etat côtier ; qu'il est établi que le 29 décembre
2005, le directeur régional de la police du Hordaland a rédigé
à l'encontre de la société Seatrans, exploitant du navire
Trans Arctic, un procès-verbal de contravention « pour infraction
à la loi, art. 427, cf. La loi n° 7 du 9 juin 1903 sur le contrôle
de l'Etat sur la navigabilité des navires, article 113, pour avoir contrevenu
à la disposition selon laquelle chacun doit agir avec diligence et prendre
les mesures opportunes pour éviter que des pollutions engendrées
par des navires ne se produisent et pour limiter les effets des pollutions »
; que l'amende à verser était de 2 800 000 NOK soit environ 350
000 euros ; que l'acceptation de ce procès-verbal par les personnes débitrices
de l'amende DB/MDL 17 521 6 avait le même effet qu'un jugement définitif
; que cette procédure a été appliquée aux faits
constatés le 17 mars 2005 au large des côtes occidentales françaises
; que tant la procédure appliquée que le montant de l'amende prononcée
et ce même si les textes de droit interne visés, compte tenu de
leur antériorité avec la convention Marpol, ne sont pas une transposition
des normes internationales, démontrent que de véritables poursuites
ayant abouti à une sanction significative ont été intentées
par l'Etat du pavillon et que dès lors que les dispositions de l'article
228 sont applicables ; que la preuve étant rapportée que par une
décision équivalente à un jugement, dès lors que
l'amende transactionnelle fixée a été acceptée et
payée, l'Etat du pavillon a sanctionné l'infraction afférente
aux poursuites devant la juridiction de l'Etat côtier et a rempli ses
obligations de conformité aux dispositions de la Convention de Montego
Bay ; qu'il s'ensuit qu'il devait être mis fin aux poursuites engagées
devant le tribunal correctionnel de Brest, juridiction compétente de
l'Etat côtier ; que le tribunal correctionnel de Brest devait constater
que la décision rendue par les autorités judiciaires de Norvège
mettait ipso facto fin aux poursuites engagées devant lui et en conséquence
constater l'extinction de l'action publique ; que ce mode d'extinction de l'action
publique, résultant de l'application d'une convention internationale
se réalise sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'une des causes d'extinction
en droit interne de l'action publique, énoncées par l'article
6 du code de procédure pénale est établie ; qu'il s'ensuit
que dès lors que les conditions prévues par l'article 228 de la
CMB sont réunies, il est mis fin aux poursuites, sans qu'il y ait lieu
d'examiner si la décision norvégienne ayant valeur de jugement
définitif et exécutée par le paiement de l'amende a, au
sens du droit interne autorité de la chose jugée et que la règle
ne bis in idem consacrée par l'article 54 de la convention d'application
de l'accord de Schengen trouvait ou non à s'appliquer à l'égard
du capitaine du navire ;
"alors, d'une part, que les dispositions spéciales de la Convention Marpol de 1973-1978 priment celles plus générales de la Convention de Montego Bay de 1982 dès lors que l'article 237 de la Convention de Montego Bay expose qu'elle ne déroge pas aux conventions et accords spécifiques conclus antérieurement en matière de protection et de préservation du milieu marin ; qu'ainsi la cour d'appel a écarté à tort l'article 4 § 2 de la Convention Marpol, lequel prévoit que la compétence de l'Etat côtier prime sur celle de l'Etat du pavillon dès lors que le premier a engagé des poursuites sans transmettre le dossier de la procédure au second, que le procureur de la République de Brest ayant fait le choix de faire délivrer à Knut X... une citation à comparaître à l'audience du 18 octobre 2005 devant le tribunal correctionnel de Brest, la cour d'appel de Rennes a à tort considéré que les juridictions françaises étaient dessaisies des poursuites entreprises contre Knut X... et contre la société Euro Trans ;
"alors, d'autre part, que si l'article 228 de la Convention de Montego Bay prévoit la suspension des poursuites par l'Etat côtier si l'Etat du pavillon a lui-même engagé les poursuites dans les six mois suivant la première action, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs hypothétiques pour considérer que des poursuites avaient été engagées dans le délai imparti par la convention par les autorités norvégiennes, que ce n'est que le 21 mars 2006 que le consul de Norvège a avisé le procureur de la République de Brest de l'engagement des poursuites (arrêt page 7) ; qu'ainsi, la cour d'appel de Rennes devait examiner les poursuites entreprises contre Knut X... et la société Euro Trans au lieu de déclarer l'action publique éteinte ;
"alors, enfin, que les poursuites ne pouvaient être regardées comme suspendues qu'à l'égard des seules personnes poursuivies par l'Etat du pavillon, en l'espèce, la Norvège et non d'autres personnes poursuivies par l'Etat côtier, en l'espèce la France, les poursuites entreprises contre la société d'armement Sea Trans ne faisaient pas obstacle aux poursuites engagées contre monsieur Knut X..., capitaine du navire Trans Artic et contre la société Euro Trans, propriétaire dudit navire ; qu'ainsi c'est à tort que la cour d'appel a dit les poursuites éteintes à l'égard de Knut X... et de la société Euro Trans" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure que, le 17 mars 2005, à la suite d'un rejet intervenu
en zone économique exclusive française, un procès-verbal
de constatation de pollution par hydrocarbures a été dressé,
depuis un aéronef de la marine nationale, par un militaire habilité,
à l'encontre du navire citerne Trans Arctic battant pavillon norvégien
;
Attendu que des poursuites ont été successivement engagées
par la France, par voie de convocation en justice, contre le capitaine du navire
et contre la société qui en était propriétaire,
attraite en application de l'article L. 218-24 du code de l'environnement puis,
dans le délai de six mois prévu par l‘article 228 de la
Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM), par la Norvège
qui les a exclusivement dirigées contre la société chargée
de son exploitation ; qu'ensuite, la Norvège, en application de cette
même disposition conventionnelle, a sollicité et obtenu de la France,
qui ne lui a opposé aucune des clauses de sauvegarde prévues par
cet article, la suspension des poursuites engagées devant les tribunaux
français ; qu'enfin, cet Etat a justifié, par la voie diplomatique,
de la décision au fond valant jugement définitif s'appliquant
à cette société et a demandé l'extinction des poursuites
engagées en France ; que le tribunal correctionnel, qui a refusé
de la constater, en se prévalant de l'article 4 § 2 de la convention
internationale pour la prévention de la pollution par les navires en
date du 2 mai 1973 (Convention Marpol), a déclaré le capitaine
coupable des faits qui lui étaient reprochés, mis une partie de
l'amende qui lui a été infligée à la charge de la
société propriétaire du navire et a prononcé sur
les intérêts civils ;
Attendu que, pour déclarer l'action publique éteinte, la cour
d'appel, qui constate la production aux débats par le ministère
public de la décision transmise par l'Etat du pavillon, énonce
que, lorsque les tribunaux de cet Etat ont rendu leur jugement, il est mis fin
aux poursuites jusqu'alors suspendues, exercées devant ceux de l'Etat
côtier ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et abstraction faite des motifs erronés
mais surabondants, non reproduits au moyen par lesquels elle a constaté
que les conditions d'application d'une clause de sauvegarde tirée de
la gravité du dommage ou du comportement antérieur de l'État
du pavillon n‘étaient pas réunies et des motifs de même
nature portant une appréciation sur la sanction infligée par le
juge de l'Etat du pavillon afin de vérifier la conformité de la
législation de cet Etat à la Convention, la cour d'appel, qui
n'a pas statué par des motifs hypothétiques, a fait l'exacte application
des dispositions combinées de l'article 4 § 2 de la Convention Marpol,
qui justifiait l'engagement initial des poursuites devant les juridictions françaises,
et de l'article 228 § 1 de la CNUDM qui prévoit, quel que soit le
jugement rendu au fond contre les personnes, ensuite poursuivies par l'Etat
du pavillon, une cause spéciale d'extinction de l'action publique bénéficiant
à l'ensemble des personnes visées par les poursuites préalablement
engagées pour les mêmes faits de pollution, par l'Etat côtier,
devant ses propres tribunaux ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 142-2 du code de l'environnement, 2, 3, 6 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de motifs ;
"en ce que la cour d'appel a constaté l'extinction des poursuites
engagées devant le tribunal correctionnel de Brest contre Knut X...,
prévenu, et la société Euro Trans, civilement responsable,
en application des dispositions de l'article 228-1 de la Convention de Montego
Bay et a déclaré les constitutions de partie civile des demanderesses
irrecevables ;
"aux motifs que les tribunaux de répression ne sont compétents
pour connaître de l'action civile en réparation du dommage résultant
d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'en conséquence,
l'action publique devant la juridiction de l'Etat côtier se trouvant éteinte
en raison de la décision valant jugement définitif rendue par
l'Etat du pavillon, l'action civile ne peut plus être exercée devant
la juridiction répressive ; que les constitutions de partie civile sont
irrecevables ;
"alors, d'une part, que les poursuites engagées contre Knut X...
et de la société Euro Trans n'étant pas éteintes,
la cour d'appel ne pouvait déclarer les constitutions de partie civile
des demanderesses irrecevables ;
"alors, d'autre part, que le juge pénal qui constate l'extinction
de l'action publique après avoir été régulièrement
saisi, demeure saisi des intérêts civils ; qu'en décidant
le contraire, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de
procédure pénale et 142-2 du code de l'environnement" ;
Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fait l'exacte
application de l'article 464 du code de procédure pénale ;
Qu'en effet, les tribunaux répressifs ne sont compétents pour
connaître de l'action civile en réparation du dommage né
d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'il en résulte
que ces tribunaux ne peuvent se prononcer sur l'action civile qu'autant qu'ils
ont préalablement statué au fond sur l'action publique ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Publication : Bulletin criminel 2009, n° 85
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 5 mai 2009
N° de pourvoi: 07-87931
Publié au bulletin
Cassation sans renvoi
contre l'arrêt de cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 25 octobre
2007, qui, pour pollution marine par rejet d'hydrocarbures, a condamné
le premier à 450 000 euros d'amende, a mis cette somme à la charge
de la seconde à concurrence de 405 000 euros, a ordonné une mesure
de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 55 de la Constitution, 228 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, 54 de la Convention de Schengen, du 19 juin 1990, portant application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, L. 218-10 du code de l'environnement, 113-9 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que
la décision de l'Autorité Maritime de Malte, en date du 20 juin
2006, n'a pas mis fin aux poursuites engagées par le procureur de la
République de Brest, au titre de l'Etat côtier ;
" aux motifs que sur l'application des dispositions de l'article 228 de
la Convention de Montego Bay ; qu'en sollicitant le renvoi de l'affaire à
l'audience du 15 novembre 2005 en raison de poursuites engagées par l'État
de Malte, en sa qualité d'Etat du Pavillon, le procureur de la République,
à qui il appartient seul, à l'inverse des autres parties au procès,
d'invoquer les dispositions de la Convention de Montego Bay qui n'est pas d'application
directe devant les tribunaux répressifs, a implicitement requis la suspension
des poursuites engagées par lui même devant le tribunal correctionnel
de Brest ; que dès lors, il convient d'examiner, le tribunal ayant omis
de le faire en cours de délibéré ou n'ayant pas été
officiellement avisé de la décision des autorités maritimes
maltaises rendue le 20 juin 2006, si cette décision a mis fin aux poursuites
engagées par l'État côtier ; que l'article 217-8 de la Convention
de Montego Bay dispose que les sanctions prévues par les lois et règlements
des États à l'encontre de navires battant leur pavillon doivent
être suffisamment rigoureuses pour décourager les infractions en
quelque lieu que ce soit ; qu'il en résulte que l'État du pavillon
doit, dans le cas où des poursuites ont été engagées
par l'Etat côtier, pour que les dispositions de l'article 228 de ladite
convention puissent être mises en oeuvre, avoir infligé, dès
lors que les faits sont retenus comme étant commis en violation de la
convention Marpol, une sanction significative et équivalente à
celle qui était raisonnablement encourue devant la juridiction de l'État
côtier ; que la décision rendue par l'Autorité Maritime
de Malte le 20 juin 2006 mentionne que le règlement 7 (3) du MSPPS Regs
2003 dispose que la violation de Marpol 73 / 78 entraîne une amende ;
qu'il s'ensuit que ce règlement doit, d'une part, fixer une amende qui
soit d'un degré d'importance comparable à celle que l'État
côtier infligerait si l'exception tirée de l'article 228 de la
convention de Montego Bay ne lui était pas opposée et, d'autre
part, que l'amende infligée soit elle même significative et équivalente
à celle qui aurait été prononcée par la juridiction
de l'État côtier, saisie des poursuites ; que l'État de
Malte n'a pas fourni d'éléments permettant de savoir quelle était
la pénalité maximale applicable ; qu'il peut être observé
que dans la note du garde des sceaux, Ministre de la justice de la République
française, en date du 31 juillet 2006, il est indiqué " la
législation maltaise en matière de rejets illicites d'hydrocarbures
est constituée par le " Merchant Shipping Act " qui prévoit
un partage de compétence entre la MMA (procédure administrative
pour des rejets de faible gravité) et l'autorité judiciaire compétente
pour des infractions graves ; ce dispositif législatif, selon l'analyse
du ministère des affaires étrangères, ne comble pas le
vide juridique qui existe pour les infractions intermédiaires "
; que la procédure suivie étant celle de la procédure administrative,
il peut être conclu que le montant de l'amende encourue correspond à
des faits de faible gravité ; que, dès lors, le seul élément
comparatif remis à la cour est celui de l'amende infligée par
l'autorité administrative maltaise qui s'est élevée en
tenant compte du montant global des deux amendes prononcées à
19 000 lires maltaises (soit 47 000), les frais de procédure, fixés
à 9 000 lires maltaises, ne constituant pas une sanction ; que cette
amende prononcée en présence d'un rejet illicite d'hydrocarbures
correspond à moins de 5 % de l'amende encourue devant les juridictions
françaises, selon la législation en vigueur au 22 mai 2005, en
cas de violation d'une interdiction de rejet d'hydrocarbures prévue par
les dispositions des règles 9 et 10 de l'annexe 1 de la convention Marpol
; qu'en effet, l'article L. 218-10 du code de l'environnement, issu de la rédaction
de l'article 30 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, prévoit, en
cas d'infraction à ces dispositions, une peine d'amende, seule applicable
lorsque l'infraction a eu lieu dans la zone économique exclusive, de
un million d'euros (1 000 000) ; qu'en prononçant une amende d'un faible
montant, au regard de la législation française pour une infraction
commise dans la zone économique exclusive française, l'Etat de
Malte n'a pas prononcé une sanction suffisamment rigoureuse pour dissuader
les navires battant son pavillon de commettre des infractions violant les dispositions
de la convention Marpol, en quelque lieu que ce soit ; que dès lors,
la décision de l'Autorité Maritime de Malte ne met pas fin aux
poursuites engagées par le procureur de la République de Brest
;
" et aux motifs que la règle " non bis in idem " ne saurait
être utilement opposée, le paragraphe 3 de la convention de Montego
Bay ne s'opposant pas à ce que l'État du pavillon engage des poursuites,
conformément à son droit interne, indépendamment de celles
précédemment engagées par un autre Etat ; qu'ainsi les
poursuites engagées devant le tribunal correctionnel de Brest ayant précédé
celles engagées par l'État de Malte, l'exercice par cet Etat de
poursuites, même si elles ne satisfont pas aux exigences de la Convention
de Montego Bay, notamment en son article 217 paragraphe 8, ne saurait a contrario
priver l'État côtier du droit de poursuivre les contrevenants ;
" alors, d'une part, que l'article 228 de la Convention de Montego
Bay, énumère limitativement, à l'appui de son paragraphe
1, inséré dans la rubrique « Suspension des Poursuites et
restrictions à l.. institution de poursuites » les clauses de sauvegarde
faisant obstacle au droit pour l'Etat du pavillon d'obtenir la suspension des
poursuites introduites par l'Etat côtier, prévoyant ainsi que ce
droit de suspendre les poursuites ne peut être écarté qu'en
présence, d'une part, d'un dommage grave, et, d'autre part, si l'Etat
du pavillon a manqué à plusieurs reprises à son obligation
d'assurer l'application effective des règles et normes internationales
en vigueur à la suite d'infractions commises par ses navires, autrement
dit en l'absence de poursuites ; qu'en considérant, (arrêt p. 10),
dès lors, que la décision de l'Autorité Maritime de Malte,
en prononçant une amende d'un faible montant au regard de la législation
française applicable à des faits similaires, n'aurait pas mis
fin aux poursuites engagées en France, ajoutant ainsi une condition restrictive
supplémentaire à la reconnaissance de la primauté de l'Etat
du pavillon, tenant en une analyse comparative du quantum des sanctions prononcées
par celui-ci au regard de celles pouvant être prononcées par l'Etat
côtier, ceci par référence à l'article 217-8, la
cour d'appel a méconnu, par fausse application, le texte susvisé
;
" alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, tout jugement ou
arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision,
l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que la cour
d'appel a tenu pour établir le fait que les Autorités Maritimes
de Malte n'auraient pas prononcé une amende suffisamment dissuasive,
cependant qu'il était relevé dans le même temps que l'Etat
de Malte n'a pas fourni d'éléments permettant de savoir quelle
était la pénalité maximale applicable ; qu'elle s'est uniquement
fondée sur le quantum des sanctions prévues par la législation
française, circonstance étrangère, laquelle ne préjudiciait
nullement du caractère ou non rigoureux de l'amende ainsi prononcée
au regard du panel des sanctions pouvant être prononcées par la
législation maltaise ; que la cour d'appel, qui s'est déterminée
par des motifs hypothétiques, n'a pas légalement justifié
de sa décision ;
" alors, de troisième part, qu'en vertu de la règle non bis
in idem aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne
justifiant avoir été jugée définitivement à
l'étranger pour les mêmes faits ; que la cour d'appel a affirmé
(arrêt p. 11), en substance, que le paragraphe 3 de l'article 228 de la
Convention de Montego Bay, lequel, en se bornant à se référer
à l'exercice de poursuites engagées successivement par l'Etat
côtier et l'Etat du pavillon, sans envisager les conséquences de
l'intervention d'une décision de condamnation, n'aborde nullement la
problématique de l'application de la règle susvisée, ne
s'opposerait pas à ce que l'Etat côtier, en l'occurrence l'Etat
français, exerce des poursuites parallèlement à celles
ultérieurement engagées par l'Etat du pavillon ; qu'elle aurait
du rechercher, au regard du principe d'ordre public non bis in idem qui s'oppose
à ce que des poursuites puissent être engagées à
l'encontre d'une personne justifiant avoir été définitivement
jugée à l'étranger pour les mêmes faits, si le jugement
rendu le 20 juin 2006 par l'Autorité Maritime de Malte, ne constituait
pas en tant que tel un obstacle à la poursuite de l'instance engagée
devant les juridictions françaises ; que la cour d'appel n'a pas légalement
justifié de sa décision ;
" alors, enfin, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs
propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires
des conclusions des parties ; qu'en tout état de cause, en n'envisageant
la question de la compétence des juridictions françaises à
juger cette affaire sous le seul angle de l'article 228 de la Convention de
Montego Bay, sans s'interroger comme l'y invitaient pourtant expressément
les conclusions de la défense (p. 11), sur le point de savoir si l'article
54 de la Convention de Schengen, prévoyant qu'une personne ayant été
définitivement jugée par une partie contractante ne peut, pour
les mêmes faits, être poursuivie par une autre partie contractante,
ne constituait pas un obstacle de droit à la reconnaissance des poursuites
engagées par les juridictions françaises relativement à
des agissements ayant fait l'objet d'un jugement par l'Autorité Maritime
de Malte le 20 juin 2006, la cour d'appel, qui a omis de répondre à
ce moyen essentiel, fût-ce pour le rejeter, a privé sa décision
de base légale " ;
Vu l'article 228 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer
;
Attendu que cet article dispose que, lorsque des poursuites ont été
engagées par un Etat en vue de réprimer une infraction aux lois
et règlements applicables ou aux règles et normes internationales
visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution
par les navires, commise au-delà de sa mer territoriale par un navire
étranger, ces poursuites sont suspendues dès lors que l'Etat du
pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même
infraction dans les six mois suivant l'introduction de la première action,
à moins que celle-ci ne porte sur un cas de dommage grave causé
à l'Etat côtier ou que l'Etat du pavillon en question ait à
plusieurs reprises manqué à son obligation d'assurer l'application
effective des règles et normes internationales en vigueur à la
suite d'infractions commises par ses navires ;
Attendu qu'il résulte du même article que, lorsque les tribunaux
de l'Etat du pavillon ont rendu leur jugement, il est mis fin aux poursuites
préalablement suspendues ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure que, le 22 mai 2005, à la suite d'un rejet intervenu
en zone économique exclusive française, un procès-verbal
de constatation de pollution par hydrocarbures a été dressé,
depuis un aéronef de la marine nationale, par un militaire habilité,
à l'encontre du cargo roulier Fast Indépendence battant pavillon
maltais ;
Attendu que des poursuites ont été successivement engagées
par la France, par voie de convocation en justice, contre le capitaine du navire
et contre la société qui en était propriétaire,
attraite en application de l'article L. 218-24 du code de l'environnement, puis,
dans le délai de six mois prévu par l'article 228 de la Convention
des Nations Unies sur le Droit de la Mer, par l'Etat de Malte qui les a dirigées
contre le capitaine, la société chargée de son exploitation
et la société propriétaire du bâtiment ; qu'ensuite,
l'Etat de Malte, en application de cette même disposition conventionnelle,
a sollicité et obtenu de la France, qui ne lui a opposé aucune
des clauses de sauvegarde prévues par cet article, la suspension des
poursuites engagées devant les tribunaux français ; qu'enfin,
cet Etat a justifié, par la voie diplomatique, de la décision
au fond valant jugement définitif s'appliquant aux personnes par lui
poursuivies et a demandé l'extinction des poursuites engagées
en France ; que le tribunal correctionnel, qui a refusé d'ordonner la
suspension, en estimant n'étre pas saisi d'une telle demande, est entré
en voie de condamnation contre le capitaine, a mis une partie de l'amende à
la charge de la société attraite et a prononcé sur les
intérêts civils ;
Attendu que, pour entrer en voie de condamnation et statuer sur les intérêts
civils, la cour d'appel, après avoir constaté que le ministère
public, qui avait requis la suspension des poursuites préalablement acceptée
par la France, avait produit la décision étrangère, énonce
qu'en prononçant une amende d'un faible montant, au regard de la législation
française s'appliquant aux infractions commises dans la zone économique
exclusive, l'État de Malte n'avait pas prononcé une sanction suffisamment
rigoureuse pour dissuader les navires battant son pavillon de commettre, en
quelque lieu que ce soit, des infractions aux dispositions de la Convention
Marpol ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait
de constater l'extinction des poursuites en tirant les conséquences de
la décision rendue au fond par le tribunal de l'Etat du pavillon par
laquelle elle était liée, la cour d'appel a excédé
ses pouvoirs et méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi,
la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle
de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3
du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens de
cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de
la cour d'appel de Rennes, en date du 25 octobre 2007 ;
Publication : Bulletin criminel 2009, n° 85