Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 19 octobre 2004

N° de pourvoi: 04-82485
Publié au bulletin
Rejet
Statuant sur les pourvois formés par :- LA SOCIETE PEUGEOT CITROEN POISSY,- X... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 26 février 2004, qui, pour délit de pollution des eaux, les a respectivement condamnés à 20 000 euros et à 2 250 euros d'amende et a ordonné une mesure de publication et d'affichage ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, commun aux demandeurs, pris de la violation des articles 111-4 et 112-4 du Code pénal, 21 et suivants de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 dans sa rédaction applicable au moment des faits poursuivis, L. 216-3 et L. 216-5 du Code de l'environnement, 171, 174, 427, 591, 593 et 802 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure opposée par les deux prévenus ;

"aux motifs que l'article 21 de la loi du 3 janvier 1992, devenu l'article L. 216-5 du Code de l'environnement, fait suite à l'article L. 216-3 qui dresse la liste des personnes chargées de procéder à la recherche et à la constatation des infractions en matière de protection de l'eau et des milieux aquatiques ; qu'après avoir précisé que ces agents, appartenant à différents services de l'Etat chargés de l'environnement, de l'agriculture, de l'industrie, de l'équipement, des transports, de la mer, de la santé, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes... ont des pouvoirs particuliers, sous le contrôle direct du procureur de la République, il est mentionné qu'ils constatent les infractions par procès-verbaux jusqu'à preuve contraire, sous le contrôle du procureur de la République qui doit recevoir les procès-verbaux dans les cinq jours qui suivent leur clôture et qu'une copie doit en être remise à l'intéressé ; qu'il résulte de cette analyse que les obligations ci-dessus mentionnées incombent aux seules personnes énumérées à l'article L. 216-3 du Code de l'environnement qui bénéficient de prérogatives particulières, mais ne sauraient s'imposer aux services de gendarmerie qui tiennent leurs pouvoirs de constater les infractions et de dresser des procès- verbaux de leur qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire, dans le cadre du Code de procédure pénale, lequel ne prévoit pas de telles exigences ; que les procès-verbaux établis par les services de gendarmerie sont donc parfaitement réguliers et l'exception de nullité soulevée par les prévenus sera rejetée ;

"et aux motifs éventuellement adoptés que s'il apparaît que le procès-verbal constatant l'infraction en date du 28 juin 1998 n'a pas été transmis dans le délai de cinq jours au procureur de la République comme prescrit à peine de nullité par l'article 21 de la loi du 3 janvier 1992, il n'est pas allégué que ce retard ait porté atteinte aux intérêts des prévenus ; que par ailleurs, si l'article 21 de la loi du 3 janvier 1992 prévoit la remise du procès- verbal à l'auteur présumé de l'infraction, cette formalité n'est pas prescrite à peine de nullité ;

"1 - alors que, la loi pénale étant d'interprétation stricte, le juge ne saurait distinguer là où la loi ne distingue pas ; que les règles spéciales dérogent aux règles générales ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait par conséquent, sans méconnaître les principes précités, considérer que les dispositions de l'article L. 216-5 du Code de l'environnement, spécialement dédiées à la constatation des infractions énumérées par les textes visés à cet article, n'étaient pas applicables au cas où lesdites infractions seraient constatées par des officiers ou agents de police judiciaire et non par les personnes énumérées à l'article L. 216-3 du Code de l'environnement, quand ces dispositions, s'agissant du respect nécessaire du délai de transmission du procès- verbal au procureur de la République, ne recèlent aucune distinction selon l'autorité ayant constaté l'infraction, mais se réfèrent uniquement à la nature de l'infraction constatée ;

"2 - alors que le respect des droits de la défense, dont au premier chef le principe du contradictoire, commande que le prévenu puisse discuter les arguments de l'accusation ainsi que les moyens de fait et de droit sur lesquels est finalement appuyée la décision de condamnation ; qu'en l'espèce, il ne ressort nullement de la décision de la cour d'appel que les prévenus aient été à même de discuter le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 216-5 du Code de l'environnement ne seraient pas applicables lorsque l'infraction est constatée par des agents ou officiers de police judiciaire ;

"3 - alors que les règles relatives à la transmission au procureur de la République du procès-verbal constatant une infraction à la législation sur l'environnement concernent les conditions d'exercice de l'action publique, et constituent comme telles des règles d'ordre public ; que la nullité prévue en cas d'inobservation de ces règles est partant encourue sans qu'il soit besoin de caractériser un grief subi par le prévenu ; qu'en l'espèce, les juges du fond ne pouvaient dès lors exiger des demandeurs la preuve d'un tel grief pour prononcer la nullité de la procédure, quand ils avaient eux-mêmes constaté explicitement l'inobservation du délai prévu par la loi à peine de nullité ;

"4 - alors que la méconnaissance d'une formalité substantielle justifie la nullité de l'acte auquel cette formalité se rapportait, quand bien même la nullité n'aurait pas été textuellement prévue, du moment qu'une atteinte a été portée aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; que le défaut de remise au prévenu, comme l'exige la loi, d'un exemplaire du procès-verbal constatant une infraction à la législation sur l'environnement, constitue par lui-même une atteinte aux droits de la défense entachant de nullité la procédure pénale qui a suivi ; qu'en l'espèce, les juges du fond, qui ont constaté l'absence de remise du procès-verbal aux prévenus, ne pouvaient donc rejeter l'exception de nullité au prétexte erroné que cette remise n'aurait pas été explicitement exigée par la loi à peine de nullité" ;

Attendu que, d'une part, s'il est vrai que les juges du second degré ont faussement interprété la portée de l'article 21 de la loi du 3 janvier 1992, devenu l'article L. 216-5 du Code de l'environnement, imposant la transmission des procès-verbaux établis en application des dispositions de la loi sur l'eau dans le délai de 5 jours suivant leur clôture, à peine de nullité, ces dispositions s'appliquant notamment aux officiers et agents de police judiciaire, l'arrêt n'encourt pas, pour autant, la censure, dès lors qu'il n'a pas été établi, ni même allégué par le demandeur, que le retard prétendu dans la transmission du procès-verbal de gendarmerie ait porté atteinte à ses intérêts ;

Attendu que, d'autre part, si ledit article prescrit la remise d'une copie du procès-verbal à l'auteur présumé de l'infraction, cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen proposé pour la société Peugeot Citroën Poissy, pris de la violation des articles 111-3, 112-1, 121-2 du Code pénal, 22 et 28-1 de la loi du 3 janvier 1992, 5-I-30 de l'ordonnance du 18 septembre 2000, 31-I-4 de la loi 2003-591 du 2 juillet 2003, 38 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré légales les poursuites contre la personne morale SNC Peugeot Citroën Poissy ;

"aux motifs qu'il n'est pas contesté qu'à l'époque des faits, la responsabilité de la personne morale, pour l'infraction à l'article 22 de la loi du 3 janvier 1992, pouvait être mise en cause, sur le fondement de l'article 28 de la loi ; que cette responsabilité est aujourd'hui prévue par l'article L. 216-12 du Code de l'environnement, pour les infractions mentionnées à l'article L. 216-5, lequel cite l'article L. 211-2 tendant, de manière générale, à garantir la pureté des eaux ; qu'or, l'article L. 216-6 qui prévoit une sanction pour le délit de pollution de l'eau, ne constitue qu'une application particulière de l'article L. 211-2 ; que la responsabilité pénale de la personne morale peut donc toujours être engagée, pour infraction à l'article L. 216-6 du Code de l'environnement ; qu'au demeurant, la Cour fait sienne l'argumentation du tribunal sur les effets de la codification à droit constant, laquelle est confirmée par la loi du 3 juillet 2003 ;

"et aux motifs adoptés que la codification à droit constant permet d'élaborer un code sans examen et débats sur le fond et vise à rendre des dispositions plus accessibles et intelligibles au citoyen ; que dès lors, le principe de la codification par voie réglementaire de textes législatifs suppose que le code ne procède qu'à des aménagements de forme sans toucher au fond ; que "les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l'état du droit", dispose l'article 1 de la loi du 16 décembre 1999 portant habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnances à l'adoption de la partie législative de certains codes ; que l'abrogation d'une loi à la suite de sa codification à droit constant ne modifie donc ni la teneur des dispositions transférées ni leur portée, la codification à droit constant ne pouvant entraîner une modification de l'état du droit ;

qu'ainsi, l'ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de l'environnement opère une codification à droit constant des dispositions législatives et réglementaires applicables au domaine de l'environnement, et, comme le rappelle le rapport au président de la République relatif à cette ordonnance, seules "des adaptations mineures ont été réalisées dans le but d'accroître la cohérence et la clarté de l'ensemble" ; que néanmoins, l'article L. 216-5 du Code de l'environnement qui énumère les numéros des articles visant les infractions susceptibles d'entraîner la responsabilité pénale des personnes morales, ne fait pas mention du délit de pollution des personnes morales prévue et réprimé par l'article L. 216-6 alors que la responsabilité des personnes morales en ce qui concerne ce délit était prévue à l'article 28-1 de la loi du 3 janvier 1992 ; que le cantonnement aux adaptations mineures n'interdit pas au pouvoir réglementaire de procéder à des modifications plus importantes dès lors que la disposition en cause a été abrogée implicitement ou qu'elle relève de sa compétence ; qu'en l'occurrence, il ne peut être considéré que la responsabilité pénale des personnes morales dans le délit de pollution a été implicitement abrogée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 18 septembre 2000, ni que la suppression de cette responsabilité pénale instaurée par une loi relevait du pouvoir réglementaire ; que la suppression de la responsabilité des personnes morales dans la commission du délit de pollution ne pouvait donc intervenir dans le cadre d'une codification à droit constant par ordonnance ;

que tant que la loi de ratification de l'ordonnance du 18 septembre 2000 n'a pas été adoptée par le parlement, la loi du 3 janvier 1992 a seule valeur législative dans l'ordonnancement juridique et doit primer sur le Code de l'environnement ;

"1 - alors que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que la responsabilité pénale des personnes morales ne peut être mise en oeuvre que si elle est expressément prévue par une disposition spéciale pour l'infraction considérée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les principes précités, considérer que la responsabilité pénale de la personne morale demanderesse pouvait être engagée du moment que l'article L. 216-6 du Code de l'environnement incriminant le délit de pollution n'aurait été qu'une application particulière de l'article L. 211-2 tendant de manière générale à garantir la pureté de l'eau, quant à lui visé par le texte prévoyant la responsabilité des personnes morales, quand il était constant et du reste admis par les juges du fond eux-mêmes qu'aucun texte du Code de l'environnement ne prévoyait spécialement la responsabilité des personnes morales pour le délit de pollution prévu à l'article L. 216-6 du Code de l'environnement ;

"2 - alors que la codification à droit constant suppose que les dispositions légales soient codifiées en l'état, et en tout cas sans modification majeure ; qu'en l'espèce, les juges du fond ne pouvaient donc, sans entacher leur décision de contradiction, affirmer qu'il avait été procédé à une codification à droit constant, tout en constatant par ailleurs explicitement que, contrairement aux dispositions de la loi du 3 janvier 1992 avant codification, le texte codifié ne prévoyait plus la responsabilité des personnes morales pour le délit de pollution ;

"3 - alors que les ordonnances prises en vertu de l'article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958 ont par nature pour objet d'intervenir en matière législative, et partant de modifier ou d'abroger des dispositions légales ; qu'en vertu des dispositions constitutionnelles expresses, elles entrent en vigueur dès leur publication, et non à compter de leur ratification ; qu'en l'espèce, les juges du fond ne pouvaient donc, sans méconnaître ces principes, affirmer que jusqu'à la ratification de l'ordonnance du 18 septembre 2000, la loi du 3 janvier 1992, pourtant abrogée par ladite ordonnance qui était entrée en vigueur dès sa publication, devait primer sur le Code de l'environnement résultant de cette ordonnance ;

"4 - alors que le principe de la légalité des délits et des peines interdit toute poursuite sur le fondement d'une incrimination qui n'est pas clairement et précisément prévue dans l'ordonnancement juridique au moment de l'engagement des poursuites ; qu'en outre, aucune peine ne peut être prononcée lorsque les faits poursuivis, bien qu'entrant dans les prévisions de deux textes répressifs successifs, applicables respectivement à la date de la commission desdits faits et à celle de leur jugement, ont échappé à toute incrimination entre l'abrogation du premier de ces textes et l'entrée en vigueur du second ; qu'en l'espèce, à considérer même que l'ordonnance de codification n'ait pu sans excéder l'habilitation donnée par le législateur supprimer l'incrimination des personnes morales dans le délit de pollution, il ressortait néanmoins des constatations des juges du fond que les poursuites avaient été engagées sur le fondement de textes abrogés, et qu'à l'époque de l'engagement de ces poursuites, l'incrimination des personnes morales dans le délit de pollution n'était plus prévue de façon claire et précise ; qu'ils ne pouvaient dès lors valider ces poursuites, reposant sur une base légale à tout le moins marquée d'imprécision et de doute sur l'existence même de l'infraction poursuivie ;

"5 - alors qu'une fois ratifiée par la loi, l'ordonnance prise en vertu de l'article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958 acquiert une valeur pleinement législative, qui interdit que sa validité soit discutée au contentieux, et notamment devant le juge pénal ; qu'en l'espèce, dans la mesure où la loi de ratification était, intervenue postérieurement au jugement mais avant que la cour d'appel ne statue, cette dernière ne pouvait, sans excéder gravement ses pouvoirs, faire sienne l'argumentation des premiers juges reposant sur une prétendue impossibilité pour un texte réglementaire de supprimer une incrimination légale dans le cadre d'une codification à droit constant, la ratification ayant eu en tout état de cause pour effet de valider définitivement tout dépassement éventuel de l'habilitation législative, et de conférer rétroactivement à l'ordonnance, à compter de sa signature, rang législatif dans la hiérarchie des normes, en la faisant désormais échapper à tout contrôle de légalité de la part du juge pénal ;

"6 - alors que la loi pénale plus douce est d'application immédiate, en particulier au procès en cours ; qu'au contraire, dès lors qu'elle tend à instituer à nouveau une incrimination qui avait disparu de l'ordonnancement juridique, la loi pénale, nécessairement plus sévère, ne peut rétroagir ;
qu'aucune peine ne peut ainsi être prononcée lorsque les faits poursuivis, bien qu'entrant dans les prévisions de deux textes répressifs successifs, applicables respectivement à la date de la commission desdits faits et à celle de leur jugement, ont échappé à toute incrimination entre l'abrogation du premier de ces textes et l'entrée en vigueur du second ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait donc, sans méconnaître les principes précités, déduire la validité des poursuites exercées contre la personne morale demanderesse de l'intervention de la loi de ratification en date du 2 juillet 2003, laquelle a certes modifié pour l'avenir le texte de l'ordonnance ratifiée en prévoyant à nouveau la responsabilité des personnes morales dans le délit de pollution, mais n'a pu néanmoins combler rétroactivement l'absence de toute incrimination des personnes morales entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 18 septembre 2000 ayant abrogé la loi du 3 janvier 1992, et l'entrée en vigueur de la loi de ratification ayant eu pour effet de conférer pleine valeur législative à l'ordonnance abrogative dès sa publication en 2000" ;

Attendu que la demanderesse, pénalement poursuivie en tant que personne morale, pour des faits de pollution commis avant l'abrogation des articles 18 à 27 et de l'article 28-1 de la loi du 3 janvier 1992 par l'article 5-I de l'ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de l'environnement, ne saurait reprocher aux juges du fond d'avoir refusé de tenir compte d'une erreur affectant la codification, par cette ordonnance, de l'article 21 devenu l'article L. 216- du Code précité dés lors que, d'une part , ces juges avant la ratification de ladite ordonnance par le législateur, tenaient de l'article 111-5 du Code pénal la faculté de vérifier si la codification était intervenue à droit constant dans les conditions prévues par l'article 1er de la loi du 16 décembre 1999 et que, d'autre part, l'article 31 de la loi du 2 juillet 2003 "habilitant le Gouvernement à simplifier le droit", entrée en vigueur au cours de l'instance d'appel, a ratifié cette ordonnance compte tenu des modifications prévues au paragraphe III qui porte rectification de l'erreur commise par l'autorité réglementaire ;

Qu'en effet, l'abrogation d'une loi à la suite de sa codification à droit constant ne modifie ni la teneur ni la portée des dispositions transférées ;

D'ou il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, commun aux demandeurs, pris de la violation des articles L. 216-5 et suivants, L. 511-1, L. 512-1 et suivants, L. 512-5 du Code de l'environnement, de l'arrêté préfectoral du 26 septembre 1985 modifié par l'arrêté du 27 avril 1987, de l'article 32 de l'arrêté préfectoral du 2 février 1998, des articles 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la SNC Peugeot Citroën Poissy coupable pour les faits qui lui sont reprochés, l'a condamnée à une amende de 20 000 euros, a ordonné l'affichage d'un message se référant à l'arrêt rendu aux portes de l'établissement, et dit que le texte du message serait publié dans le journal le Parisien aux frais de la société ; et en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain X... coupable pour les faits qui lui sont reprochés, et l'a condamné à une amende délictuelle de 2 250 euros ;

"aux motifs que s'il est vrai que l'institut de recherche criminelle n'a pas chiffré la teneur précise en hydrocarbures des prélèvement effectués, la description des scellés, l'épaisseur de la nappe, sa couleur jaunâtre, son caractère visqueux, l'odeur importante dégagée par celle-ci démontrent que le rejet provenant de l'usine Peugeot présentait une concentration d'hydrocarbures nécessairement supérieure à la limite autorisée par l'arrêté préfectoral du 26 septembre 1985 ; que pour les composés organiques volatils, le tribunal a relevé, à bon droit, que l'arrêté préfectoral ne prévoyait pas de seuils limites et qu'il ne saurait être fait référence à un autre texte qu'à l'arrêté spécifique à l'installation classée ; que l'élément matériel du délit est donc caractérisé ; que ces faits sont imputables à Alain X... ;

bénéficiaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'environnement qu'en effet s'il n'a pas causé directement la pollution, il a contribué à créer la situation qui a permis la réalisation de celle-ci, en donnant des consignes insuffisantes en matière de prévention de pollution pendant le week-end, alors que des entreprises extérieures intervenaient sur le site de l'usine, notamment en n'ordonnant pas la fermeture des vannes, mesure qui a d'ailleurs été prise, postérieurement aux faits ; qu'une telle négligence, alors que les risques de pollution provenant de cette installation classée étaient considérables et que d'autres incidents s'étaient déjà produits, constitue une faute caractérisée prévue par l'article 121-3 du Code pénal ; qu'en application de l'article 121-2 du Code pénal, la SNC Peugeot Citroën Poissy est responsable pénalement de l'infraction au Code de l'environnement commise pour son compte par son représentant, en l'espèce Alain X..., bénéficiaire d'une délégation de pouvoirs en cette matière ;

"1 - alors que le délit de pollution des eaux n'est pas constitué lorsque l'opération de rejet est autorisée par arrêté et que les prescriptions de cet arrêté sont respectées ; qu'en l'espèce, il était constant que l'arrêté préfectoral du 26 septembre 1985, ayant autorisé l'installation de la demanderesse, autorisait le rejet d'hydrocarbures dans une certaine limite de concentration ; que les juges du fond, après avoir constaté que l'institut de recherche criminelle n'avait pas été en mesure de chiffrer la concentration précise en hydrocarbures des prélèvements effectués, ne pouvaient donc sans entacher leur décision d'une insuffisance de motifs affirmer de manière abstraite, pour retenir l'élément matériel de l'infraction, que l'épaisseur de la nappe, sa couleur et son odeur démontraient une concentration en hydrocarbures "nécessairement supérieure" à celle autorisée ;

"2 - alors que la loi pénale étant d'interprétation stricte, le juge pénal ne saurait y ajouter, en particulier pour la rendre plus sévère ;

que le délit de pollution n'est constitué, lorsque le rejet est autorisé par arrêté, que si les prescriptions de cet arrêté ne sont pas respectées ; que la loi vise ainsi tout arrêté susceptible d'autoriser le rejet, et non seulement l'arrêté préfectoral spécifique autorisant l'exploitation de l'installation classée concernée ; qu'en considérant néanmoins que le prévenu ne pouvait se prévaloir de l'arrêté ministériel du 2 février 1998, applicable à l'installation litigieuse, et qui autorisait dans une certaine limite déterminée le rejet de composés organiques volatils, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi pénale ;

"3 - alors qu'en outre, le Code de l'environnement prévoit explicitement la possibilité de la détermination par arrêté ministériel des prescriptions applicables aux installations faisant l'objet d'un classement, dans le but de prévenir les risques de pollution ; que si un tel arrêté ministériel ne peut empiéter sur les pouvoirs du préfet, en modifiant notamment les seuils fixés par arrêté préfectoral pour une installation donnée, il peut en revanche parfaitement compléter un arrêté préfectoral qui serait silencieux sur un seuil de concentration ;

qu'en l'espèce, les juges du fond, qui ont constaté que l'arrêté préfectoral d'autorisation ne déterminait aucun seuil limite en matière de composés organiques volatils, ne pouvaient donc par principe refuser toute référence à l'arrêté ministériel fixant un tel seuil, qui était applicable à l'installation litigieuse et emportait autorisation des rejets respectant ce seuil ;

"4 - alors que la personne physique à laquelle est imputée une faute d'imprudence ou de négligence ayant contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage, mais dont il est constaté qu'elle n'a pas créé directement le dommage, ne peut être pénalement responsable que si est établie à sa charge la commission d'une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, si elle a certes relevé qu'Alain X... avait contribué à créer la situation à l'origine du dommage, qu'il avait été négligent en n'instaurant que des consignes insuffisantes en matière de prévention des pollution pendant le week-end, et que le risque de pollution était important, a en revanche omis de caractériser que le demandeur ne pouvait ignorer la persistance d'un risque d'une particulière gravité malgré le dispositif de prévention des pollutions mis en place ; qu'elle ne pouvait dès lors retenir sa responsabilité pénale, faute d'un de ses éléments constitutifs" ;

Attendu que, pour déclarer la société Peugeot Citroën Poissy et son directeur technique, Alain X..., coupables du délit de pollution des eaux, l'arrêt relève qu'en fin de semaine un bras de la Seine a été pollué par une nappe d'un produit visqueux et jaunâtre dégageant une forte odeur d'hydrocarbure provenant de la conduite d'évacuation de l'usine Peugeot ; que les juges précisent que cette nappe, dont l'épaisseur démontrait qu'elle présentait une concentration d'hydrocarbures nécessairement supérieure à la limite autorisée par arrêté préfectoral, était de nature à entraîner des dommages à la flore et à la faune ;

qu'ils ajoutent que, compte tenu d'incidents antérieurs, de l'intervention d'entreprises extérieures sur le site en fin de semaine et des risques considérables provoqués par l'installation classée, si Alain X..., titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'environnement, n'a pas directement causé la pollution, il a donné des consignes insuffisantes en matière de prévention durant cette période, notamment faute d'avoir ordonné la fermeture des vannes ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, d'où il résulte qu'Alain X..., qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée créant un risque d'une particulière gravité, au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Publication : Bull. crim n° 247