Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 26 novembre 2013

N° de pourvoi: 12-87701
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par : - M. Robert X...,
contre l'arrêt du tribunal supérieur d'appel de SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON, chambre correctionnelle, en date du 17 octobre 2012, qui, pour pollution des eaux et contraventions connexes, l'a condamné à 7 000 euros d'amende, trois amendes de 1 000 euros chacune et a ordonné une mesure d'affichage ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 216-6 du code de l'environnement, 121-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable, ès qualités de président de la société SPEG OIL, d'avoir jeté, déversé ou laissé s'écouler en mer 100 000 litres de carburant de type fuel-diesel ayant entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages sur la flore ou la faune et, en répression, l'a condamné à la peine de 7 000 euros d'amende ;

"aux motifs que
le prévenu, à l'appui de ses conclusions de relaxe, soutient que « rien dans le dossier ne permet d'établir un quelconque effet nuisible » des substances déversées ; que l'effet nuisible invoqué à l'appui des poursuites ne doit pas s'entendre de la destruction des poissons, infraction visée par l'article L. 432-2 du code de l'environnement ;
que l'on ne saurait soutenir sérieusement, par ailleurs, que le déversement d'une centaine de mètres cubes de fuel-diesel serait sans conséquence nuisible sur la flore et la faune locales ;
que la prompte réaction des services de l'Etat qui ont estimé devoir déclencher le plan Polmar, enjoint à la SAS X... de procéder sans désemparer au nettoyage des lieux mais ont aussi interdit la pratique de la pêche dans les eaux polluées de même que le pompage des eaux du port afin d'alimenter la poissonnerie locale attestent bien du contraire ;
qu'à cet égard, le fait que ce produit ait un fort pouvoir d'évaporation et de dilution est sans conséquence sur la matérialité de l'infraction qui se trouve constituée dès lors que l'action du produit déversé entraîne, même provisoirement, des effets nuisibles pour la santé ou l'environnement ;
que le fait que la nappe polluante n'ait atteint, ni les côtes canadiennes, ni la totalité du port de Saint-Pierre, si elle confirme son étendue limitée, ne préjuge en rien sa nocivité ;

"1) alors qu'un prévenu ayant jeté, déversé ou laissé s'écouler dans les eaux territoriales directement ou indirectement une ou des substances quelconques ne peut être retenu dans les liens de la prévention de l'infraction instituée et réprimée par l'article L. 216-6 du code de l'environnement qu'à la condition qu'en ait été constaté l'élément matériel, constitué par les effets nuisibles sur la santé ou des dommages sur la flore ou la faune ; que le déclenchement du plan Polmar n'est en vertu de l'instruction du 4 mars 2002 relative à la lutte contre la pollution du milieu marin (documentation nationale Polmar - JORF n°79 du 4 avril 2002 page 5877), conditionnée que par la survenance d'un accident ou une avarie pouvant entraîner une pollution (1.2), et non pas subordonnée à la constatation effective d'une telle pollution, de sorte qu'en l'espèce le seul déclenchement du plan Polmar par l'administration ne pouvait caractériser une atteinte à l'environnement ; qu'en s'abstenant ainsi de constater que le déversement accidentel en cause avait provoqué des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, au sens de l'article L. 216-6 du code de l'environnement, autrement que par des considérations inopérantes, le tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

"2) alors que, l'injonction faite à la SAS X..., par arrêté préfectoral n°302 du 8 juin 2011, de faire procéder sans délai au nettoyage des lieux reposait selon ses propres termes sur la gravité potentielle des conséquences des écoulement d'hydrocarbures sur l'environnement terrestre et maritime, et non sur une atteinte avérée à l'environnement, ce dont il ne résulte nullement que l'injonction préfectorale de procéder au nettoyage des lieux avait pour objet de remédier à une pollution effectivement constatée ; qu'en s'abstenant ainsi de constater que le déversement accidentel en cause avait provoqué des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, au sens de l'article L. 216-6 du code de l'environnement, autrement que par des considérations inopérantes, le tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;

"3) alors que, l'interdiction de pêche et de pompage de l'eau de mer destinée au processus alimentaire avait été décidée par arrêté préfectoral du 6 juin 2011 à titre de « mesure de précaution », « dans l'attente des résultats des analyses des prélèvements des ressources halieutiques effectuées par l'administration », avant qu'il ne soit mis fin à l'interdiction de pompage de l'eau de mer destinée au processus alimentaire par arrêté préfectoral n°324 du 24 juin 2011, puis à ce que soit levée l'interdiction de la pêche maritime professionnelle et de loisirs et de toute activité de commercialisation de la ressource halieutique par arrêté préfectoral en date du 4 août 2011, retenant que les résultats d'analyses d'hydrocarbures effectuées sur les coquilles prélevées le 1er juin 2011 dans la zone polluée le 30 mai 2011 sont inférieurs aux valeurs guides définies par l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, ce dont il ne résultait pas que le déversement en cause avait provoqué la moindre atteinte à l'environnement ou entraîné des effets nuisibles sur la santé ; qu'en s'abstenant ainsi de constater que le déversement accidentel en cause avait provoqué des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, au sens de l'article L. 216-6 du code de l'environnement, autrement que par des considérations inopérantes, le tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, le délit de pollution des eaux, prévu et réprimé à l'article L. 216-6 du code de l'environnement, dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 26 novembre 2013

N° de pourvoi: 12-80906
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :- La Société Auxiliaire du Tricastin
contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 30 septembre 2011, qui, pour déversement de substances ayant modifié le débit des eaux et limitant l'usage des zones de baignade ainsi que non déclaration immédiate d'incident ou d'accident par personne morale exploitant une installation nucléaire de base par suite du risque d'exposition significative aux rayonnements ionisants,
l'a condamnée à 300 000 euros d'amende, a ordonné une diffusion de la condamnation et a prononcé sur les intérêts civils ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société Socatri, filiale du groupe Areva, spécialisée dans la décontamination et le démantèlement des effluents de nature nucléaire, exploite sur le site de Tricastin une usine qui comporte une station de traitement des effluents uranifères à très faible teneur radioactive ; que cette station, qui faisait l'objet de travaux de rénovation, comportait, au moment des faits, des cuves, appelées stockeurs, de nouvelle génération pour dix d'entre elles, d'ancienne génération pour cinq autres, elles-mêmes implantées dans des bassins de rétention, destinés à prévenir toute fuite des produits stockés ; qu'une telle fuite s'est pourtant produite dans la nuit du 7 au 8 juillet 2008 ; qu'une manoeuvre de maintenance imparfaite sur les vannes de vidange d'un stockeur T459 dans l'après-midi du 7 juillet 2008 associée à une opération de transfert d'effluents en soirée du stockeur T306 dans le stockeur T303 a abouti au déversement d'un trop-plein du stockeur T303 dans un bassin de rétention non étanche par suite de la défectuosité d'un muret de protection ;
que les effluents ainsi libérés ont pu rejoindre le réseau des eaux pluviales dont un regard avait été mis à jour suite à la démolition d'une dalle dans une zone voisine puis la rivière La Gaffière ; que les alarmes se sont révélées inefficaces ; que l'événement détecté vers 22 heures et confirmé par la découverte de l'atteinte du réseau d'eaux pluviales, vers 4 heures, le 8 juillet, a donné lieu au déclenchement du plan d'urgence interne (PUI) à 6 heures 15, et à l'alerte de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ce même jour à 8 heures ;
que différentes interdictions (baignade, consommation d'eau) étaient rapidement décidées par l'autorité préfectorale ;
que les analyses effectuées ont révélé la dispersion dans le réseau d'eaux pluviales et la « Gaffière », cours d'eau artificiel alimenté par le contre-canal Donzere-Mondragon, de 20 m3 environ d'effluents contenant de l'uranium (environ 12 microgrammmes d'uranium/litre) ;

que la société Socatri a été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel de Carpentras pour déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer, faits prévus et réprimés par l'article L. 216-6 du code de l'environnement et pour avoir omis de déclarer sans délai à l'Autorité de Sûreté Nucléaire et au représentant de l'Etat dans le département l'incident survenu dans la nuit du 7 au 8 juillet 2008, en ne faisant état dans la première déclaration que d'un déversement accidentel d'effluents uranifères sur le sol à l'intérieur du bâtiment de traitement, bien qu'eût été identifié un rejet de tels effluents dans le réseau d'eau pluviale plusieurs heures auparavant, faits prévus par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 ;
que plusieurs associations et divers particuliers se sont constituées parties civiles ;
que, par jugement du 14 octobre 2010, le tribunal correctionnel de Carpentras a relaxé la société Socatri du délit de déversement de substance ayant entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, l'a déclarée coupable du délit de non-déclaration immédiate d'incident ou d'accident par personne morale exploitant une installation nucléaire de base par suite du risque d'exposition significative aux rayonnements ionisants et a prononcé sur les intérêts civils ; que le ministère public, les différentes parties civiles et la société Socatri ont successivement relevé appel de ce jugement ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 216-6, alinéa 1er, L. 216-12 du code de l'environnement, 121-2, 131-38, 131-39 du code pénal, 388, 551 et 593 du code de procédure pénale, du principe de séparation des fonctions de poursuite et de jugement, excès de pouvoir, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a réformé partiellement le jugement déféré sur la relaxe du chef de déversement de substance dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer ayant entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, dit que les faits reprochés à la SARL Socatri, initialement poursuivis sous la qualification susvisée, constituent en réalité le délit de déversement de substance dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer ayant entraîné, même provisoirement, des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau et des limitations d'usage des zones de baignade et requalifié en ce sens et déclaré la SARL Socatri coupable de ce délit ;

"aux motifs que, si le tribunal correctionnel est saisi par la citation qui vise le fait poursuivi, il n'est pas lié par la qualification retenue et ne peut prononcer une décision de relaxe qu'après avoir vérifié que ce fait n'est constitutif d'aucune infraction ; qu'il est ainsi de jurisprudence constante que les juges correctionnels ont le droit et le devoir de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification ; que, s'ils ne peuvent substituer des faits distincts à ceux de la prévention, à moins que le prévenu accepte d'être jugé sur ces faits nouveaux, il suffit en revanche que le prévenu soit mis en mesure de s'expliquer, lorsque la nouvelle qualification envisagée ne vise qu'à retenir des faits qui, bien que non expressément visés dans la prévention, ne constituent que des circonstances du fait principal, se rattachant à lui et propres à le caractériser ;

que l'article L. 216-6 du code de l'environnement incrimine le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, à l'exception des dommages visés aux articles L. 218-73 et L. 432-2,ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ou des limitations d'usage des zones de baignade ;
que la cour considère que les modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau et les limitations d'usage des eaux de baignade, non visées dans la prévention, ne constituent pas des faits nouveaux mais des circonstances du fait principal de déversement de substances dans les eaux, à l'identique des deux circonstances retenues dans la citation ; qu'à l'audience, le ministère public a demandé que ces circonstances soient débattues et que la prévenue a donc été amenée à s'en expliquer ; qu'en conséquence, la cour est en droit et a le devoir d'envisager une éventuelle requalification en retenant les deux circonstances non visées initialement ; que c'est à juste titre que le tribunal a considéré qu'aucun dommage n'avait été causé à la faune et à la flore par ce déversement d'effluents uranifères, compte tenu des conclusions du bilan de la surveillance environnementale réalisé le 27 août 2008 par L'IRSN ; que ce dernier indique en effet qu'il n'apparaît pas de marquage de l'environnement (eaux de surface, sédiments, végétaux aquatiques, poissons, et eaux de nappe) lié à cet incident ; qu'il existe, par contre, un marquage en uranium dépassant la valeur guide de l'OMS dans une zone située au sud du site et délimitée par le Lauzon et le canal de dérivation du Rhône, mais dont l'origine ne serait pas imputable à l'incident de la Socatri ; que, de même, le dossier ne comporte aucune pièce expertale de nature à démontrer que le déversement des effluents uranifères dans le réseau hydrologique aurait entraîner des effets nuisibles sur la santé ; que force est donc de constater que le déversement par la Socatri d'effluents uranifères dans le réseau hydrologique a bien entraîné provisoirement des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau et des limitations d'usage des zones de baignade ; qu'il se déduit de l'ensemble des éléments susvisés que le délit de déversement par personne morale de substance dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer ayant entraîné même provisoirement des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau et des limitations d'usage des zones de baignade est constitué en tous ses éléments à l'encontre de la Socatri ; que la cour, réformant le jugement déféré sur ce point, requalifiera la prévention initiale en ce sens et déclarera la prévenue coupable de ce chef ;

"alors que la cour d'appel, saisie in rem, ne peut connaître que des faits visés dans la prévention ; que la cour d'appel était saisie du seul chef de pollution des eaux ayant entraîné des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune ; qu'après avoir constaté l'absence d'effets nuisibles sur la santé ou de dommages à la flore ou à la faune, elle a pourtant retenu l'existence d'une pollution des eaux ayant entraîné une modification du régime d'alimentation en eau et une limitation d'usage des zones de baignade à l'encontre de la société Socatri ; qu'en statuant ainsi sur des faits que le procureur de la République avait expressément et délibérément décidé d'exclure de la saisine, alors même que la société Socatri avait expressément refusé d'être jugée sur les faits, non visés par la prévention, susceptibles de caractériser des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau et des limitations d'usage des zones de baignade, la cour a méconnu les textes et principes visés au moyen" ;

Attendu qu'il existe entre les divers faits visés au moyen un lien d'indivisibilité tel que l'existence des uns ne peut se comprendre sans celles des autres dès lors qu'ils trouvent leur origine, à les supposer prouvés, dans le même déversement d'effluents uranifères qui ont rejoint le réseau hydrologique en raison d'un défaut d'étanchéité d'un bac de rétention et de l'existence dans la zone en travaux, dans laquelle le dysfonctionnement est intervenu , d'un puisard d'eaux pluviales ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9 de la Déclaration des droits de l'homme, 5 de la Charte de l'environnement, de la présomption d'innocence, de l'article L. 216-6 du code de l'environnement, excès de pouvoir négatif, défaut de motifs et manque de base légale, omission de statuer et défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que la cour d'appel de Nîmes, par un arrêt en date du 30 septembre 2011, après avoir retenu que c'était à juste titre que les juges de première instance avaient considéré qu'aucun dommage n'avait été causé à la faune et à la flore par le déversement d'effluents uranifères visé par la citation et que le dossier ne comportait aucune pièce expertale de nature à démontrer que le déversement des effluents uranifères dans le réseau hydrologique aurait entraîné des effets nuisibles sur la santé, a néanmoins retenu la culpabilité, au titre de l'article L. 216-6 du code de l'environnement, de la société Socatri ;

"aux motifs que, cependant, il résultait des pièces de la procédure que, dès les 8 juillet 2008, le préfet de Vaucluse avait pris deux arrêtés aux fins d'interdire la pêche et la consommation du poisson (le prélèvement et la distribution de l'eau provenant de ces zones destiné à des fins d'irrigation ou à la consommation animale, d'interdire les activités nautiques et la baignade ... d'interdire aux usagers d'utiliser les captages privés et de consommer l'eau des ces captages ... ; que le 11 juillet 2008, il avait pris un nouvel arrêté renouvelant les interdictions de pêche d'activité nautique et de baignade dans les lieux visés par le premier arrêté et redéfinissant les lieux d'interdiction d'utilisation de l'eau des ouvrages privés et de prélèvement et de distribution d'eau à des fins d'irrigation ou de consommation animale » et que «force est donc de constater que le déversement par la Socatri d'effluents uranifères dans le réseau hydrologique a bien entraîné provisoirement des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau et des limitations d'usage des zones de baignade ;

"1) alors que le préfet de Vaucluse avait édicté les arrêtés des 8 et 11 juillet 2008 en vertu du principe de précaution, lequel vise les hypothèses dans lesquelles la réalisation d'un dommage environnemental est incertaine ; que l'article L. 216-6 du code de l'environnement incrimine le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune à l'exception des dommages visés aux articles L. 218-73 et L. 432-2 ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ou des limitations d'usage des zones de baignade ; que l'incertitude sur la réalisation du dommage pour l'environnement ou la santé caractérisant les mesures adoptées en vertu du principe de précaution ne permettait pas de déduire que l'élément matériel de l'infraction prévue par l'article L. 216-6 du code de l'environnement était constitué ; que la cour d'appel a violé les textes et principes visés au moyen ;

"2) alors que le préfet de Vaucluse avait édicté les arrêtés des 8 et 11 juillet 2008 en vertu du principe de précaution ; qu'il revient au juge pénal, qui doit interpréter et apprécier la légalité des actes administratifs dont dépend la solution du procès pénal, de déterminer au regard des éléments scientifiques dont il dispose au moment où il statue si les mesures de précaution édictées par voie d'acte administratif suffisent à établir l'existence de l'infraction poursuivie ; qu'eu égard à la portée limitée des arrêtés préfectoraux fondés sur un simple aléa, la cour d'appel aurait dû rechercher si, à la date où elle a statué, le dommage effectif à l'environnement ou à la santé constitutif de l'infraction visée à l'article L. 216-6 du code de l'environnement était établi ; que, pour retenir la société Socatri dans les liens de la prévention, la cour s'est arrêtée à la considération que des arrêtés préfectoraux d'interdiction des zones de baignade et de modification du régime d'alimentation en eau avaient été édictés ; qu'en limitant ainsi ses pouvoirs, la cour a violé les textes et principes visés au moyen" ;

Attendu que les juges du second degré, qui se placent au temps de l'action, en relevant que le déversement, en grande quantité, d'effluents uranifères a été causé par un ensemble de négligences et d'imprudences fautives graves qui ont conduit la prévenue à tolérer la présence d'un bac de rétention d'une étanchéité quasi nulle, énoncent que les interdictions d'utilisation des eaux et de baignade, qui s'imposaient, trouvent leur soutien dans les résultats des prélèvements immédiatement effectués et ayant entraîné les mesures prises par l'autorité préfectorale qui en sont la conséquence nécessaire ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 48, 51, 54 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006, 121-2, 131-38, 131-39 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré la société Socatri coupable du délit d'omission de déclaration sans délai de l'article 54 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire, et réformant le jugement sur la répression, a condamné la société Socatri à une amende de 300 000 euros et a ordonné l'affichage en mairie de Bollène pour une durée de deux mois et la diffusion aux frais de la condamnée dans les quotidiens régionaux, La Tribune et Vaucluse Matin, et dans le quotidien national Le Monde, du communiqué suivant : « par arrêt du 30 septembre 2011, la chambre des appels correctionnels de la Cour d'Appel de Nîmes a condamné la SARL Socatri à une amende de 300.000 euros pour les délits de déversement de substance dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer ayant entraîné, même provisoirement, des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau et des limitations d'usage des eaux de baignade, et d'omission de déclaration sans délai de l'incident survenu dans ses locaux au cours de la nuit du 7 au 8 juillet 2008, au visa des articles 48 et 54 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité nucléaire, et a statué sur les demandes de dommages et intérêts des parties civiles ;

"aux motifs que l'article précité l'article 54 de la loi TSN stipule « qu'en cas d'incident ou d'accident, nucléaire ou non, ayant ou risquant d'avoir des conséquences notables sur la sûreté de l'installation ou du transport ou de porter atteinte, par exposition significative aux rayonnements ionisants, aux personnes, aux biens ou à l'environnement, l'exploitant d'une installation nucléaire de base ou la personne responsable d'un transport de substances radioactives est tenu de le déclarer sans délai à l'Autorité de sûreté nucléaire et au représentant de l'état dans le département du lieu de l'incident ; que, pour écarter l'application de cet article, la Socatri fait valoir qu'elle ne se trouvait pas dans l'un des cas visés par la loi de 2006 ; que l'incident ne revêtait pas la gravité exigée par le texte, toutes les précautions ayant été prises pour stopper l'activité de l'installation ; que, cependant, ainsi que l'ont rappelé à l'audience de la cour, les représentants de l'ASN, la non-étanchéité du muret d'un bac de rétention ayant entraîné la rupture d'une barrière de protection essentielle de l'un des équipements importants pour la sûreté, car devant permettre de recueillir les écoulements accidentels, constitue à l'évidence une atteinte à la sûreté de l'installation qui a permis le déversement de 20 m3 d'effluents uranifères, hors la zone de confinement puis dans le réseau des eaux pluviales ; que les mesures prises à la suite de cet événement n'enlèvent rien au fait qu'il s'agissait de l'incident majeur susceptible de se produire au sein de la STEU, ainsi que l'a fort justement rappelé le tribunal ; qu'il résulte des pièces de la procédure que, à 22 heures 15, il était constaté que le muret de la rétention était endommagé et qu'un déversement d'effluents s'était produit dans la zone du chantier de démolition ; que, à 4 heures du matin, le rejet d'effluents uranifères dans le réseau d'eaux pluviales était clairement identifié ; que, cependant, la procédure de crise (appel de l'astreinte de l'ASN) n'a été mise en oeuvre qu'à 7 heures 20, soit 3 heures 20 après la prise de conscience de la migration du liquide vers le réseau hydrologique ; que, de plus, les informations transmises aux autorités par le premier message, PUI initial, à 8 heures du matin, ne mentionne que le déversement du liquide à l'intérieur du bâtiment de la STEU et que, ce n'est que lors du deuxième message, adressé à 10 heures 45, « message PUI suivi de l'état de l'installation, que la totalité de l'information a été donnée aux autorités ; que la notion exigée par la loi de « sans délai » a été largement dépassée, et que la Socatri n'a nullement satisfait aux dispositions de la loi ; qu'enfin, ainsi que l'ont utilement rappelé les représentants de l'ASN à l'audience, que la formalisation du message, transmission du PUI ou autre, est sans incidence sur la constitution de l'infraction, dès lors que l'information est parvenue beaucoup trop tardivement, aucune forme n'étant spécifiquement prévue pour la transmission de cette information ; qu'en conséquence, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu la culpabilité de la Socatri du chef d'infraction à l'article 54 de la loi n°2006-686 du 13 juin 2006 et que le jugement déféré mérite confirmation sur ce point ;

"alors qu'en vertu de l'article 54 de la loi TSN du 13 juin 2006 codifié à l'article L. 591-5 du code de l'environnement, l'exploitant n'est tenu de procéder à la déclaration sans délai d'un incident ou accident que si cet incident ou accident a ou risque d'avoir des conséquences notables sur la sûreté de l'installation ou s'il porte atteinte, par exposition significative aux rayonnements ionisants, aux personnes, aux biens ou à l'environnement ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si le déversement d'effluents uranifères dans la nuit du 7 au 8 juillet 2008, entrait dans le champ d'application de l'article 54 de la loi TSN du 13 juin 2006, la cour d'appel a violé les principes et textes visés au moyen" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 000 euros la somme globale que la société Socatri devra payer à l'association France Nature Environnement et à l'association Sortir du Nucléaire au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

FIXE à 2 000 euros la somme que la société Socatri devra payer à M. et Mme Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;