Cour d'appel de Rennes

Audience publique du vendredi 9 mai 2003
N° de RG: 02/04669

Première Chambre B ARRÊT R. G .02/04669 M. Denis Jean-Marie Albert X... Y.../ SYNDICAT INTERCOMMUNAL D'ADDUCTION D'EAU DU TREGOR
Réformation
APPELANT: Monsieur Denis Jean-Marie Albert X...
INTIMEE : SYNDICAT D'ADDUCTION D'EAU DU TREGOR

FAITS ET PROCEDURE :
Par déclaration reçue au greffe le 13 août 2001, Monsieur X... a assigné le Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR devant le tribunal d'instance de LANNION aux fins de voir déclarer bien fondée la rétention opérée à hauteur de 206,70 francs sur le montant de la facture d'eau concernant l'année 2000 ayant fait l'objet d'un titre exécutoire du Trésor Public en date du 12 juin 2001, puis soulevant l'exception d'inexécution de son distributeur, aux fins de le voir condamné à lui payer la somme de 50 000 francs (7 621,95 euros) incluant les 206,70 francs à titre de dommages et intérêts.

Le syndicat a soulevé l'incompétence du tribunal eu égard à son taux de ressort et à titre subsidiaire et sur le fond s'est prévalu d'une cause étrangère exonératoire.
Il a contesté par ailleurs le lien de causalité et en tout état de cause le caractère non scientifique de la méthode adoptée sur laquelle Monsieur A... a fondé sa demande, estimant que la preuve de son préjudice n'était pas établie.

Par jugement 23 avril 2002, le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence, débouté Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à verser au syndicat d'adduction d'eau du TREGOR la somme de 150 euros au titre des frais irrépétibles.
Monsieur X... a relevé appel et demande à la Cour d'infirmer la décision déférée, de condamner le Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR à lui payer la somme de 7621,95 euros à titre de dommages et intérêts, celui-ci ayant manqué à son obligation de délivrance d'une eau conforme à l'usage auquel elle est destinée, de le dire bien fondé à retenir la somme de 31,50 euros sur le titre exécutoire émis le 12 juin 2001, de condamner Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR à lui payer la somme de 800 euros à titre d'indemnité de procédure.
Le Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de Monsieur X... à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La Cour renvoie aux dernières conclusions des parties en date du 17 septembre 2002 pour Monsieur X... et du 26 décembre 2002 pour le Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR s'agissant des moyens et arguments développés à l'appui de leurs prétentions.

SUR CE.

Considérant que Monsieur X... a fait brancher le 9 octobre 1992 ( date de la facture) sa maison d'habitation sur le service de distribution d'eau potable ; Qu'il reproche au Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en lui ayant délivré une eau impropre à la consommation dès lors que sur 2091 jours elle aurait présenté des taux excessifs en nitrates et en pesticides ; Considérant que le contrat d'abonnement souscrit ne vise que la distribution d'eau potable; qu'il ne comporte aucune mention relative au taux de nitrates et au taux de pesticides ; Que ni l'arrêté préfectoral du 6 avril 1955 créant le syndiçat ni ses statuts qui lui confèrent la gestion du service public d'eau potable, c'est à dire, la production d'eau potable, la distribution aux usagers, la mise en place et la maintenance et l'extension du réseau ne font référence à la qualité du produit distribué ;

Qu'il convient donc de se référer aux dispositions de l'article L.1321-1 du code de la santé publique lequel dispose que toute personne qui offre au public de l'eau en vue de l'alimentation humaine est tenue de s'assurer que cette eau est propre à la consommation ;

Que l'article 2 du décret n°89-3 du 3 janvier 1989 qui transpose la directive européenne du 15 juillet 1980 dispose que les eaux destinées à la consommation humaine doivent satisfaire aux exigences de qualité définies en son annexe I et qu'elles ne doivent pas présenter de signe de dégradation de leur qualité ;
Que la limite supérieure des valeurs de concentration est de 50 mg par litre s'agissant des nitrates et de 0,1 microgramme par litre en pesticides et produits apparentés, dont les herbicides, par substances individualisées ;
Que l'intimé ne peut utilement faire valoir que les nitrates sont classés dans la catégorie indésirables et non toxiques et qu'en cas dépassement du taux ainsi fixé, la consommation de l'eau serait simplement déconseillée pour les femmes enceintes et les nourrissons, argument tiré d'une circulaire d'application du 9 juillet 1990 qui ne s'impose pas au juge ;

Qu'il existe ainsi, contrairement à ce qu'affirme le syndicat, un seuil de potabilité fixé par voie réglementaire qui constitue une exigence, laquelle, sous réserve le cas échéant pour la personne publique ou privée dans certaines circonstances d'obtenir une dérogation qui ne peut porter toutefois sur les pesticides ou produits apparentés, ne souffre donc aucune exception .

Que le Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR était tenu à une obligation de résultat et devait donc délivrer une eau confornle à sa destination ;
Qu'il ne peut se prévaloir d'une cause étrangère pour éluder sa responsabilité; que la pollution de l'eau par les nitrates ou par les pesticides liée à une agriculture intensive ne présente pas de caractère d'imprévisibilité; que le caractère d'irrésistibilité n'est pas non plus démontré dès lors que le syndicat reconnaît lui même avoir procédé à un certain nombre de travaux et lancé un "programme de reconquête de la qualité de l'eau" ;

Considérant enfin que c'est vainement qu'il dénie une valeur scientifique à tous les relevés de la DASS sur lesquels s'appuie l'appelant pour établir la pollution de l'eau distribuée;
Que s'agissant des nitrates, les relevés portent bien sur les eaux après traitement ;
Que s'agissant des pesticides il est vrai que la DASS estime qu'aucune extrapolation ne peut être faite à partir de la méthode utilisée pour les nitrates notamment en raison du faible nombre de contrôles réalisés ;
Que cependant l'indemnisation du préjudice ne saurait être limité aux seuls jours de pollution, l'intéressé ne pouvant manifestement pas se rendre tous les jours à la mairie pour vérifier au quotidien le respect des normes imposées ;
Que même si Monsieur X... ne justifie pas du volume acheté auprès de son fournisseur, il peut prétendre à être indemnisé sur la base médicalement reconnue d'une consommation de 2 litres d'eau minérales par personne au prix de 0,27 euros le litre pour 1997 jours (pour la période du 9 octobre 1992 jusqu'au 31 décembre 2000), soit compte tenu de la présence de sept personnes au foyer à hauteur de la somme de 7 548,66 euros;
Que cette somme incluant la somme 31,50 euros réclamée selon titre exécutoire émis par le Trésor Public le 12 juin 2001, il y a lieu de dire Monsieur X... bien fondé à la retenir ;

Considérant que Monsieur X... est accueilli en son appel, que le Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et à verser une indemnité de procédure de 800 euros ;

PAR CES MOTIFS : LA COUR, DECLARE l'appel de Monsieur X... bien fondé ;
REFORMANT le jugement entrepris ;
CONDAMNE le Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR à payer à Monsieur X... la somme de 7 548,66 euros à titre de dommages et intérêts ;
LE DECLARE bien fondé à retenir la somme de 31,50 euros sur le titre exécutoire émis par le Trésor Public le 12 juin 2001 ;
CONDAMNE le Syndicat d'adduction d'eau du TREGOR à payer à Monsieur X... la somme de 800 euros à titre d'indemnité de procédure ;
LE CONDAMNE aux entiers dépen..r de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.