Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 7 février 2012

N° de pourvoi: 10-84453
Non publié au bulletin
Rejet
contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 25 mai 2010, qui, pour incendie involontaire, exploitation et poursuite d'exploitation non autorisée d'établissement classé et déversement de substances nuisibles dans les eaux, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des
articles 322-5, 322-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1382 du code civil ;

(...)

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 514-1, L. 514-9 et L. 514-11 § II du code de l'environnement, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt a déclaré M. C... coupable, d'une part, d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement les 17 décembre 2004, 19 octobre 2005 et 29 avril 2006 et, d'autre part, de poursuite d'exploitation non autorisée d'une installation classée non conforme à une mise en demeure les 17 décembre 2004 et 19 octobre 2005 et l'a, en conséquence, condamné à quatre mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende ;

" aux motifs qu'il est reconnu par le prévenu, et au demeurant établi, que le site sur lequel s'exerçaient et s'exercent encore les activités de la société qu'il dirige, abrite notamment des stockages de matières polluants, et est soumis au régime des installations classées pour la protection de l'environnement ; que l'arrêté préfectoral du 19 août 1994, a autorisé les activités alors exercées sur le site ; qu'en 1997, est intervenu un nouvel arrêté autorisant un forage industriel ; que, cependant, il résulte de l'aveu même de M. C... (audition du 2 mars 2006), que la nature des activités du site n'a cessé d'évoluer, au point qu'il a été soutenu que des pourparlers, en vue du classement, étaient en cours au jour du sinistre, de sorte que les modifications de l'entreprise demandées par l'administration depuis plusieurs années n'ont pas été respectes compte tenu de cette modification permanente d'activité ; qu'en particulier, il expose dans ses écritures, soutenues à l'audience, qu'il serait établi par une lettre signée par lui le 18 janvier 2006, et par sa déposition du 2 mars 2006, transmettant une copie d'étude d'impact, que des pourparlers se sont poursuivis entre la préfecture, la DRIRE, l'APAVE, et la société Recam en vue de la mise en conformité des activités évolutives de cette société, avec la réglementation relative aux installations classée ; qu'il convient de relever, sur ce point, un rapport de la DRIRE, en date du 16 mai 2006, faisant apparaître d'importants écarts constatés sur les volumes des activités exercées au regard de celles effectivement autorisées, soulignant que le stockage de pneumatiques a augmenté de plus de 500 %, et la compression de plus de 70 %, toujours en l'absence d'appréhension du risque d'incendie et de ses conséquences ; qu'il s'ensuit que M. C... ne peut sérieusement se prévaloir de l'arrêté du 19 août 1994, pour venir soutenir que l'infraction d'exploitation sans autorisation d'une installation classée ne serait pas constituée ; qu'il est, au contraire, établi que l'exploitation constatée le 17 décembre 2004, puis le 19 octobre 2005, et enfin le jour de l'incendie, ne correspondait plus du tout à celle qui avait été autorisée au mois d'août 1994 ; qu'il est encore moins sérieux de prétendre que, compte tenu de la rapidité de l'évolution des activités de la société, il était impossible de mettre les bâtiments aux normes ; que soutenir une telle position revient à mettre à néant toute disposition de protection de l'environnement, alors qu'il appartient à l'exploitant, avant toute évolution de son activité, de se mettre en adéquation avec les règles légales ; qu'en réalité, malgré une mise en demeure du 12 juillet 2000, d'avoir à respecter l'arrêté de 1998 imposant à la société Recam de réaliser un diagnostic initial et une évaluation simplifiée des risques, puis une mise en demeure du 30 janvier 2001, en vue de contraindre la société à respecter l'arrêté du 23 août 2000, lui imposant la mise à jour de l'étude d'impact à des prescriptions complémentaires en vue d'améliorer la protection de l'air, la situation n'a pas évolué notablement ; qu'il en a été de même en janvier 2002 lorsque le préfet du Loir-et-Cher, considérant que l'étude de sites et de sols potentiellement pollués, demeurait incomplète, mais faisait déjà apparaître que ce site relevait de la classe deux, et qu'il y était utilisé du plomb, métal particulièrement toxique, a enjoint à la société Recam de réaliser un diagnostic site des sols pollués, approfondi et de mettre en oeuvre une surveillance des eaux souterraines ; que, le 24 juillet 2002, un procès-verbal a été dressé pour non-respect de cet arrêté de mise en demeure ; que, le 5 août 2002, le préfet de Loir-et-Cher, considérant que la société Recam et son dirigeant, ne respectaient pas certaines des dispositions des arrêtés préfectoraux antérieurs, et que ce non-respect augmentait de manière significative le risque d'incendie et le risque de pollution accidentelle chronique des sols, a mis en demeure la société Recam, représentée par M. C..., de respecter lesdits arrêts antérieurs ; que c'est dans ces conditions que, le 17 décembre 2004, une visite inopinée de l'inspection des installations classées a relevé une infraction nouvelle, en l'espèce, l'exploitation d'un bâtiment de 11 000 m2 affecté au stockage de produits combustibles, sans autorisation préfectorale préalable, outre une poursuite d'exploitation d'activité classée, sans se conformer à l'arrêté de mise en demeure du 5 août 2002 ; qu'en particulier, il apparaît du tableau récapitulatif du rapport de la DRIRE, qu'au rang des infractions à la mise en demeure du 5 août 2002 figuraient encore : l'absence de stockage des déchets métalliques sur une aire imperméable en rétention, l'absence de collecte des eaux de ruissellement de l'aire de stockage des déchets métalliques, l'absence de système de confinement des eaux d'incendie, l'absence de surveillance des eaux souterraines, l'absence d'un système de rétention du stockage des produites liquides, et l'absence de diagnostic approfondi de la pollution des sols, pourtant demandé de longue date ; que l'absence de respect des prescriptions antérieurement imposées a conduit à de nouvelles mises en demeure les 17 mai 2005 et le 1er juillet 2005, d'avoir à respecter ces obligations, déjà anciennes, et non mises en oeuvre malgré les nombreuses mises en demeure depuis plusieurs années ; que de nouvelles infractions étaient alors constatées ; que, sous prétexte de pourparlers, M. C... se révèle incapable de démontrer qu'il a suivi les prescriptions imposées, et qu'il a constitué un dossier de demande d'autorisation afin de régulariser sa situation administrative au regard de ses activités ; qu'il n'a, au surplus, jamais remis de diagnostic approfondi de pollution des sols, que le simple fait que les inspecteurs de l'administration aient pu se rendre régulièrement sur le site et en connaître les faiblesses, n'est pas de nature à exonérer M. C... de sa responsabilité, étant souligné que le nombre de procès-verbaux de constatation fait apparaître que ces visites avaient pour seul objectif de le rappeler à ses obligations légales et administratives ; qu'au contraire, un nouveau procès-verbal du 19 octobre 2005 a constaté que la situation n'avait pas évolué, au point que le 17 janvier 2006, le préfet a informé la société Recam de son intention de prendre deux arrêtés à son encontre, l'un de suspension d'activité de stockage de pneumatiques et de matières combustibles non autorisées, et l'autre de consignation de sommes correspondant au montant des travaux nécessaires à la réalisation d'une rétention des eaux d'extinction ; qu'il apparaît en fait que, malgré les délais particulièrement longs qui lui ont été accordés, la société Recam et en particulier son dirigeant M. C..., a exploité une installation classée pour la protection de l'environnement sans autorisation et a poursuivi cette exploitation malgré les mises en demeure qui lui en ont été faites, sans, en outre, procéder aux aménagements nécessaires ; qu'il s'agit là d'une attitude délibérée dans la mesure où, en ne se déclarant pas aux installations classées, il a pu exploiter sans se soumettre aux contraintes environnementales et sans respect des mesures de sécurité, réalisant ainsi de substantielles économies dans le cadre de son exploitation ; qu'il convient de noter que cette carence, conduisant à l'exploitation non autorisée d'une installation classée, perdurait au jour de l'incendie, le 24 avril 2006 ;

" 1) alors que le fait d'exploiter une installation classée sans autorisation constitue une seule et unique infraction, qui, en raison de son caractère continu, ne peut faire l'objet de plusieurs condamnations ; qu'en déclarant néanmoins M. C... coupable d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement les 17 décembre 2004, 19 octobre 2005 et 29 avril 2004, la cour d'appel a condamné le prévenu trois fois pour les mêmes faits en violation des textes visés au moyen ;

" 2) alors que la mise en demeure d'avoir à respecter les conditions de fonctionnement d'une installation classée doit impartir un délai à l'expiration duquel la carence de l'exploitant se consomme en délit ; qu'en se bornant à considérer que M. C... aurait poursuivi l'exploitation d'une installation classée, malgré les mises demeure, sans procéder aux aménagement nécessaires, sans avoir relevé que le prévenu aurait poursuivi l'exploitation après l'expiration des délais impartis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

 

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 211-2, L. 216-6 et L. 216-11 du code de l'environnement et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt a déclaré M. C... coupable de déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines superficielles ou de la mer le 29 avril 2006 et l'a, en conséquence, condamné à quatre mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende ;
" aux motifs qu'ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, c'est vainement que, pendant de longues années, l'administration a demandé à M. C... de repenser la conception du site, afin de réaliser une rétention des eaux en cas d'incendie, ce dernier s'y étant toujours opposé au motif que c'était irréalisable en l'état du site ; qu'également, d'ailleurs, le niveau de la réserve d'eau incendie a toujours été insuffisant, M. C... déclarant qu'il devait la faire imperméabiliser, sans toutefois s'exécuter ; que la conséquence en a été que les eaux d'extinctions non vaporisées par la chaleur de l'incendie se sont écoulées vers un fossé, malgré les dispositions prises par les pompiers, dans l'urgence, afin de limiter l'écoulement de la pollution, en particulier par la pose de bottes de paille à l'extrémité du fossé ; que, l'administration ayant constaté des surnageants huileux en amont de ces bottes de paille, apparaissant bloqués à un point de passage busé du fossé, elle a demandé à l'exploitant qu'il soit fait appel à une société spécialisée, pour venir au moins pomper l'huile surnageante ; que l'entreprise est arrivée sur place à la tombée de la nuit et a poursuivi son pompage le lendemain 30 avril 2006 ; que le procès-verbal des services de gendarmerie relève que l'eau utilisée par les pompiers pour maîtriser le sinistre s'est écoulée dans un ru, passant dans l'usine ; qu'il s'agit, non d'un véritable cours d'eau, mais d'un fossé dans lequel s'écoule un petit filet d'eau toute l'année, sauf l'été, lequel rejoint l'étang du Vaugoin, appartenant à M. A..., qui a déposé plainte ; que ce dernier n'a pas constaté de mortalité de poisson, mais une légère irisation de l'eau en surface de la queue de l'étang ; qu'il a rappelé un précédent incendie survenu une dizaine d'années auparavant, dans la même usine, ayant pollué son étang de façon durable ; que l'analyse de l'eau, effectuée le 3 mai 2006, conclut à une pollution du ru avec présence de polluants correspondants aux composants entrant dans la fabrication des pneumatiques ; que, bien que la pollution se dissolve au fur et à mesure que l'on s'éloigne de l'usine, des traces résiduelles subsistent ; que cette pollution a été étendue par suite de l'utilisation d'importantes quantités d'eau d'extinction par les pompiers ; que cette expertise relève la qualité médiocre de l'eau de l'étang et le fait qu'il n'y a pas été décelé des teneurs élevées des composés polluants observés dans le ru ; qu'elle ajoute, cependant, qu'un effet de dilution conséquent est à prendre en compte ; que le ru contenait des eaux superficielles ; qu'il a été pollué par la faute de M. C..., lequel n'a jamais pris les dispositions imposées par l'administration, pour éviter une telle pollution ; que, d'ailleurs, le rapport d'intervention des agents de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, en date du 16 octobre 2007, constate que le ru présente l'aspect d'un fossé, dans lequel existe, presque toute l'année, un faible écoulement d'eau, au demeurant très ferrugineuse ; qu'il prend naissance dans l'entreprise Recam, où il est busé, puis débouche sur une zone humide, pour atteindre l'étang Vaugoin, où il se jette ; que l'exutoire de cet étang se déverse ensuite dans le ruisseau de Chalès, lequel est un affluent de rive gauche de la rivière le Néant ; que les agents de l'ONEMA en concluent que ce ru joue un rôle indéniable de collecteurs des eaux issues de la zone humide, qu'il restitue ensuite vers l'étang, puis vers le ruisseau de Chalès et fait partie intégrante du système hydrographique du cours d'eau le Néant ; qu'il apparaît des motifs ci-dessus exposés que M. C... a poursuivi, sans se conformer aux exigences de la réglementation et de l'administration, l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, sans autorisation, et sans mise aux normes, en particulier en matière d'incendie, malgré les mises en demeure qui lui ont été faites ; qu'il en était de même au jour de l'incendie, le 24 avril 2006, ce qui a conduit à une destruction involontaire par suite d'une violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence d'un bâtiment appartenant à la société Recam ainsi qu'au déversement de substances nuisibles dans les eaux souterraines ou superficielles ;

" 1) alors qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer, même sommairement, sur le rapport de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie selon lequel « il n'est pas établi de lien direct entre la pollution du ru et la qualité de l'eau de l'étang », la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 2) alors qu'en statuant ainsi, sans préciser quelles auraient été les mesures prétendument imposées par l'administration pour éviter la pollution des eaux du ru et du Vaugoin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments les infractions dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. C... devra payer à France nature environnement, partie civile, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;