Notion de berge

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 19 février 2008

N° de pourvoi: 07-82564
Non publié au bulletin Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par : X... Jean-Marie,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 12 mars 2007, qui, après l'avoir déclaré coupable d'infraction à la législation sur l'eau, a ajourné le prononcé de la peine, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoire produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 214-1, L. 214-2, L. 214-3, L. 216-5, L. 216-8 du code de l'environnement, 44 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993, 429, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a, infirmant le jugement entrepris, déclaré Jean-Marie X... coupable du délit qui lui était reproché et a ajourné le prononcé de la peine tout en ordonnant la remise en état des lieux sous astreinte et l'a condamné à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs que le prévenu a déclaré qu'il avait dû élargir le merlon qui sépare son plan d'eau du Jabron pour pouvoir faire circuler les engins de travaux ; que toutefois, les travaux qui ont concerné 140 mètres linéaire par la réalisation d'une digue constituée de graviers de rivière et de blocs rocheux de 140 m de longueur, 1,30 de hauteur et 4,60 m de large, ont outrepassé les autorisations d'exécuter des travaux limitatifs et ponctuels données dans les lettres des 24 décembre 2003 de la préfecture et 7 mars 2004 de la DDAF ; qu'à la suite de ces travaux, la largeur du Jabron a été réduite de 4 mètres sur 140 mètres, comme cela ressort distinctement des photographies avant et après travaux, jointes au procès-verbal, et le profil du Jabron modifié réduisant de ce fait significativement sa capacité d'écoulement ; qu'en application des articles L. 214-1 et L. 214-16 du code de l'environnement, les activités, les ouvrages et les travaux intéressant l'eau et les milieux aquatiques sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur les ressources en eau et les écosystèmes aquatiques ; que le décret n° 93-743 qui fixe la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration, soumet à autorisation : 2.5.0 (décret du 13 février 2002) les installations, ouvrages et travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers, à l'exclusion de ceux fixés à la rubrique 2.5.5 (lesquels sont relatifs à la consolidation des berges, à l'exclusion des canaux artificiels, par des techniques autres que végétales) ; que les poursuites portent non sur la consolidation des berges mais sur la modification en long et en travers du lit du Jabron sans autorisation qui a été constatée par un procès-verbal (point 8) qui, par application de l'article L. 216-5 du code de l'environnement, fait foi jusqu'à preuve contraire, non rapportée en l'espèce ; que la note en délibéré par laquelle le prévenu conteste l'infraction ne justifie pas d'ordonner la réouverture des débats ; que c'est en toute connaissance de cause que le prévenu a fait procéder aux travaux litigieux qui ont modifié les profils en long et en travers du cours d'eau lesquels nécessitaient, en application de l'article 10 de la loi n°93-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau et du décret précité (rubrique 2.5.0), une autorisation préalable ; que les faits étant établis, c'est à tort que le tribunal a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite en se fondant sur des faits (cubage de la retenue d'eau et chemin d'exploitation) non poursuivis ;

"alors que, d'une part, si les procès-verbaux établis pour constater les infractions aux articles L. 214-1 à L. 214-9 du code de l'environnement font foi jusqu'à preuve contraire, il ne font foi que des faits constatés et non de leur qualification juridique ; que, pour rejeter le moyen de défense auquel elle se réfère expressément et selon lequel l'opération en cause, la construction d'une digue, n'entrait pas dans la rubrique 255 de la nomenclature des opérations soumises à autorisation, mais dans la rubrique 250, qui n'imposait aucune autorisation, en l'espèce, la cour d'appel qui considère que les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire et que le procès-verbal établi en l'espèce fait état de l'édification d'une digue sans rechercher si la digue en cause en l'espèce ne pouvait s'analyser en une opération de consolidation de la berge, a méconnu le fait que les procès-verbaux n'avaient de valeur probatoire que concernant les faits et n'a ainsi pu se prononcer sur le moyen de défense qui était invoqué contestant la qualification de ces faits ;

"alors que, d'autre part, l'arrêt constate que le prévenu soutenait que le procès-verbal d'infraction s'appuyait sur la différence de topographie des lieux après travaux et après la crue qui avait eu lieu en 2003, alors que pour établir l'infraction, il aurait fallu établir la différence entre le lit du Jabron après travaux et avant la crue ; qu'en effet, comme l'a relevé la cour d'appel, le prévenu avait été autorisé à curer le point de captage d'eau situé sur sa parcelle, « vieux fonds, vieux bords » , à savoir dans son état antérieur à la crue ; que, dès lors, le prévenu ne remettait pas en cause la valeur probatoire du procès-verbal mais le fait qu'il avait constaté l'ensemble des faits nécessaires pour caractériser l'infraction qui lui était reprochée, soit une modification des profils du cours d'eau, sans autorisation ; que dès lors, la cour d'appel, qui rejette ce moyen de défense en considérant que les procès-verbaux valent jusqu'à preuve contraire qui n'est pas rapportée, a privé sa décision de base légale ;

"alors qu'en tout état de cause, les procès-verbaux valent jusqu'à preuve contraire des seules constatations personnelles des agents habilités et ne valent qu'à titre de simple renseignement pour ce que ceux-ci n'ont pas constaté personnellement ; que si les agents habilités ont pu constater lorsqu'ils ont procédé à l'élaboration du procès-verbal d'infraction, l'état des travaux réalisés, ils n'ont pas personnellement constaté l'état antérieur du lit du Jabron, et à tout le moins ne font aucunement état d'une telle constatation ; que, dès lors, le procès-verbal ne valait qu'à titre de simple renseignement en ce qu'il affirmait qu'il existait une modification du lit du Jabron, dont il appartenait à la cour d'appel d'apprécier la valeur probatoire, en considération des contestations du prévenu tendant à soutenir que le procès-verbal prenait en compte l'état du Jabron après la crue et non avant et que les photographies annexées et censées illustrer le point 8 du procès-verbal qui avait donné lieu aux poursuites, prouvaient suffisamment que les agents avaient pris en compte l'état du Jabron après la crue et non avant et de plus ne révélaient l'existence d'aucune digue ; que, dès lors que la cour d'appel, qui considère que le procès-verbal d'infraction valait jusqu'à preuve contraire qui n'était pas rapportée, alors que ce procès-verbal ne pouvait valoir qu'à titre de simple renseignement, a méconnu l'article 429 du code de procédure pénale ;

"alors, qu'enfin, si l'article L. 216-8 du code de l'environnement réprime le fait d'entreprendre des ouvrages ou travaux sans autorisation, le fait pour le bénéficiaire d'une autorisation qui a apporté une modification à l'ouvrage ou aux travaux prévus dans des conditions de nature à entraîner un changement notable des éléments du dossier de demande d'autorisation constitue uniquement une contravention de 5e classe ; que, dès lors que la cour d'appel a constaté que le prévenu avait bénéficié d'une autorisation de procéder au curage du point de captage des eaux selon des prescriptions précises, et qu'il résultait de ces constatations que les travaux incriminés avaient été entrepris après l'obtention de cette autorisation, elle aurait du en déduire que l'infraction constituait uniquement une contravention de 5e classe" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Marie X..., exploitant agricole et entrepreneur de travaux publics à Saint-Vincent-sur-Jabron (Alpes-de-Haute-Provence), a procédé à des travaux dans le lit mineur du Jabron pour réparer les désordres causés à son fonds par la crue de ce torrent ; qu'à la suite d'un contrôle opéré le 12 mai 2004 par des agents du conseil supérieur de la pêche et de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF), il a été constaté que le prévenu avait édifié, en avant de la berge, dont la végétation avait été éliminée, une digue de gravier et de blocs rocheux, d'une hauteur de 1,30 mètre, qui avait modifié les profils en long et en travers du cours d'eau ; que Jean-Marie X... a été poursuivi pour avoir réalisé sans autorisation cet ouvrage visé par la rubrique 2.5.0 de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993, dans sa rédaction alors en vigueur ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt énonce que la correspondance de la DDAF dont il se prévaut lui permettait seulement de procéder au curage d'une fosse servant à alimenter une prise d'eau, alors que les travaux réalisés consistent dans la constru ce n'est pas un remblaiement de la zone ction d'une digue ayant pour effet de réduire de 4 mètres la largeur du Jabron, sur une longueur de 140 mètres ; que les juges retiennent qu'un tel ouvrage a pour objet, non pas la consolidation des berges, mais la modification du profil du cours d'eau, opération soumise à autorisation en vertu de la rubrique 2.5.0 de la nomenclature ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que Jean-Marie X... devra payer à la Fédération des Alpes-de-Haute-Provence pour la pêche et la protection du milieu aquatique au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;