Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 13 novembre 2013

N° de pourvoi: 12-86250
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- Mme Danielle X...,

contre l'arrêt n°560 de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 6 septembre 2012, qui, pour camping ou installation de caravane dans un site classé ou inscrit et construction ou aménagement de terrain dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels, l'a condamnée à 800 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 111-5, 121-3, 122-3 du code pénal, L. 123-1, L. 123-2, L. 123-3, L. 123-4, L. 160-1, L. 480-4, R. 111-37, R. 111-38, R. 111-42 du code de l'urbanisme, L. 341-1, L. 341-2, L. 562-1, L. 562-5, L. 562-6 du code de l'environnement et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable de camping ou installation de caravane dans un site classé ou inscrit, dans un secteur sauvegardé ou dans une zone de protection, l'a condamnée à une amende de 800 euros avec sursis et à payer à la commune de Loix-en-Ré, partie civile, la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que les franges côtières de la commune de Loix-en-Ré sont classées parmi les sites du département de la Charente-Maritime par décrets en date des 24 juin 1987 et 22 mars 2000 ; que le terrain concerné en l'espèce est donc, compte tenu de son implantation, soumis à une servitude de protection des sites et monuments naturels classés au titre de la loi du 2 mai 1930 ; que l'article R. 111-38 du code de l'urbanisme prohibe l'installation de caravanes, quelle qu'en soit la durée, dans les secteurs où le camping pratiqué isolément et la création de terrains de camping sont interdits en vertu de l'article R. 111-42 du code de l¿urbanisme ; que cet article R. 111-42 interdit le camping pratiqué isolément ainsi que la création de terrains de camping (sauf dérogation accordée après avis, notamment de la commission départementale de la nature des paysages et des sites) sur les rivages de la mer et dans les sites inscrits ou classés en application de l'article L. 341-2 du code de l'environnement ; que la prévenue allègue, en premier lieu, que l'arrêté de classement du 22 mars instituant les servitudes de protection visées par les articles R. 111-38 et R. 111-42 du code de l'urbanisme lui serait inopposable, à défaut de notification individuelle à chacun des propriétaires des parcelles ; que M. l'avocat général observe qu'il s'agit d'une question préjudicielle qui n'a pas été soulevée en première instance, et qui serait dès lors irrecevable devant la cour ; que la commune de Loix-en-Ré, partie civile, fait valoir que si l'inscription d'un site sur la liste de ceux dont la préservation présente un intérêt général doit normalement être notifiée individuellement, aux termes de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, son classement, par arrêté ministériel, est prononcé par décret en Conseil d'Etat aux termes de l'article L. 341-5 du même code, et fait l'objet d'une publication au journal officiel, aux termes de l'articles R. 341-6 dudit code, qui n'exige pas une notification individuelle ; que la notification individuelle au propriétaire n'est obligatoire, aux termes de l'article R. 341-7 de ce code, que lorsque le classement comporte des prescriptions particulières tendant à modifier l'état ou l'utilisation des lieux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il résulte des moyens allégués par le ministère public et la partie civile, que ce moyen soulevé par la défense de la prévenue est à la fois irrecevable comme n'ayant pas été soulevé en première instance, et non fondé, pour les raisons alléguées par la partie civile, il sera en conséquence rejeté ; que la prévenue allègue ensuite que les articles R. 111-38 et R. 111-42 du code de l'urbanisme font référence, pour les prohiber, au camping pratiqué isolément et à la création de terrains de camping, alors que, dans son cas, un arrêté préfectoral du 6 août 1980 aurait créé une "zone collective à camper" en édictant que "par dérogation à l'interdiction du camping en site inscrit, la pratique du camping sur parcelles individuelles peut être admise à l'intérieur des zones de la commune de Loix-en-Ré délimitées au plan ci-annexe", zone concernant la parcelle du prévenu ; qu'elle soutient qu'elle n'entre, dès lors, dans aucun des cas de figure prévus par les articles susvisés ; que ce faisant, la prévenue ne fait que jouer sur les mots, l'arrêté en question faisant expressément référence au camping sur "parcelles individuelles", ce qui exclut toute notion de collectivité ; que la cour constate que l'arrêté préfectoral du 6 août 1980 n'a été pris que pour déroger à l'arrêté ministériel du 23 octobre 1979 portant inscription de la totalité du territoire de l'île de Ré sur l'inventaire des sites pittoresques ; que les décrets du 24 juin 1987 puis du 22 mars 2000 portant classement des terrains de l'île parmi les sites du département de la Charente-Maritime ont abrogé l'arrêté du 23 octobre 1979, support de l'arrêté préfectoral dérogatoire revendiqué par le prévenu ; que surtout, l'article R. 443-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret du 29 mars 1984 a interdit le camping et le stationnement des caravanes pratiqués isolément dans les sites classés ou inscrits, en ne prévoyant que la possibilité de dérogation ministérielle ; que cette nouvelle réglementation a implicitement mais nécessairement abrogé l'arrêté préfectoral du 6 août 1980 mis en avant par la défense de la prévenue au soutien de divers moyens tendant à sa relaxe ; que le moyen sera dès lors déclaré inopérant ; que la prévenue allègue encore qu'elle disposerait de droits acquis aux travaux effectués sur son terrain, et à la pratique du camping qu'ils concernent, que l'arrêté préfectoral soit un acte individuel ou réglementaire ; que l'arrêté préfectoral du 6 août 1980 se contenterait de déterminer des zones à l'intérieur desquelles le camping pouvait être autorisé sur parcelles individuelles mais de façon générale et impersonnelle ; qu'il était donc un acte réglementaire insusceptible de générer des droits acquis ou intangibles ; que de plus, cet arrêté a, pour les raisons et dans les conditions rappelées plus haut, été implicitement abrogé au plus tard en 1984 ; que contrairement à ce qui est soutenu par la défense, les travaux d'aménagement du terrain en cause ne sont pas remis en question par l'abrogation de l'arrêté préfectoral dérogatoire qui les a initiés ; que ce n'est que la pratique du camping et le stationnement de caravanes qui sont désormais prohibés sur les terrains ainsi aménagés ; qu'il convient également de rappeler que les pouvoirs de police du maire lui permettaient, le cas échéant, de contrevenir aux dispositions de l'arrêté préfectoral en la matière ; que la prévenue allègue également l'absence d'intention délictueuse, en se fondant sur l'arrêté préfectoral du 6 août 1980, et sur un courrier du ministre de l'équipement du 15 mars 2004 ; qu'il ressort néanmoins de son audition lors de l'enquête que la prévenue était parfaitement au courant des interdictions frappant son terrain et a agi en connaissance de cause, parce qu'elle contestait ces restrictions à son droit de propriété ; que la prévenue allègue enfin l'erreur de droit ; que c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a écarté ce moyen, l'arrêté municipal du 23 mars 2010, dûment affiché, et dont la validité a été affirmée par le tribunal administratif de Poitiers en date du 26 janvier 2012, consacrant clairement la prohibition du camping» ;

"et aux motifs adoptés des premiers juges que «pour retenir l'erreur de droit, Mme X... se fonde notamment sur l'arrêté préfectoral en date du 6 août 1980 dérogeant à l'interdiction du camping en site inscrit, et énonçant que "la pratique du camping sur parcelles individuelles peut être admise à l'intérieur des zones de la commune de Loix-en-Ré", ainsi que sur une réponse du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, au député de la Charente-Maritime, en date du 15 mars 2004, indiquant que les terrains de camping dans des zones situées en bordure de littoral dans la commune de Loix-en-Ré "peuvent continuer à fonctionner" ; que cependant l'arrêté du maire de la commune en date du 23 mars 2010, soit postérieurement aux actes administratifs ou informations fournies par l'administration, consacre pleinement et sans ambiguïté le principe d'interdiction de la pratique du camping et de l'installation d'autocaravanes ; que conformément à l'article 3 dudit arrêté, des panneaux de signalisation ont été apposés au sein de la commune, ce que confirme Mme X... ; qu'au surplus, la prévenue, qui aurait été prise d'un doute, n'a pas interrogé les autorités compétentes pour connaître exactement l'état du droit, et ne peut donc se prévaloir de la mauvaise réponse de ladite autorité » ;

"1) alors que la loi pénale est d'interprétation stricte et ne peut être appliquée par induction ou analogie; que selon l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 6 août 1980 «par dérogation à l'interdiction du camping en site inscrit, la pratique du camping sur parcelles individuelles peut être admise à l'intérieur des zones de la commune de Loix-en-Ré délimitées au plan ci-annexé dans les conditions prévues par le décret n° 68-134 du 9 février 1968 relatif au camping »; que la pratique du camping avait ainsi été autorisée à l'intérieur de zones, par dérogation à l'interdiction du camping en site inscrit; qu'en affirmant néanmoins que l'arrêté susvisé faisait expressément référence au camping sur parcelles individuelles, ce qui exclurait toute notion de collectivité, la cour d'appel a statué par induction, sans rechercher précisément ce à quoi correspondaient les « zones » auxquelles il était fait référence dans l'arrêté préfectoral, et a violé les textes susvisés ;

2) alors que Mme X... soutenait en cause d'appel que dans le cadre d'une opération de remembrement regroupement, la commune de Loix-en-Ré avait décidé de créer une zone destinée à recevoir l'activité de camping sur les parcelles privées, ce qui avait conduit le maire a prendre un arrêté relatif à la pratique du camping dans cette zone nouvellement créée ; qu'en affirmant que l'arrêté du 6 août 1980 faisait expressément référence au camping sur parcelles individuelles, ce qui exclurait toute notion de collectivité, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3) alors que les arrêtés ou règlements légalement pris par l'autorité compétente revêtent un caractère de permanence qui les fait survivre aux lois dont ils procèdent, tant qu'ils n'ont pas été rapportés ou qu'ils ne sont pas devenus inconciliables avec les règles fixées par une législation postérieure ; qu'en se bornant à affirmer que l'article R. 443-9 du code de l'urbanisme avait implicitement, mais nécessairement, abrogé l'arrêté préfectoral du 6 août 1980, sans constater que cet arrêté était devenu inconciliable avec la nouvelle réglementation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"4) alors qu'en tout état de cause, l'autorisation de création d'un terrain de camping est un acte individuel créateur de droits au profit de son bénéficiaire, droits qui ne peuvent être remis en cause par une réglementation nouvelle; qu'en décidant néanmoins que l'arrêté préfectoral du 6 août 1980 était un acte réglementaire insusceptible de générer des droits acquis au profit de ses bénéficiaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"5) alors que le juge répressif est tenu de caractériser l'infraction dans ses éléments matériel et intentionnel ; qu'en affirmant que le prévenu serait parfaitement au courant des interdictions frappant son terrain et qu'il aurait agi en connaissance de cause parce qu'il contestait ces restrictions à son droit de propriété, quand il ressort des constatations de l'arrêt que la prévenue s'était prévalue de l'existence de droits acquis, issus de l'arrêté préfectoral du 6 août 1980 autorisant la création d'un terrain de camping, de sorte que l'élément intentionnel de l'infraction faisait défaut, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés;

"6) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; que l'erreur de droit est admise lorsqu'elle résulte d'une information erronée ou contradictoire fournie par l'administration ; que Mme X... se prévalait d'une lettre du ministre de l'équipement du 15 mars 2004 qui avait considéré que les terrains de camping créés dans des zones situées en bordure du littoral sur la commune de Loix-en-Ré pouvaient continuer fonctionner ; qu'en décidant néanmoins que Mme X... ne pouvait se prévaloir d'aucune erreur droit, dès lors que l'arrêté municipal du 23 mars 2010 prévoyant l'interdiction du camping avait été dûment affiché et que sa validité avait été affirmée par jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 janvier 2012, quand précisément en présence d'informations contradictoires de l'administration, l'exposante avait cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir installer un camping sur son terrain, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 111-5, 121-3, 122-3 du code pénal, L. 123-1, L. 123-2, L. 123-3, L. 123-4, L. 160-1, L. 480-4, R. 111-37, R. 111-38, R. 111-42 du code de l'urbanisme, L. 341-1, L. 341-2, L. 562-1, L. 562-5, L. 562-6 du code de l'environnement et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X... coupable de construction ou aménagement de terrain dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels, l'a condamnée à une amende de 800 euros avec sursis et à payer à la commune de Loix-en-Ré, partie civile la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que la poursuite est fondée sur le fait que le terrain du prévenu est situé en zone rouge R 1 du plan de prévention des risques naturels approuvé par arrêté préfectoral du 19 juillet 2002, cette zone correspondant soit à une zone soumise au risque de rupture de digue ou de cordon dunaire mince, soit à une zone d'érosion atteinte par le recul du trait de côte à cent ans ; que l'article 2 du Plan de Prévention des Risques Naturels prohibe, dans cette zone, toute occupation ou utilisation du sol non visée à l'article 1 du chapitre 3.2 ; que cet article n'autorise pas l'installation de caravanes ou la pratique du camping ; que la prévenue, pour contester sa culpabilité pour cette infraction, soutient en premier lieu, qu'elle aurait des droits acquis nés de l'arrêté préfectoral dérogatoire du 6 août 1980, et des travaux réalisés par la suite ; que l'argumentation de la prévenue est exactement la même que celle développée ci-dessus pour contester la première infraction ; qu'elle sera écartée par les mêmes motifs ; que la prévenue soutient également que le plan de prévention des risques naturels en cause ne prohiberait pas la pratique du camping en zone R1 et R2 et sollicite en conséquence sa relaxe ; que l'article 2 du chapitre 3.1 du règlement dispose qu'est "interdite toute occupation ou utilisation du sol non visée à l'article 1 du chapitre 3.1" ; que cet article premier prévoit une liste des occupations ou utilisations du sol autorisées, parmi lesquelles figurent les "installations légères démontables", catégorie dans laquelle ne peuvent être comprises les caravanes compte tenu de leur volume, de leur poids, et du fait que si elles sont transportables, elles ne sont pas démontables en l'espèce ; que la prévenue soutient enfin qu'elle était dépourvue d'intention délictueuse, et qu'elle aurait commis une erreur de droit ; que sa démonstration étant la même que celle développée pour contester l'infraction précédente, elle sera écartée par les mêmes motifs » ;

"alors que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen, en ce que l'arrêt a déclaré Mme X... coupable de camping ou installation de caravane dans un site classé ou inscrit, dans un secteur sauvegardé ou dans une zone de protection, entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt, en ce qu'il a déclaré la prévenue coupable de construction ou aménagement de terrain dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels, et ce en application des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que la demanderesse, propriétaire d'un terrain sis à Loix, sur l'île de Ré, poursuivie devant le tribunal correctionnel du chef, notamment, d'installation de caravane dans un site classé ou inscrit au sens des articles L. 341-1 et suivants du code de l'environnement, a sollicité sa relaxe en se prévalant d'un arrêté du préfet de la Charente-Maritime en date du 6 août 1980 ayant autorisé le camping sur parcelles individuelles ;

Attendu que, pour la déclarer coupable de ce chef, l'arrêt confirmatif attaqué retient que la totalité du territoire de l'île de Ré a été inscrite sur l'inventaire des sites pittoresques de la Charente-Maritime par un arrêté ministériel du 23 octobre 1979 ; que le terrain en cause est en outre soumis à une servitude de protection des sites et monuments naturels au titre de deux décrets du 24 juin 1987 et du 22 mars 2000 ; que l'arrêté préfectoral du 6 août 1980 n'a été pris que pour déroger à l'arrêté ministériel du 23 octobre 1979 ;

Attendu que par ces motifs, d'où il ressort que la prévenue ne bénéficiait pas de la dérogation ministérielle prévue à l'article R. 111-42 du code de l'environnement, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le premier moyen qui, en ses cinquième et sixième branches, ne fait que reprendre une argumentation que les juges ont écartée à bon droit, ne saurait être admis ;

Que le second moyen doit être écarté par voie de conséquence ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;