Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 1 mars 2000

N° de pourvoi: 98-86464
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Luc,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 10 septembre 1998, qui, pour exploitations sans autorisation d'installations dangereuses pour l'environnement et importation sans autorisation de marchandises prohibées, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et 100 000 francs d'amende, ordonné la remise en état des lieux, et a fait droit à la demande de l'administration des Douanes ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du nouveau Code pénal, 1, 2, 3 et 19 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Luc X... coupable d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement ;

"aux motifs expressément adoptés des premiers juges qu'en février 1994, Luc X... a fait établir une déclaration de stockage de plastiques auprès de la sous-préfecture de Verdun afin de pouvoir stocker jusqu'à 1000 m3 de matières plastiques sur l'ancien carreau de la mine de Joudreville ; qu'il résulte des constatations faites selon un procès-verbal en date du 28 février 1994 que sur ce site de Joudreville ont été trouvés des ballots de plastiques compactés représentant un volume estimé à 3000 m3, soit environ 800 tonnes ; que les dépôts opérés par le prévenu d'un volume supérieur à 1000 m3 sont visés dans la nomenclature des installations classées sous les rubriques n° 286 et 2662-1 ; que, selon procès-verbal en date du 18 mars 1994, il a été constaté que la société Plastilor entrepose sur le site de l'ancien carreau de la mine à Crusnes des balles de plastiques provenant en partie du tri sélectif des ordures ménagères et en partie de sacs plastiques de l'industrie, d'un volume supérieur à 150 m3 ; que, selon récépissé en date du 1er février 1994, la société Plastilor avait été autorisée à exploiter une installation comportant, notamment, le dépôt et le triage de manières plastiques usagées pour un volume de 150 m3 maximum ; qu'il n'est pas contesté que l'exploitation du site de Crusnes n'est pas faite en conformité avec les conditions posées dans l'autorisation donnée par la préfecture de Meurthe-et-Moselle, un volume de déchets de 300 à 400 m3 étant relevé sur place ; qu'il résulte de ces éléments que Luc X... a exploité, sans autorisation, une

installation présentant de graves dangers pour la commodité du voisinage, la salubrité publique, la protection de l'environnement et de la nature, à Crusnes, où les conditions posées pour l'exploitation autorisée n'ont pas été respectées, et à Joudreville, où aucune autorisation n'a été obtenue ;

"alors qu'aux termes de l'article 121-3 du nouveau Code pénal, une infraction délictuelle n'étant constituée qu'à condition que soit établie la volonté de son auteur de la commettre, les juges du fond, qui ont ainsi retenu la culpabilité de Luc X... à raison du dépassement constaté des quantités de matières plastiques stockées sur le site de Joudreville et sur celui de Crusnes, étant précisé en ce qui concerne le premier qu'aux termes de la rubrique 2662-1 de la nomenclature des installations classées, lorsque le volume stocké de matières plastiques est inférieur à 1000 m3, une simple déclaration est nécessaire et non une autorisation, sans aucunement constater que ces dépassements aient été intentionnels, autrement dit que Luc X... en ait eu conscience, n'ont pas légalement justifié leur décision" ;

Attendu que, pour déclarer Luc X... coupable d'exploitations sans autorisation d'installations dangereuses pour l'environnement, la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges, relève que des ballots de plastique compactés contenant notamment des seringues, des poches de transfusion et des poches pour injections intraveineuses, d'un volume total de 3000 m3, ont été trouvés sur un site appartenant à une société dirigée par lui ; que cette même société a entreposé, sur un autre de ses sites, des balles de plastique provenant en partie du tri sélectif des ordures ménagères et en partie de sacs en plastique de l'industrie, d'un volume de 300 à 400 m3 ; que les juges ajoutent que le prévenu a lui-même reconnu que le premier de ces dépôts, effectué sans autorisation, avait duré au moins deux ans, et qu'il ne disposait, pour le second dépôt, que d'une autorisation valable pour un volume de 150 m3 ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que si, selon l'article 121-3 du Code pénal, applicable à partir du 1er mars 1994, il n'y a ni crime ni délit, sans intention de le commettre, l'article 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992 dispose que tous les délits non intentionnels réprimés par les textes antérieurs à son entrée en vigueur demeurent constitués, notamment en cas d'imprudence ou de négligence, même lorsque la loi ne le prévoit pas expressément ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du nouveau Code pénal, 38, alinéa 4, 392 et 414 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué, après avoir déclaré Luc X... non coupable de l'infraction découlant des articles 23-1 et 24-9 de la loi du 15 juillet 1975, a retenu sa culpabilité en sa qualité de détenteur de marchandises visées à l'article 38, alinéa 4 du Code des douanes importées sans autorisation ;

"aux motifs intégralement adoptés des premiers juges que Luc X... est également poursuivi pour avoir contrevenu aux dispositions de la loi du 15 juillet 1975 et du décret du 23 mars 1990 en important sans autorisation des déchets de soins médicaux issus d'hôpitaux et autres établissements de soins ou autres déchets de laboratoires ; que si, au vu des éléments précités et notamment du rapport d'expertise déposé le 13 mai 1994, il ne peut être contesté que les déchets trouvés sur le site de Joudreville sont bien à classer parmi les déchets ménagers et les déchets de soins médicaux, il doit être relevé que les infractions pénales doivent comporter un élément intentionnel ; qu'en l'espèce, les déchets importés, contenus dans des balles compressées au départ, étaient dissimulés au centre des ballots ; qu'un premier sondage effectué début février 1994 n'avait pas permis d'ailleurs de trouver des déchets illicites d'une telle nature parmi le stock de Joudreville ; qu'il est établi que les balles n'ont pas été ouvertes ni exploitées par la société Plastilor ; qu'il ne peut, dès lors, être relevé aucun élément permettant d'établir que le prévenu avait connaissance de la présence des déchets litigieux dans les balles compressées et qu'il les a importés en toute connaissance de cause ; qu'en revanche, Luc X..., détenteur des produits importés sans autorisation au sens de l'article 392 du Code des douanes, sera déclaré coupable du délit douanier d'importation sans autorisation de marchandises visées à l'article 38, alinéa 4, du Code des douanes comme relevant des dispositions de la loi du 15 juillet 1975 et soumises comme telles à autorisation pour importation ;

"alors que les juges du fond, qui ont ainsi relaxé Luc X... du chef d'infraction aux dispositions de l'article 24-9 de la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux incriminant l'importation sans déclaration de déchets de soins médicaux en constatant qu'il n'était pas établi qu'il ait eu connaissance de la présence de tels déchets au sein des balles compressées et donc qu'il les ait importés en connaissance de cause, le déclarent par ailleurs coupable en sa qualité de détenteur du délit douanier d'importation sans autorisation de marchandises visées à l'article 38, alinéa 4, du Code des douanes parmi lesquelles figurent expressément les déchets relevant de la loi susvisée du 15 juillet 1975, ont, en l'état de ces deux chefs de décision totalement contradictoires, privé leur déclaration de culpabilité de toute base légale au regard du principe consacré par l'article 121-3 du nouveau Code pénal selon lequel il ne saurait y avoir de crime ou de délit sans intention de le commettre et qui a vocation à s'appliquer à toutes les infractions, quelle qu'en soit la nature" ;

Attendu que la cour d'appel a pu, sans se contredire, relaxer Luc X... pour l'infraction d'importation sans autorisation de déchets de soins médicaux en relevant qu'il n'était pas établi qu'il connaissait le contenu des balles de plastiques qu'il avait importées d'Allemagne, tout en le déclarant coupable, en sa seule qualité de détenteur, au sens de l'article 392 du Code des douanes, d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Dr. env. 2000, n° 79, p. 6
RSC 2000, p. 837