Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 18 février 2003

N° de pourvoi: 02-81883
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Antoine,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 13 février 2002, qui, pour infractions au Code de l'environnement, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, à deux amendes de 4 500 euros et de 1 350 euros, a ordonné la remise en état des lieux ainsi que la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 111-5 du Code pénal et des articles 386 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré l'exception d'illégalité des arrêtés préfectoraux des 15 mars et 23 juillet 1996 soulevée par Antoine X... irrecevable ;

"aux motifs qu' "en application des dispositions de l'article 386 du Code de procédure pénale, est irrecevable devant la cour d'appel le moyen, non soulevé devant les premiers juges, pris de l'illégalité des arrêtés préfectoraux des 15 mars 1996 et 23 juillet 1996 en ce qu'ils auraient été signés par le secrétaire général de la préfecture" ;

"alors que l'exception d'illégalité d'un acte administratif complétant le texte d'incrimination est un moyen de fond qui touche à l'existence de l'élément légal de l'infraction ; qu'elle ne constitue pas une exception préjudicielle puisque l'appréciation de la légalité de cet acte relève de la compétence du juge pénal ; qu'elle peut donc être soulevée en tout état de la procédure ; qu'en refusant d'examiner la légalité des arrêtés préfectoraux des 15 mars 1996 et 23 juillet 1996 pour la violation desquels Antoine X... était poursuivi au motif que le moyen contestant cette légalité n'avait pas été soulevé en première instance, la Cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, prévenu de ne pas s'être conformé à deux arrêtés préfectoraux pris en application de la législation relative aux installations classées, Antoine X... a déposé devant la cour d'appel des conclusions dans lesquelles il invoquait notamment l'illégalité de ces arrêtés, au motif que leur signataire ne justifiait pas d'une délégation régulière ;

Attendu que, pour écarter cette exception, l'arrêt attaqué retient qu'elle n'a pas été présentée devant les premiers juges ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 386 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 8, 24 et 26 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 devenus les articles L. 541-44 et L. 541-46 du Code de l'environnement, du décret 77-974 du 19 août 1977 et des articles 28, 388, 427, 429 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Antoine X... coupable du délit réprimé par la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et de la récupération des matériaux et de son décret d'application n° 77-974 du 19 août 1977 ;

"aux motifs qu' "en application des dispositions de l'article 427 du Code de procédure pénale, la prévision législative d'un mode de preuve n'interdit pas, sauf disposition expresse contraire, le recours à tout autre mode de preuve du droit commun pour rapporter la preuve de la commission d'une infraction pénale ;

qu'en l'espèce, les prescriptions de l'article 26 de la loi du 15 juillet 1975 susvisées devenu article L. 541-44 du Code de l'environnement n'imposant pas expressément la constatation par procès-verbal comme unique moyen de preuve des infractions pénales, le procureur de la République pouvait, comme il l'a fait, rapporter par tout autre moyen devant le tribunal compétent, dont le rapport d'un expert, quel qu'il soit, la preuve de la commission d'une infraction pénale aux dispositions de ladite loi ; qu'en effet, en donnant compétence à certains fonctionnaires pour constater des infractions à ses dispositions, ladite loi n'a pas eu pour objet d'exclure le recours à tout autre mode de preuve du droit commun ; qu'ainsi, la poursuite étant parfaitement fondée, il convient, confirmant la décision des premiers juges, de rejeter le moyen" ;

"1 ) alors que seuls sont qualifiés pour procéder à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions de la loi relative à l'élimination des déchets et la récupération des matériaux, les personnes visées par ses dispositions ; qu'Antoine X... faisait valoir que les poursuites avaient été engagées sur le fondement d'un rapport déposé par M. Y..., expert judiciaire ; qu'il apparaît ainsi que l'auteur de ce rapport n'était pas qualifié pour constater les infractions poursuivies et que ce rapport rédigé par une personne non qualifiée doit être considéré comme inexistant en sorte que les poursuites engagées sur la foi de ce rapport étaient entachées de nullité ; qu'irrégulièrement saisie, la cour d'appel ne pouvait statuer sur les infractions poursuivies sans violer les textes susvisés ;

"2 ) alors que tout procès-verbal ou rapport n'a de valeur probante que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement;

qu'Antoine X... faisait valoir que le rapport de M. Y... n'était pas régulier en la forme comme n'émanant pas d'une autorité compétente et que n'étant pas expert en pollution, il s'est adjoint un sapiteur, en sorte qu'il n'a pas rapporté ce qu'il a vu ou constaté personnellement ; qu'en se fondant, pour entrer en voie de condamnation, sur un rapport dépourvu de valeur probante, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'également prévenu d'abandon de déchets nuisibles pour l'environnement, Antoine X... a soutenu que les poursuites de ce chef étaient nulles, étant fondées sur les conclusions du rapport d'un expert et non sur les constations d'un officier ou agent de police judiciaire ou d'un agent public spécialement désigné par la loi ;

Attendu que, pour écarter ce moyen, l'arrêt attaqué énonce que l'article 26 de la loi du 15 juillet 1975, devenu L. 541-44 du Code de l'environnement, qui détermine les personnes compétentes pour établir des procès-verbaux en la matière, n'apporte pas de dérogation aux dispositions de l'article 427 du Code de procédure pénale selon lesquelles les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 2, 8, 24 et 26 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, devenus les articles L. 541-44 et L. 541-46 du Code de l'environnement, du décret n° 77-974 du 19 août 1977 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Antoine X... coupable du délit réprimé par la loi n 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et de la récupération des matériaux et de son décret d'application n° 77-974 du 19 août 1977 ;

"aux motifs que s'agissant du délit de dépôt ou d'abandon des déchets appartenant aux catégories visées à l'article 8 de la loi du 15 juillet 1975, il y a lieu de considérer que la poursuite n'est valide à l'encontre d'Antoine X... que pour les faits postérieurs au 16 juillet 1992, date d'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1992 modifiant les articles 8 et 24 de la loi du 15 juillet 1975 qui en sont le fondement ; qu'il résulte du dossier de la procédure, que les analyses opérées par l'APAVE sur treize échantillons de sol prélevés le 24 juin 1994 dans les conditions susdécrites ont fait apparaître des teneurs en métaux tels que plomb, zinc, aluminium et cuivre ainsi qu'en hydrocarbures trop élevées, démontrant l'existence d'une grave pollution du site ; que l'étude effectuée par "SURF'ALP" en exécution de l'arrêté préfectoral du 18 novembre 1994 a révélé, dans le sol et les remblais répartis sur l'emprise des terrains jouxtant le bâtiment principal mais également le long de la route en direction de Chapareillan, la présence de cuivre, de plomb, de zinc et d'aluminium irrégulièrement répartis sur le site, ainsi que d'hydrocarbures totaux, en périphérie des différents bâtiments et en particulier du bâtiment principal et de PCB ; que pareillement les analyses effectuées à la demande des consorts Z... ont abouti aux mêmes conclusions ; qu'ainsi l'étude de "Savoie LABO" a précisé que, dans les prélèvements entrepris aux dates susmentionnées, tant sur le site en cause que sur la propriété Falcoz, étaient apparus des forts taux de cadmium et de plomb ainsi que de fortes concentrations d'hydrocarbures polyaromatiques ; qu'enfin l'expertise judiciaire effectuée par M. Y... a démontré, confirmant la grave pollution du site, que les polluants inventoriés sur le site appartenaient à trois familles, les PCB et leurs composés de dégradation thermique, les métaux lourds, plomb principalement, zinc, cadmium, cuivre ; que ces produits constituent des déchets ;

qu'il résulte suffisamment des constatations susénoncées qu'Antoine X... a, après la cessation de son activité soumise à autorisation, laissé ces déchets sur le site en cause ; qu'un tel acte constitue un abandon dans des conditions contraires aux dispositions législatives au sens de l'article 24 de la loi du 15 juin 1975 susvisée ; qu'en dépit des conclusions d'Antoine X..., n'est pas nécessaire la quantification des déchets propres aux années, objet de la prévention, juridiquement indifférente à la constitution du délit poursuivi, dès lors qu'il est pertinemment établi à son encontre qu'il a abandonné les déchets susvisés après une exploitation qui, en dépit de ses affirmations, n'apparaît pas régulière ;

"1 ) alors que ainsi que le soutenait Antoine X..., il n'était pas établi que le délit d'abandon de déchets lui soit personnellement imputable, dès lors, qu'antérieurement à son exploitation, d'autres activités potentiellement polluantes et notamment productives de PCB s'étaient déroulées dans les lieux et que postérieurement à son exploitation le site avait été l'objet d'occupation sauvage ayant entraîné le dépôt de déchets polluants ;

qu'en se bornant à dire qu'il résultait des constatations effectuées qu'Antoine X... avait laissé des déchets polluants sur le site sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors que la cour d'appel constate que la poursuite du chef d'abandon de déchets polluants n'est valide à l'encontre d'Antoine X... que pour les faits postérieurs au 16 juillet 1992, date d'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1992 ; qu'en estimant cependant que la quantification des déchets propres aux années, objet de la prévention n'est pas nécessaire et en condamnant l'exposant à débarrasser les lieux de l'ensemble des déchets abandonnés, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer Antoine X... coupable de dépôt ou abandon de déchets nuisibles à l'environnement, l'arrêt retient qu'il a exploité jusqu'en 1994 une activité industrielle qui a entraîné la pollution du local, du terrain, ainsi que des parcelles voisines, spécialement par des déchets de métaux non ferreux ; que les propriétaires du local, puis l'administration des installations classées, lui ont vainement demandé de remettre en état les lieux en enlevant ces déchets ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations souveraines, le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Décision attaquée : cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle du 13 février 2002