Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 13 novembre 2002

N° de pourvoi: 01-86677
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :-X... René,-Y... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, en date du 14 juin 2001, qui, pour infraction à la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et au décret du 21 septembre 1977 modifié, les a condamnés chacun à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, à 150 000 et à 2 000 francs d'amende ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Dercam Technologie a exploité, de juin 1995 à avril 1997, date de sa mise en liquidation judiciaire, un fond d'activité de traitement chimique des métaux, installation classée pour la protection de l'environnement, autorisée par un arrêté préfectoral en date du 1er juillet 1992 ; que, le 3 juin 1999, les gendarmes ont découvert, à l'abandon, sur le site de cette installation, de nombreux produits chimiques dans des bidons, des sacs de soude caustique éventrés et des cuves contenant des produits indéterminés ;

Attendu que René X... et Jacques Y..., anciens président du conseil d'administration et directeur général de la société, ont été condamnés par l'arrêt attaqué pour abandon de déchets, fait prévu et réprimé par l'article L. 541-46 du Code de l'environnement, et pour contravention aux prescriptions de l'arrêté préfectoral relatives aux conditions de stockage et d'élimination destinées à prévenir les risques de pollution ;

Sur ce ; (...)

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour René X..., pris de la violation des articles 8, 24-3 bis de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée, 3 du décret n° 77-974 du 19 août 1977, 43 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié, 485, 489, alinéa 1er, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables les appels du ministère public et, confirmant "le jugement", a déclaré René X... coupable des faits qui lui étaient reprochés et a statué sur l'action publique ;

"aux motifs que c'est par de justes motifs adoptés par la Cour que le premier juge a retenu les deux prévenus dans les liens de la prévention ; qu'en effet, René X... est, en sa qualité de président directeur général de la société Dercam Technologie, pénalement responsable ; que le premier juge a, à juste titre, considéré que la matérialité des faits reprochés était établie ; que le jugement sera confirmé sur ce point ; que c'est donc à bon droit que le premier juge les a, l'un et l'autre, retenus dans les liens de la prévention en leur faisant de plus une exacte application de la loi pénale ;

"alors, d'une part, que si l'article 489, alinéa 1er, du Code de procédure pénale n'interdit pas à la juridiction appelée à statuer sur l'opposition formée du prévenu comparant, de s'approprier explicitement pour justifier sa décision de condamnation, les motifs de sa précédente décision, une telle possibilité n'est pas ouverte à la Cour lorsqu'elle statue en appel d'un jugement rendu sur opposition du prévenu comparant ; qu'en l'espèce, la Cour saisie de l'appel formé par le prévenu à l'encontre du jugement rendu le 14 décembre 1999, statuant sur l'opposition à jugement du 22 juin précédent, ne pouvait s'approprier les motifs de cette dernière décision et la faire revivre à l'égard de René X... ;

qu'en condamnant René X... par adoption des motifs du jugement rendu le 22 juin 1999, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, qu'à supposer que l'article 489, alinéa 1er, ait pu autoriser la Cour à faire revivre à l'égard de René X... le jugement rendu par défaut du 22 juin 1999, malgré le jugement du 14 décembre suivant statuant sur opposition du prévenu comparant, encore fallait-il qu'à tout le moins, en s'appropriant les motifs de ce jugement, elle justifie sa décision ;

que faute de l'avoir fait, elle n'a pas donné de base légale à cette décision" ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour René X..., pris de la violation des articles 8, 24-3 bis de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée, 3 du décret n° 77-974 du 19 août 1977, 43 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié, 485, 489, alinéa 1er, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré René X... coupable d'abandon de déchets provenant de traitements chimiques de métaux et de non respect des conditions de stockage et d'élimination destinés à prévenir les risques de pollution et, en répression, l'a condamné à une peine de six mois de prison avec sursis, à une amende de 150 000 francs pour le délit et d'une amende de 2 000 francs pour la contravention ;

"aux motifs qu'il résulte de la déclaration de Guy Z..., ingénieur chimiste, ayant travaillé pour le compte de la société Dercam Service puis, en application de l'article L. 212 du Code du travail, pour le compte de l'entreprise repreneuse que, d'une part, certaines charges d'effluent étaient acheminées sur le site de Donzere pour leur retraitement et que, d'autre part, il avait constaté courant février 1997, pendant les grèves, que trois semi-

-remorques s'étaient présentés en provenance d'autres sites de l'entreprise, à l'usine de Donzere pour le stockage ou le retraitement des déchets, le volume de ces trois camions représentant environ 100 tonnes de déchets ; il précisait que des acheminements étaient déposés pour partie dans la citerne routière de 20m3 et pour le reste, dans les cubes de la station de retraitement des effluents ; qu'il s'avérait d'ailleurs que le contenu de la citerne routière (11 m3 environ) a été reconditionné par l'entreprise Serpol, sur instruction du liquidateur, en conteneur de 1 000 litres ; qu'il y a lieu d'observer que le volume des trois camions (100 T) est voisin de celui dont le défaut de retraitement est à l'origine de la poursuite ; qu'il apparaît donc que la situation constatée depuis juin 1997 ne peut être mise sur le seul compte de l'exploitation par la société Dercam Service, ce qui d'ailleurs ne serait en aucun cas une cause d'exonération ;

"alors que les juges sont tenus de répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; que dans ses conclusions, René X... avait fait valoir qu'il ne pouvait être poursuivi du chef d'abandon de déchets, dès lors que les produits en cause ne pouvaient recevoir une telle qualification comme étant des produits nécessaires a la poursuite de l'activité de la société Dercam Technologie ; qu'en délaissant ce chef péremptoire des conclusions du prévenu, la Cour n'a pas donné de base légale a sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour Jacques Y..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, articles 1er, 8 et 24-3 bis de la loi n 75-633 du 15 juillet 1975 et 3 du décret n 77-974 du 19 août 1977,111-3,121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a condamné Jacques Y... pour avoir abandonné, déposé ou fait déposer illicitement des déchets provenant de traitement chimique de métaux et en particulier d'activités d'ateliers de traitement de surface et pour avoir contrevenu à l'arrêté préfectoral 2056 du 1er juillet 1992 l'autorisant à exploiter sans respecter les conditions de stockage et d'élimination destinés à prévenir les risques de pollution, prévues par l'article 3 point 1-4, point 4-2-1, point 5-1, point 5-2, point 5-5 et point 5-6 de l'arrêté ;

"aux motifs que le propre de la cession d'entreprise dans le cadre d'une procédure collective est le transfert d'une entité économique en situation défavorable de sorte que le repreneur ne peut s'y engager sans méconnaître l'exacte situation technique, sociale et économique qu'il a la prétention de redresser ; qu'il ne peut donc s'exonérer de ce qu'il transmet, lègue ou délaisse dans un état semblable ou aggravé ; qu'en l'espèce, les explications données par les prévenus sur l'état du site lors de leur prise de possession en juin 1995 apparaissent comme de pures affirmations non étayées par aucune preuve, ne serait-ce qu'un constat même non contradictoire ; qu'il n'est donc nullement démontré que l'état de pollution du site était à la prise de possession des lieux par la société repreneuse, Dercam Technologie, identique à celui décrit notamment par le procès-verbal de la Drire du 31 juillet 1997 ; que bien plus, il résulte de la déclaration de Guy Z..., ingénieur chimiste ayant travaillé pour le compte de la société Dercam Service puis, en application de l'article L. 212 du Code du travail, pour le compte de l'entreprise repreneuse, que, d'une part, certaines charges d'effluent étaient acheminées sur le site de Donzère pour leur retraitement et que, d'autre part, il avait constaté courant février 1997, pendant les grèves, que trois semi-remorques s'étaient présentés en provenance d'autres sites de l'entreprise, à l'usine de Donzère pour le stockage ou de retraitement des déchets, le volume de ces trois camions représentant environ 100 tonnes de déchets ;

qu'il précisait que des acheminements étaient déposés pour partie dans la citerne routière de 20 m3 et pour le reste, dans les cubes de la station de retraitement des effluents ; qu'il s'avérait d'ailleurs que le contenu de la citerne routière (11 m3 environ) a été reconditionné par l'entreprise Serpol, sur instruction du liquidateur, en conteneur de 1 000 litres ; qu'il y a lieu d'observer que le volume des trois camions (100 tonnes) est voisin de celui dont le défaut de retraitement est à l'origine de la poursuite ; qu'il apparaît donc que la situation constatée depuis juin 1997 ne peut être mise sur le seul compte de l'exploitation par la société Dercam Service, ce qui d'ailleurs ne serait en aucun cas une cause d'exonération ; que l'administration de la société Dercam Technologie ne peut pas être exonérée par le seul fait de l'existence d'une procédure collective qui n'est que la conséquence légale de la situation économique née sous l'empire des organes représentatifs de la société Decma Technologie ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la matérialité des faits reprochés était établie ;

"1 ) alors que le déchet au sens de l'article 1er de la loi du 15 juillet 1975 s'entend de tout résidu d'un processus de production, de transformation ou d'utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l'abandon ; que pour retenir Jacques Y... dans les liens de la prévention d'abandon ou dépôt illicite de déchets provenant de traitement chimique de métaux, la cour d'appel a procédé par pure affirmation, sans relever la nature de déchet des produits retrouvés sur le site occupé par la société Dercam Technologie ;

"2 ) alors qu'afin d'entrer en voie de condamnation à l'égard de Jacques Y..., directeur général de la nouvelle société Dercam Technologie, la cour d'appel a retenu que des produits litigieux, d'un volume analogue à celui des produits retrouvé sur les lieux lors de liquidation judiciaire de la nouvelle société Dercam Technologie, lui avaient été livrés la veille de sa mise en redressement judiciaire ; que les juges d'appel ne pouvaient condamner Jacques Y... pour l'abandon de produits déposés la veille de l'ouverture de la procédure collective de la société repreneuse, convertie les jours suivants en liquidation, sans caractériser les faits d'abandon qui lui seraient imputables ;

"3 ) alors que le fait de l'ayant droit de laisser perdurer passivement une situation créée par son auteur n'est pas incriminée ; que le délit considéré d'abandon ou dépôt illicite de déchets est un délit permanent dont seul l'auteur originel peut avoir à rendre compte, la passivité de l'ayant cause n'étant pas prévue par la loi ;

que les juges ne pouvaient donc interdire au repreneur d'une société en redressement judiciaire de prouver qu'il n'encourait aucune responsabilité pénale, les faits incriminés étant imputables aux dirigeants de la société cédée" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit et la contravention dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, en sauraient être admis ;

D'où il suit que les moyens doivent être rejetés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;