Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 16 octobre 2012

N° de pourvoi: 11-87369
Non publié au bulletin
Rejet
Statuant sur les pourvois formés par :- Le Centre hospitalier J. Leclaire de Sarlat,
- M. Jacques X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2011, qui, pour homicide involontaire et blessures involontaires, a condamné le premier, à 12 000 euros d'amende, le second, à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 121-3, 221-6, 222-20, 222-21 du code pénal, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables d'homicide et de blessures involontaires et, en répression, les a condamnés à diverses peines ;

"aux motifs qu'il est constant, et non contesté que l'hôpital de Sarlat et M. X... n'ont pas... procédé, comme la loi l'imposait, à la déclaration à la préfecture de la tour B qui constituait une installation classée pour la protection de l'environnement ; que M. X... ne peut valablement invoquer l'ignorance du non-respect de cette obligation imposée par l'article L. 512-8 du code de l'environnement et par l'arrêté préfectoral du 9.08.2000, en indiquant s'être entouré d'intervenants spécialisés qui n 'ont pas attiré son attention sur ce point ; qu'en effet, en sa qualité de directeur d'hôpital, il devait assurer le respect de cette obligation de déclaration qui constituait une formalité administrative indispensable relevant de son pouvoir de direction ; qu'il s'avère, de plus, que cette violation de la loi revêt un caractère manifestement délibéré dès lors qu'il résulte du compte rendu de réunions de décembre 2001, auxquelles participaient des représentants de l'hôpital de Sarlat, de la société Eylo et de la société Thermotique que devant la mention « déclaration à la préfecture de l'installation classée » a été portée la formule suivante : « déclaration faite. OK» ; qu'il apparaît ainsi que l'hôpital de Sarlat et son directeur connaissaient parfaitement l'obligation de déclaration leur incombant et qu'ils ont faussement laissé ou fait mentionner le fait que cette déclaration avait été effectuée ; qu'ils ne peuvent, dans ces conditions, invoquer leur bonne foi et le caractère involontaire du manquement qui leur est reproché ; que si la déclaration légale avait été effectivement faite, cela aurait rendu applicable à l'égard de la tour B l'inspection prévue par l'article 8 de l'arrêté du 9.08.2000, aux termes duquel « l'inspecteur des installations classées pourra à tout moment demander à l'exploitant d'effectuer des prélèvements et analyses, en vue d'apprécier l'efficacité de l'entretien et de la maintenance des circuits d'eau liés au fonctionnement du système de refroidissement . Ces prélèvements et analyses microbiologiques et physico-chimiques seront réalisés par un laboratoire qualifié dont le choix sera soumis à l'avis de l'inspection des installations classées » ; qu'aux termes de l'article 9 de l'arrêté, si les résultats d'analyses mettent en évidence une concentration de légionelle supérieure à 10 unités formant colonies par litre d'eau, l'exploitant devra immédiatement stopper le fonctionnement du système de refroidissement ; que l'hôpital de Sarlat et son directeur ont privé de tout contrôle, par l'inspecteur des installations classées, la tour aéroréfrigérante B, ce qui constitue une violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi et également une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'ils ne pouvaient ignorer, eu égard à leurs fonctions et au danger encouru représenté par la contamination par légionelle dans les tours aéroréfrigérantes ; que le directeur de l'hôpital, à l'époque des faits, M. X..., et l'hôpital, ont ainsi, au sens de l'article 121-3 du code pénal, créé la situation de danger, constituée par la non-déclaration manifestement délibérée de l'installation classée, ce qui a permis la réalisation des dommages causés par la légionelle ; que le lien de causalité est ainsi établi entre le défaut de déclaration et les dommages (décès de M. Y..., blessure des autres victimes) ; qu'il convient, dans ces conditions, de réformer le jugement déféré en ce qu'il a relaxé M. X... et le centre hospitalier de Sarlat des fins de la poursuite et de les retenir dans l'ensemble des liens de la prévention ; qu'au regard de la nature des faits, de leurs gravités et conséquences et de la personnalité de M. X..., dont le casier judiciaire ne comporte aucune mention, il convient de prononcer les peines suivantes :
- à l'encontre du centre hospitalier de Sarlat : 12 000 euros d'amende,
- à l'encontre de M. X... : trois mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende ;
qu'il convient également d'ordonner la publication du présent arrêt dans le journal Sud-ouest éditions Dordogne, par extraits, aux frais des deux prévenus ;

"1°) alors que, aux termes des articles 221-6 et 222-20 du code pénal, les délits d'homicide involontaire et de blessures involontaires supposent l'existence d'un lien de causalité certain entre la faute et le décès ou les blessures de la victime ; qu'il résulte de ces dispositions et du principe de la légalité criminelle édicté par les articles 111-3 du code pénal, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme que, pour être constitués, les délits précités doivent avoir fait perdre aux victimes toute chance de survie ou d'éviter les blessures ; que la disparition d'une simple chance de survie ou d'éviter les blessures est donc exclusive d'un lien de causalité certain entre le décès et l'incapacité totale de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que «si la déclaration légale avait été effectivement faite, cela aurait rendu applicable à l'égard de la tour B l'inspection prévue par l'article 8 de l'arrêté du 9.08.2000 » ; que cet article ne fait pas obligation à l'inspecteur des installations classées de contrôler la présence de légionelles, mais lui laisse une simple faculté de demander à l'exploitant d'effectuer des prélèvements et analyses ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le défaut de déclaration avait empêché le contrôle facultatif de l'inspecteur des installations classées ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a fait qu'établir que l'absence de déclaration avait fait perdre aux victimes une chance de survie ou d'éviter une incapacité totale de travail, a retenu une faute en lien de causalité incertain avec les dommages subis par les parties civiles et a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que, à titre subsidiaire, aux termes de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal, la faute retenue à l'encontre de l'auteur indirect est, soit délibérée, soit caractérisée ; que, selon les articles 221-6, alinéa 2, et 222-20 du code pénal, l'auteur d'une faute délibérée commet les délits d'homicide ou de blessures involontaires aggravés ; qu'il résulte des dispositions précitées que, distinctes dans leurs éléments constitutifs et faisant encourir des sanctions différentes, les fautes délibérée et caractérisée sont exclusives l'une de l'autre ; qu'en retenant néanmoins que M. X... et le centre hospitalier de Sarlat avait commis à la fois une faute délibérée et une faute caractérisée, la cour d'appel a violé les articles susvisés" ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'au mois de juillet 2002, trente-cinq cas, dont vingt et un avérés, de légionellose ont été détectés sur des personnes ayant séjourné à l'hôpital de Sarlat ou résidant à proximité ; que parmi quatre décès, l'un fut expressément rattaché à la légionellose tandis que plusieurs personnes subissaient des incapacités totales de travail n'excédant pas trois mois ; qu'à l'issue de plusieurs expertises scientifiques, il a été établi que l'une des deux tours de refroidissement de l'hôpital, dont aucune n'avait donné lieu à déclaration préfectorale d'installation, se trouvait à l'origine de la contamination par la légionelle ; qu'à l'issue de l'information, plusieurs personnes physiques et morales, dont les demandeurs au pourvoi, ont été renvoyées des chefs d'homicide et blessures involontaires par suite d'une violation délibérée d'une obligation particulière de prudence et de sécurité, devant le tribunal correctionnel, qui les a relaxées, et a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

Attendu que, pour infirmer partiellement le jugement et retenir la culpabilité du Centre hospitalier de Sarlat et de son directeur au moment des faits, M. X..., l'arrêt retient, notamment, qu'en s'abstenant délibérément de faire la déclaration prévue par les articles L. 512-8 du code de l'environnement et 8 de l'arrêté préfectoral du 20 août 2000, dont ils savaient qu'elle leur incombait et dont ils ont faussement laissé ou fait mentionner qu'elle avait été effectuée, les prévenus ont privé de tout contrôle par l'inspecteur des installations classées la tour aéroréfrigérante B, à l'origine de la contamination par la légionelle, contrôle à l'issue duquel, en cas de prélèvements et analyses se révélant positifs, les prévenus auraient dû mettre immédiatement un terme au fonctionnement du système de refroidissement de la tour concernée ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent, d'une part, un lien de causalité certain entre la faute et le dommage causé, d'autre part, la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, et nonobstant la référence énoncée mais surabondante dans l'un des motifs de l'arrêt attaqué relatif à l'existence d'une faute caractérisée, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu qu l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;