Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 26 avril 2000

N° de pourvoi: 99-81683
Publié au bulletin Rejet
REJET du pourvoi formé par :- X... Jean-François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 17 décembre 1998, qui, pour exploitation sans autorisation d'une installation classée pour la protection de l'environnement, l'a condamné à 3 000 francs d'amende et a ordonné la publication et l'affichage de la condamnation.

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 591 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité soulevées par Jean-François X... et l'a déclaré coupable de l'infraction poursuivie ;

" aux motifs que, "si l'article 8 de la Convention susvisée dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance sauf ingérence d'une autorité publique limitativement prévue suivant des conditions très strictes, il n'en demeure pas moins que cette notion de vie privée et de domicile reste circonscrite au cercle que constitue l'intimité de la personne même si les activités professionnelles ou commerciales dans certaines circonstances ne peuvent en être effectivement exclues ; qu'en l'espèce, l'inspection faite par M. Y..., le 6 février 1997, dans les locaux d'exploitation agricole de Jean-François X..., a été effectuée en application de l'article 22 du Code de procédure pénale et conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement dans une porcherie qui est exclusivement un lieu d'exploitation agricole pouvant présenter certains dangers pour l'environnement et la santé publique, en aucun cas au domicile de Jean-François X... dont la demeure et le local administratif sont séparés, l'inspecteur Y... n'ayant procédé qu'au comptage des animaux" ;

" alors que toute personne a droit au respect de son domicile ; que le "domicile", au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, inclut les locaux professionnels ; qu'une visite faite dans une exploitation agricole hors l'assentiment ou même la présence de l'exploitant est illégale, partant ne peut servir de fondement à des poursuites et à une condamnation à son encontre " ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 13 de la loi du 19 juillet 1976, 59, 76 et 591 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité soulevées par Jean-François X... et l'a déclaré coupable de l'infraction poursuivie ;

" aux motifs que, par ailleurs, les procès-verbaux dressés par les inspecteurs des installations classées sont établis généralement lors de visites de contrôle effectuées au titre de la police administrative ; que, dès lors, les dispositions de l'article 76 du Code de procédure pénale ne leur sont pas applicables ; qu'en tout état de cause, leur pouvoir résulte de l'article 22 du Code de procédure pénale et de l'article 13 de la loi du 19 juillet 1976 qui leur donnent des prérogatives spécifiques et dérogatoires au régime de police de droit commun en stipulant qu'ils constatent par procès-verbaux les délits et contraventions et "qu'ils peuvent visiter à tout moment les installations soumises à leur surveillance" ; qu'à cet égard, il convient de souligner que l'esprit de la loi est de permettre à l'autorité préfectorale de s'assurer du fonctionnement ou de l'exploitation des installations classées qui, par définition, peuvent être génératrices de dangers ou de nuisances pour la collectivité, dans le respect des prescriptions légales et réglementaires ; qu'en l'espèce, il résulte de l'examen du procès-verbal en date du 6 février 1997 qu'il a été établi conformément à la loi sans qu'il fût porté atteinte aux droits de Jean-François X... ;

" alors que, d'une part, dès lors qu'une visite domiciliaire a servi à établir les constatations, bases d'une poursuite et d'une condamnation pénales ultérieures, elle ne saurait échapper aux prescriptions protectrices des libertés du Code de procédure pénale ;

" alors que, d'autre part, si les inspecteurs des installations classées ont le droit de "visiter les installations soumises à leur surveillance", cela n'exclut pas de recueillir l'assentiment écrit de l'exploitant si ladite installation a, par ailleurs, la qualification de domicile " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un contrôle, par l'inspecteur des installations classées, des bâtiments dans lesquels il a installé une porcherie, Jean-François X... est poursuivi, sur le fondement de la loi du 19 juillet 1976, pour avoir exploité sans autorisation préalable, un élevage de porcs comprenant plus de 450 animaux, installation classée pour la protection de l'environnement ;

Que le prévenu a soutenu devant les juges du fond que, la visite de cet établissement ayant été effectuée sans son assentiment exprès, le procès-verbal de l'inspecteur des installations classées était nul comme ayant été dressé en violation des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 76 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, pour réformer le jugement ayant prononcé la nullité de la procédure, constater la régularité de celle-ci et déclarer le prévenu coupable du délit visé à la prévention, la cour d'appel relève que la visite de l'inspecteur des installations classées, circonscrite aux bâtiments dans lesquels le prévenu exerce son activité d'élevage, matériellement distincts de son domicile, n'a porté aucune atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile, au sens de l'article 8.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'elle ajoute que les dispositions de l'article 76 du Code de procédure pénale ne sont pas applicables à la visite, effectuée, en application de l'article 13, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 1976, par une personne chargée de l'inspection des installations classées, dans un établissement soumis à sa surveillance ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, les visites que les inspecteurs des installations classées effectuent dans les installations soumises à leur surveillance, en application de l'article 13, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 1976, ne constituent pas une perquisition ou une visite domiciliaire au sens des articles 59 et 76 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin criminel 2000 N° 168 p. 490