Rôle des APJ

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 12 juin 2012

N° de pourvoi: 11-87778
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Philippe X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 12 septembre 2011, qui, pour exploitation non autorisée d'une carrière, l'a condamné à 3 000 euros d'amende dont 1 500 euros avec sursis ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 514-9, L. 514-12 et L. 514-13 du code de l'environnement et des articles 427, 429 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des procès-verbaux d'infraction ;

" aux motifs que, avant toute défense au fond, le prévenu demande à la cour de prononcer la nullité des procès-verbaux et présente des exceptions préjudicielles de droit civil et de droit administratif ; que, sur la nullité des procès-verbaux, l'article L. 514-13 du code de l'environnement invoqué par le prévenu énonce que les infractions prévues aux articles L. 514-9 à L. 514-12 sont constatées par les procès-verbaux des officiers de police judiciaire et des inspecteurs des installations classées ; que, cependant, ces dispositions n'apportent pas de dérogation à celles de l'article 20 du code de procédure pénale, selon lesquelles les agents de police judiciaire ont pour mission de constater les crimes, délits ou contraventions et d'en dresser procès-verbal et à celles de l'article 427 du même code, selon lesquelles les infractions peuvent être établies par tout moyen ; que c'est donc à tort que M. X... conteste la compétence des deux agents de police judiciaire ayant procédé aux constatations matérielles et recueilli, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, les déclarations des témoins et du prévenu ; que l''exception de nullité sera ainsi rejetée ;

" 1°) alors que la loi pénale étant d'interprétation stricte, le juge ne saurait distinguer là où la loi ne distingue pas ; que les règles spéciales dérogent aux règles générales ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les principes précités, considérer que les dispositions de l'article L. 514-13 du code de l'environnement, spécialement dédiées à la constatation de l'infraction d'exploitation sans autorisation d'une carrière par exclusivement « des officiers de police judiciaire et des inspecteurs des installations classées » n'étaient pas applicables afin de valider des procès-verbaux dressés par des agents de police judiciaire ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors que M. X... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que les photographies des lieux jointes au dossier provenaient d'un envoi anonyme et que ces photographies avaient été prises illégalement à l'intérieur de sa propriété privée ; qu'en se référant néanmoins à ces photographies pour motiver sa décision sans se prononcer sur l'illicéité de ce mode de preuve obtenu frauduleusement, la cour d'appel a laissé sans réponse un moyen des conclusions d'appel en violation des textes susvisés " ;

Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article L. 514-9 du code de l'environnement, de l'article 121-3 du code pénal, de l'article préliminaire et des articles 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'exploitation de carrière sans autorisation et l'a condamné à une peine d'amende de 3 000 euros ;

" aux motifs que le 21 juillet 2009, des gendarmes de la brigade de Rémuzat, en service de surveillance générale sur la commune de Curnier (26), étaient avisés par M. Z..., maire de la commune, que M. X... exploitait, sans autorisation, une carrière sur sa propriété sise Quartier Le Beau ; qu'à 14 heures, les militaires se rendaient sur les lieux et constataient l'existence d'un amas de plusieurs blocs de rochers sur un monticule de gravats constituant une carrière ; qu'au sommet du monticule, ils constataient la présence de traces de chenilles démontrant, selon eux, que le site était exploité par un engin de travaux publics ; que devant le hangar, situé en contrebas, ils apercevaient un tracto-pelle et deux pelles-mécaniques pouvant servir à l'extraction des rochers ;
qu'entendu le 22 juillet, le maire de Curnier déclarait qu'il avait été destinataire d'une lettre anonyme, complétée par des photographies, dénonçant l'exploitation sans autorisation d'une carrière et qu'il avait en vain mis en garde M. X... contre une telle pratique ; qu'il soulignait que cette situation créait des tensions sur la commune, notamment parmi les entrepreneurs disposant d'autorisations légales ; qu'entendu le même jour, le prévenu contestait exploiter une carrière sans autorisation ; qu'il soutenait qu'il ne faisait que prendre des rochers provenant d'éboulements pour les utiliser pour son propre compte, étant entrepreneur en travaux agricoles ;
que dans un avis du 21 janvier 2010, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Rhône-Alpes confirmait que l'exploitation en cause constituait une exploitation de carrière, activité visée à la rubrique 2510-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement et relevant de la procédure de l'autorisation préfectorale ; qu'il estimait que M. X... , compte tenu de sa profession et du fait que les dispositions réglementaires étaient en vigueur depuis 1979, ne pouvait ignorer la nécessité de solliciter une autorisation ;

que sur les poursuites exercées à raison de ces faits, le tribunal de grande instance de Valence a statué dans les termes ci-dessus reproduits par un jugement contradictoire à signifier prononcé le 16 décembre 2010, dont il a été régulièrement relevé appel par le prévenu et par le procureur de la République ; qu'avant toute défense au fond, le prévenu demande à la cour de prononcer la nullité des procès-verbaux et présente des exceptions préjudicielles de droit civil et de droit administratif ; que le ministère public requiert le rejet et des exceptions et la confirmation du jugement sauf à prononcer la peine complémentaire de remise en état des lieux ; que sur le fond, le prévenu fait plaider sa relaxe ; que sur la nullité des procès-verbaux, l'article L. 514-13 du code de l'environnement invoqué par le prévenu énonce que les infractions prévues aux articles L. 514-9 à L. 514-12 sont constatées par les procès-verbaux des officiers de police judiciaire et des inspecteurs des installations classées ; que cependant, ces dispositions n'apportent pas de dérogation à celles de l'article 20 du code de procédure pénale, selon lesquelles les agents de police judiciaire ont pour mission de constater les crimes, délits ou contraventions et d'en dresser procès-verbal et à celles de l'article 427 du même code, selon lesquelles les infractions peuvent être établies par tout moyen ; que c'est donc à tort que M. X... conteste la compétence des deux agents de police judiciaire ayant procédé aux constatations matérielles et recueilli, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, les déclarations des témoins et du prévenu ; que l''exception de nullité sera ainsi rejetée ; que sur les exceptions préjudicielles, le prévenu a déclaré être propriétaire du site ; que dans ces conditions, il ne peut utilement et sérieusement faire conclure le contraire à l'appui de son exception préjudicielle ; que, par ailleurs, le moyen pris de son droit de disposer des pierres présentes sur le terrain à la suite, selon ses dires, d'un éboulis naturellement créé ne constitue pas une exception préjudicielle mais une défense au fond ; qu'enfin, le recours formé par M. X... à l'encontre de l'arrêté du préfet de la Drôme du 16 avril 2010, suspendant l'extraction de matériaux sur son terrain et le mettant en demeure de déposer une demande d'autorisation d'exploiter une carrière ou de remettre en état le site, est sans incidence sur la poursuite ; qu'en effet, il appartient au juge répressif de se prononcer sur la notion d'exploitation de carrière, un des éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu ; que sur la culpabilité, en droit, est considérée comme exploitation de carrière l'extraction de matériaux de construction ou de gîtes de substances minérales ou fossiles ne relevant pas de la législation sur les mines, en vue de leur utilisation ; qu'il ressort des constatations matérielles des gendarmes, des photographies du site adressées au maire de la commune sous le couvert de l'anonymat et de l'audition de l'entrepreneur ayant prêté, selon ses déclarations, son concours au transport des rochers extraits, que le prévenu s'est livré, au cours de la période visée par la prévention, à l'extraction de matériaux de construction en vue de leur utilisation dans le cadre de son activité d'entrepreneur de travaux agricoles et non, comme il s'en prévaut, à un déplacement de pierres à la suite d'un éboulis naturellement créé ; qu'en l'absence de demande d'autorisation d'exploiter une carrière, la déclaration de culpabilité sera confirmée ;

" 1°) alors que le délit d'exploitation de carrière sans autorisation n'est constitué que si son auteur s'est livré à une véritable exploitation, c'est-à-dire l'utilisation pour en faire commerce, des roches extraites de sa propriété ; que le délit n'est pas constitué en cas d'utilisation par un exploitant agricole pour les besoins de sa propre activité agricole de roches extraites de son terrain ; qu'en l'espèce M. X... a toujours soutenu y compris dans ses conclusions qu'il n'y avait eu aucune exploitation de carrière mais seulement déplacement de pierres lui appartenant pour son activité d'entrepreneur de travaux agricole ; que l'arrêt attaqué qui constate que M. X... s'est livré « à l'extraction de matériaux de construction en vue de leur utilisation dans le cadre de son activité d'entrepreneur de travaux agricoles » n'a pas caractérisé d'acte d'exploitation au sens de l'article L. 514-9 du code de l'environnement et n'a donc pas légalement justifié sa décision ;

" 2°) alors que le jugement de condamnation doit caractériser l'infraction en tous ses éléments ; qu'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; qu'en se bornant à relever que M. X... s'est livré « à l'extraction de matériaux de construction en vue de leur utilisation dans le cadre de son activité d'entrepreneur de travaux agricoles » sans rechercher s'il avait délibérément et en toute connaissance de cause violé une prescription légale qui s'imposait à lui, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Reprise d'une exploitation et responsabilité du passif environnemental

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 24 janvier 2012

N° de pourvoi: 11-84521
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :- M. Pascal X...,
- La société Munsch-Gulden,
contre l'arrêt n° 369 de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 25 mars 2011, qui, pour infraction au code de l'environnement, a condamné le premier, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, la seconde, à 5 000 euros d'amende ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 4 du septième protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 514-11 du code de l'environnement, 121-3 du code pénal, 6, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel de Colmar a confirmé le jugement entrepris sur la culpabilité, sauf en ce qui concerne la période du 28 août au 13 septembre 2008, lequel a déclaré M. X... et la société Munsh-Gulden coupables des faits qui leur sont reprochés, évoquant et statuant sur la peine, la Cour a condamné la société Munsch-Gulden à une peine d'amende de 5 000 euros et M. X... à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que, sur la culpabilité au fond, il convient de constater que les délits de non-respect d'arrêtés préfectoraux de mise en demeure d'avoir à respecter les dispositions de l'arrêté complémentaire du 3 juin 2008 ne sont pas sérieusement contestés, alors que M. X... a admis que la société Munsch-Gulden n'avait pas réalisé les travaux, quelle avait été sommée d'effectuer dans des délais précis ; qu'outre le fait qu'en reprenant l'exploitation, pour un prix minoré en conséquence, le sus-nommé, qui en avait clairement été informé, a également repris la responsabilité du passif environnemental lié à l'exploitation antérieure, il importe de relever que le prévenu a fait preuve d'une inertie persistante et que son argumentation quant au coût des mesures de dépollution ne saurait prospérer alors qu il n'a par la suite, pas non plus consigné les montants, pourtant modestes, fixés par l'arrêté du 21 décembre 2009 ; que c'est dès lors à juste titre que le tribunal correctionnel de Saverne a déclaré la société Munsch-Gulden et son représentant légale, M. X... coupables des délits visés à la prévention, ces faits n'étant cependant caractérisés qu'à compter du 14 septembre 2008, date d'expiration du délai de quinze jours prévu à l'arrêté de mise en demeure du 29 août 2008 ; que la décision sera dès lors partiellement infirmée, en ce qu'elle a retenu la culpabilité des prévenus pour la période antérieure du 28 août au 13 septembre 2008 ;

que sur la peine, le casier judiciaire de la société Munsch-Gulden ne porte aucune mention ; que M. X... a été condamné le 22 avril 2008 à 6 000 euros d'amende pour obstacle à l'exercice des fonctions d'inspection et d'expertise ses installations classées, commis courant août 2004 ; qu'il convient de souligner la gravité des faits en ce qu'ils constituent une violation persistante d'arrêtés préfectoraux de mise en demeure, pris en raison de la menace réelle que constituait, pour l'environnement du site et pour les riverains, l'absence de réalisation des travaux tendant notamment à éviter la pollution des eaux souterraines et ce alors même que deux incidents préalables, aux lourdes conséquences environnementales, étaient intervenues ; que compte tenu de l'indifférence persistante manifestée par la société Munsch-Gulden et par son gérant, M. X..., celui-ci ayant admis lors des débats du 28 janvier 2011 devant la Cour que le démarrage des travaux n'était toujours pas intervenu en dépit de l'ajournement avec injonction de mise en conformité des lieux et de cessation de l'infraction de première instance, il convient, évoquant, de prononcer à l'encontre de la société Munsch-Gulden une peine d'amende de 5 000 euros, M. X... la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;

"alors que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que, par ailleurs le délit de poursuite de l'exploitation d'une installation classée non-conforme à une mise en demeure suppose l'intention du prévenu ; que, pour retenir la culpabilité de M. X... et de la société Munsch-Gulden, la cour d'appel a relevé que M. X... avait fait preuve d'une inertie persistante et a relevé une violation persistante des arrêtés préfectoraux quand elle constatait que ce dernier avait affirmé avoir effectué des démarches pour effectuer les travaux de dépollution prescrits par ces arrêtés, avait réalisé une partie des analyses prescrites et avait consigné la somme de 26 000 euros, circonstances de nature à démontrer l'absence d'élément intentionnel du délit ; qu'aussi en retentant la culpabilité des prévenus par des motifs ne permettant pas de caractériser l'intention frauduleuse des prévenus, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes sus visés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer, que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Erreur de plume dans le PV ; constatation d'infraction ; évaluation d'un préjudice moral d'une association

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 3 mai 2011

N° de pourvoi: 10-87679
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- La société Esso raffinage,
contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 13 juillet 2010, qui, pour contraventions à la législation sur les établissements classés, l'a condamnée à six amendes de 800 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris, de la violation des articles 9, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription de l'action publique ;

"aux motifs que, saisi le 17 juillet 2006 par le directeur de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de Haute-Normandie du procès-verbal, en date du 27 juin 2006, le procureur de la République du Havre a, par un mandement du 13 novembre 2008, fait citer la société Esso raffinage SAF à comparaître devant le tribunal de police du Havre par un acte d'huissier de justice délivré le 25 novembre 2008 ;
que cette citation, dont la nullité a été prononcée par un jugement du tribunal de police, en date du 20 janvier 2009, n'a pu interrompre la prescription et la société Esso raffinage SAF n'a été valablement citée à comparaître devant le tribunal que le 9 février 2009 ; que, toutefois, le 14 décembre 2007, postérieurement au procès-verbal d'audition du 27 septembre 2007 de M. X..., directeur général de la raffinerie, le ministère public avait présenté au président du tribunal de police du Havre une réquisition d'ordonnance pénale ; que, par une ordonnance pénale du 16 septembre 2008, ce magistrat avait renvoyé le ministère public à poursuivre la société Esso raffinage SAF dans les formes de la procédure ordinaire (avec un débat contradictoire) et cette décision avait été notifiée à la société Esso raffinage SAF qui le produit aux débats devant la cour ; que la requête du 14 décembre 2007, puis l'ordonnance pénale du 16 septembre 2008, constituent des actes interruptifs de la prescription, en ce qu'ils établissent qu'à cette date le procureur de la République entendait poursuivre les infractions, et la référence, manifestement en raison d'une erreur matérielle, à des faits commis le 27 juillet 2006 au lieu du 30 mai 2006, est sans incidence, la saisine du tribunal résultant du procès-verbal établi par l'agent de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement ; qu'il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action publique ;

"alors que la prescription de l'action publique, en matière de contraventions, est d'une année révolue ; que seuls des actes de poursuite ou d'instruction réguliers peuvent interrompre la prescription ; qu'en décidant que la prescription de l'action publique avait été interrompue par la requête d'ordonnance pénale du 14 décembre 2007, puis par l'ordonnance pénale du 16 septembre 2008, après avoir constaté que ces actes étaient affectés d'une erreur sur la date des faits incriminés, ce dont il résultait que lesdits actes étaient irréguliers et ne pouvaient, en conséquence, avoir interrompu la prescription, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés" ;

Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 429, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal du 27 juin 2006 ;

"aux motifs que le procès-verbal du 27 juin 2006 fait clairement référence à une inspection réalisée le 30 mai 2006 et que si, par une erreur de plume, la date du 28 septembre 2005 a malencontreusement été portée en fin de procès-verbal, il n'existe aucune ambiguïté tant sur la date du procès-verbal (27 juin 2006) indiquée en toutes lettres et en première ligne de l'en-tête, que sur la date des constatations (30 mai 2006) indiquée dès l'exposé des faits, que sur le lieu des constatations et sur l'établissement, identifiés avec précision au procès-verbal (le parc de stockage de gaz inflammables liquéfiés du bloc n° 62 de la raffinerie de Port-Jérôme à Notre-Dame de Gravenchon) ;
qu'il n'existe donc aucune ambiguïté de nature à porter atteinte aux droits de la société Esso raffinage SAF dans sa défense ; que, pour relever l'infraction du non-respect de l'article III.3.3.3 de l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1991 relatif aux détecteurs de gaz, l'inspecteur se fonde sur « l'interview des opérateurs et du chef de quart en salle de contrôle » qui a révélé que l'asservissement des vannes d'isolement des réservoirs sous talus n° RST6206 et n° RST6207 sur la détection gaz n'existait pas ; qu'il suffit de rappeler que le juge, même en matière contraventionnelle, peut fonder son intime conviction non seulement sur des constatations du procès-verbal, mais aussi sur toute autre considération de fait ; qu'en l'espèce, les réponses, dont il n'est pas soutenu qu'elles seraient inexactes, que les opérateurs et le chef de quart en salle de contrôle ont apportées aux questions de l'inspecteur de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement sur l'existence de l'asservissement des vannes d'isolement des réservoirs sous talus n° RST6206 et RST6207 sont suffisamment probantes pour permettre à la cour de dire que l'infraction est établie ; que ce point est d'autant moins contestable qu'après la visite de contrôle de l'inspecteur de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la société Esso raffinage SAF a fait procéder à la mise en conformité de l'installation par une demande du 21 juin 2006 ;

"alors que tout procès-verbal n'a de valeur probante que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement ; qu'en admettant la valeur probante du procès-verbal du 27 juin 2006, quand bien même ce procès-verbal reprenait « l'interview » des opérateurs et du chef de quart en salle de contrôle recueillie par l'inspecteur de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement et d'après laquelle la société Esso raffinage SAF n'aurait pas respecté les dispositions de l'article III.3.3.3 de l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1991 relatif aux détecteurs de gaz, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que les juges peuvent fonder la source de leur conviction dans tous les éléments de la cause, pourvu qu'ils aient été soumis aux débats et à la libre discussion des parties ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 514-4 3°, R. 512-28, R. 512-29, R. 512-30, R. 512-31, R. 512-32, R. 512-37, R. 513-2, L. 512-5, L. 512-3, L. 511-1 du code de l'environnement, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Esso raffinage SAF coupable d'infractions d'exploitation non conforme d'une installation classée autorisée, l'a condamnée au paiement d'amendes et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs que, sur les contraventions relatives aux réservoirs sous talus, s'agissant de la contravention à l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1991 (art. III.5.1) relative à la défectuosité de la protection contre la corrosion des réservoirs sous talus n° RST6207 et RST6206, la société Esso raffinage SAF prétend que cette préconisation ne ressort pas de l'arrêté lui-même et ne peut donc être regardée comme une prescription technique s'imposant à l'exploitant au sens de l'article R. 514-4 3° du code de l'environnement et que son non-respect éventuel ne peut donc constituer une infraction ; que, selon l'article III.5.1 de l'arrêté relatif à la construction des réservoirs, « le réservoir sera protégé efficacement contre la corrosion par une protection passive (revêtement en brai époxy ou équivalent) et une protection active (protection cathodique par anodes sacrificielles ou équivalent) » ;
que la société PLS contrôle indiquait dès son rapport de mai 2005 que « les potentiels mesurés à courant établi (mesures on) sont corrects et nettement meilleurs que ceux du précédent contrôle. En revanche, les potentiels mesurés à la coupure du courant de protection cathodique (mesures off) restent faibles ; ils traduisent une rapide dépolarisation des réservoirs. Conclusion : la protection cathodique devra être renforcée par le rajout d'anodes » ;
que ce renforcement n'ayant pas été exécuté à la date du contrôle du 30 mai 2006, l'infraction est constituée, en l'absence d'une protection suffisamment active ; que, s'agissant de la contravention à l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1991 (art. III.3.3.3) relative à l'asservissement des vannes d'isolement des réservoirs sous talus n° RST 6206 et RST 6207 sur la détection des gaz, la société Esso raffinage SAF invoque l'exécution de cette obligation ; qu'elle omet de préciser que si la demande d'exécution des travaux est du 22 juin 2006, leur réalisation effective date du mois de novembre 2006 (signature du réalisateur le 15 novembre 2006) ; que l'infraction est constituée ;

que, pour ce qui est de la contravention à l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1991 (art. III.5.8.c) relative à l'absence d'ignifuge des canalisations entre les sorties des mêmes réservoirs sous talus jusqu'à la seconde vanne de sectionnement, la société Esso raffinage SAF invoque qu'il s'agissait de « certains tronçons de ces canalisations seulement et d'une longueur très réduite (au maximum 1 à 2 mètres) » et que ces travaux d'ignifuge, bien que ne paraissant pas indispensables, avaient depuis été réalisés ; que l'infraction est donc constituée ; que, sur les contraventions relatives aux sphères aériennes, s'agissant de la contravention à l'arrêté préfectoral du 5 août 1996 (art. 4.2) relative à la prévention du « suremplissage » et en conséquence à l'asservissement des sphères de stockage à l'alarme de niveau haut, actionnant, après temporisation, les organes de fermeture des canalisations d'approvisionnement des sphères, la société Esso raffinage SAF invoque que la portée exacte de la prescription de l'article 4.2 de l'arrêté préfectoral du 5 août 1996 s'avérait particulièrement ambiguë et qu'il existait donc un doute quant à la nécessité de procéder à un sectionnement manuel ou à un sectionnement automatique des canalisations en cas de dépassement du niveau très haut de l'alarme ;
que cet argument sera rejeté, le doute n'étant pas permis sur l'existence d'un contrôle de remplissage automatique puisque le texte de l'arrêté indique que « le franchissement du niveau «très haut» sur une des sphères S6204 ou S6205 actionne, après une temporisation de 1 heure, les organes de fermeture des canalisations d'approvisionnement de cette même sphère » ; qu'il n'est pas évoqué qu'un employé actionne la fermeture de la vanne ; que l'infraction est donc constituée ;

qu'au titre de la contravention à l'arrêté préfectoral du 5 août 1996 (art. 9), relative à l'existence d'une vanne manuelle doublée d'une vanne de sécurité télécommandée, la société Esso raffinage SAF fait valoir qu'elle avait prévu d'instaurer un clapet anti-retour sur la sphère S6205 en 2008, lors du grand arrêt décennal de cette sphère, afin de pouvoir réaliser les travaux en toute sécurité ; que l'infraction est donc constituée ; que, pour ce qui est, enfin, de la contravention à l'arrêté préfectoral cadre du 8 juin 2004 (art. 7.5.1), relative au suivi des équipements importants pour la sécurité, selon ce texte « les paramètres importants pour la sécurité (IPS) font en permanence l'objet d'au moins deux modes d'acquisition et de traitement indépendants afin d'assurer une redondance totale et d'éviter des modes communs de défaillance. L'exploitant établit, au moins par unité, la liste des paramètres importants pour la sécurité. Il tient cette liste à la disposition de l'inspection des installations classées » ;
que contrairement à ce qu'allègue la société Esso raffinage SAF, qui soutient que l'inspecteur des installations classées s'est borné à constater la difficulté à justifier du respect des prescriptions de l'article 7.5.1 et non la méconnaissance de ces prescriptions, l'inspecteur écrit dans son procès-verbal que « le suivi des équipements importants pour la sécurité n'a pas pu être justifié de manière satisfaisante » ; qu'il est donc certain que les critères selon lesquels deux modes d'acquisition et de traitement indépendants doivent exister, n'ont pas été satisfaits et que la liste des paramètres importants pour la sécurité ne lui a pas été présentée ; qu'il suffit pour s'en convaincre de lire ce que le directeur général écrivait dans sa note du 30 juin 2006 adressée à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement : « Le suivi des tests périodiques est réparti au sein de la division maintenance selon les spécialités dominantes, électricité, instruments ou autres. C'est pourquoi les listes présentées par les interlocuteurs lors de l'inspection ne constituent que des sous-ensembles de la liste des EIPS. Que chaque interlocuteur ne connaît pas nécessairement à qui sont dévolues les parties qu'il ne gère pas luimême » ; qu'or, le texte exige, à l'inverse, une « redondance totale » des informations afin « d'éviter des modes communs de défaillance » ; que l'infraction est constituée ; que les faits reprochés à la société Esso raffinage SAF sont donc établis et caractérisent les six contraventions dont ils ont été qualifiés ;

"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, dans ses écritures d'appel, la société Esso raffinage SAF faisait notamment valoir, s'agissant de la contravention à l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1991 (art. III.5.1), que la préconisation formulée par la société PLS contrôle ne pouvait être considérée comme une prescription technique qui s'imposait à elle, seul le préfet ayant le pouvoir d'édicter des prescriptions en matière de protection contre la corrosion des réservoirs sous talus ; qu'en se bornant, dès lors, à affirmer qu'il résultait du rapport de la société PLS contrôle que « les potentiels mesurés à la coupure du courant de protection cathodique (mesures off) restent faibles ; ils traduisent une rapide dépolarisation des réservoirs. Conclusion : la protection cathodique devra être renforcée par le rajout d'anodes » et que cette prescription n'avait pas été respectée, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que de même, dans ses écritures d'appel, la société Esso raffinage SAF faisait encore valoir, pour ce qui est de la contravention à l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1991 (art. III.3.3.3), que l'asservissement à partir des réseaux de détection de gaz n'était pas exigé de manière générale par l'arrêté même pour les zones de stockage de gaz liquéfié, mais uniquement en cas de seuil haut ou avec temporisation éventuelle, de sorte que l'inspecteur des installations classées aurait dû préciser en quoi l'asservissement à la détection de gaz s'imposait au titre des réservoirs sous talus n° RS T 6205 et RST 6207 ; qu'en se bornant sur ce point à affirmer que la société Esso raffinage SAF n'avait exécuté cette obligation qu'après le contrôle de l'inspecteur des installations classées, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, dans ses écritures d'appel, la société Esso raffinage SAF soutenait, par ailleurs, en ce qui concerne la contravention à l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1991 (art.III.5.8.c) relative à l'absence d'ignifuge des canalisations entre les sorties des réservoirs sous talus jusqu'à la seconde vanne de sectionnement, qu'il s'agissait de certains tronçons de ces canalisations seulement et d'une longueur très réduite et que ces travaux d'ignifuge, bien que ne paraissant pas indispensables, avaient depuis été réalisés ; qu'en se bornant à rappeler ce moyen pour affirmer, sans y répondre, que l'infraction était constituée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, dans ses écritures d'appel, la société Esso raffinage SAF soutenait aussi, s'agissant de la contravention à l'arrêté préfectoral du 5 août 1996 (art. 4.2), que la portée exacte de la prescription de cet article 4.2 s'avérait particulièrement ambiguë, compte tenu de la prescription précédente de l'article 4.1, dernier alinéa, du même arrêté qui disposait que « sur le franchissement du niveau très haut (correspondant au remplissage maximal de sécurité, lequel ne peut excéder 95 % du volume du réservoir), l'opérateur actionne les organes de fermeture des canalisations d'approvisionnement du réservoir, de mise en sécurité de l'installation et l'alarme du personnel concerné », de sorte qu'il existait un doute quant à la nécessité de procéder à un sectionnement manuel ou automatique des canalisations en cas de dépassement du niveau très haut de l'alarme ; qu'en se bornant ici à affirmer que, selon le texte de l'arrêté, « il n'est pas évoqué qu'un employé actionne cette même sphère », pour en déduire que l'infraction était constituée, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"5°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, dans ses écritures d'appel, la société Esso raffinage SAF faisait encore valoir, en ce que qui concerne la contravention à l'arrêté préfectoral du 5 août 1996 (art. 9), relative à l'existence d'une vanne manuelle doublée d'une vanne de sécurité télécommandée, qu'elle avait prévu d'instaurer un clapet antiretour sur la sphère S6205 en 2008, lors du grand arrêt décennal de cette sphère, afin de pouvoir réaliser les travaux en toute sécurité ; qu'en se bornant, ici encore, à rappeler ce moyen pour affirmer, sans y répondre, que l'infraction était constituée, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"6°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, dans ses écritures d'appel, la société Esso raffinage SAF faisait également valoir, pour qui est enfin de la contravention à l'arrêté préfectoral cadre du 8 juin 2004 (art. 7.5.1), relative au suivi des équipements importants pour la sécurité, qu'il s'avérait, de fait, difficile de regrouper l'ensemble des éléments, relevant de corps de métiers différents, élaborés selon des échéances variées et conservés dans des lieux distincts ; qu'en se bornant à cet égard à retenir que, contrairement à ce soutenait la société Esso raffinage SAF, l'inspecteur des installations classées ne s'était pas limité à constater la difficulté à justifier du respect des prescriptions de l'article 7.5.1 et non la méconnaissance de ces prescriptions, dès lors qu'il avait indiqué, dans son procès-verbal, que « le suivi des équipements importants pour la sécurité n'a pas pu être justifié de manière satisfaisante », sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments les infractions à la réglementation sur les établissements classés dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 142-2, R. 514-4 3°, R. 512-28, R. 512-29, R. 512-30, R. 512-31, R. 512-32, R. 512-37, R. 513-2, L. 512-5, L. 512-3, L. 511-1 du code de l'environnement, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a, sur les intérêts civils, condamné la société Esso raffinage SAF à payer une somme de 2 000 euros à l'association France nature environnement et une somme identique à l'association Ecologie pour le Havre à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que, sur le montant des dommages-intérêts, si l'atteinte aux intérêts collectifs des deux associations agréées n'exige pas de constater un dommage effectif avéré aux éléments du milieu naturel et se trouve établie par le seul risque que fait encourir pour l'environnement la non-conformité fautive des installations, les régularisations ultérieures doivent être prises en compte dans l'appréciation de la gravité du préjudice moral causé ;

"alors que l'action civile en réparation du dommage causé par une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction, de sorte que le préjudice ne saurait être purement éventuel ; qu'en affirmant, néanmoins, que les associations France nature environnement et Ecologie pour le Havre étaient fondées à obtenir réparation du seul risque que faisait encourir pour l'environnement la non-conformité prétendue des installations de la société Esso raffinage SAF, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, qui, après avoir déclaré la prévenue coupable, l'a condamnée à payer des dommages- intérêts aux associations agréées qui ont notamment pour objet la sauvegarde des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, les juges énoncent notamment que leur préjudice est incontestable au regard du risque qu'a fait courir à l'environnement la non-conformité fautive des installations ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, d'où il résulte que les infractions dont la prévenue a été déclarée coupable ont causé un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs que les associations ont pour objet de défendre, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués au moyen ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Irrecevabilité des communes comme partie civile ; contours d'une autorisation adminisatrative

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 22 mars 2011

N° de pourvoi: 10-81329
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :- L'association Picardie nature,
- L'association Vie et paysages,
- La commune de Brissay-Choigny,
- La commune de Travecy,
- La commune de Vendeuil,
- Le Syndicat professionnel pour l'élimination des déchets, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 6 janvier 2010, qui, dans la procédure suivie contre la société ARF et M. Jean-Luc X... notamment du chef d'exploitation non autorisée d'une installation d'incinération de déchets industriels, classée pour la protection de l'environnement, a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1134 du code civil, L. 512-5, L. 514-9 du code de l'environnement, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, confirmant le jugement de première instance, a constaté qu'aucune faute de nature à engager leur responsabilité n'était caractérisée à l'encontre de la société ARF et de M. X..., à raison de l'exploitation d'une installation d'incinération de déchets industriels, a débouté les associations France nature environnement, Vie et paysages et Picardie nature, ainsi que le Syndicat professionnel pour l'élimination des déchets (SYPRED) de leurs demandes et déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles des communes de Vendeuil, Brissay-Choigny et Travecy ;

"aux motifs propres qu'en l'état de la procédure d'appel et à l'issue des débats tenus devant elle, la cour, se référant aux motifs précis et détaillés du jugement entrepris, pour les adopter, considère que la décision querellée n'est critiquable ni en droit ni en fait, de sorte que la relaxe des deux prévenus était bien fondée et justifiée, et que les parties civiles ont été à bon droit, pour les unes, déboutées de leurs demandes, pour les autres déclarées irrecevables dans leurs constitutions de partie civile ;
qu'il est constant que la société ARF a été autorisée par arrêtés préfectoraux des 30 mars et 30 août 2004, venant confirmer les arrêtés préfectoraux du 11 avril 1985, 15 avril 1992 et 14 mai 1997, à poursuivre sur le site de Vendeuil une activité de co-incinération, en lien avec la fabrication de chaux et avec l'apport de combustibles de substitution, sans que pour autant lesdits arrêtés aient subordonné l'autorisation d'exploiter à un tonnage minimal ou encore à un rapport constant entre le tonnage autorisé de déchets incinérés et la production réelle de chaux ;
qu'il ne saurait donc être reproché aux prévenus de ne pas avoir respecté l'autorisation de coincinération, alors même que le rapport constant susévoqué s'avère difficile à établir, de manière objective et indiscutable, ainsi que souligné par les services de la DRIRE, tandis que le principe de légalité et de l'interprétation stricte de la loi pénale interdit, comme tendent cependant à le faire les parties civiles, à ajouter à l'autorisation d'exploiter des restrictions non prévues, ni formulées par l'autorité administrative compétente ;
qu'il ne peut non plus être allégué que les prévenus ont poursuivi, sous couvert d'une autorisation de co-incinération, une activité d'incinération de déchets, étant souligné que les deux activités relevaient dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement de la même rubrique 167 c, « traitement ou incinération », l'installation de co-incinération constituant une forme particulière d'installation d'incinération, ainsi que l'a considéré la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 11 septembre 2008 ;
qu'au demeurant, ni l'arrêté ministériel du 10 octobre 1996 ni celui du 20 septembre 2002 l'ayant abrogé ne fixaient de seuil, valeurs ou quelconque ratio pour déterminer si une installation était une installation d'incinération ou de co-incinération ; que l'installation de co-incinération était, au contraire, définie par le dernier arrêté comme une installation dont l'objectif était de produire de l'énergie ou des produits matériels, en l'espèce de la chaux, en utilisant des déchets comme combustibles habituels ou d'appoint ou dans laquelle les déchets sont soumis à un traitement thermique en vue de leur élimination ; que l'installation de Vendeuil ne procédait pas, en tout état de cause, au traitement thermique de déchets sans aucune production de matériels, et les investigations du magistrat instructeur n'ont pas permis d'en rapporter la preuve contraire ;
que les différents critères et calculs avancés par les parties civiles n'ont pas été retenus par l'autorité préfectorale dans les autorisations qu'elle a accordées à la société ARF, tandis qu'il est de jurisprudence constante qu'il appartient aux autorités compétentes d'examiner les conditions spécifiques et d'identifier l'objectif essentiel, ce qu'a fait l'autorité administrative en considérant que l'installation de Vendeuil était une installation de co-incinération, dans la mesure où les déchets utilisés l'étaient dans le but de produire de l'énergie dans le cadre d'une production de produits ou de matériels, dont en l'espèce de la chaux, ou à terme du liant hydraulique ;

que l'appréciation, ainsi réalisée par l'autorité administrative, du domaine de l'autorisation ne saurait être remise en cause par le juge pénal, ce dernier ne pouvant que constater la violation des prescriptions techniques assortissant l'autorisation d'exploiter, et ayant vocation à les sanctionner pénalement, sans toutefois qu'au cas d'espèce, les éléments soumis à la cour puissent conduire à considérer ces violations comme caractérisées et indiscutables ; qu'aucun agissement répréhensible n'a été enfin relevé, pour les périodes visées dans la prévention, par les services de la DRIRE concernant le fonctionnement de l'installation de co-incinération, telle qu'autorisée par la préfecture de l'Aisne, à l'encontre des prévenus, qui, en l'état de la plainte déposée à leur encontre, ont été à bon droit relaxés ; qu'il en est de même pour le fonctionnement des cuves, aussi critiqué par les parties civiles ; qu'au regard de cette relaxe, les dispositions civiles du jugement entrepris ne peuvent qu'être confirmées purement et simplement, étant relevé que, seuls les prévenus peuvent être condamnés sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

"et aux motifs adoptés que l'inspecteur de la DRIRE, entendu, disait ne pas avoir constaté d'infraction au regard des obligations légales et réglementaires auxquelles était tenu l'exploitant ; que, par ailleurs, et au-delà des définitions établies par l'arrêté interministériel du 20 septembre 2002 (c'est en réalité celui du 10 octobre 1996 qui est cité),
« - installation d'incinération : tout équipement technique utilisé pour l'oxydation par la combustion de déchets industriels spéciaux, avec ou sans récupération de la chaleur produite, y compris le traitement préalable, ainsi que la pyrolyse ou tout autre traitement thermique dans la mesure où les produits qui en résultent sont ensuite incinérés ; (..)
- installation de co-incinération : installation principalement conçue et réalisée pour une autre activité que l'incinération de déchets mais qui incinère des déchets industriels spéciaux, notamment en les utilisant comme combustible de substitution. Les installations d'incinération regroupent d'une part les installations spécialisées et d'autre part les installations de coincinération » ;

qu'il convient de retenir, ainsi qu'il résulte de l'arrêt du 11 septembre 2008 de la Cour de justice des Communautés européennes, que l'activité doit être considérée au regard de l'objectif poursuivi ; qu'il convient de constater que dès le 10 septembre 2002, ARF déposait une demande d'autorisation de modification d'exploitation, qui l'a amené à baisser sa production de chaux, dans le but de la substituer à un liant hydraulique en même temps qu'elle entendait traiter des déchets industriels ; qu'excepté un cours moment, ARF n'a pas cessé de produire de la chaux, respectant par ailleurs les prescriptions de l'arrêté du 30 août 2004 ; qu'ainsi, on ne peut considérer qu'ARF avait une activité d'incinération de déchets ; qu'il convient, en conséquence, de relaxer M. X... et la société ARF du chef de cette poursuite ;

"1) alors qu'en se bornant à relever, de manière générale et abstraite, que les éléments soumis à la cour ne pouvaient conduire à considérer les violations des prescriptions des différents arrêtés préfectoraux comme «caractérisées et indiscutables » et que la société ARF aurait respecté les prescriptions de l'arrêté du 30 août 2004, sans rechercher ni vérifier en quoi chacune de ces prescriptions aurait été respectée et sans fournir aucun élément factuel de nature à justifier de telles affirmations, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"2)alors qu'en relevant qu'aucun agissement répréhensible n'a été relevé, pour les périodes visées dans la prévention par les services de la DRIRE concernant le fonctionnement de l'installation de coincinération, telle qu'autorisée par la préfecture de l'Aisne, quand le rapport établi par les services de la DRIRE, le 29 janvier 2004, " mentionnait précisément qu'à ce jour, ARF produit depuis plus de deux ans très peu de chaux en consommant comme combustible presque 100% de déchets liquides en PCI ayant parfois un PCI inférieur à 2000 th/t" et que la "société ARF procède actuellement sur le site de Vendeuil à une incinération de déchets", ce qui montrait que pendant la période visée par la prévention, les prévenus ne respectaient pas les conditions fixées par les différents arrêtés préfectoraux, la cour d'appel a dénaturé le rapport de la DRIRE du 29 janvier 2004 ;

"3) alors qu'en relevant que dès 2002, la société ARF avait déposé une demande d'autorisation de modification d'exploitation, ce qui l'aurait « amené à baisser sa production de chaux, dans le but de la substituer à un liant hydraulique en même temps qu'elle entendait traiter des déchets industriels ,,, quand le dépôt d'une telle demande d'autorisation - demande rejetée parle préfet de l'Aisne le 30 mars 2004 - ne pouvait dispenser les prévenus de respecter les prescriptions fixées parles différents arrêtés préfectoraux les autorisant à exploiter, sous certaines conditions, une installation de co-incinération, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a violé les textes susvisés ;

"4) alors qu'en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, tout dépassement des termes de l'autorisation accordée par le préfet caractérise une exploitation non autorisée ; qu'en l'espèce, sur la base de la demande d'autorisation du 11 mars 1991, les différents arrêtés préfectoraux prévoyaient que la contribution énergétique des déchets ne pouvait dépasser 35%, que le pouvoir calorifique des déchets devait être au minimum de 7 000 thermies par tonne en moyenne mensuelle jusqu'au 31 août 2004, puis, à compter du 1er septembre 2004, de 2 650 thermies par tonne, et que la quantité d'énergie maximale autorisée pour produire une tonne de chaux était de 1 600 thermies par tonne ; qu'il en résultait que la masse maximale de déchets autorisée pour produire une tonne de chaux était, sur la première période (9 juillet 2003 - 31 août 2004), de 80 kg, puis, sur la seconde période (ter septembre 2004 - 20 avril 2005), de 211 kg ; qu'en retenant qu'il n'existait pas de rapport entre le tonnage autorisé de déchets incinérés et la production réelle de chaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"5) alors qu'en s'abstenant de rechercher si la quantité maximale de déchets par tonne de chaux produite, ainsi définie par les arrêtés préfectoraux, avait bien été respectée par la société ARF et M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"6) alors que les installations d'incinération et les installations de co-incinération sont soumises à des règles différentes en ce qui concerne leurs conditions d'exploitation ainsi que les valeurs limites d'émission qui leur sont applicables ; qu'en général, les installations de co-incinération sont soumises à des règles moins contraignantes ; qu'en niant le fait qu'il s'agit de deux types d'installations différentes, au motif qu'elles relèveraient de la même rubrique 167c dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement et que la cour de justice a relevé, dans une phrase de son arrêt Gävle Kraftvärme AB du 11 septembre 2008 (C-251/07), sortie de son contexte, que l'installation de co-incinération constituait une forme particulière d'installation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"7) alors qu'une installation de co-incinération est une installation qui utilise des déchets ou les soumet à un traitement thermique en vue de leur élimination, mais dont l'objectif essentiel est de produire de l'énergie ou des produits matériels ; que si la co-incinération a lieu de telle manière que l'objectif essentiel de l'installation n'est pas de produire de l'énergie ou des produits matériels, mais plutôt d'appliquer aux déchets un traitement thermique, l'installation doit être considérée comme une installation d'incinération ; que le fait qu'une installation effectue une production d'énergie ou de produits matériels par incinération de déchets n'est pas en soi suffisant pour la considérer comme une installation de co-incinération ; qu'en se bornant, pour retenir que l'installation de Vendeuil fonctionnerait toujours comme une installation de co-incinération, à relever qu'elle ne procéderait pas au traitement thermique de déchets sans aucune production de matériel », sans rechercher si l'objectif essentiel de cette installation était de produire de la chaux ou d'appliquer aux déchets un traitement thermique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;

"8) alors qu'en affirmant que l'autorité administrative aurait considéré que l'installation de Vendeuil serait une installation de co-incinération, quand le préfet s'est simplement contenté de définir les conditions dans lesquelles une telle installation pouvait être exploitée, sans se prononcer sur la question de savoir si les prévenus respectaient effectivement les critères exigés pour le fonctionnement de cette installation, et cependant que c'était à elle qu'il appartenait de rechercher, au regard de l'objectif essentiel poursuivi par l'installation à l'époque des faits visés dans la prévention (9 juillet 2003 - 20 avril 2005), si les prévenus n'exploitaient pas sans autorisation une installation d'incinération, la cour d'appel a violé les textes susvisés";

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et pour les besoins de l'action civile, en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estime que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge des prévenus en l'état des éléments soumis à son examen ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 142-4, L. 512-2 et R. 512-20 du code de l'environnement, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, confirmant le jugement de première instance, a déclaré irrecevables les constitutions de parties civiles des communes de Vendeuil, Brissay-Choigny et Travecy ;

"aux motifs propres qu'en l'état de la procédure d'appel et à l'issue des débats tenus devant elle, la cour, se référant aux motifs précis et détaillés du jugement entrepris, pour les adopter, considère que la décision querellée n'est critiquable ni en droit ni en fait, de sorte que la relaxe des deux prévenus était bien fondée et justifiée, et que les parties civiles ont été à bon droit, pour les unes, déboutées de leurs demandes, pour les autres déclarées irrecevables dans leurs constitutions de partie civile ;

"et aux motifs adoptés que l'article L. 142-4 du code de l'environnement permet aux communes de se constituer parties civiles à l'occasion des infractions relatives à la protection de la nature et de l'environnement ; que cette faculté est soumise à l'existence d'un préjudice direct ou indirect portant atteinte au territoire sur lequel elles exercent leurs compétences ; qu'il convient, d'une part, de constater que ARF est situé sur la commune de Vendeuil, ce qui exclut du bénéfice de l'article L. 142-4 du code de l'environnement les communes de Brissay-Choigny, Moy-de-L'Aisne, Travecy et Achery ; que, d'autre part, la commune de Vendeuil ne rapporte pas que l'exploitation sans autorisation préalable d'une installation d'incinération de déchets industriels et de stockage de liquides inflammables de première catégorie, objet de la poursuite, lui ait causé un préjudice direct ou indirect; qu'il convient de recevoir l'incident en ce qui les concerne et de les rejeter en leurs constitutions de partie civile ;

"1) alors que, s'agissant de faits d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement, la recevabilité de la constitution de partie civile d'une commune n'est pas subordonnée à la localisation de l'installation litigieuse sur son territoire, mais à l'existence d'un préjudice direct ou indirect ; qu'en se bornant, pour déclarer irrecevables les constitutions de partie civile des communes de Brissay-Choigny et Travecy, à relever que le site litigieux était situé sur la commune de Vendeuil, ce qui n'était pas, en soi de nature à exclure l'existence d'un préjudice direct ou indirect, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs au regard des textes susvisés ;

"2) alors que l'autorisation d'exploiter une installation classée est accordée après enquête publique et après avis des conseils municipaux intéressés ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les faits incriminés d'exploitation sans autorisation préalable d'une installation d'incinération de déchets industriels n'étaient pas susceptibles de causer à ces communes, dont le territoire est susceptible d'être touché par les dangers et inconvénients d'une telle installation, un préjudice direct ou indirect en les privant de la possibilité d'émettre leur avis dans le cadre de l'enquête publique diligentée en cas de demande régulière d'autorisation, et d'informer leurs habitants sur les risques environnementaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"3) alors qu'en déclarant la constitution de partie civile de la commune de Vendeuil irrecevable, quand, du fait de la localisation de l'installation litigieuse sur le territoire de cette commune, les faits incriminés étaient précisément de nature à lui causer un préjudice direct ou indirect, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4) alors qu'en déclarant la constitution de partie civile de la commune de Vendeuil irrecevable, au motif qu'elle n'établirait pas que les faits incriminés lui aient causé un préjudice direct ou indirect, quand cette commune, en faisant valoir qu'elle avait été privée, du fait de l'exploitation sans autorisation régulière de l'installation, de la possibilité d'émettre son avis dans le cadre d'une enquête publique et d'informer ses habitants sur les risques environnementaux, établissait précisément que les faits en cause étaient susceptibles de lui causer un préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés";

Attendu que les communes concernées qui soutiennent avoir été à tort déclarées irrecevables en leur constitution de partie civile ne sauraient s'en faire un grief faute d'intérêt dès lors que, par suite du rejet du précédent moyen, elles auraient été, en cas de recevabilité de leur constitution, déboutées des demandes par elles présentées et que la prétendue erreur qui aurait été commise ne leur cause donc aucun préjudice ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Existence d'un préjudice moral de l'association du seul fait de l'existence de l'infraction ;

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 5 octobre 2010

N° de pourvoi: 09-88748
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- La société Cray Valley,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 11 décembre 2009, qui, pour contraventions à la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, l'a condamné à quatre amendes de 500 euros, une amende de 250 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1134 du code civil, 6 de la loi du 1er juillet 1901 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables l'action civile de la Fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement (FNE) et l'intervention de l'Association agrée pour la défense de l'environnement et de la lutte contre la pollution (ADELP) en ce qu'elles tendaient à faire établir l'existence de cinq infractions aux dispositions relatives aux installations classées à l'encontre de la société Cray Valley et, en conséquence, d'avoir déclarée cette dernière coupable de ces cinq infractions et de l'avoir condamnée au paiement de cinq amendes, ainsi qu'à verser à la FNE et à l'ADELP la somme chacune de 2 500 euros en réparation de leur préjudice moral ;

"aux motifs que, contrairement à ce qu'allèguent la société Cray Valley et son conseil, les éléments de preuve résultant de la procédure, du dossier et des débats ont été sainement appréciés par le premier juge qui a correctement qualifié les faits retenus à la charge de la société Cray Valley ; qu'il suffit de mettre en exergue que c'est à juste titre que le premier juge a constaté qu'en ce qui concerne la violation de l'article 13.6 de l'arrêté préfectoral du 31 juillet 1998 relatif à la communication des résultats du contrôle annuel des poussières et la violation de l'article 14.5.2 sur le contrôle des eaux souterraines, il ressort du rapport de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) versé aux débats, que l'inspection des installations classées a constaté, lors de sa visite inopinée du 22 février 2007, que les résultats de l'autosurveillance de l'air et de l'autosurveillance des eaux souterraines ne sont pas transmises à l'inspection des installations classées ; que ces deux infractions constatées par la DRIRE, sont constituées à la date du 22 février 2007 ; que, de la même manière, à la date du contrôle, en violation de l'article 29.2, alinéa 2, concernant la sécurité du stockage des liquides inflammables, la DRIRE a constaté que le réservoir BC 316 n'est pas équipé d'une mesure continue de la température, avec température haute indépendante de la mesure reportée en salle de contrôle et que le préfet de la Moselle a, par ailleurs, pris un arrêté de mise en demeure de respecter les prescriptions violées, de sorte que les deux infractions sont bien constituées à la date du contrôle de la DRIRE ; qu'en ce qui concerne le non-respect de l'arrêté ministériel du 29 juin 2004, relatif au bilan de fonctionnement des installations classées, et, notamment les articles 2 et 3 de cet arrêté, cette infraction a été constatée par la DRIRE dans une lettre du 22 janvier 2007 envoyée par l'inspection des installations classées à la société Cray Valley ; que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que cette infraction est une infraction continue qui est constituée tant que le bilan de fonctionnement n'a pas été fourni à la DRIRE ; qu'il convient, au vu de ces considérations et de la lettre de la DRIRE datée de Forbach du 9 mars 2007, envoyée au directeur de Cray Valley à Saint-Avold et récapitulant les infractions constatées lors de la visite d'inspection du 22 février 2007, de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité ;

"alors que le représentant d'une association spécialement mandaté par l'organe statutairement habilité à agir en justice ne peut intenter d'action en justice en dehors des termes du mandat exprès qui lui est conféré ; qu'en l'espèce, la société Cray Valley soutenait, dans ses conclusions d'appel, que la FNE n'était pas recevable à la poursuivre en justice pour non communication des résultats du contrôle annuel des poussières, non-communication des résultats du contrôle annuel des eaux souterraines et absence de dispositif de mesure continue de la température sur les réservoirs de liquides inflammables, dès lors que ces trois infractions n'étaient pas visées par les délibérations du bureau exécutif de la FNE des 6 septembre 2007 et 18 janvier 2008 comprenant le mandat exprès d'agir en justice à son encontre donné au vice-président de cette association ; qu'en déclarant recevables la constitution de partie civile par voie d'action de la FNE et celle, effectuée par voie d'intervention de l'ADELP, qui tendaient à faire établir l'existence de cinq infractions d'exploitation non conforme d'une installation classée à l'encontre de la société Cray Valley, sans répondre à ce moyen péremptoire des conclusions de la société Cray Valley tiré de ce que seules deux des infractions poursuivies étaient visées par le mandat spécial de représentation en justice, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'association France nature environnement a fait citer la société Cray Valley devant le tribunal de police de Saint-Avold du chef de cinq contraventions de la 5e classe, en lui reprochant d'avoir exploité une installation de fabrication de résines thermoplastiques et stocké des liquides inflammables en violation des règlements relatifs aux établissement classés pour la protection de l'environnement ; que, devant le premier juge, la société Cray Valley a déposé des conclusions en défense, dans lesquelles elle demandait, à titre principal, sa relaxe et, à titre subsidiaire, que les poursuites soient déclarées nulles, le représentant de la partie civile ne justifiant pas de sa qualité à agir ;

Attendu que les juges du fond ont déclaré la prévenue coupable sans prononcer sur la demande subsidiaire ;

Attendu qu'en cet état, d'où il résulte que l'exception de nullité n'a pas été présentée avant toute défense au fond, le moyen qui reprend cette exception devant la Cour de cassation est irrecevable ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 142-2 du code de l'environnement, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable les constitutions de partie civile de la FNE et de l'ADELP et, en conséquence, déclaré la société Cray Valley coupable d'infractions à la législation relatives aux installations classées et condamné cette société au paiement d'amendes, ainsi qu'à verser à la FNE et à l'ADELP chacune la somme de 2 500 euros en réparation de leur préjudice moral ;

"aux motifs propres qu'en application des dispositions de l'article L. 142-2 du code de l'environnement, allégué par le prévenu, les associations agréées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de l'environnement, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances ; qu'en application de cet article, il est de droit constant, que, dès lors que les infractions sont constituées, la seule atteinte portée aux intérêts collectifs que l'association a mission de défendre constitue le préjudice de celle-ci et que la seule atteinte portée aux intérêts définis par les statuts de l'association agréée de l'environnement par l'infraction à la protection de l'environnement ou de lutte contre les nuisances, constitue le préjudice moral indirect de celle-ci ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris sur l'action civile, par des motifs que la cour adopte pour le surplus, le premier juge ayant fait une juste et exacte appréciation du préjudice subi par la partie civile ;

"et aux motifs adoptés que l'association FNE est agréée par arrêté ministériel du 29 mai 1978 au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement et a pour objet la protection de l'environnement, la lutte contre la pollution et les nuisances, qu'elle est recevable à exercer l'action civile des infractions à la réglementation des installations classées ; que le préjudice subi par une association agréée de protection contre l'environnement peut résulter d'une atteinte aux intérêts collectifs qu'elle défend ; que la société Cray Valley doit être déclarée seule et entièrement responsable des conséquences dommageables découlant des faits qui lui sont reprochés et notamment du préjudice moral de la partie civile, les violations des articles précités portant atteinte à la santé et surtout à la sécurité publique réduisant aussi à néant les efforts de l'association France nature environnement en faveur de la protection de l'environnement, étant précisé que l'une des missions essentielles de l'association FNE est d'agir pour prévenir les risques de pollution de toutes natures au lieu de les subir ; que la DRIRE elle-même a, à cet égard, indiqué dans son rapport que compte tenu du potentiel de dangers représentés par les installations de stockage de l'établissement (notamment le bac de stockage d'alphapinène et de stockage tampon des recyclés) et par ses rejets (benzène) le non-respect des prescriptions est de nature à porter préjudice aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; qu'il sera dès lors accordé à l'association France nature environnement la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral ; que la société Cray Valley doit être déclarée seule et entièrement responsable des conséquences dommageables découlant des faits qui lui sont reprochés pour les mêmes raisons que développés ci-dessus à l'encontre de l'association France nature environnement ; qu'il sera ainsi également fait droit aux demandes de l'ADELP, à hauteur des mêmes montants ;

"1) alors que les associations agréées de protection de l'environnement ne peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile qu'à la double condition, d'une part, que les faits reprochés portent un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et, d'autre part, qu'ils constituent une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, à l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection, ainsi qu'aux textes pris pour leur application ; qu'en l'absence d'un dommage quelconque causé à l'environnement et lorsqu'il a été remédié à l'infraction par l'exploitant avant toute poursuite, la seule constatation d'une infraction à la législation relative aux installations classées ne caractérise pas, en soi, une atteinte aux intérêts collectifs dont les associations de protection de l'environnement peuvent poursuivre la réparation ; qu'en déduisant une telle atteinte de la seule commission d'infractions aux dispositions réglementant le fonctionnement d'une installation classée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

"2) alors que, si les associations agréées de protection de l'environnement peuvent poursuivre la réparation du préjudice direct ou indirect porté aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, l'existence d'un préjudice en relation avec les faits incriminés doit être caractérisée d'après le contenu de leur objet social ; qu'en déduisant le préjudice moral de la FNE et de l'ADELP de la seule commission d'infractions aux dispositions relatives aux installations classées n'ayant causé aucun dommage à l'environnement et n'ayant même présenté aucun risque de pollution et auxquelles l'exploitant avait remédié avant même l'engagement des poursuites, sans caractériser de lien entre les faits incriminés et l'objet statutaire de ces associations qui ne visent pas l'atteinte causée par ces infractions à la législation sur les installations classées, la cour d'appel derechef méconnu les textes susvisés ;

"3) alors que, lorsqu'en l'absence de toute atteinte à l'environnement, l'atteinte aux intérêts collectifs que les associations agréées ont pour objet de défendre est constituée par la seule commission d'une infraction aux dispositions relatives aux installations classées, le préjudice moral indirect en résultant ne constitue pas un préjudice personnel propre distinct du préjudice résultant de l'atteinte à l'intérêt général et dont la réparation est assurée par la peine prononcée" ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice moral résultant pour les parties civiles, associations agréées par l'autorité administrative au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, de l'atteinte aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans les limites des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage résultant de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Caducité d'une autorisation ?

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 16 octobre 2007

N° de pourvoi: 07-80198
Publié au bulletin Rejet

REJET du pourvoi formé par la Fédération Rhône Alpes de protection de la nature (FRAPNA), le Comité d'Izeaux pour la défense de la qualité de la vie, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 20 décembre 2006, qui, sur renvoi après cassation, les a déboutés de leurs demandes après relaxe de la société Transports Fernand Lely et fils, Lely environnement Evac'Ordures, du chef d'exploitation d'une installation classée sans autorisation ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 24 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, L. 514-9 et L. 514-11 du code de l'environnement et de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :

"aux motifs que l'autorisation d'exploiter donnée par l'arrêté du 28 février 1989 a été retirée par arrêté du 22 septembre 1990, lequel a été annulé par un jugement du 15 mai 1994 donnant ainsi son plein effet à l'arrêté du 28 février 1989 ; qu'il ressort d'une lettre du préfet de l'Isère du 8 août 1996 que la mise en oeuvre de l'arrêté d'autorisation en cause a été selon le ministre de l'environnement impossible entre le 13 novembre 1990 et le 24 mai 1994, date de notification du jugement du tribunal administratif de Grenoble ; qu'il en résultait l'inopposabilité à la société Lely pendant cette période du délai de caducité de trois ans prévu à l'article 24 du décret du 21 septembre 1997 ; que la cour partage cette analyse dans la mesure où la société Lely n'a pu jusqu'au 28 février 1989 user de l'autorisation dont elle bénéficiait ; qu'au surplus, cette situation s'analyse en un cas de force majeure au sens de l'article 24 du décret susvisé ; que le fait de l'administration a fait courir un nouveau délai de péremption de trois ans à compter du 25 mai 1994 ; que la société Lely affirme qu'elle a commencé à exploiter la décharge le 6 mai 1997, ce que les parties civiles contestent ; que force est de constater que cette contestation a été soulevée pour la première fois le 10 août 2001 dans le cadre d'une procédure de référé alors que depuis l'été 1997 les parties civiles ont lutté pour obtenir du préfet de l'Isère et du tribunal administratif qu'ils suspendent l'exploitation de la décharge ; que la société Lely produit aux débats la preuve du paiement de la taxe ADEME sur le tonnage réceptionné ; qu'il importe peu que les dépôts aient consisté en l'enfouissement de machefer dès lors que ce produit constitue bien un déchet pour lequel la société Lely a reversé la taxe ; que la date du 6 mai 1997 ressort également d'un courrier du 23 décembre 1997 émanant de la DRIRE qui énonce à l'attention de la société Lely «vous exploitez la décharge depuis le 6 mai 1997» ; que cette date a également été reprise dans le rapport de la mission d'inspection spécialisée effectué par le conseil général des ponts et chaussées déposé le 19 novembre 1997 ; que les parties civiles n'établissent pas que ce début d'exploitation a été entrepris dans des conditions illégales ; que la prévenue soutient qu'elle n'est pas demeurée plus de deux ans consécutifs sans exploiter la décharge mais qu'elle y a été contrainte par le fait de l'administration et des éléments de force majeure ; que l'interruption d'exploitation de deux ans visé à l'article 24 du décret du 21 septembre 1977 est une interruption complète ; que la réalisation de travaux est assimilée à des actes d'exploitation, même si, pendant leur période de réalisation il n'a pas été procédé à des enfouissements à moins que les travaux aient été entrepris dans le seul but d'échapper à la caducité ; que les pièces du dossier établissent qu'après l'enfouissement des déchets les mois de juin et juillet 1997 et mars 1998, la société Lely a fait réaliser des travaux en lien avec l'exploitation jusqu'à la reprise des enfouissements en juillet 2001 ; qu'ainsi, a-t-elle fait établir une étude de mise en conformité à la demande du préfet de l'Isère ; qu'il résulte d'un relevé de la société Lely que les 31 mars 1998 et 24 mars 1998 elle a fait enfouir du mâchefer et des déchets ultimes, ce que les parties civiles ne contestent pas sérieusement ; qu'au cours de l'année 2000, elle a fait construire sur le site quatre piézomètres pour un montant de 21 544,91 euros ; qu'elle assure le pompage, le transport et le traitement des eaux usées du site ; que la DRIRE a considéré que l'exploitation de la décharge n'avait pas été interrompue dans la mesure où elle a sollicité le règlement de la redevance pour cette période ; qu'il s'agit là d'actes d'exploitation qui doivent être analysés à la lumière des circonstances de l'époque caractérisée par une forte opposition, par des troubles répétés à l'ordre public, un souci légitime des pouvoirs publics ont incité les manifestants et la société Lely à la concertation demandant à cette dernière, qui ne souhaitait rien d'autre que de poursuivre son activité, de suspendre les enfouissements ; qu'il en résulte, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la prévenue se trouvait à cette époque face à un cas de force majeure et au fait de l'administration que les arrêtés des 28 février 1989 et 23 mai 1997 n'avaient pas cessé de produire leurs effets à la date du 30 juillet 2001 ;

"1°) alors que l'arrêté d'autorisation d'exploitation d'une installation destinée à l'enfouissement de déchets cesse de produire effet lorsqu'elle n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou n'a pas été exploitée durant deux années consécutives ; que les parties civiles avaient soutenu que l'enfouissement de mâchefer réalisé par la société Lely en mai 1997 avait pour objet la réalisation d'une couche draînante en fond d'alvéole afin de répondre à l'une des prescription technique relative à l'aménagement du site d'enfouissement et ne pouvait donc pas être assimilé à un acte d'exploitation ; qu'en se bornant à affirmer que le mâchefer constitue un déchet sans réfuter le moyen des conclusions des parties civiles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

"2°) alors que l'arrêté d'autorisation, qui porte sur une installation destinée à l'enfouissement des déchets, cesse également de produire effet lorsque l'installation classée n'a pas été exploitée durant deux années consécutives ; que le défaut d'exploitation s'entend de l'absence d'utilisation du site à sa destination autorisée par l'arrêté préfectoral qui est l'enfouissement de déchets ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que, même en assimilant le dépôt de mâchefer qui aurait été réalisé en mars 1998 à un acte d'exploitation, la société Lely n'a procédé entre mars 1998 et juillet 2001, soit pendant plus de deux années, à aucun enfouissement de déchets et n'a fait que construire quatre piézomètres et assuré le pompage, le transport et le traitement des eaux usées ; qu'en déduisant de ces travaux que l'installation litigieuse n'avait pas fait l'objet d'une cessation totale d'exploitation, la cour d'appel a violé les articles 24 du décret du 21 septembre 1977, ensemble les articles L. 514-9 et L. 514-11 du code de l'environnement" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Transports Fernand Lely et fils, Lely environnement Évac'ordures (la société Lely) a été autorisée, par arrêté préfectoral du 28 février 1989, à exploiter à Izeaux (Isère) une décharge de déchets industriels, installation classée pour la protection de l'environnement ; que cette autorisation a été retirée par un arrêté du 22 septembre 1990, qui a été annulé par un jugement définitif du tribunal administratif du 15 mai 1994 ; que les recours en annulation introduits par les associations parties civiles, la FRAPNA et le comité d'Izeaux, contre l'autorisation initiale ont été définitivement rejetés à la suite de la décision de non-admission rendue par le Conseil d'Etat le 14 mai 2001 ; que, le 30 juillet 2001, la société Lely a déchargé des déchets sur le site en cause ;

Attendu que cette société a été citée devant le tribunal correctionnel pour avoir, en juillet 2001, exploité sans autorisation une installation classée pour la protection de l'environnement, en violation des articles L. 512-1 et L. 514-9 du code de l'environnement et 24 du décret du 21 septembre 1977, l'autorisation étant caduque dès lors que, d'une part, plus de trois années s'étaient écoulées entre sa délivrance et la mise en service de l'installation et que, d'autre part, l'exploitation, ultérieurement entreprise, avait été interrompue durant deux années consécutives ;

Attendu que le tribunal correctionnel a déclaré la société Lely coupable de ce délit et a prononcé sur les intérêts civils ; que, la cour d'appel de Grenoble a prononcé une relaxe et débouté les associations ; que, sur le pourvoi de ces dernières, cette décision a été cassée en ses seules dispositions civiles par un arrêt du 2 juin 2004 et l'affaire renvoyée devant la cour d'appel de Lyon, dont l'arrêt a été également cassé ; que la cour d'appel de Riom, statuant sur renvoi après cette seconde cassation, a débouté les parties civiles de leurs demandes après avoir jugé que les éléments constitutifs de l'infraction n'étaient pas réunis ;

Attendu que, pour décider que l'autorisation était toujours en vigueur, l'arrêt retient notamment que le préfet a édicté des prescriptions complémentaires par un arrêté du 30 décembre 2002 ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, il n'appartient au juge pénal, saisi de poursuites du chef d'exploitation d'une installation classée sans autorisation, de rechercher lui-même s'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 24 du décret du 21 septembre 1977 qu'en l'absence de décision administrative se prononçant sur la caducité ou la péremption de l'autorisation invoquée par l'exploitant ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, le préfet, qui a édicté des prescriptions complémentaires par un arrêté du 30 décembre 2002, ayant constaté, implicitement mais nécessairement, que l'arrêté d'autorisation du 28 février 1989 n'avait pas cessé de produire effet ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin criminel 2007, N° 247

 

une mise en demeure pour cesser les nuisances olfactives n’équivaut pas à une mise en demeure de respecter des prescriptions techniques

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 26 septembre 2006

N° de pourvoi: 05-87259
Publié au bulletin Cassation sans renvoi

Statuant sur le pourvoi formé par :- LA SOCIETE AVILANDE,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 17 novembre 2005, qui, pour infraction à la législation sur les installations classées, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2 du code pénal, des articles L. 514-11, L. 511-1, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5, L. 512-7, L. 512-8, L. 512-9, L. 512-12, L. 517-1 et L. 514- 14 du code de l'environnement, violation de l'article L. 514-18 du même code, méconnaissance des exigences de l'article 593 du code de procédure pénale et violation de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la SA Avilande coupable du délit visé à la prévention et en répression l'a condamnée à une amende de 15 000 euros ;

"aux motifs centraux que, contrairement à ce que soutient la société intimée dans son mémoire déposé à l'audience, l'arrêt de mise en demeure du 5 octobre 1999, dont le non-respect est retenu comme fondement de la poursuite constitue bien un acte administratif pris conformément aux dispositions de l'article L. 514-11 II, ter alinéa, du code de l'environnement dès lors que l'injonction de mettre fin aux nuisances olfactives constitue nécessairement la mise en demeure d'avoir à respecter les prescriptions techniques déterminées en application de l'article L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5 et L. 512-7 de ce même code puisqu'ils faisaient expressément référence, dans ses visas, à l'arrêté préfectoral du 2 novembre 1993 autorisant la SA Avilande à exploiter une unité d'épuration au lieudit " Beaucroix " à Saint-Carreuc et à l'arrêté préfectoral de prescriptions complémentaires du 17 octobre 1997 ; qu'en effet ces deux arrêtés contiennent des prescriptions techniques dont le but est d'éviter les nuisances olfactives ;

"aux motifs encore qu'il en est ainsi des obligations suivantes :

- éviter tout écoulement des déjections à traiter, traitées ou en cours de traitement ainsi que des eaux résiduaires en dehors de l'unité de compostage, conception d'un bâtiment permettant la pose de filtre de l'aire si nécessaire et assurer un suivi de l'unité de compostage portant en particulier sur les mesures de débit d'air entrant et sortant et sur les émissions gazeuses (arrêté du 2 novembre 1993) ; - collecte et rejet en un point unique de l'ensemble des gaz extraits du bâtiment de compostage et mesure en continu de la concentration de rejet en ammoniac (arrêté du 5 octobre 1999) ;

que la finalité de ces obligations, résultant de prescriptions techniques étant à l'évidence et de par leur nature la prévention des nuisances olfactives, la mise en demeure de mettre fin à de telles nuisances emportait nécessairement mise en demeure d'avoir à respecter les prescriptions techniques correspondantes, énoncées dans les deux arrêtés des 2 novembre 1993 et 17 octobre 1997 pour la prévention des dangers ou inconvénients encourus, du fait de l'installation autorisée, par les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; que le fait que l'énoncé des prescriptions techniques susvisées n'ait pas été expressément repris dans l'arrêté de mise en demeure ne permet pas à la société Avilande de soustraire à des obligations qu'elle connaissait parfaitement ; que les constatations effectuées les 8 juillet, 13 et 18 septembre 2002 démontrent la violation de ces obligations puisque les nuisances olfactives se répandaient de manière persistante dans le voisinage de l'installation ; qu'il s'agit d'une méconnaissance intentionnelle puisqu'elle affecte des prescriptions qui avaient été régulièrement portées à la connaissance de la personne morale ;

"aux motifs aussi que l'arrêté préfectoral de mise en demeure du 5 octobre 1999, qui considère la persistance des nuisances olfactives et que, dès lors, les intérêts mentionnés par la loi du 19 juillet 1976 ne sont pas garantis par l'exploitation de cet établissement, a donc été pris en application des dispositions de l'article L. 514-1 I du code de l'environnement qui vise le cas où a été constatée l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, ce qui permet au préfet de mettre en demeure cet exploitant de satisfaire à ces conditions dans une délai déterminé ; que tel a été l'objet de cet arrêté préfectoral qui, n'entrant pas dans les prévisions de l'article L. 512-7, n'avait pas à être précédé de l'avis de la commission départementale consultative ; qu'il résulte en conséquence de l'ensemble des éléments du dossier que les organes et représentants de la société Avilande se sont rendus coupables du délit visé à la prévention en omettant de respecter les prescriptions de l'arrêté de mise en demeure et que ce manquement ayant été commis à l'occasion de l'exploitation à laquelle la société Avilande avait été autorisée, les conditions posées par l'article 121-2 du code pénal se trouvent réunies, la responsabilité pénale des personnes morales est prévue, dans le cas présent, par l'article L. 514-18 du code de l'environnement ;

"alors que, d'une part, il est constant que par un arrêté du 5 octobre 1999, le préfet des Côtes-d'Armor, considérant la persistance de nuisances olfactives et observant que les intérêts mentionnés par la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ne sont pas garantis par l'exploitation de l'établissement, mettait en demeure la SA Avilande de mettre fin aux nuisances olfactives dans le délai d'un mois étant précisé que si, à l'expiration de ce délai, l'exploitant n'a pas obtempéré, il pourra être fait application des sanctions administratives prévues à l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ;

qu'ainsi, comme l'a fait valoir la société intimée, la mise en demeure ne se réfère à aucun acte administratif antérieur, à aucune mise en demeure antérieure, et n'indique aucune prescription technique déterminée en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5, L. 512-7, L. 512-9 et L. 512-12 à respecter, que la simple demande de mettre fin à des nuisances olfactives dans un délai d'un mois sans la moindre prescription technique au sens de l'article L. 514-11 II du code de l'environnement méconnaît les exigences de ce texte en sorte qu'aucune poursuite pénale ne pouvait être utilement engagée en cas de manquement à une mise en demeure aussi évasive ;

"alors que, d'autre part et en toute hypothèse, il est constant que l'arrêté portant autorisation d'une unité de traitement par compostage en date du 2 novembre 1993 contenait un certain nombre de prescriptions purement techniques, sur l'agencement du bâtiment, sur le recueil des eaux pluviales, sur la conception même du bâtiment, sur les documents d'exploitation devant être tenus et si une lettre des services des installations passée du 14 juin 2002, qui n'est pas visée dans les poursuites, contient onze prescriptions techniques précises imposées à l'exploitant, il n'est nullement allégué et encore moins constaté que lesdites prescriptions résultant desdits documents n'aient pas été respectées et qu'en ne tenant pas compte de ces données centrales régulièrement entrées dans le débat (cf p.3 des écritures d'appel), la Cour méconnaît les exigences de l'article 593 du code de procédure pénale ;

"et alors enfin, que l'arrêté du 5 octobre 1993 du préfet mettant en demeure ne faisait état que de l'application éventuelle de sanctions administratives prévues à l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ; qu'à aucun moment il n'a été fait état d'éventuelles poursuites pénales, qu'ainsi la mise en demeure en cause ne pouvait servir d'assise à une action devant le tribunal correctionnel sur sa base en l'absence de précisions sur d'éventuelles incriminations pénales ;

qu'en jugeant différemment nonobstant la constatation selon laquelle la mise en demeure ne visait que l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 (cf p.4, alinéa 2, de l'arrêt) la Cour viole les textes cités au moyen, ensemble les exigences d'une information minimale sur les incriminations encourues en l'absence de satisfaction des exigences de l'administration" ;

Vu les articles L. 514-1-I et L. 514-11-II du code de l'environnement ;

Attendu que l'infraction définie par le second de ces articles n'est constituée que lorsqu'ont été méconnues des prescriptions techniques, déterminées en application des articles du même code spécifiés dans ledit texte, et rappelées par une mise en demeure préfectorale ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Avilande exploite une unité de traitement de fientes de volailles et de boues de station d'épuration, installation classée autorisée par un arrêté préfectoral du 2 novembre 1993 ; que diverses obligations relatives à la conception des bâtiments ainsi qu'au contrôle des émissions liquides et gazeuses lui ont été imposées par l'arrêté initial et par un arrêté complémentaire du 17 octobre 1997 ;
que, le 5 octobre 1999, le préfet a mis en demeure la société Avilande de mettre fin aux nuisances olfactives dans le délai d'un mois ; que, par un procès-verbal du 8 juillet 2002, un inspecteur des installations classées a constaté à 450 mètres de l'établissement des odeurs de matières organiques en putréfaction ; que la société Avilande a été poursuivie pour ne s'être pas conformée à la mise en demeure dans le délai imparti ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable, l'arrêt retient que les arrêtés préfectoraux du 2 novembre 1993 et du 17 octobre 1997 lui ont imposé d'éviter tout écoulement des déjections, de concevoir les bâtiments de façon à permettre la pose d'un filtre d'air, de collecter et de rejeter en un point unique l'ensemble des gaz extraits de l'unité de compostage et de mesurer en continu leur concentration en ammoniac ;
que les juges ajoutent que la finalité de ces obligations, résultant de prescriptions techniques, étant à l'évidence et de par leur nature la prévention des nuisances olfactives, la mise en demeure de mettre fin à de telles nuisances emportait nécessairement mise en demeure d'avoir à respecter les prescriptions techniques correspondantes énoncées par les arrêtés du 2 novembre 1993 et du 17 octobre 1997 ;

Mais attendu qu'en se déterminant par ces motifs, dont il ne résulte pas que l'obligation de prévenir toute nuisance olfactive ait été spécifiquement prescrite à la société Avilande, en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5 ou L. 512-7 du code de l'environnement, antérieurement à la mise en demeure du 5 octobre 1999, et alors que, ne pouvaient être tenues pour équivalentes à une telle obligation les conditions d'aménagement des bâtiments et de mesure des émissions gazeuses fixées par les arrêtés du 2 novembre 1993 et du 17 octobre 1997, dont, au surplus, la méconnaissance n'aurait pas été régulièrement constatée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 17 novembre 2005 ;

Publication : Bulletin criminel 2006 N° 239 p. 850

Information quand au non respect des prescriptions techniques

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 7 mars 2006

N° de pourvoi: 05-86030
Publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- LA SOCIETE AGRONOR,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 29 septembre 2005, qui, pour infractions à la législation sur les installations classées, l'a condamnée à 30.000 euros d'amende pour le délit et 1.500 euros d'amende pour la contravention, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6.3 a de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble des articles 551, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Agronor à la peine d'amende de 1.500 euros pour la contravention d'exploitation non conforme d'installation classée ;

"aux motifs que, visant une contravention de la cinquième classe, le fait poursuivi est parfaitement énoncé dans la citation, en application des dispositions de l'article 551, second alinéa, du Code de procédure pénale et la référence expresse à l'ensemble des prescriptions énoncées dans l'arrêté préfectoral d'autorisation permettait aux organes de la personne morale poursuivie de connaître les faits qui lui étaient reprochés, à savoir la violation d'un ensemble de prescriptions énoncées dans l'arrêté préfectoral ; qu'elle connaissait nécessairement et spécialement - mais non exclusivement - l'obligation pour l'établissement d'être aménagé, équipé et exploité de façon à éviter toutes nuisances, en particulier olfactives et auditives, au voisinage selon l'article 2-3 de l'arrêté ; que, de ce chef, la citation délivrée était bien conforme à sa fonction d'information de la personne poursuivie et aucune nullité ne peut être prononcée pour le motif allégué ;

"alors que tout prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet ; que ne satisfait pas à cette exigence la citation qui se borne à reprocher. au prévenu d'avoir omis de respecter les prescriptions énoncées par un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation et notamment des dispositions de l'article 2-3, sans identifier précisément la ou les prescriptions violées et qui n'énonçait aucun fait précis reproché au prévenu ; qu'ainsi la Cour viole les textes assortissant le moyen" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 514-11 Il du Code de l'environnement, de l'article 111-3 du Code pénal, de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des articles 6.3 a., 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe de la légalité des délits et des peines, ensemble les articles 551, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Agronor à la peine d'amende de 30.000 euros pour le délit de poursuite d'exploitation d'une installation classée non conforme ;

"aux motifs qu'il en est de même du grief adressé à la qualification délictuelle de poursuite d'exploitation en méconnaissance d'un arrêté de mise en demeure dès lors que l'injonction de cessation des nuisances olfactives faisait nécessairement référence à la prescription de l'article 2-3 précité visant un aménagement, un équipement et une exploitation qui soient de nature à éviter toutes nuisances, ce qui constitue bien un ensemble de prescriptions techniques, et que la seconde injonction de respect des autres prescriptions fixées par l'arrêté préfectoral d'autorisation visait expressément des obligations nécessairement connues de l'exploitant ; qu'il convient de préciser que, ce qui lui est ici reproché n'est pas la seule poursuite de l'exploitation, mais la poursuite de l'exploitation en méconnaissance des prescriptions de l'arrêté d'autorisation reprises par l'arrêté de mise en demeure ;

qu'enfin, l'inaptitude de l'arrêté de mise en demeure à fonder la poursuite ne peut être valablement soutenue ; qu'en effet, cet arrêté, en date du 20 juin 2003 et notifié le 23 juin suivant, a été pris en application des dispositions de l'article L. 514-1 1 du Code de l'environnement qui vise expressément le cas où il est constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, ce qui permet au préfet de mettre en demeure cet exploitant de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé ; que tel a été l'objet de cet arrêté préfectoral du 20 juin 2003 qui, n'entrant pas dans les prévisions de l'article L. 512-7, n'avait pas à prescrire la mise en oeuvre de remède ni a être précédé de l'avis de la commission départementale consultative ;

"et aux motifs du tribunal que l'arrêté de mise en demeure se réfère expressément aux travaux demandés à l'article 2- 3 de l'arrêté d'autorisation du 16 octobre 2003 afin d'éviter toutes nuisances, en particulier olfactive et auditive au voisinage ;

"alors que, d'une part, tout prévenu a droit à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet ; que, ne satisfait pas à cette exigence la citation qui se borne à reprocher la poursuite d'une exploitation classée en dépit d'un arrêté de mise en demeure qui ne comportait aucune injonction précise et qui n'énonçait aucun fait précis reproché au prévenu ; qu'ainsi la Cour viole les textes assortissant le moyen ;

"alors que, d'autre part, seul le fait de poursuivre l'exploitation d'une installation classée sans se conformer à l'arrêté de mise en demeure d'avoir à respecter, au terme d'un délai fixé, les prescriptions techniques déterminées en application des articles L. 512-1, L. 512-3, L. 512-5, L. 512-7, L. 512-8, L. 512-9 ou L. 512-12 est puni de six mois d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende ; que l'article 1er de l'arrêté de mise en demeure du 20 juin 2003 se bornait à enjoindre la société Agronor "de faire cesser les nuisances olfactives dans un délai maximum de 1 mois à compter de la date de notification du présent arrêté" et "de respecter, sans délai, les autres prescriptions fixées par l'arrêté préfectoral d'autorisation du 16 octobre 2001 modifié le 19 novembre 2001" ; qu'ainsi ledit arrêté préfectoral ne comportait aucune mise en demeure d'avoir à respecter des prescriptions techniques déterminées, selon les textes ci-dessus rappelés ; d'où il suit qu'en estimant le délit constitué et en entrant en répression de ce chef, la Cour viole les textes assortissant le moyen ;

"alors que, d'autre part, en toute hypothèse, l'article 1er de l'arrêté portant mise en demeure du 20 juin 2003 n'opérait aucun renvoi à l'article 2-3 de l'arrêté du 16 octobre 2001 qui ne comportait au demeurant aucune prescription technique, mais se bornait à prévoir que "l'établissement devra être aménagé, équipé et exploité de façon à éviter toutes nuisances, en particulier olfactives et auditives, de voisinage ; l'établissement sera maintenu en bon état de fonctionnement" ; qu'il était ajouté que "l'ensemble du site sera maintenu propre et les bâtiments et installations entretenus en permanence ; qu'il sera apporté un soin particulier aux abords de l'établissement relevant de l'exploitant (plantations, engazonnement, etc.) ; tout brûlage à l'air libre est interdit ; une dératisation permanente doit être assurée ainsi qu'une désinsectisation aussi souvent que nécessaire" ; d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, la Cour viole les textes assortissant le moyen" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Agronor exploite une usine de fabrication d'engrais et de supports de culture, installation classée autorisée par arrêté préfectoral du 16 octobre 2001 ; que, les 22 mai et 16 juin 2003, deux inspecteurs des installations classées ont dressé un procès-verbal constatant des odeurs âcres et putrides, incommodantes pour les populations voisines, et qu'ils ont invité l'exploitant à achever les travaux requis par un précédent rapport du 6 mars 2003 ; que, par un arrêté du 20 juin 2003, notifié le 23 juin suivant, la société Agronor a été mise en demeure par le préfet de faire cesser les nuisances olfactives dans le mois de la notification ; que cette société a été poursuivie du chef de la contravention d'inobservation des prescriptions techniques imposées par l'arrêté d'autorisation, ainsi que pour le délit consistant à ne s'être pas conformée à la mise en demeure dans le délai imparti ;

Attendu que, pour écarter les exceptions de nullité de la citation, la cour d'appel retient, d'une part, que celle-ci vise la violation des prescriptions de l'arrêté d'autorisation, dont les organes de la société ont nécessairement connaissance, et notamment des dispositions de son article 2-3 qui prévoient que l'établissement doit être aménagé, équipé et exploité de façon à éviter au voisinage toutes nuisances, en particulier olfactives et auditives, d'autre part, que l'arrêté préfectoral du 20 juin 2003, qui mettait l'exploitante en demeure de faire cesser les nuisances olfactives, se référait nécessairement aux conditions fixées par l'article 2- 3 de l'arrêté d'autorisation ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la prévenue était informée de manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont elle était l'objet, la cour d'appel a justifié sa décision;

Qu'en effet, l'obligation d'équiper et d'exploiter une installation classée dans des conditions propres à éviter toutes nuisances olfactives au voisinage constitue une prescription technique au sens des articles L. 514-11, II du Code de l'environnement et 43, 3 , du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin criminel 2006 N° 64 p. 249

Légalité de l'arrêté préfectoral de mise en demeure : exigence de motivation, délai pour l'exécution des arrêtés :

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 21 février 2006

N° de pourvoi: 05-82232
Publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- LA SOCIETE SOFERTI,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 15 mars 2005, qui, pour infraction à la législation sur les installations classées, l'a condamnée à 10.000 euros d'amende et a ordonné une mesure de publication ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Soferti, filiale de la société La Grande Paroisse, exploite à Bordeaux un établissement de fabrication d'engrais et de produits chimiques, installation classée autorisée par un arrêté préfectoral du 31 octobre 1991 ; qu'au titre de son activité de stockage d'engrais nitratés, elle s'est trouvée soumise aux dispositions de l'arrêté ministériel du 10 mai 2000, pris pour la transposition de la directive 96/82/CE du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses ;

que l'article 8.1 de cet arrêté ministériel a défini de nouvelles exigences en matière d'études de dangers, dont l'article 9.2.2.1 a prévu qu'elles s'appliqueraient le 3 février 2001 aux établissements existants ; que la société Soferti, n'ayant pas respecté cette obligation, le préfet, par un arrêté du 26 septembre 2001, l'a mise en demeure d'y satisfaire avant le 1er octobre 2001 ; qu'il a été constaté, le 5 octobre 2001, que l'étude de dangers n'avait pas été déposée ; que la société Soferti a été poursuivie pour avoir exploité une installation classée sans se conformer à l'arrêté de mise en demeure de respecter ses conditions de fonctionnement ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 111-5 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a refusé de prononcer le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

"aux motifs que les tribunaux judiciaires n'ont pas à surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction administrative devant laquelle un recours en annulation aurait été formé ; qu'en effet, le juge pénal est compétent pour apprécier la légalité d'un acte réglementaire s'il est assorti d'une sanction pénale, même si un recours a été parallèlement introduit devant le juge administratif ;

qu'il convient dans ces conditions, de débouter la société appelante de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

"alors que, si la juridiction répressive est compétente en application de l'article 111-5 du Code pénal, pour apprécier la légalité d'un acte administratif lorsque de cet examen dépend la solution du procès pénal qui lui est soumis, elle doit lorsqu'une juridiction administrative est parallèlement saisie de la question de la légalité de l'acte, surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait donc refuser de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux saisie de la question de la légalité de l'arrêté préfectoral du 26 septembre 2001" ;

Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, de l'article L. 514-1 du Code de l'environnement, de l'article 24 de la loi 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, de l'article 111-5 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Soferti coupable d'exploitation d'une installation classée sans se conformer à l'arrêté de mise en demeure du 26 septembre 2001, et de l'avoir en conséquence condamnée à une peine d'amende de 10 000 euros ainsi qu'à une peine complémentaire de publication ;

"aux motifs que l'arrêté préfectoral de mise en demeure du 26 septembre 2001 vise, outre les dispositions réglementaires applicables aux installations de la société Soferti et les considérations de fait (courriers adressés à la société Soferti, étalement du programme de remise des études de dangers jusqu'à la fin 2002, activités exercées par la société Soferti, explosion survenue à Toulouse le 21 septembre 2001, localisation de l'entreprise) qui ont amené le préfet à prendre cette décision ; qu'en particulier, ledit arrêté préfectoral comprend les motifs suivants : considérant l'accident survenu le 21 septembre 2001 sur le site de la société La Grande Paroisse à Toulouse, considérant que les conclusions de l'enquête sur l'origine de cet accident ne sont pas à ce jour établies, que la société Soferti exerce des activités voisines de celles de la société La Grande Paroisse en utilisant des produits similaires, considérant notamment que l'étude de dangers relative aux stockages d'engrais (rubrique 1331) et de nitrate d'ammonium en solution chaude (rubrique 1330-2) est à compléter, que dès lors l'impérieuse nécessité de disposer d'une étude de dangers actualisée et couvrant l'ensemble de l'établissement pour la mise en oeuvre du système de gestion de la sécurité, imposé par l'arrêté ministériel du 10 mai 2000 ; considérant la localisation de la société Soferti" ; qu'il en ressort que contrairement aux allégations de la société appelantes, cette décision est suffisamment motivée en droit et en fait ;

"alors que la motivation de l'arrêté préfectoral de mise en demeure doit permettre à son destinataire de comprendre à sa seule lecture la nature exacte des obligations qui lui sont imparties ;

qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral du 26 septembre 2001, après avoir seulement visé divers documents sans les annexer, et considéré que "notamment, l'étude de dangers relative aux stockages d'engrais (rubrique 1331) et de nitrate d'ammonium en solution chaude (rubrique 1330-2) est à compléter " a informé la société Soferti de sa mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 8.1 de l'arrêté ministériel du 10 mai 2000, avant le 1er octobre 2001 ; que la seule référence à l'article 8.1 de l'arrêté du 10 mai 2000 disposant que " les études de dangers définies à l'article 3-5 du décret du 21 septembre 1977 susvisé décrivent dans un document unique à l'établissement ou dans plusieurs documents se rapportant aux différentes installations concernées, les mesures d'ordre technique propres à réduire la probabilité et les effets des accidents majeurs ainsi que les mesures d'organisation et de gestion pertinentes pour la prévention de ces accidents et la réduction de leurs effets", ne permettait nullement à la société Soferti de savoir avec précision quelles études de dangers devaient être réalisées dans le délai prescrit ; que la cour d'appel ne pouvait en conséquence retenir que ledit arrêté préfectoral était suffisamment motivé ;

"aux motifs que l'obligation de mettre l'exploitant en mesure de présenter ses observations ne s'applique pas préalablement à l'intervention d'un arrêté de mise en demeure en matière d'installations classées ; que l'urgence était réelle et propre aux activités et à la localisation de la société Soferti ; que l'article L. 514-1 du Code de l'environnement n'organise aucune procédure de consultation de l'exploitant afin de recueillir ses observations préalablement à l'intervention des décisions préfectorales qu'elle régit ; que ces dispositions prévalent sur les dispositions générales de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers et qui selon leurs termes mêmes sont inapplicables en cas d'urgence ; qu'enfin si les causes de l'explosion de Toulouse n'étaient pas connues, on savait par Didier X... que des ammonitrates provenant de l'usine AZF se trouvaient en stock sur le site de la SNC Soferti ; que le simple principe de précaution associé au caractère récent de l'événement toulousain justifiait dès lors la prise de l'arrêté préfectoral critiqué ;

"alors que l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'Administration et les usagers a été abrogé par l'article 5 du décret 2001-492 du 6 juin 2001 ; que la cour d'appel ne pouvait en conséquence, pour considérer que la société Soferti ne devait pas être préalablement mise à même de faire valoir ses observations, affirmer que les dispositions de l'article L. 514-1 du Code de l'environnement prévalaient sur les dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 ;

"alors que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dispose qu' " exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'Administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant sur sa demande, des observations orales" ; que les arrêtés de mises en demeure de l'article L. 514-1 du Code de l'environnement, constituant des décisions soumises à l'obligation de motivation au sens de la loi du 11 juillet 1979 relèvent du champ de l'article 24 précité ; qu'en conséquence la cour d'appel ne pouvait, sans violer les textes susvisés, affirmer que l'obligation de mettre l'exploitant en mesure de présenter ses observations ne s'appliquait pas préalablement à l'intervention d'un arrêté de mise en demeure en matière d'installations classées ;

"alors que le respect du principe de précaution ne caractérise ni l'urgence ni les circonstances exceptionnelles autorisant le non-respect du principe du contradictoire préalablement à la prise d'un arrêté de mise en demeure ; qu'en l'espèce, pour autoriser le préfet à faire échec aux dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, la cour d'appel ne pouvait se contenter de relever le simple principe de précaution associé au caractère récent de l'événement toulousain ;

"alors que c'est seulement lorsque l'urgence est caractérisée que l'Administration peut s'épargner de mettre l'administré à même de présenter ses observations sur la décision individuelle ; qu'en l'espèce, la société Soferti indiquait que, dès le lendemain de l'explosion survenue dans l'usine AZF de Toulouse, elle avait de sa propre initiative pris des mesures de précaution en mélangeant avec une charge inerte les 150 tonnes d'ammonitrates déclassés présents sur son site et provenant de l'usine de Toulouse exploitée par la société Grande Paroisse, ce dont elle avait immédiatement informé la préfecture (cf. conclusions p. 6 2) ; que la cour d'appel ne pouvait se contenter d'affirmer péremptoirement que l'urgence était réelle et propre aux activités et à la localisation de la société Soferti, sans nullement caractériser en quoi consistait cette urgence" ;

"et aux motifs que si le délai existant entre l'arrêté de mise en demeure du 26 septembre 2001 et la date de remise des études de dangers au 1er octobre 2001 est effectivement très court, les premiers juges ont pertinemment rappelé à la société Soferti que les nouvelles dispositions étaient applicables dès le 3 février 2001 et que son attention avait été attirée dès cette époque sur la nécessité de se mettre en conformité ; qu'en effet, dès le 5 février 2001, la DRIRE a écrit à ladite société en lui indiquant en particulier :

"objet : entrée en vigueur des dispositions Seveso 2 : complétude des études de dangers ( ) suite à votre déclaration établie au titre des articles 3 et 10 de l'arrêté ministériel du 10 mai 2000, il s'avère que le recensement des substances ou préparations dangereuses susceptibles d'être présentes dans votre établissement de Bordeaux range ce dernier dans la catégorie des établissements visés aux paragraphes 1, 2, 3 de l'arrêté ministériel précité (établissement comprenant au moins une installation soumise à autorisation avec servitude d'utilité publique) ;

ce classement induit au titre des dispositions prévues par l'arrêté du 10 mai 2000 :

1. de définir une politique de prévention des accidents majeurs et de mettre en place un système de gestion de la sécurité selon les dispositions de l'annexe III de l'arrêté ;

2. de compléter les études de dangers en incluant le document exposant la politique de prévention des accidents majeurs et le document décrivant le système de gestion de la sécurité,

3. de fournir les études de dangers complétées des mesures d'organisation et de gestion pertinentes pour la prévention des accidents majeurs.

En pratique ces objectifs vous conduiront à établir ou compléter les études de dangers pour :

1. les installations de l'établissement, qui bien que soumises à autorisation et contenant des substances dangereuses, ne disposent pas d'études de dangers,

2. les parties d'installations nouvellement couvertes par la notion d'établissement en particulier :

- les canalisations aériennes ou enterrées, qui véhiculent des substances ou préparations dangereuses entre les différentes installations et unités de l'établissement,

- les parties connexes telles que les zones de manutention (poste de dépotage),

- les dispositifs ou infrastructures importants vis-à-vis de la sécurité des différentes installations : alimentations électriques du site, alimentation en eaux de refroidissement, réseaux de distribution de fluides concourant à l'exploitation normale des installations et unités de l'établissement,

- les parties connexes telles que les zones de manutention (postes de dépotage)

- les dispositifs ou infrastructures importants vis-à-vis de la sécurité des différentes installations : alimentations électriques du site, alimentation en eaux de refroidissement,

3 les installations existantes dont les études de dangers antérieures vous paraissent insuffisantes au regard des dispositions de la circulaire ministérielles du 10 mai 2000 ( )

Qu'en réponse au courrier du directeur de la société Soferti, en date du 4 mars 2001, l'inspecteur des installations classées lui a précisé, par lettre datée du 21 juin 2001 : je crois nécessaire de préciser la situation de votre établissement vis-à-vis des dispositions Seveso 2 ; en premier lieu, et au vu de votre déclaration du 22 juin 1993, le classement AS de votre activité de stockage d'engrais conduit à placer votre établissement parmi ceux visés aux articles 1 2 3 et 9 2 2 1 de l'arrêté ministériel du 10 mai 2000 pris pour application de la directive Seveso 2 ; que le classement ci-dessus était en effet établi antérieurement à la modification du décret nomenclature du 7 juillet 1992 (créant la rubrique 1331) intervenue par décret du 28 décembre 1999 ; que l'échéance associée applicable visée à l'article 92 2 1 ci-dessus est le 2 février 2001 ; qu'en tout état de cause, le calendrier transmis par lettre du 4 mars 2001 et planifiant la réalisation et la révision des études de dangers couvrant votre établissement n'est pas acceptable ; que je vous demande de m'adresser dans les meilleurs délais une nouvelle proposition assortie d'une échéance plus rapprochée " ;

Qu'ainsi il apparaît que la société appelante devait en réalité fournir les études de dangers actualisées concernant l'ensemble de son établissement de Bordeaux le 2 février 2001 au plus tard ; qu'elle disposait d'un délai suffisant pour y satisfaire, étant ici observé qu'au regard des deux échéanciers successivement proposés par la société Soferti et des dernières déclarations de Didier X..., il apparaît que ces études pouvaient être réalisées avant que ne soit pris l'arrêté du 26 septembre 2001 ;

qu'en effet, si le premier planning (Cote D 19) proposé s'étalait sur près de 2 ans (septembre 2001 à décembre 2003), le second (cote D 20) était diminué d'un an (octobre 2001 à décembre 2002), que Didier X... a précisé le 5 novembre 2001 " nous travaillons actuellement pour remettre les études de dangers d'ici au 31 décembre 2001" ;

qu'ainsi le délai supplémentaire de 5 jours qui a été laissé par ledit arrêté du 26 septembre 2001 n'était pas irréalisable ; que l'explosion survenue à Toulouse sur le site de la société La Grande Paroisse a confirmé l'impérieuse nécessité de disposer de ces documents dans les délais les plus brefs ;

"alors qu'en application de l'article L. 514-1 du Code de l'environnement, le délai fixé par le préfet dans son arrêté de mise en demeure doit être suffisant au regard de la nature des prescriptions à respecter et des délais prévisibles de leur mise en oeuvre, et non au regard de la date à laquelle l'exploitant aurait dû respecter les dispositions méconnues ; que, dès lors, en impartissant un délai de 5 jours pour mettre en oeuvre des études de dangers qui requièrent des investigations importantes, le préfet n'a pas respecté un délai suffisant ; que la cour d'appel ne pouvait pour affirmer le contraire retenir que les études de dangers auraient dû normalement être remises le 3 février 2001 ;

"alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt que par courrier du 21 juin 2001 (soit postérieurement au 2 février 2001), l'inspecteur des installations classées a demandé à la société Soferti de lui adresser dans les meilleurs délais une proposition de dates de remise échelonnée des études de dangers ; que la cour d'appel ne pouvait donc, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs affirmer que la société Soferti devait fournir les études de dangers le 2 février 2001 au plus tard, quand il résultait de ses propres constatations qu'un délai plus long lui avait été accordé" ;

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que l'arrêt relève que l'omission du dépôt d'une étude de dangers, dans le délai fixé par l'arrêté ministériel du 10 mai 2000, a été constatée par l'inspection des installations classées ;

Attendu qu'en l'état de cette constatation, les formalités prescrites par les articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 et par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'avaient pas à être observées ;

Qu'en effet, conformément à l'article L. 514-1 du Code de l'environnement, lorsqu'a été dûment constatée l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet se trouve en situation de compétence liée pour délivrer une mise en demeure de se conformer aux prescriptions éludées ;

Attendu qu'en raison de ce seul motif, substitué à ceux des juges du fond, les griefs allégués sont inopérants ;

Sur le moyen pris en ses sixième et septième branches :

Attendu que, pour écarter l'exception d'illégalité de la mise en demeure, la cour d'appel retient que la société Soferti était tenue, en application de l'arrêté ministériel du 10 mai 2000, de fournir une étude de dangers actualisée le 2 février 2001 au plus tard, et qu'au regard des deux échéanciers proposés par la société, ainsi que des déclarations de son directeur, la prévenue aurait été en mesure de satisfaire à cette exigence avant le 26 septembre 2001, date de l'arrêté de mise en demeure, de sorte que la société pouvait respecter le délai supplémentaire de cinq jours imparti par ce dernier ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, d'où elle déduit que le délai de régularisation fixé à l'exploitant ne méconnaît pas le sens et la portée de l'article L. 514-1 du Code de l'environnement, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;

Publication : Bulletin criminel 2006 N° 50 p. 190