Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 14 janvier 2014

N° de pourvoi: 12-82547
Non publié au bulletin Cassation
Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Etienne X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 2 décembre 2011, qui, pour infractions aux dispositions relatives aux congés annuels et mort ou blessures involontaires causées à animaux domestiques, l'a condamné à deux amendes de 300 et 200 euros, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, R. 653-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de mauvais traitement à animaux par imprudence ou négligence et l'a condamné pénalement et civilement de ce chef ;

"aux motifs que, le 25 février 2009, les gendarmes, accompagnés de M. Z..., technicien de la direction départementale des services vétérinaires, constataient que les bovins de l'élevage n'étaient pas entretenus de manière satisfaisante ; qu'ils constataient que l'épaisseur du fumier atteignait la hauteur du fond du râtelier à foin, les abreuvoirs mal entretenus, à la ferme, l'épaisseur du fumier dépassait la hauteur du bord supérieur de l'auge ou les vaches recevaient leur nourriture ; que sur le bord de la route Plazac Laurac, l'état des clôtures était lamentable ; qu'à la suite de la visite, le chef de service santé protection animale de la direction départementale des services vétérinaires de la Dordogne adressaient le 11 mars 2009 un avertissement administratif à la SCEA la Dauge, dans lequel il enjoignait à son responsable d'évacuer les fumiers présents dans les locaux afin que les animaux disposent d'une aire de couchage propre ; qu'après nettoyage, une désinfection sera réalisée sur l'ensemble de ces surfaces ; que les animaux devront tout au cours de l'année disposer d'une alimentation équilibrée tant sur le plan qualitatif que quantitatif, la présence d'un complément minéral vitaminique est par ailleurs indispensable ; que, lors de son audition, le prévenu indiquait que si les étables n'avaient été curées en temps voulu, c'était parce que l'assurance Groupama ne lui avait pas donné l'argent nécessaire pour le faire, suite à l'accident de M. Y... ; que, par la suite, M. X... indiquait avoir procédé au nettoyage des étables dans le délai imparti par la direction départementale des services vétérinaires ; qu'il précisait que le foin qui était donné aux bêtes n'était pas de mauvaise qualité, il en voulait pour preuve l'analyse effectuée par le laboratoire Inzo qui indiquait que la qualité du foin est classique ; qu'il ajoutait que ces animaux étaient exclusivement nourris au foin, sans ensilage ni enrubannage et que les animaux avaient à leur disposition des seaux de pierre à sel à lécher ; qu'il indiquait qu'il laissait mourir les animaux de vieillesse dans les champs pour éviter le stress de l'abattage, ce qui expliquait, selon lui, un taux de mortalité assez important dans les champs ; qu'au vu de ce qui précède, et notamment des constatations opérées par les gendarmes et les services vétérinaires, c'est à bon droit que le tribunal a requalifié les faits reprochés au prévenu sous la qualification de mauvais traitements sans nécessité à animaux en contravention à l'article R. 653 du code pénal sanctionnant la négligence ou les manquements occasionnant la mort ou la blessure d'animaux, par des motifs que la cour adopte ; qu'en effet, M. X... a fait le choix d'un élevage naturel ; qu'il ne se donne toutefois pas les moyens et n'a pas le personnel suffisant pour entretenir les litières, dégager l'excès de fumier et s'est donc bien rendu coupable de négligences et manquements ayant occasionné la mort et les blessures à des animaux domestiques, apprivoisés, tenus en captivité ;

"et aux motifs adoptés que, par ailleurs, et malgré un avertissement administratif du 11 mars 2009 délivré par la direction des services vétérinaires, il était relevé un taux de mortalité du cheptel anormalement élevé ; que les conditions d'élevage du bétail n'étaient pas satisfaisantes, que ce soit à la stabulation, à la ferme ou aux champs ; que M. X... en rejette la responsabilité sur M. A..., mais c'est pourtant lui qui voulait soigner les bêtes avec Vortelys (la pierre qui rétablit le vortex) et qui ne donnait pas les moyens à son personnel de faire face à l'ampleur d'une tâche démesurée pour un seul homme ; que M. X... a fait le choix d'un élevage naturel des vaches dans le but de les conserver le plus longtemps possible sans les mener à l'abattoir, ni les revendre, ni leur faire produire du lait, ce qui implique une mortalité par vieillesse plus fréquente ; qu'il ne se donne pas les moyens de ses ambitions, et n'a pas le personnel suffisant pour entretenir les litières, dégager l'excès de fumier et permettre aux bêtes de vivre dignement le parcours qu'il leur propose ;

"1) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que, pour retenir l'infraction de l'article R. 653-1 du code pénal, les juges doivent constater que le prévenu a commis une faute, qu'un animal est mort ou a été blessé, et qu'il existe un lien de causalité certain entre cette faute et le dommage en cause ; qu'en relevant, par motifs propres, que les gendarmes assistés d'un technicien de la direction départementale des services vétérinaires ont constaté certaines négligences dans l'entretien de l'étable et dans celui de clôtures extérieures, ce qui a valu à M. X... un avertissement des services sanitaires, puis par motifs adoptés un taux de mortalité anormalement élevé dans le cheptel de l'exploitation, sans caractériser dans quelle mesure la faute reprochée à M. X... était la cause certaine du taux de mortalité anormalement élevé des bovins de l'exploitation, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"2) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en omettant de répondre aux conclusions de M. X... qui soutenaient que le taux de mortalité élevé des bovins constaté par le tribunal s'expliquait par le fait que le prévenu choisissait de conserver les animaux mêmes malades et ne les envoyait pas à l'abattoir et non par les fautes qui auraient été constatées par l'administration vétérinaire et les gendarmes, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X..., qui exploitait un élevage bovin, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, infractions aux dispositions relatives aux congés annuels et mauvais traitements à animaux domestiques, sur le fondement des articles L. 8221-5, R. 3143-1 du code du travail et R. 654-1 du code pénal ; qu'après avoir dit que les derniers faits poursuivis constituaient la contravention prévue par l'article R. 653-1 du code pénal, le tribunal a condamné le prévenu tant sur l'action publique que sur l'action civile ;


Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu qui faisait valoir, d'abord, que les droits aux congés payés n'étaient pas ouverts au salarié concerné ou ne pouvaient lui être attribués pendant la période visée à la poursuite, ensuite que le contrat de travail dudit salarié ne prévoyait pas le travail le dimanche, et enfin qu'aucun lien de causalité n'existait entre le mode d'élevage qu'il pratiquait et les morts ou blessures d'animaux lui étant reprochées, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE