Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 24 mars 2015

N° de pourvoi: 14-82848 14-83666
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :- M. Jacques X...,

contre les arrêts de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, qui ont :

- le premier, en date du 8 janvier 2014, sur renvoi après cassation (Crim., 25 janvier 2011, n°10-85.968), l'a condamné pour mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ne bénéficiant pas d'une autorisation, à 800 euros d'amende ;

- le second, en date du 25 mars 2014, prononcé sur une rectification d'erreur matérielle de l'arrêt du 8 janvier 2014 ;

 

I- Sur le pourvoi formé contre l'arrêt en date du 25 mars 2014 :

Attendu que la déclaration de pourvoi, faite par lettre, ne répond pas aux conditions exigées par les articles 576 et 577 du code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le pourvoi n'est pas recevable ;

II- Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 8 janvier 2014 :

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles articles L. 253-1 et L. 253-17 du code rural, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 593 du code de procédure pénale , défaut de motif et manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'importation de produits phytosanitaires dépourvus d'autorisation de mise sur le marché commis entre le 5 avril 2001 et l'année 2002 et de l'avoir condamné à la peine d'amende de 800 euros ;

"aux motifs qu'il convient de rappeler le cadre juridique qui régit les produits phytopharmaceutiques, et son évolution ; que les produits phytopharmaceutiques (couramment appelés pesticides) sont définis par la directive 91/414/CEE comme les substances actives et les préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui sont présentées sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l'utilisateur et qui sont destinées à : - protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles, ou à prévenir leur action¿, - exercer une action sur les processus vitaux des végétaux (sauf substances nutritives), - assurer la conservation des végétaux (sauf autres dispositions du Conseil ou de la Commission concernant les agents conservateurs), - détruire les végétaux indésirables, - détruire les parties des végétaux, freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux ; que cette directive - cadre a fait l'objet d'une transposition en droit français par le décret 94- 359 du 5 mai 1994 modifié relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques et par son arrêté d'application du 6 septembre 1994 (décret : JO 7mai, arr : JO 23 décembre 1994) ; que ce décret a ensuite été abrogé et codifié au titre V du Livre II du code rural ( art L. 251-1 à L. 254-10 ) par le décret du 1 er août 2003 ; que l'autorisation de mise sur le marché est un acte administratif par lequel l'autorité compétente d'un état membre de l'union européenne autorise la mise sur le marché d'un produit phytopharmaceutique sur son territoire. Cette autorisation est délivrée pour une durée maximale de dix ans renouvelable ; que dans certains cas elle peut être accordée à titre provisoire pour une durée de trois ans renouvelables ; que l'article L. 253-1 II du code rural stipule que : constitue une mise sur le marché toute cession à titre onéreux ou gratuit, (à l'exception des cessions destinées au stockage et à l'expédition consécutive à l'extérieur du territoire métropolitain et des départements d'outre-mer) ; que l'importation de pays tiers pour la mise en libre pratique constitue une mise sur le marché ; que l'article L. 253-1-III du code rural précise que : dans l'intérêt de la santé publique et de l'environnement, les ministres chargés de l'agriculture et de la consommation peuvent, par arrêté, prendre toute mesure d'interdiction, de restriction et de prescription particulières concernant la mise sur le marché ou la délivrance des produits mentionnés au présent article ; qu'aux termes de l'article L. 253-2 du code rural, les produits définis à l'article L. 253-1, conditionnés pour la vente au détail, ne peuvent être importés pour la consommation que s'ils ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché ; quoique ait pu soutenir M. X..., ces textes dans cette rédaction, est applicable à la situation juridique soumise à la cour ; que l'autorisation de mise sur le marché est délivrée après constitution d'un dossier de demande d'homologation qui doit argumenter sur deux rubriques, l'efficacité et l'innocuité, soumis, en France et à la date des faits à un comité d'homologation composé d'experts et de représentants des ministères ;
que le dossier toxicologique doit comporter toutes les données concernant l'identité et les propriétés physico-chimiques de la molécule, le détail des études des toxicités aiguës à moyen et long terme, les effets spécifiques sur la santé, des études de métabolisme dans divers milieux d'évaluation des niveaux résiduels dans les denrées. (depuis 2006, l'évaluation des risques relève de l'AFSSA - agence française de sécurité sanitaire des aliments, tandis que l'évaluation des bénéfices reste du ressort du comité d'homologation) ; que le décret du 5 mai 1994, comme la directive, prévoit plusieurs assouplissements et dérogations : c'est ainsi qu'une autorisation de mise sur le marché est accordée par les services français sans exiger la répétition des tests et analyse déjà effectués dans un autre Etat membre lorsqu'un produit est déjà autorisé dans cet autre Etat et sous la réserve que chaque substance soit inscrite sur la liste communautaire ou bien alors, en entraînant l'octroi d'une autorisation provisoire de mise sur le marché (valable trois ans renouvelables) pour un produit contenant une substance active non inscrite sur la liste communautaire ; que par ailleurs, à partir d'une interprétation d'une jurisprudence de la Cour de justice de la communauté européenne, le décret 200 1-317 du 4 avril 200 1 (JO 14 avril 2001) a défini une procédure simplifiée pour ce qui est désigné comme "les importations parallèles", c'est à dire l'importation d'un produit phytopharmaceutique en provenance d'un Etat membre dans lequel il bénéficie déjà d'une autorisation de mise sur le marché conformément à la directive 911414/CEE ; que l'autorisation est accordée dans les conditions suivantes. - le produit de référence doit bénéficier d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par le ministre chargé de l'agriculture en application des dispositions du décret du 5 mai 1994, -le produit introduit sur le territoire national doit être identique au produit de référence, l'identité étant appréciée au regard des trois critères suivants. - origine commune des deux produits (fabriqués selon la même formule, par la même société ou par des entreprises liées) - fabrication en utilisant la ou les mêmes substances actives - effets similaires des deux produits compte tenu des différences qui peuvent exister au niveau des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales ; que s'il remplit ces conditions, le produit introduit sur le territoire national se voit accorder une autorisation de mise sur le marché, laquelle ne peut être délivrée que pour les mêmes usages et accompagnée des mêmes prescriptions d'emploi que le produit de référence ; qu'en outre, toutes les décisions concernant l'autorisation de mise sur le marché accordée au produit de référence sont applicables au produit introduit sur le territoire national ; que l'autorisation de mise sur le marché est accordée de façon nominative (le produit étranger ne peut être homologué sous le même nom que son équivalent français ; qu'en deuxième lieu, les prévenus se réfèrent aux décisions de la CJCE du 8 novembre 2007 (Daniel Y... et Jean Z...) et du 21 février 2008, mais qu'il convient de rappeler que le premier arrêt qui est intervenu sur demande préjudicielle d'avis de la cour d'appel de Montpellier concerne la question de l'importation d'un produit phytopharmaceutique par un agriculteur pour les seuls besoins de son exploitation, ce qui n'est pas le cas des quatre prévenus qui ont procédé à l'importation des produits précédemment cités dans le cadre d'un négoce ; qu'il rappelle cependant aux points 34 à 37, le bien-fondé d'une intervention étatique dans la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché dans un but de protection d'intérêt général de la santé humaine, animale et de l'environnement, qui ne peut relever de la seule responsabilité de l'agriculteur ; que le second arrêt a été rendu dans le cadre d'un recours de la Commission des Communautés européennes contre la France et la CJCE a clairement énoncé aux points 36 et 37 l'absence d'automaticité d'une autorisation de mise sur le marché pour une importation parallèle et la légitimité pour Etat membre de vérifier si l'importation d'un produit phytopharmaceutique qui bénéficie d'une autorisation de mise sur le marché dans un autre Etat membre constitue une importation parallèle par rapport au produit bénéficiant déjà d'une autorisation de mise sur le marché dans l'Etat membre d'importation et d'examiner si le produit concerné peut bénéficier de l'autorisation de mise sur le marché délivrée au profit d'un produit phytopharmaceutique déjà présent sur le marché de cet Etat ; que le principe de proportionnalité qui "exige d'appliquer la réglementation en cause dans la limite de ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif essentiel de protection de la santé publique" est rappelé dans les deux arrêts qui visent deux situations juridiques distinctes individuelle ou générale et l'arrêt du 8 novembre 2007, reprenant ce principe, consacre la conformité de la législation française au droit européen ; qu'en troisième lieu, il a été développé ,dans le cadre du principe de proportionnalité, les délais excessifs pour obtenir une autorisation de mise sur le marché parallèle entre la demande et la délivrance par l'administration, argument contredit par les propres déclarations de M. A... qui les a obtenues pour les quatre produits énoncés dans la prévention en moins de trois mois, avec une demande du 21 mai 2002 et des autorisations de mise sur le marché délivrées le 9 juillet 2002 ; qu'en dernier lieu, il ne peut qu'être relevé pour ce qui concerne MM. B... et A... - ainsi qu'ils l'ont reconnu et à la différence de M. X... - que ce sont moins des considérations" politiques" relatives à un éventuel conflit entre les normes européenne et française que leurs propres négligences ou défaillances qui sont à l'origine de leur défaillance et pour M. C... sa méconnaissance de la législation ; l'erreur de droit ne constitue pas un fait justificatif et ce d'autant moins de la part d'un professionnel ; qu'en conséquence, le jugement du tribunal correctionnel de Saint -Gaudens sera confirmé en ce qu'il les a déclarés coupables du délit d'importation des produits phytopharmaceutiques sans autorisation de mise sur le marché ; qu'ainsi que l'a requis le ministère public, les sanctions doivent tenir compte d'une part que l'infraction dont MM. B..., A..., X... et C... sont déclarés coupables ce jour constituaient une poursuite unique avec les autres délits déjà condamnés par le jugement du tribunal correctionnel de Saint-Gaudens, confirmé par l'arrêt du 28 avril 2010, et d'autre part que depuis la date des faits et ainsi qu'en témoignent les casiers judiciaires, ils n'ont pas commis d'autres infractions ;

"alors que M. X... avait déposé des conclusions visées par la cour dans lesquelles il faisait notamment valoir que tous les produits phytopharmaceutiques visés à la prévention le concernant contenaient des substances actives autorisées, et que les dispositions du code rural n'autorisent l'administration à prendre des mesures d'interdiction, de restriction ou des prescriptions particulières concernant la mise sur le marché des produits mentionnés à l'article L. 253-1 que dans l'intérêt de la santé publique et de l'environnement, de sorte que les faits qui lui étaient reprochés ne pouvaient pas être pénalement répréhensibles ; qu'en se bornant à rappeler la réglementation concernant la procédure d'autorisation de mise sur le marché et sa compatibilité avec la réglementation communautaire sans répondre au moyen des conclusions susvisées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'une enquête diligentée par le service régional de la protection des végétaux, une information judiciaire a révélé que des produits phytopharmaceutiques provenant d'autres Etats membres de la communauté, où ils étaient homologués, et correspondant à des produits déjà homologués par les autorités françaises étaient commercialisés sur le territoire national sans bénéficier d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), en méconnaissance de la réglementation résultant du décret 2001-317 du 4 avril 2001 ayant prévu, dans une telle situation, une procédure simplifiée ; que M. X... a été renvoyé devant le tribunal notamment pour cette importation dite "parallèle"des produits Juwel Top et Gramoxone Plus, constitutive du délit prévu et réprimé par l'article L. 253-17 du code rural ; que le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des faits reprochés ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel ;

Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité, l'arrêt relève que M. X... a reconnu connaître la dangerosité du Gramoxone Plus espagnol et l'absence d'homologation du Juwel Top ; que les juges ajoutent que les articles L. 253-1 et L. 253-2 du code rural, dans leur rédaction en vigueur à la date des faits, et qui notamment permettent aux ministres chargés de l'agriculture et de la consommation de prendre, dans l'intérêt de la santé publique et de l'environnement, toute mesure d'interdiction, de restriction et de prescriptions particulières concernant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques et prévoient que ces produits conditionnés pour la vente au détail ne peuvent être importés pour la consommation que s'ils ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, sont applicables en l'espèce ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance ni contradiction aux chefs péremptoires des conclusions du prévenu et caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle l'a déclaré coupable, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs :

I- Sur le pourvoi formé contre l'arrêt, en date du 25 mars 2014 ;

Le déclare IRRECEVABLE ;

II- Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 8 janvier 2014 ;

Le REJETTE ;