Destruction de plans OGM

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 3 mai 2011

N° de pourvoi: 10-81529
Non publié au bulletin Rejet

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 9e chambre, en date du 22 janvier 2010, qui, pour destruction d'un bien appartenant à autrui en réunion, a condamné les quatre premiers prévenus, à cent vingt jours-amende de 30 euros chacun, les suivants, à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d'amende chacun, les a tous renvoyés des fins de la poursuite du chef de refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de leur empreinte génétique, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour les prévenus, pris de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 1, 2 et 5 de la Charte de l'environnement, des articles 122-7, 322-1, 322-3 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a, infirmant le jugement de relaxe, déclaré les demandeurs coupables de destruction volontaire du bien d'autrui en réunion et les a condamnés à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1 000 euros chacun à l'exception de MM. A..., Z..., Y... et X... condamnés à une peine de cent vingt jours amende de 30 euros chacun ainsi qu'à payer à la société Monsanto agriculture France la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

" aux motifs que, poursuivis pour avoir à Poinville (Eure-et-Loir) en tout cas sur le territoire national, le 18 août 2007, détruit volontairement un bien, en l'espèce une parcelle de plants de maïs au préjudice de la société Monsanto agriculture France avec cette circonstance que les faits ont été commis en réunion, infraction prévue par les articles 322-3 1°, 322-1, alinéa 1er, du code pénal et réprimée par
les articles 322-3, 322-15, 1°, 2°, 3° et 5° dudit code, les prévenus reconnaissent, voire revendiquent, leur participation matérielle aux faits, laquelle a, par ailleurs, été constatée par les militaires présents sur les lieux ;

que, sur la demande de requalification, les destructions, objets de la poursuite, ont consisté en la dévastation quasi totale d'un champ de 5 400 m2 et notamment en la dégradation de l'intégralité de la parcelle plantée de maïs transgénique, soit 2 064 m2, qui revêtaient, par conséquent, une valeur expérimentale et scientifique, allant au delà de la perte matérielle des plants et de celle des plantations conventionnelles ; que ces faits ne peuvent être requalifiés en contravention de dégradation légère telle que prévue à l'article R. 635-1 du code pénal compte tenu de leur ampleur et de leur portée ;

que la circonstance aggravante de la réunion est établie par l'enquête de gendarmerie et n'est pas contestée ; que les éléments constitutifs du délit prévu et réprimé par les articles 322-1 et 322-3 du code pénal sont établis par la réunion des prévenus avec pour objectif et effets de causer des dommages irréparables aux plants de maïs génétiquement modifiés ;

que, si comme le soutiennent les prévenus, les juges nationaux ne peuvent appliquer les textes de la loi nationale qui seraient contraires à la norme communautaire, il reste qu'en l'espèce la Directive 2001/ 18/ CE, dont aucune disposition précise n'est invoquée, qui vise à renforcer le cadre législatif relatif à la dissémination volontaire et à la mise sur le marché des OGM, à améliorer l'efficacité et la transparence de la procédure d'autorisation de dissémination volontaire et de mise sur le marché des OGM, à mettre en place une méthode commune d'évaluation des risques et un mécanisme de sauvegarde, à rendre obligatoire la consultation du public et l'étiquetage des OGM, ne rend pas inefficiente l'incrimination servant de base à la poursuite en raison des domaines différents de celle-ci et de la directive ; qu'en outre, la poursuite et la répression des infractions imputées aux prévenus ne sont pas contraires à l'article 2 du Traité de l'Union européenne ; que les dispositions du droit communautaire invoquées ne conduisent pas à écarter les textes d'incrimination servant de base aux poursuites ;

que sur l'état de nécessité, les prévenus se prévalent de l'état de nécessité
en vertu duquel ils auraient dû détruire les plantations de maïs transgéniques pour éviter la diffusion irréversible des gênes modifiés dans l'environnement, par pollinisation, au préjudice de maïs non transgénique, situé à des distances pouvant aller jusqu'à plusieurs kilomètres ou par échange avec des bactéries ou champignons du sol,
alors qu'une telle " dissémination " serait nuisible tant à la santé publique susceptible d'être menacée par une alimentation à base de maïs transgénique
qu'aux cultures conventionnelles et biologiques, qui perdraient leur caractère dès lors qu'elles se trouveraient croisées avec des maïs transgéniques ;
que la destruction des plants en cause aurait pour objet, en particulier, la préservation du droit à un environnement sain édicté par l'article 1er de la Charte de l'environnement qui a valeur constitutionnelle ;
que l'article 122-7 du code pénal dispose que n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent pour lui-même, pour autrui ou pour un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ; que le danger doit être actuel, c'est-à-dire être réel et pas simplement éventuel ;
que l'existence des conditions de l'état de nécessité s'apprécie en fonction de ce que savaient les prévenus à l'époque des faits et en particulier des données scientifiques alors connues, s'agissant du caractère actuel ou imminent du péril ;
qu'il est constant qu'une interrogation majeure agite non seulement l'opinion publique mais les cercles scientifiques, la génétique étant une science encore jeune en plein essor ;
qu'un clivage s'est exprimé à l'audience au travers des dépositions des témoins ;
que les scientifiques cités par la partie civile ont combattu la thèse d'un danger avéré ; qu'ainsi Mme EEE..., directrice du GEVES et ancien membre de la commission du génie biomoléculaire, M. FFF... chargé de la biovigilence à la direction de la réglementation du ministère de l'agriculture, ont relevé, qu'en France il n'a pas été rapporté de preuve que le maïs se croise avec d'autres plantes ; qu'ils ont souligné l'extrême fragilité des pollens transportés par le vent au regard des variations de températures et d'hygrométrie et indiqué que la barrière constitue un véritable " piège à pollen " et que la distance de 400 mètres entre les plantations de maïs transgénique et les plantations de maïs conventionnels est suffisante pour éviter la dissémination, que la floraison des maïs environnant le site de Poinville étant terminée à la date des faits litigieux, les risques de fécondation de ceux-ci étaient nuls, que le transport par les abeilles de pollen de maïs ne présente aucun risque pour des ruches biologiques, puisqu'il n'existe pas de miel de maïs, et, qu'au surplus, ces insectes se nourrissent peu à partir du maïs, que la probabilité d'une pollution par le sol est infime ;
qu'ils ont rappelé, enfin, que la petite taille des parcelles d'essai est conçue pour en limiter les risques et que le taux d'OGM toléré en agriculture biologique est de 0, 9 % ;
qu'au contraire, les scientifiques cités par les prévenus ont développé la thèse d'un danger avéré pour l'humanité ; que le professeur GGG... a mis en exergue les nuisances apportées à la santé chez les rats nourris au maïs transgénique qui prouvent un effet toxique sur le foie et les reins ; que d'autres ont exposé que la diffusion du pollen par l'effet du vent ou des abeilles a pu se produire, puisqu'il a pu être retrouvé, en France comme en Amérique, des plantations de maïs conventionnel ou biologique portant des traces de maïs transgénique à une grande distance des plantations de ce dernier ; qu'ils ont souligné qu'un gène modifié peut migrer par l'effet du vent, de l'eau, de l'homme et des animaux pour s'intégrer au génome d'un autre organisme et en modifier les caractères, sans qu'il soit possible d'empêcher cette intégration, intervenant par voie sexuée ou par le biais de vecteurs tels que les bactéries ou les champignons du sol ; que la réalité du danger procuré par le maïs NK 603 X MN 810 était à l'époque de la prévention mise en doute par les deux autorisations de mise sur le marché données par la Commission européenne, le 22 avril 1998 et le 24 octobre 2007, portant respectivement sur les produits contenant du maïs MON 810 et du maïs NK 603 X MN 810, étant précisé que ces deux décisions ont fait suite à des avis favorables donnés par l'Autorité européenne de sécurité des aliments désignée sous le sigle EFSA, qui a estimé que le maïs génétiquement modifié NK 603 était aussi sûr que son équivalent non génétiquement modifié en ce qui concerne les effets potentiels sur la santé humaine ou animale et sur l'environnement ; que l'avis de l'AFSSA du 20 novembre 2007 sur l'augmentation des calculs de la vessie des rats femelles à la suite de leur alimentation avec du maïs MON 89034 n'est pas significatif, ainsi que l'a relevé un avis de l'AFSSA du 2 juin 2009 ; qu'à supposer que ce danger existât, il ne remettait pas pour autant en cause l'expérimentation du champ de Poinville, dont l'usage à titre d'essai excluait toute utilisation directe et massive pour l'alimentation humaine ou même animale ; qu'au terme des débats, il est apparu qu'à la date de la prévention, les spécialistes restaient partagés sur la réalité du danger invoqué par les prévenus, ce d'autant qu'ils se sont attaqués à un champ de taille réduite, destiné à l'expérimentation, à l'exclusion de l'alimentation et en dehors de toute visée commerciale immédiate ; que les prévenus, qui sont convenu à la barre, pour la plupart, de leur absence de compétence scientifique, ont eux-mêmes situé leurs arguments sur le terrain du risque et sur l'absence de certitude, relevant que les dangers à moyen et long terme des OGM sur la santé devaient être pris en compte dans la mesure où, à l'heure actuelle, " il n'existe aucune certitude en la matière " ; qu'ils ont indiqué avoir voulu provoquer par leur action collective une réaction des pouvoirs publics sur les OGM, sans être en mesure de s'assurer du caractère certain et imminent des nuisances apportées ; qu'en ce qui concerne précisément le champ litigieux, ils ignoraient même l'ampleur du risque qu'il était susceptible d'engendrer, nombre d'entre eux ayant indiqué s'être contentés des indications qui leur avaient été données par l'organisation " les faucheurs volontaires " ; qu'ils ont également repris l'avis de la commission du génie biomoléculaire, tout en stigmatisant l'insuffisance des mesures imposées par cette dernière, laquelle avait énoncé dans un rapport du 29 janvier 2002 : " du fait de la difficulté qu'il y a à prévoir et à évaluer en particulier les risques à long terme, indirects et différés, aucune certitude sur l'absence totale de risque ne peut être apportée " ; que, de même, la directive de 2001 par eux invoquée n'interdit pas les expérimentations en plein champ et dans son préambule évoque des risques et non un danger ; que, certes, la Directive 2001/ 18/ CE qui prescrit des procédures administratives plus exigeantes contre la dissémination volontaires des OGM dans l'environnement et qui préconise une action préventive n'était pas encore transcrite en droit français à l'époque des faits, au point que la France a été condamnée à plusieurs reprises, dont la dernière fois le 9 décembre 2008, à une amende de dix millions d'euros ; que si ce manquement de l'Etat traduisait un risque aggravé par la faute de celui-ci, il n'en résultait pas l'existence d'un danger actuel ou imminent ; que les prévenus invoquent l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui édicte le droit à la vie, et l'article 8, selon lequel toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que, s'il appartient à l'Etat de veiller au caractère réel et effectif de ces droits et d'assurer en matière d'environnement une information du public, comme le prescrit notamment la convention internationale d'Aarhus, des manquements supposés de l'autorité publique sont sanctionnables par les moyens de recours appropriés ; que pour autant, les droits ainsi proclamés n'ont pas d'influence sur le régime de l'état de nécessité, qui demeure exclu en l'absence de preuve d'un danger actuel ou imminent par le biais duquel la plantation d'OGM menacerait les personnes ou les biens ; qu'il résulte de l'ensemble de ces observations que l'action des prévenus doit être appréciée au regard du principe de précaution en ce qu'elle tendait à parer non un danger avéré mais un risque ; qu'ils invoquent d'ailleurs celui-ci expressément à travers l'article L. 110-1 du code de l'environnement, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût acceptable ; qu'ils se réfèrent aussi explicitement au principe de précaution à travers le principe consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement de 2004 selon lequel, en cas de risque de dommage, incertain en l'état des connaissances scientifiques, de nature à affecter de manière grave et irréversible l'environnement, il appartient aux autorités publiques de veiller à la mise en oeuvre des procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ; que ce principe de précaution est antinomique de l'état de nécessité puisqu'il tend à parer un risque éventuel qu'il a pour objet de prévenir et d'éviter un danger actuel ou imminent ; que la méconnaissance par l'Etat du principe de précaution, à la supposer établie, se résoudrait en actions contre celui-ci, et non en actions destructrices au préjudice de particuliers ou de sociétés ; que l'incertitude sur les effets néfastes des plantations OGM n'a pas davantage été levée postérieurement aux agissements en cause ; qu'ainsi, l'avis sur la dissémination du MON 810 du 9 janvier 2008 sur le territoire français émis par le comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM, aux fins de réévaluation sur les risques et bénéfices pour l'environnement et la santé publique susceptibles d'être attachés à la dissémination volontaire de maïs 810, rapporte que des faits nouveaux sont apparus depuis 1998, relatifs à la dissémination à longue distance et à l'identification de résistance chez certains ravageurs cibles secondaires, a conclu à l'existence d "'interrogations quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques possibles de la culture et de la commercialisation du MON 810 " ; que, toutefois, cette formule ne permet pas de tirer la certitude d'un danger actuel ou imminent ; qu'au surplus, le rapport, au demeurant succinct, évoque aussi des effets positifs du dit maïs MON 810 sur la santé humaine en ce qu'il permet une réduction des mycotoxines cancérigènes et produit des effets sur certaines familles d'invertébrés moindres que ceux liés aux traitements insecticides ; qu'à la suite de cet avis, ont été pris les arrêtés des 5 décembre 2007, 7 février et 13 février 2008 suspendant la cession à l'utilisateur final et l'utilisation des semences de maïs issu de la lignée des maïs MON 810 et interdisant sur le territoire national la mise sur le marché dudit maïs MON 810 ; que ces décisions administratives fondées sur l'observation de simples risques ne permettent pas plus de dégager un danger justifiant les agissements reprochés, d'autant plus que la suspension de la culture du maïs MON 810 à des fins commerciales correspond à la mise en oeuvre de l'article 34 du règlement communautaire du 22 septembre 2003, qui institue une telle possibilité au titre du principe de précaution ; que les arrêts rendus par le Conseil d'Etat respectivement le 21 octobre 2008 et le 27 mai 2009, qui ont annulé des autorisations données par le ministère de l'agriculture et de la pêche pour la mise en culture à titre expérimental de parcelles de maïs transgéniques, ne se fondent pas sur un danger actuel de ces cultures, mais se réfèrent à l'insuffisance du dossier d'évaluation remis à la commission du génie biotechnologique au regard des prescriptions de l'arrêté du 21 septembre 1994 ; qu'ils établissent le risque d'une autorisation donnée à mauvais escient en raison d'une insuffisante instruction d'un dossier, mais ne rapportent pas la preuve du caractère dangereux avéré de l'autorisation de mise en culture ainsi annulée ; qu'en ce qui concerne le maïs contenant l'événement MON 89034, une décision de la Commission européenne du 30 octobre 2009 en a autorisé la mise sur le marché ; qu'en ce qui concerne le maïs contenant l'événement MON 810, deux avis de l'EFSA du 29 octobre 2008 et du 15 juin 2009 sont venus conclure au caractère improbable de ses nuisances pour la santé humaine ou animale et pour l'environnement, tandis que l'étude effectuée par l'AFSSA concluant à une baisse de la fertilité des souris nourries avec ce maïs n'a porté que sur un nombre limité de cas, n'a pas été validée par une étude scientifique postérieure et ne concerne en tout état de cause que l'alimentation animale, qui ne saurait remettre en cause des plantations telle que celle de Poinville destinées à la seule expérimentation et à la recherche ; que sur la nécessité de l'acte reproché pour la sauvegarde d'un intérêt supérieur en danger, les prévenus ont insisté sur les conséquences dommageables causées aux cultures biologiques par les cultures OGM ; qu'outre, qu'en l'espèce, il n'est ni prouvé, ni même allégué, que se seraient trouvées au voisinage des parcelles incriminées de telles cultures, ce moyen n'aurait de valeur que s'il était établi que cette dévalorisation se produisait systématiquement et massivement, alors que, d'une part, la SAS Monsanto agriculture France procédait sur cette parcelle à des essais encadrés et non interdits et que, d'autre part, le règlement 1829 du Parlement européen, en son article 12-2, dispose que l'étiquetage des OGM " ne s'applique pas aux denrées alimentaires renfermant du matériel contenant des OGM, dans une proportion de 0, 9 % de chaque ingrédient, à condition que cette présence soit fortuite ou techniquement inévitable " ; que les débats n'ont pas fait la preuve incontestable de contaminations répétées excédant ledit seuil ; que, dès lors, il n'est pas établi que les actes commis par les prévenus eussent été nécessaires à la sauvegarde d'une personne ou d'un bien, sauf à admettre que la simple existence d'un risque ou la sauvegarde d'un intérêt jugé supérieur ou socialement utile par celui qui le revendique, puisse fonder le droit à commettre des faits pénalement qualifiés ; qu'en outre, la destruction des maïs en cause était loin de préserver l'environnement contre la diffusion du pollen, puisque les prévenus ont abattu une partie de la barrière pollinique en même temps que les plans OGM, facilitant ainsi la diffusion redoutée et qu'ils ont ensuite aggravé le risque en transportant, dans la seconde phase de leur action, des maïs transgéniques jusqu'à l'établissement voisin de la SAS Monsanto agriculture France, pour les accrocher au grillage de celle-ci ; que les prévenus ne démontrent pas davantage qu'ils couraient un péril inévitable par tout autre moyen que le délit commis ; qu'ils ne peuvent soutenir qu'ils n'avaient d'autres moyens d'agir, alors que l'autorisation de dissémination accordée à la SAS Monsanto agriculture France a été ultérieurement annulée par le Conseil d'Etat ; qu'en outre, nombre de procédures administratives font une part à l'urgence et permettent notamment de suspendre la mise en oeuvre du principe de l'exécution préalable, dont bénéficie l'administration ; que le référé-liberté permet de prendre toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale, dispositions en parfaite adéquation avec les préoccupations des prévenus tout en s'inscrivant dans la légalité ; que l'action symbolique " anti OGM " revendiquée à la barre par les prévenus, soucieux de " protéger l'alimentation humaine, était loin de répondre aux conditions de l'état de nécessité ; qu'ils ont clairement exprimé avoir fait le choix d'agissements à caractère spectaculaire, posant ainsi un acte politique au soutien d'un point de vue personnel, plus empreint de conviction que de certitude établie objectivement et scientifiquement sur l'existence d'un danger actuel ou imminent ; que cette analyse de leurs actes est confortée par les modalités de leur entreprise, orchestrée pour être médiatiquement répercutée par des journalistes appelés à y assister et suivie de la mise en scène du cortège des prévenus en marche vers l'établissement de la SAS Monsanto agriculture France, où ils sont allés déposer des épis de maïs et des nombreuses affiches porteuses de slogans ; qu'en conséquence c'est à tort que les premiers juges ont, pour les relaxer, retenu l'existence d'une cause d'irresponsabilité pénale tirée de l'article 122-7 du code pénal ;

1°) " alors que, la dissémination irréversible et à grande échelle des organismes génétiquement modifiés dans l'environnement ainsi que la contamination irrémédiable des cultures traditionnelles et biologiques par ces organismes, désormais établies avec certitude par une littérature scientifique publiée en 2006 et 2007, manifestent une atteinte définitive à l'environnement et caractérisent en elles-mêmes un danger actuel au sens de l'article 122-7 du code pénal, en l'état de l'ignorance absolue des conséquences à terme de ces phénomènes et en l'absence de preuve de leur innocuité par les exploitants de cultures transgéniques, tenus tout au long de l'exploitation d'une obligation de suivi des risques d'effets nocifs ; qu'en écartant l'état de nécessité en l'absence de démonstration par les prévenus d'un danger actuel au jour des faits, pourtant postérieurs aux découvertes scientifiques susvisées, et alors que ces dernières ont depuis conduit les autorités françaises à adopter une politique de moratoire quant à la commercialisation du maïs transgénique, la cour a violé les textes visés au moyen ;

2°) " alors que, l'acte accompli par celui qui se prévaut de l'état de nécessité doit sacrifier des intérêts inférieurs à la valeur sociale qu'il défend et doit constituer le seul moyen de se protéger contre un danger actuel ou imminent ; que, la nécessité de cet acte s'apprécie au regard du comportement adopté par les autres intervenants, publics ou privés, face au danger ; que la Charte de l'environnement, qui consacre le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et affirme le devoir de toute personne de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement, impose aux autorités publiques de veiller, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ; qu'en se contentant, pour dénier à l'action des demandeurs tout caractère nécessaire, de retenir l'existence de voies de recours devant le juge administratif sans rechercher si au jour des faits, la passivité des autorités publiques françaises qui, en ne transposant pas la Directive 2001/ 18/ CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, avaient manqué à leur obligation de veiller à la mise en oeuvre des procédures d'évaluation des risques, comme l'inaction de la société Monsanto qui, lors de la demande d'autorisation, avait empêché toute évaluation effective des risques liés aux cultures puis, en cours d'exploitation, avait manqué à son obligation de suivi des risques d'effets nocifs, et enfin le caractère théorique et illusoire des recours destinés à faire sanctionner de tels manquements n'avaient pas rendu nécessaire l'action des demandeurs, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122-7 du code pénal, ensemble des articles 1, 2 et 5 de la Charte de l'environnement ;

3°) " alors que l'acte accompli par celui qui se prévaut de l'état de nécessité doit sacrifier des intérêts inférieurs à la valeur sociale qu'il défend et doit constituer le seul moyen de se protéger contre un danger actuel ou imminent ; que la nécessité de cet acte s'apprécie au regard du comportement adopté par les autres intervenants, publics ou privés, face au danger ; que les autorités publiques doivent prendre les mesures positives nécessaires à la protection des biens de toute personne contre les atteintes substantielles qui pourraient leur être portées ; qu'en se contentant, pour dénier à l'action des demandeurs tout caractère nécessaire, de retenir l'existence de voies de recours devant le juge administratif sans rechercher si au jour des faits, la passivité des autorités publiques face à la contamination par les OGM des cultures traditionnelles et biologiques, constitutives d'un abus de droit de propriété par la société Monsanto et qui avait pour effet d'affecter la substance des produits agricoles des paysans et d'en déprécier la valeur sans que ceux-ci puissent, en l'absence de couverture des risques liés aux cultures d'OGM par les compagnies d'assurances, prétendre à la moindre indemnisation, ainsi que le caractère théorique illusoire des recours destinés à faire sanctionner de tels manquements n'avaient pas rendu nécessaire l'action des demandeurs, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122-7 du code pénal, ensemble l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, poursuivis pour avoir détruit une parcelle de culture autorisée de maïs génétiquement modifié, les prévenus ont invoqué l'état de nécessité, cause d'irresponsabilité prévue par l'article 122-7 du code pénal, arguant de ce que les poursuites étaient contraires, notamment, aux article 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole additionnel à ladite Convention, et 1 et 2 de la Charte de l'environnement ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus et retenir leur culpabilité, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, d'où il résulte que les actes reprochés ne sont pas justifiés par un danger actuel ou imminent, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour les prévenus, pris de la violation des articles 122-7, 322-1, 322-3 du code pénal, des articles 2, 3, 418, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné les demandeurs à payer à la SAS Monsanto agriculture France la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

" aux motifs que la SAS Monsanto agriculture France invoque, en premier lieu, à titre de préjudice matériel tous les frais occasionnés par la mise en culture du maïs transgénique, à savoir, les frais de constitution et de dépôt de dossier nécessaires pour obtenir l'autorisation de réaliser l'essai en plein champ, la rémunération de l'agriculteur, qui a mis sa parcelle à disposition pour effectuer ces plantations, le coût de recherche, de développement et de production des semences et enfin les frais de personnel affecté au site de l'expérimentation ; que ces dépenses ont été exposées antérieurement à l'infraction et n'ont pas été causées par celle-ci dans les conditions de l'article 2 du code de procédure pénale ; qu'elles ne sauraient, par suite, être indemnisées dans le cadre de l'action civile ; que la SAS Monsanto agriculture France demande aussi le remboursement du coût salarial de la cellule de communication de l'entreprise mobilisée à la suite de ces dégradations, en évaluant le montant réclamé à la valeur de deux jours de travail d'un directeur de la communication et d'une assistante de communication ; qu'aucune pièce ne vient établir l'existence d'un tel travail sur une telle durée lié directement à la destruction de la parcelle de Poinville ; que la SAS Monsanto agriculture France allègue que la destruction a provoqué un retard d'une année dans l'exploitation des plants à l'essai ; qu'elle expose que la croissance habituelle sur les cinq premières années de ce type de cultures lui permet de fixer à la somme de 1 233 750 euros sa perte financière ; que le préjudice ne saurait consister dans une perte sur les cinq premières années alors qu'il n'est invoqué qu'un retard dans la perception des revenus, en raison de l'obligation dans laquelle se trouve la victime de recommencer ses expérimentations ; qu'au surplus, le préjudice né directement de l'infraction réside dans les conséquences d'une perte de données tirant leur valeur des chances qu'elles recelaient de développements scientifiques exploitables à des fins commerciales en cas de succès ; que ces possibilités futures se trouvent compromises par l'interdiction faite actuellement en France et dans différents pays voisins de planter des maïs OGM à des fins commerciales ; qu'il résulte de l'ensemble de ces observations que le préjudice sera exactement réparé par la somme de 10 000 euros ; que la SAS Monsanto agriculture France demande l'allocation de la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral ; qu'elle invoque les répercussions médiatiques blessantes subies à la suite de cette action, sans toutefois justifier de l'impact des infractions en cause sur la réputation de la partie civile, par ailleurs en butte à bien d'autres campagnes critiques, de sorte que ce préjudice ne saurait être retenu ; qu'il est néanmoins certain que la ruine des efforts de recherches est à l'origine d'un préjudice moral qui sera exactement indemnisé par l'allocation de la somme de 1 000 euros ;

" alors que, ne peut obtenir réparation de son préjudice personnel directement causé par l'infraction la victime en situation illicite ; qu'en condamnant les demandeurs à payer à la SAS Monsanto agriculture France la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, alors que la partie civile réclamait l'indemnisation du préjudice résultant de la destruction d'OGM dont l'autorisation de mise en culture a été déclarée illégale par la juridiction administrative à raison de sa propre carence, la cour a violé les textes susvisés " ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour la partie civile du délit poursuivi, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 706-54 à 706-56 du code de procédure pénale, violation de la loi ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef de refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique par personne soupçonnée de crime ou de délit ;

" aux motifs que l'application des textes ci-dessus visés doit se faire à la lumière de l'article préliminaire du code de procédure pénale aux termes duquel les mesures de contrainte dont une personne suspectée peut faire l'objet doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure et proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée ; que l'atteinte à l'intimité de la personnalité que constitue une telle mesure est sans rapport avec la nature du délit reproché et ses circonstances ; que le législateur lui-même a exprimé l'inadéquation entre le prélèvement biologique et les infractions en cause, puisque, lorsqu'il a créé l'infraction spéciale édictée par l'article L. 671-15 du code rural, qui punit la destruction de parcelle de culture de produits OGM autorisés, il n'a pas intégré la nouvelle infraction dans l'énumération de celles pour lesquelles l'article 706-55 donne la possibilité à l'officier de police judiciaire de procéder ou faire procéder à un prélèvement biologique " ;

" alors que l'article préliminaire du code de procédure pénale ne constitue pas une norme juridique supérieure aux autres articles dudit code ; qu'en effet, tous les articles sont de nature également législative ; qu'en conséquence, l'article préliminaire, qui énumère les principes directeurs de la procédure, ne saurait avoir pour effet de remettre en cause les dispositions issues des autres articles aux termes desquels le législateur édicte, phase après phase, l'ensemble des règles devant être suivies tout au long de ladite procédure ; qu'il appartient, en particulier, au législateur et à lui seul de dresser la liste des infractions dont la gravité lui apparaît, compte tenu des nécessités de la procédure, permettre le prélèvement biologique destiné à l'identification de l'empreinte génétique, étant observé, au demeurant, que les nécessités de la procédure ne s'entendent pas seulement des besoins d'une enquête en cours mais également du souci de faciliter d'éventuelles enquêtes futures ; que la destruction grave du bien d'autrui, de surcroît en réunion, figure au nombre des infractions visées à l'article 706-55 du code de procédure pénale, permettant ainsi le recours au prélèvement biologique destiné à l'identification de l'empreinte génétique ; qu'il est, en l'espèce, établi et nullement contesté qu'il existait, lors de l'enquête, à l'encontre des mis en cause des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'ils aient commis le délit de destruction grave du bien d'autrui ; que, dès lors, en application des article 706-54 et 706-56 du code de procédure pénale, l'officier de police judiciaire pouvait procéder à leur égard à un prélèvement biologique destiné à l'identification de l'empreinte génétique et que le refus de s'y soumettre, également établi et non contesté, était constitutif d'un délit ; qu'en conséquence, la cour d'appel devait entrer en voie de condamnation à l'encontre des prévenus du chef de ce délit ; qu'au surplus, la référence à l'article L. 671-15 du code rural, issu de la loi du 25 juin 2008 postérieure aux faits de la cause et incriminant et réprimant la destruction de parcelle de culture de produits OGM autorisés, est inopérante ; qu'en effet, si le législateur n'a pas intégré cet article au nombre de ceux visés à l'article 706-55 du code de procédure pénale énumérant les infractions permettant le recours au prélèvement biologique destiné à l'identification de l'empreinte génétique, la loi du 25 juin 2008 n'a nullement abrogé les articles 322-1 à 322-4 du code pénal, expressément visés, quant à eux, audit article 706-55 du code de procédure pénale et incriminant et réprimant le délit de destruction grave du bien d'autrui, qualification retenue en l'espèce ; qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le sens et la protée des textes susvisés et que l'arrêt encourt de ce chef la cassation " ;

Attendu que, pour relaxer les prévenus du chef de refus de se soumettre à un prélèvement biologique en raison de l'irrégularité de ce prélèvement, l'arrêt attaqué retient, notamment, que " le législateur lui-même a exprimé l'inadéquation entre le prélèvement biologique et les infractions en cause, puisque, lorsqu'il a créé l'infraction spéciale édictée par l'article L. 671-15 du code rural, qui punit la destruction de parcelle de culture de produits OGM autorisés, il n'a pas intégré la nouvelle infraction dans l'énumération de celles pour lesquelles l'article 706-55 donne la possibilité à l'officier de police judiciaire de procéder ou faire procéder à un prélèvement biologique " ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dont il résulte que l'ingérence de l'autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée n'est possible que pour autant qu'elle est prévue par la loi et constitue, dans une société démocratique, une mesure nécessaire au sens de ce texte ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 000 euros le montant de la somme globale que les prévenus demandeurs ci-dessus désignés devront verser à la société Monsanto agriculture France, partie civile, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 18 février 2004

N° de pourvoi: 03-82951
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur le pourvoi formé par :- X... Jean-pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 24 avril 2003, qui, pour destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui commise en réunion, a confirmé le jugement l'ayant condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 110-1 du Code de l'environnement, 2, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 122-7, 322-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable de destruction volontaire commise en réunion, en répression, l'a condamné à 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur Ies réparations civiles ;

"aux motifs que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause en retenant Jean-Pierre X... dans les liens de la prévention ; que Jean-Pierre X... ne saurait utilement invoquer la Convention européenne des droits de l'homme et les dispositions de l'article 122-7 du Code pénal qui suppose un péril actuel ou imminent qui doit placer l'auteur devant un danger immédiat et certain, lequel n'est pas avéré en l'espèce, et non devant un péril hypothétique ou futur, alors de surcroît que le prévenu n'a pas usé des voies légales pour tenter de faire cesser ce qui constituait pour lui un trouble ;

"alors, d'une part, que l'état de nécessité est caractérisé par la situation dans laquelle se trouve une personne qui, en présence d'un danger et pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale ; qu'en excluant que l'expérimentation en champ de colza génétiquement modifié puisse constituer un péril au sens de l'article 122-7 du Code pénal, cependant que, à supposer le péril hypothétique ou futur, le principe de précaution consacré par les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'en commandait pas moins la destruction de cette culture dont l'état avancé de floraison laissait craindre d'importants risques de contamination, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, qu'en se bornant, pour écarter la nécessité impérieuse de commettre l'infraction poursuivie, à énoncer, par un motif d'ordre général, que le prévenu n'aurait pas usé des voies légales pour tenter de faire cesser ce qui constituait pour lui un trouble, cependant que Jean-Pierre X... faisait valoir dans son mémoire que l'absence totale de transparence entourant les opérations de culture OGM, de même que l'inaction des organismes publics compétents devant le maintien dans le champ d'expérimentation du colza génétiquement modifié postérieurement à sa floraison, avaient rendu nécessaire l'action engagée le 29 mai 1999, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement auquel il se réfère qu'un groupe d'agriculteurs indiens et de représentants du syndicat "Confédération paysanne" parmi lesquels Jean-Pierre X..., délégué régional de cette organisation, a détruit une plantation de Colza génétiquement modifié, appartenant à la société Agrevo France SA ; qu'à la suite de ces faits, Jean-Pierre X... a été poursuivi, sur le fondement des articles 322-1 et 322-3 du Code pénal, du chef de destruction ou détérioration du bien d'autrui en réunion ;

Attendu que, devant les juges du fond, le prévenu a invoqué le bénéfice de la cause d'irresponsabilité prévue par l'article 122-7 du Code pénal, faisant valoir que ses agissements étaient justifiés par le risque pour la santé et l'environnement que présentaient des organismes génétiquement modifiés et par la nécessité d'alerter sur ce point l'opinion publique ; qu'il a également soutenu que les poursuites engagées à son encontre étaient contraires aux articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation et retenir la culpabilité du prévenu, les juges du second degré énoncent, par les motifs propres et adoptés partiellement repris au moyen, qu'aucune des conditions de l'état de nécessité n'est remplie en l'espèce et que les dispositions conventionnelles précitées ne peuvent être utilement invoquées pour justifier le délit reproché ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 19 novembre 2002

N° de pourvoi: 02-80788
Non publié au bulletin Rejet

Statuant sur les pourvois formés par :- X... Joseph, dit José,- Y... René,- Z... Dominique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 20 décembre 2001, qui, pour dégradation du bien d'autrui en réunion, avec effraction et, s'agissant des deux premiers, en récidive, a condamné José X... et René Y..., à 6 mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende, et Dominique Z..., à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 25 000 francs d'amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-7 du Code pénal, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du protocole additionnel n 1 à ladite Convention, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré José X..., René Y... et Dominique Z... coupables du délit de dégradation en réunion avec pénétration par effraction, et les a condamnés de ce chef, en les condamnant également à verser diverses sommes aux parties civiles ;

"aux motifs propres et adoptés que les plants détruits étaient expérimentés dans une serre de confinement et non disséminés dans la nature ; que, s'agissant de l'expérience portant sur 1 440 plants de riz génétiquement modifiés, l'autorisation de dissémination excluait expressément une commercialisation à court ou à moyen terme, de sorte que les prévenus ne sont pas fondés à invoquer l'existence d'un danger au sens de l'article 122-7 du Code pénal ; que les prévenus disposaient de nombreux moyens d'expression dans une société démocratique, autres que la destruction des plants de riz, pour faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics, et ne peuvent, dès lors, invoquer l'état de nécessité ; que les prévenus ne peuvent pas davantage invoquer l'article 8 de la Convention européenne, dès lors que l'article 1er du Protocole additionnel du 20 mars 1952, disposant que toute personne a droit au respect de ses biens, est issu de la même norme supranationale, de sorte que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme doit être appliqué en respectant l'article 1er du Protocole additionnel à cette Convention ;

"alors, d'une part, que l'état de nécessité est caractérisé par la situation dans laquelle se trouve une personne qui, en présence d'un danger et pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale ;

qu'en excluant tout danger au motif que les plants détruits étaient expérimentés dans une serre de confinement et non disséminés dans la nature (arrêt page 14, 4), tout en constatant, par des motifs expressément adoptés, qu'une expérience portant sur 1 440 plants de riz génétiquement modifiés prévoyait une dissémination dans l'environnement à proximité d'Arles (jugement pages 18/19), la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires ;

"alors, d'autre part, qu'en se bornant, pour écarter la nécessité impérieuse de commettre l'infraction retenue, à énoncer, par un motif d'ordre général, que les prévenus disposaient de nombreux moyens d'expression dans une société démocratique pour faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics, sans s'expliquer sur les conclusions d'appel des prévenus, faisant valoir (page 4, 1-5) que l'absence totale de transparence, voulue par les pouvoirs publics, qui entourait les opérations de culture expérimentale des OGM, c'est-à-dire l'impossibilité d'un débat public sur cette question, avait rendu nécessaire l'action engagée le 5 juin 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, enfin, que, si l'article 1er du Protocole additionnel n 1 à la Convention européenne des droits de l'homme garantit à toute personne le droit au respect de ses biens, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, qui comprend le droit pour toute personne à vivre dans un environnement sain ; qu'en affirmant que les prévenus ne pouvaient se prévaloir d'un tel droit, au motif que l'article 8 de la Convention européenne devait être appliqué en respectant l'article 1er du Protocole additionnel n 1, au lieu de rechercher, les droits résultant des deux textes étant de valeur égale mais pouvant supporter certaines restrictions, si, en l'espèce, la nécessaire sauvegarde de la santé publique permettait, ou non, d'apporter une restriction à l'exercice du droit au respect de la propriété, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement auquel il se réfère que plusieurs personnes, parmi lesquelles José X..., René Y... et Dominique Z..., ont pénétré, après avoir brisé la porte, dans une serre de confinement appartenant au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), où elles ont détruit plusieurs milliers de plants de riz génétiquement modifiés qui y étaient cultivés à des fins expérimentales;

qu'à la suite de ces faits, les intéressés ont été poursuivis, sur le fondement des articles 322-1, 322-3, 1 et 5 , et 132-10 du Code pénal du chef de destruction ou dégradation du bien d'autrui en réunion, commis dans un entrepôt après effraction et, s'agissant de José X... et René Y..., en récidive ;

Attendu que, devant les juges du fond, les prévenus ont invoqué le bénéfice de la cause d'irresponsabilité prévue par l'article 122-7 du Code pénal, faisant valoir que leurs agissements étaient justifiés par le risque pour la santé et l'environnement que présentaient des organismes génétiquement modifiés et par la nécessité d'alerter sur ce point l'opinion publique ; qu'ils ont également soutenu que les poursuites engagées à leur encontre étaient contraires à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation et retenir la culpabilité des prévenus, les juges du second degré retiennent, par les motifs propres et adoptés partiellement reproduits au moyen, qu'aucune des conditions de l'état de nécessité n'est remplie en l'espèce et que les dispositions conventionnelles précitées ne peuvent être utilement invoquées pour justifier le délit reproché ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, les juges ont justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-10 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné José X... et René Y..., en état de récidive légale, à la peine de six mois d'emprisonnement ;

"aux motifs que José X... et René Y... ont déjà été condamnés pour des destructions en réunion et avec effraction, à l'usine Novartis de Nerac, le 8 janvier 1998, de maïs transgéniques, à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, et se trouvent en état de récidive légale visé à la prévention ;

"alors qu'en se bornant, pour prononcer une peine d'emprisonnement ferme au motif de l'état de récidive légale, à énoncer que José X... et René Y... ont déjà été condamnés, pour des faits de destruction en réunion et avec effraction commis le 8 janvier 1998, à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, sans préciser ni la juridiction qui a prononcé cette peine, ni la date du jugement, ni si le jugement a acquis un caractère définitif, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les conditions légales de la récidive étaient réunies ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés" ;

Attendu que José X... et René Y... ne sauraient faire grief à l'arrêt attaqué de n'avoir pas précisé la date de la condamnation constituant le premier terme de la récidive et la juridiction l'ayant prononcée, dès lors qu'ils ont été déclarés coupables dans les termes de la prévention, laquelle retenait qu'ils avaient commis les faits reprochés en état de récidive pour avoir été condamnés le 18 février 1998 par le tribunal correctionnel d'Agen pour le même délit ;

Attendu que, par ailleurs, n'ayant pas contesté devant les juges du fond le caractère définitif de cette condamnation, ils ne sauraient être admis à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ;

CONDAMNE solidairement les demandeurs à payer à chacune des parties civiles, le CIRAD, Jean-Christophe Breitler et Laura Vila Ujaldon, une somme de 1 000 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;