Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M.
Hervé Y... est le gérant de la société établissement
Y... qui exerce notamment une activité de fabrication d'eau de javel
;
qu'à quelque huit cents mètres de cet établissement, se
trouve un cours d'eau rejoignant la Charente ;
que le 12 mai 2011, des agents de l'Office nationale de l'eau et des milieux
aquatiques ont décelé une odeur de chlore provenant de
l'eau s'écoulant d'une buse dans le petit ruisseau ; qu'ils
se sont rendus dans l'entreprise de M. Y... et ont dressé un constat
et ont effectué des prélèvements d'eau ;
que M. Y... et la société ont été poursuivis pour
avoir jeté dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de
la mer dans la limite des eaux territoriales, une ou des substances, dont l'action
ou les réactions ont, même provisoirement, entrainé des
effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à
la faune ; que par jugement du 9 juillet 2013, le tribunal correctionnel d'Angoulême
a relevé la réalité du rejet, indiqué
les substances en cause, décrit l'action ou les réactions ayant
occasionné des dommages à la flore ou à la faune,
mais a dénié la causalité entre les dommages et
l'action ou l'inaction d'un représentant de la société
suffisamment identifié, a relaxé
M. Y... et la société ;
qu'appel a été interjeté par le procureur de la République
et par les parties civiles ;
En cet état :
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-2,
L. 123-3, L. 216-6 al. 1, L. 211-2, L. 216-12, L. 432-2 du code de l'environnement,
591 et 593 du code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne
des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale
;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué
a déclaré M. Y... et la société Y... coupables des
faits de déversement de substances nuisibles
dans les eaux souterraines ou superficielles, commis le 12 mai 2011
et les a condamnés en répression à des peines d'amende
délictuelle, des dommages-intérêts envers les parties civiles,
et la société Y... à la peine complémentaire de
publication ;
" alors que l'article L. 216-6 du code de l'environnement est contraire à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme pour définir en termes trop vagues l'infraction qu'il édicte, faute de précision suffisante sur les substances « visées » et sur les « effets nuisibles sur la santé » ou les « dommages à la flore et à la faune » incriminée ; que faute de répondre au principe de légalité des délits et des peines, un tel texte ne peut pas fonder une condamnation pénale ; que la cassation interviendra sans renvoi " ;
Attendu que les dispositions critiquées
sont suffisamment claires et précises pour permettre
leur interprétation et leur sanction, qui relèvent de l'office
du juge, sans que quiconque puisse être condamné pour une action
ou une omission qui ne constituerait pas une infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le premier moyen pris de la violation des articles L. 121-2, L. 121-3,
L. 216-6, alinéa 1, L. 211-2 L. 216-12, L. 432-2 du code de l'environnement,
591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale,
défaut de motifs, 591, 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré
M. Y... et la société Y... coupables des faits de déversement
de substances nuisibles dans les eaux souterraines ou superficielles, commis
le 12 mai 2011 et les a condamnés en répression à des peines
d'amende délictuelle, des dommages et intérêts envers les
parties civiles, et la société Y... à la peine complémentaire
de publication ;
" aux motifs que la société établissements Y... exerce
une activité de fabrication et de conditionnement de produits d'entretien,
tel que, eau de javel, détergents et encaustiques ; qu'à proximité
de cette usine se trouve un petit cours d'eau, alimenté par la fontaine
Poisson et rejoignant la Charente ;
que le 12 mai 2011, des agents de l'Office National de l'eau et des milieux
aquatiques (ONEMA) se trouvant en amont de la fontaine Poisson ont senti une
odeur caractéristique de chlore provenant de l'eau s'écoulant
d'une buse située sur la rive gauche ; que cherchant l'origine de cette
odeur, ils se présentent à l'usine voisine, les établissements
Y... où ils remarquent un flux important dans le fossé sortant
de l'usine ; que les agents de l'ONEMA sont reçus aussitôt par
M. Y... fils et M. Z..., responsable environnement de l'entreprise ;
que sur les lieux de conditionnement à l'intérieur des bâtiments,
les agents repèrent des flaques de liquide dégageant une odeur
de chlore qui sont récupérées par des grilles au sol qui
conduisent à une cuve ; que celle-ci est ensuite vidangée manuellement
vers un dispositif de traitement : les lagunes ; que les agents de l'ONEMA ont
constaté que le débit du fossé se trouvant à proximité
de l'entreprise était plus conséquent juste après le passage
d'un camion sur l'aire de lavage ; qu'ils ont alors réalisé un
test pour déterminer l'origine de la pollution du cours d'eau ; qu'une
vingtaine de litres d'eau a ainsi été déversée sur
l'aire de lavage afin de vérifier le bon fonctionnement du dispositif
: après seulement une minute d'attente, les agents de l'ONEMA et les
deux responsables de l'entreprise précités ont constaté
la hausse du débit dans le fossé, une forte odeur de chlore s'en
dégageant ;
que les agents de l'ONEMA ont dressé constat et effectué, en présence
de M. Z..., des prélèvements d'eau en amont et en aval du fossé,
de la buse et du ruisseau la Doue se déversant dans la Fontaine Poisson
; qu'il a été constaté par les agents et par M. Z...présent
à leur côtés, notamment outre les odeurs prononcées
de chlore, l'impact sur la vie aquatique du ruisseau et sur la flore naturelle
en aval du rejet correspondant au fossé venant de l'usine Y..., celles-ci
ayant totalement disparu, le ruisseau apparaissant comme décapé,
dépourvu de mousses et autres organismes végétaux ; que
lors des constatations faites sur les lieux par les agents de l'ONEMA, ceux-ci
ont recueilli les déclarations de M. Z...responsable qualité environnement
des établissements Y... ;
qu'il a déclaré « ce jour, nous avons constaté le
dysfonctionnement de l'aire de dépotage. Les effluents au lieu de rejoindre
en totalité le bac de rétention prévu à cet effet
s'écoulent en partie en direction du fossé qui lui est attenant
et qui conduit par le bassin de tampon de réception des eaux de la ZA,
à la Fontaine Poisson. J'ai constaté qu'à cet endroit et
jusqu'à la Charente, le ruisseau est impropre à la vie aquatique.
Présence de gammares morts et absence de diatomées » ;
que lors de son audition par la gendarmerie le 12 septembre 2011, M. Z...a
minimisé et relativisé ses déclarations du 12 mai 2011
relativement à la responsabilité des établissements Y...
mais a cependant indiqué : « j'ai constaté ce jour là
que le trop plein de l'aire de nettoyage s'écoulait dans le fossé
et que je constatais qu'à la Fontaine Poisson, les pierres étaient
propres et qu'il y avait des petites crevettes mortes sur le fond (¿)
Je tiens à ajouter que tous les 15 jours, nous contrôlons que le
trop plein d'eau ne se déverse pas dans le fossé » ;
qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations effectuées contradictoirement
en la présence constante de M. Z...responsable environnement de l'entreprise
Y... que le 12 mai 2011, le test pratiqué avec l'accord de ce dernier
a démontré la réalité d'un rejet d'eau fortement
chlorée provenant des installations de celle-ci ; que l'analyse des prélèvements
effectués ce jour là a été réalisée
par le laboratoire départemental d'analyses et de recherches de la Charente,
organisme du conseil général de la Charente dépendant de
la direction de l'animation et du développement durable ; qu'il a révélé
pour ceux correspondant à l'aval du fossé de l'entreprise, une
concentration très forte de chlore, ainsi le rejet au niveau de la buse
numéro E2 contient 78, 1 mgl de chlore, soit 2 000 fois la présence
naturelle de cette substance dans l'eau tandis qu'en amont du rejet de la buse,
l'eau du ruisseau est exempte de chlore ; qu'il convient de rappeler que ces
prélèvements ont été effectués en présence
du représentant de l'entreprise Y... ; que les analyses faites à
la requête des prévenus postérieurement, par le laboratoire
Analysys sur des prélèvements pratiqués de façon
non contradictoire et à d'autres dates que celles des faits objets de
la poursuite, ne sont pas de nature à contredire celles effectuées
sur les prélèvements du 12 mai 2011 ;
que les agents de l'ONEMA ont suivi le trajet des effluents de l'entreprise
pour réaliser leurs constatations et prélèvements ; qu'aucun
élément ne permet de les remettre en cause ; qu'au contraire,
il ressort du rapport établi par l'APAVE à la demande des établissements
Y... en juin 2012, que « la fosse recevant les eaux de lavage de l'entreprise
est reliée au fossé dirigeant les eaux vers le bassin d'orage
de la zone artisanale puis le ruisseau situé à proximité
de la Fontaine Poisson » ; qu'ainsi est-ce de façon inopérante
que les prévenus contestent que les effluents provenant de leur usine
aboutissent au ruisseau La Doue qui alimente la Fontaine Poisson ;
que concernant l'attestation du maire de la commune de Mansle, relative aux
pollutions de la Fontaine Poisson par d'autres causes et notamment le lavage
de voitures et la réception d'eau de lavage de surfaces commerciales
situées sur le parcours du ruisseau La Doue, elle n'est pas de nature
à contredire les constatations précises faites le 12 mai 2011
; que par ailleurs, a été versé au dossier pénal,
un avenant au procès-verbal du 12 mai 2011, réalisé par
les agents de l'ONEMA le 20 juin 2013, il révèle photos à
l'appui que les problèmes constatés deux ans auparavant persistent
au niveau du rejet de la buse E2 ; qu'il ressort également du dossier
que l'entreprise a déjà été alertée sur les
rejets de chlore, notamment un procès verbal de 2001, ainsi qu'en 2008
lors de visites réalisées par la Mission Inter Service de l'Eau
de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt
et l'ONEMA sur le site de la Fontaine Poisson et de l'entreprise Y... ;
qu'il résulte donc clairement de l'ensemble de ces constatations objectives qu'aucun doute ne subsiste sur l'origine de la pollution constatée le 12 mai 2011 par les agents de l'ONEMA ; qu'en conséquence, les éléments matériels et moraux des infractions sont établis à l'encontre tant de M. Y... que de la société Y... qui seront déclarés coupables des faits objets de la poursuite ; que le jugement entrepris sera infirmé dans toutes ses dispositions » ;
" 1°) alors que l'article 216-6 du code de l'environnement est
contraire à la Constitution pour définir en termes trop vagues
l'infraction qu'il édicte, faute de précision suffisante sur les
« substances » visées et sur les « effets nuisibles
sur la santé » ou les « dommages à la flore et à
la faune » incriminés ; que la déclaration d'inconstitutionnalité
à intervenir dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité
posée par mémoire distinct et séparé entraînera
l'annulation sans renvoi de la condamnation prononcée ;
" 2°) alors que le délit de pollution des eaux n'est caractérisé
que s'il existe un lien de causalité certain entre les déversements
reprochés aux prévenus et les dommages constatés dans les
eaux ; qu'en l'espèce, les prévenus soutenaient que la pollution
du site ¿ distant de plus de huit cents mètres de leur entreprise
¿ pouvait être liée à de nombreuses autres causes,
telles les réceptions d'eaux de lavage de surfaces commerciales situées
sur le parcours du ruisseau ou l'activité de la société
de traiteur jouxtant les établissements Y... ; qu'en se bornant en l'espèce,
à estimer que ces faits seraient inopérants à exonérer
les prévenus de leur responsabilité, la cour d'appel n'a pas suffisamment
motivé sa décision sur l'existence d'un lien de causalité
certain et exposé celle-ci à la censure ;
" 3°) alors que la relaxe était sollicitée notamment
sur la constatation de l'absence de preuve de la moindre communication entre
les évacuations de l'entreprise Y... et le fossé busé aboutissant
dans le ruisseau pollué ; que selon la Cour d'appel, le rapport de l'APAVE
établi un lien entre « la fosse recevant les eaux de lavage de
l'entreprise, et le fossé dirigeant les eaux vers le bassin d'orage de
la zone artisanale puis le ruisseau situé à proximité de
la Fontaine Poisson » ; que le rapport de l'APAVE établi le 11
juillet 2012, après les opérations de décembre 2011 à
juin 2012 ne comporte pas cette constatation, le cours d'eau y étant
décrit comme « l'exutoire des eaux pluviales du site, voire des
eaux de lavage réalisé sur le site en raison d'un dysfonctionnement
des réseaux enterrés du site » ; que la cour d'appel a donc
dénaturé ce document, et que faute de constater un « dysfonctionnement
des réseaux enterrés du site », susceptibles de créer
un lien entre les eaux de lavage et la buse, la cour d'appel n'a pas donné
de base légale à sa décision ;
" 4°) alors, que le délit de pollution des eaux par rejet de
substances nuisibles suppose que cette pollution ait entraîné des
effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à
la faune ; que si l'analyse des prélèvements a confirmé
la présence d'un taux anormal de chlore dans l'eau, la cour d'appel n'a
à aucun moment constaté que l'impact sur la faune ou la flore
aquatique qu'elle relevait était la résultante de cette présence
de chlore prétendument imputable aux déversements reprochés
aux prévenus ; qu'en retenant néanmoins les prévenus dans
les liens de la prévention sans constater l'existence d'un dommage avéré
à la faune ou à la flore résultant sans conteste des déversements
reprochés, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard des textes susvisés ;
" 5°) alors que la personne physique à laquelle est imputée
une faute d'imprudence ou de négligence ayant contribué à
créer la situation ayant permis la réalisation du dommage, mais
dont il est constaté qu'elle n'a pas créé directement le
dommage, ne peut être pénalement responsable que si est établie
à sa charge la commission d'une faute caractérisée d'une
particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; qu'en se bornant
en l'espèce à énoncer, pour entrer en voie de condamnation
à l'encontre de M. Y..., que les déversements reprochés
au prévenu étaient établis, sans caractériser plus
avant les fautes prétendument commises par celui-ci ni relever aucun
fait positif à son encontre, la cour d'appel, qui a statué par
voie de simple affirmation sans établir l'existence d'une faute caractérisée
à la charge de M. Y..., a exposé sa décision à la
censure au regard des textes susvisés ;
" 6°) alors que les personnes morales ne peuvent être déclarées
responsables pénalement que s'il est établi qu'une infraction
a été commise pour leur compte, par leurs organes ou représentants
; qu'en se bornant à entrer en voie de condamnation à l'encontre
de la société établissements Y... sans identifier la personne
physique qui en aurait été précisément l'auteur,
la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que
l'infraction aurait été commise par son organe ou son représentant
et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des
textes susvisés " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à
justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs
équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour retenir les prévenus dans les liens de la prévention,
l'arrêt attaqué énonce que les éléments matériels
et moraux des infractions sont établis à l'encontre de M. Y...
et de la société éponyme ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans
caractériser les fautes non intentionnelles commises par la personne
physique ni relever aucun fait positif à son encontre,
et sans rechercher par quel organe ou représentant
le délit reproché à la personne morale avait été
commis pour son compte, la cour d'appel, n'a pas justifié
sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE