Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 5 mars 2002 Rejet.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 avril 1998, rectifié
le 17 septembre 1999), qu'après la mise en redressement judiciaire de M.
Bournisien, pharmacien, prononcée le 1er juillet 1996, la société
OCP Répartition SAS (la société), grossiste-répartiteur
de médicaments et de produits pharmaceutiques, a revendiqué des
marchandises vendues avec clause de réserve de propriété
et détenues en stock par le débiteur ; que par jugement du 4 juin
1997, le tribunal, statuant sur le recours formé contre l'ordonnance du
juge-commissaire ayant rejeté cette demande, a accueilli la demande en
revendication à concurrence de la somme de 172 641,61 francs ; que la liquidation
judiciaire de M. Bournisien ayant été prononcée, la cour
d'appel a reçu le liquidateur, Mme Du Buit, en son intervention volontaire,
a réformé le jugement et a limité la demande en revendication
aux seules marchandises retrouvées en nature chez le débiteur au
jour du jugement d'ouverture ;
Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le liquidateur et M. Bournisien font encore grief à l'arrêt
d'avoir ordonné la restitution à la société des marchandises
mises en évidence par le rapprochement opéré entre les factures
de produits revendiqués et l'inventaire au jour du jugement, pour la somme
de 84 626,71 francs et d'avoir décidé qu'à défaut
de restitution de ces marchandises, le liquidateur devrait en acquitter le prix
auprès de la société, alors, selon le moyen :
1° qu'il appartient à celui qui agit en revendication de biens détenus
par un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective d'établir
que les conditions de la revendication de choses fongibles sont réunies
; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur l'absence de contestation par
les défendeurs du caractère fongible des marchandises revendiquées,
a violé les articles 85-2 du décret du 27 décembre 1985,
1315 du Code civil et 9 du nouveau Code de procédure civile ;
2° que les choses fongibles sont les choses qui, n'étant déterminées
que par leur nombre, leur poids ou leur mesure, peuvent être employées
indifféremment l'une pour l'autre dans un paiement ; qu'en accueillant
sur le fondement des dispositions permettant la revendication des choses fongibles,
l'action exercée par la société, grossiste répartiteur
de produits pharmaceutiques, sur des médicaments détenus par M.
Bournisien, pharmacien faisant l'objet de la procédure collective, sans
constater l'interchangeabilité des médicaments concernés,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 121, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 et 85-2 du décret
du 27 décembre 1985 ;
3° que si la revendication en nature peut s'exercer sur des biens fongibles
lorsque se trouvent entre les mains de l'acheteur des biens de même espèce
et de même qualité, la preuve de l'absence d'identité entre
les marchandises revendiquées et les marchandises vendues fait obstacle
à cette action ; qu'en considérant que le caractère prétendument
fongible des biens revendiqués la dispensait de prendre en considération
le moyen tiré de ce que, compte tenu de la rotation rapide des stocks,
les marchandises retrouvées en nature chez le débiteur n'étaient
pas celles qui avaient été vendues par la société
avec une clause de réserve de propriété, la cour d'appel
a violé l'article 121, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985
;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain
que la cour d'appel a retenu, sans inverser la charge de la preuve, que les
marchandises revendiquées avaient le caractère de biens fongibles
;
Attendu, en second lieu, que l'article 121, alinéa 3 in fine, de la loi
du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-122, alinéa 3 in fine, du
Code de commerce énonce une règle de fond, attribuant au revendiquant
la propriété des biens fongibles qui se trouvent entre les mains
de l'acheteur dès lors que ceux-ci sont de même espèce et
de même qualité que ceux qu'il a livrés ; qu'après
avoir énoncé que la loi ne subordonnait la revendication de tels
biens à aucune autre condition puis relevé que le caractère
fongible des biens revendiqués par la société n'était
pas contesté, la cour d'appel, qui a dit n'y avoir lieu de prendre en
considération le moyen selon lequel la rotation rapide des stocks exclut
que les marchandises retrouvées en nature chez le débiteur soient
celles mêmes vendues par la société avec une clause de réserve
de propriété, a légalement justifié sa décision
;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses
branches ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 2002 IV N° 48 p. 48
Le Dalloz, Cahier droit des affaires, 2002-03-28, n° 13, Jurisprudence,
p. 1139 1140, note A. LIENHARD.
Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2002, n° 2, p. 327-333, note
Th. REVET.
Revue trimestrielle de droit civil, avril-juin 2002, n° 2, p. 339-340, note
P. CROCQ.