Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 22 février 1994 Rejet.

Sur les deux moyens, le second, pris en ses deux branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 janvier 1992), que la société Apexsys a été mise en redressement judiciaire le 24 avril 1986, puis en liquidation judiciaire le 15 mai 1986, sans avoir réglé à la société Matfor le prix de cloisons démontables que celle-ci lui avait vendues avec réserve de propriété, et que la société Apexsys avait installées dans des locaux que la société Investipierre lui avait donnés à bail ; que, le 21 juin 1986, M. Horel, désigné en qualité de liquidateur de la procédure collective a, après avoir résilié le bail, restitué les clefs des locaux à la société Investipierre ; que la société Matfor, reprochant à M. Horel de l'avoir ainsi empêchée de revendiquer entre les mains de la société Investipierre les cloisons, l'a assigné en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
Attendu que M. Horel fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande en retenant sa responsabilité personnelle alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en admettant la recevabilité de l'action en dommages-intérêts, l'arrêt a empêché les effets de la forclusion édictée par l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 en violation desdites dispositions ; alors, d'autre part, que le droit de la société Matfor était devenu, par l'effet de la forclusion, inopposable aux autres créanciers et, partant, à la société Investipierre ; qu'en admettant néanmoins la faute du liquidateur, l'arrêt a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil par fausse application ; et alors, enfin, que la société Matfor, qui avait laissé expirer le délai prévu, n'avait pris aucune précaution pour assurer la sauvegarde des fournitures ; qu'en affirmant néanmoins que le liquidateur avait commis une faute, l'arrêt a derechef violé les dispositions sus-citées ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. Horel, qui connaissait l'existence de la clause de réserve de propriété, s'est abstenu, lors de la remise des clefs à la société Investipierre après la résiliation du bail, de l'en informer, de sorte que le bailleur est entré en possession de bonne foi des cloisons, dans l'ignorance du droit de propriété réservé au vendeur ; qu'il ajoute que ce dernier, dès la date de restitution des clefs dans de telles conditions, " a été empêché d'exercer utilement l'action en revendication " à l'encontre d'un tiers ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu décider que M. Horel avait commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de la société Matfor ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1994 IV N° 71 p. 54
RTDciv. 94, p. 893, obs. Zénati

Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 28 novembre 1989
Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 2 octobre 1987), que la Société commerciale de produits agricoles (SCPA) a vendu en novembre 1984 à la Société des chargeurs agricoles Agroshipping (la société Agroshipping) une certaine qualité de graines, le contrat étant assorti d'une clause réservant au vendeur la propriété de la marchandise jusqu'au paiement intégral du prix ; que les graines ont été déposées par l'acheteur dans un silo géré par une tierce entreprise Sonastock ; que, le mois suivant, la société Agroshipping a consenti sur la marchandise un gage en faveur du Crédit lyonnais (la banque) ; qu'elle a déposé son bilan trois semaines plus tard ; qu'à la suite du jugement de liquidation des biens, le vendeur a vainement revendiqué la marchandise ;
Attendu que la société SCPA fait grief à la cour d'appel d'avoir fait prévaloir sur ses droits, non contestés, ceux du créancier gagiste aux motifs que la mauvaise foi de ce dernier n'était pas établie, que les graines étaient détenues pour le compte du Crédit lyonnais par l'intermédiaire de Sonastock, tiers détenteur habilité à faire connaître aux tiers l'existence du gage, et qu'enfin la dépossession du débiteur s'était manifestée d'une manière suffisamment apparente pour que les tiers en aient connaissance, alors selon le pourvoi, d'une part, que le doute du possesseur sur la qualité de propriétaire de celui avec lequel il a traité est exclusif de la bonne foi ; que la cour d'appel, qui constate que l'existence d'une clause de réserve de propriété était conforme aux usages en vigueur dans le commerce des grains et que le Crédit lyonnais n'ignorait pas, au jour où a été consenti le nantissement, les difficultés économiques traversées par la société Agroshipping, ne pouvait dès lors se borner à affirmer que le Crédit lyonnais était de bonne foi sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 2279 du Code civil ; alors, d'autre part, que la mise en oeuvre de la règle " en fait de meubles possession vaut titre " suppose une possession réelle, publique et dépourvue d'équivoque ; que, selon les énonciations de l'arrêt, la société Sonastock, qui détenait les marchandises pour le compte d'Agroshipping, les a ensuite gardées en qualité de tiers détenteur pour le compte du Crédit lyonnais, gagiste ; qu'une telle modification de titre, convenue entre le détenteur, le débiteur et le gagiste, et qui ne s'est traduite par aucun nouveau transfert de possession ni aucune formalité équivalente, rendait équivoque et clandestine la possession, de sorte qu'ont été violés les articles 2231 et 2279 du Code civil ; et alors, enfin, que ces mêmes constatations établissaient que le gage ne s'était pas constitué par la dépossession du débiteur mais que seul le titre juridique de la société Sonastock, maintenue en détention des grains, était modifié ; qu'une telle constitution n'est pas valable, ni en toute hypothèse opposable aux tiers, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 92, alinéa 2, du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a décidé que la possession de la banque était exempte de vice et que sa mise en possession, ainsi que la dépossession corrélative du débiteur, s'étaient manifestées de manière suffisamment apparente, par la remise à un tiers désigné, pour être connue de tous ;
Attendu, en second lieu, que les juges du fond ont retenu, souverainement, que la preuve de la mauvaise foi de la banque n'était pas rapportée et en ont justement déduit que, présumée de bonne foi, celle-ci était fondée à invoquer le bénéfice de l'article 2279 du Code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Publication : Bulletin 1989 IV N° 300 p. 201
RTDciv 1991, p. 142, obs. Zenati