Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 23 janvier 2001 Rejet.
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Besançon,
30 octobre 1997), que M. Bourquin a acquis un véhicule automobile vendu
par la société Brunella et financé en partie par la société
Cofica qui a été subrogée, par acte du 3 juin 1993, dans
tous les droits et actions du vendeur et notamment dans le bénéfice
de la clause de réserve de propriété stipulée lors
de la vente ; que M. Bourquin ayant été mis en liquidation judiciaire
sans avoir remboursé la totalité du prêt, la société
Cofica a revendiqué le véhicule ; que M. Masson, liquidateur judiciaire
de M. Bourquin, s'y est opposé et, subsidiairement, a demandé la
restitution des " acomptes " versés par celui-ci à la
société Cofica ;
Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le liquidateur judiciaire reproche à l'arrêt d'avoir
rejeté sa demande en remboursement des sommes versées à titre
d'acomptes, alors, selon le moyen :
1° que la clause de réserve de propriété stipulée
dans un contrat constitue une condition suspensive dont la défaillance
entraîne l'anéantissement de la vente, en sorte que, les parties
devant être remises dans l'état où elles se trouvaient antérieurement
à la cession, le vendeur ou le prêteur subrogé dans ses droits-
ne peut obtenir la restitution du bien vendu qu'à la condition de rembourser
les acomptes qu'il a perçus ; qu'en faisant droit à l'action en
revendication du prêteur de deniers subrogé qui, en se prévalant
de la clause de réserve de propriété, avait invoqué
la défaillance de la condition suspensive tenant au complet paiement du
prix, tout en refusant d'ordonner la restitution des sommes perçues de
l'acquéreur à titre d'acomptes, la cour d'appel a violé les
articles 1134, 1176 et 1563 du Code civil ainsi que 121 de la loi du 25 janvier
1985 ;
2° qu'en tout état de cause, la défaillance de la condition
suspensive tenant au complet paiement du prix entraîne l'obligation pour
chaque partie de restituer à l'autre ce qu'elle a reçu en exécution
de la vente censée n'avoir jamais existé, en sorte qu'il appartient
au vendeur ou au prêteur subrogé dans ses droits- qui revendique
le bien cédé avec clause de réserve de propriété
d'établir que, bien qu'il ait droit à la restitution de ce qu'il
a fourni, il est dispensé de rendre lui-même ce qu'il a reçu
; qu'en décidant qu'il avait la charge de prouver que les acomptes dont
il demandait la restitution auraient excédé, en tout ou partie,
à la suite de la restitution du véhicule, le montant total des sommes
dues au prêteur, la cour d'appel a inversé le fardeau de la preuve
en violation de l'article 1315 du Code civil ;
3° que le prêteur de deniers ne peut exercer contre un débiteur
en liquidation judiciaire une action en revendication d'un bien vendu avec clause
de réserve de propriété qu'en se prévalant exclusivement
de sa qualité de subrogé dans les droits du vendeur, sans pouvoir
eu égard au principe de l'égalité des créanciers,
exciper en outre des avantages qu'il tient du contrat de prêt qu'il a lui-même
conclu avec le débiteur placé ultérieurement en liquidation
judiciaire, dès lors que le liquidateur n'a pas usé de la faculté
de poursuivre l'exécution de cette convention ; qu'en refusant, après
avoir déclaré fondée son action en revendication, de condamner
le prêteur à restituer à la liquidation judiciaire du débiteur
les sommes qu'il avait versées en exécution du contrat de prêt
par cela seul que cet acte prévoyait qu'en cas de défaillance du
débiteur le prêteur conserverait à titre de premiers dommages
le montant des échéances du prêt déjà perçu,
la cour d'appel a violé les articles 121, 37 et 47 de la loi du 25 janvier
1985 ainsi que 1134, 1250 et 1905 du Code civil ;
Mais attendu que l'action en revendication d'un bien vendu avec clause de réserve
de propriété n'est pas une action en résolution de la vente
et que le prêteur, subrogé dans la sûreté que constitue
la propriété réservée, n'est tenu de restituer les
sommes qu'il a reçues en exécution du contrat de prêt que
dans la mesure où la valeur du bien restitué excède le montant
des sommes qui lui restent dues ; que c'est donc à bon droit que la cour
d'appel, qui constate, sans inverser la charge de la preuve, qu'il n'est pas établi
que la société Cofica ait reçu des sommes en excédent,
a rejeté la demande du liquidateur ; que le moyen ne peut être accueilli
;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 2001 IV N° 23 p. 21 ; RTDciv
2001, p. 398, obs Crocq