Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 8 février 1994 Rejet.
Sur le moyen unique pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 17 mars 1992), que le 17
octobre 1989, la société Grand Club du Vin (société
GCV) a acquis le fichier client de la société en redressement
judiciaire dénommée Bacchus conseil et a poursuivi le contrat
de gestion informatisé de ce fichier conclu avec la société
de gestion et de conseil en organisation (Sogecor) ; qu'à la suite d'un
différend, la société GCV a assigné en restitution
du fichier client la société Sogecor ; que celle-ci qui s'est
prétendue créancière de la société GCV a
opposé son droit de rétention sur le fichier litigieux ;
Attendu que la société GCV fait grief à l'arrêt d'avoir
infirmé la décision des premiers juges ayant qualifié d'abusif
l'exercice de ce droit de rétention par la société GCV,
alors, selon le pourvoi, d'une part, que jamais, au cours de la procédure
comme auparavant, la société Sogecor n'a prétendu justifier
l'exercice de son droit de rétention par les seules prestations impayées
postérieures à la cession du fonds de la société
Bacchus, ces factures impayées faisant d'ailleurs l'objet d'une mesure
d'expertise confirmée par la cour d'appel ; que la cour d'appel, en fondant
l'exercice du droit de rétention sur ces seules factures, contrairement
aux prétentions mêmes de la société Sogecor, a méconnu
les termes du litige, violant l'article 4 du nouveau Code de procédure
civile ; alors, d'autre part, que c'est d'office, et sans inviter les parties
à présenter au préalable leurs observations, que la cour
d'appel a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les contestations
portant sur l'exercice du droit de rétention pour les créances
antérieures au jugement déclaratif ou nées pendant la période
d'observation et que les seules créances postérieures à
la cession du fonds Bacchus suffisaient à justifier l'exercice de ce
droit ; que la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire,
violant l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors encore
que le droit de rétention suppose l'existence d'une créance certaine
; qu'en énonçant simplement qu'il résultait des "
pièces du " dossier ", sans aucune autre précision,
que la société GCV restait débitrice de Sogecor, alors
même qu'elle confirmait par ailleurs la mission de l'expert en ce qu'il
était chargé de faire les comptes entre les parties, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1948 du Code civil ; et alors, enfin, que, le droit de rétention ne peut
porter que sur des objets corporels en relation avec le contrat au titre duquel
ils sont déposés ; que la valeur d'un fichier clients ne dépend
aucunement de son support matériel, mais uniquement des informations
qui s'y trouvent, informations qui constituent l'élément incorporel
essentiel d'un fonds de commerce de vente par correspondance ; qu'en énonçant,
que ce fichier pouvait faire l'objet d'un droit de rétention, la cour
d'appel a violé l'article 1948 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que, l'arrêt retient à bon droit
qu'un fichier sur bande magnétique est, au même titre qu'un
fichier établi sur un support papier, susceptible de faire l'objet d'un
droit de rétention ;
Attendu, en deuxième lieu, que dans ses conclusions la société
Sogecor a soutenu qu'elle entendait exercer son droit de rétention en
raison de ce qu'elle n'avait été " réglée ni
des prestations effectuées au bénéfice de Bacchus conseil
ni de celles effectuées pendant la période d'observation, ni de
certaines prestations fournies à la société GCV ",
que c'est donc sans méconnaître l'objet du litige, ni violer le
principe de la contradiction qu'ayant relevé que les créances
de la société Sogecor pour les prestations réalisées
au profit de la société Bacchus conseil avaient été
payées par l'administrateur du règlement judiciaire de cette société,
l'arrêt a décidé que la société Sogecor était
fondée à exercer son droit de rétention sur le fichier
litigieux pour obtenir le paiement des seules créances restant dues par
la société GCV " ;
Attendu, enfin, que pour constater la certitude de la créance de la société
Sogecor, l'arrêt a retenu qu'il résultait des pièces produites
aux débats que le mois de décembre 1989 la société
GCV était débitrice d'une somme de 9 880,60 francs correspondant
au remboursement de frais d'affranchissement et qu'elle n'avait pas retourné
à cette date les lettres de change destinées au règlement
des factures du mois d'octobre et du mois de novembre ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches
;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1994 IV N° 56 p. 42