Cour de Cassation Chambre civile 1
Audience publique du 7 janvier 1992 Cassation partielle.
Attendu que, le 11 janvier 1983, M. Soulard a acheté à M. Lalanne
une voiture de collection " Bugatti type 44 ", dont le fonctionnement
s'est avéré défectueux ; que, le 4 août 1983, est
intervenu un protocole d'accord aux termes duquel le véhicule devait
être expertisé par M. Novo, garagiste, qui s'engageait à
communiquer à MM. Soulard et Lalanne un rapport détaillé
de ses constatations ; que, de son côté, M. Lalanne s'engageait
à prendre en charge tous les travaux de réparations, qui seraient
exécutés par M. Novo ; que M. Lalanne ayant refusé de régler
sa facture, le garagiste a exercé un droit de rétention sur le
véhicule, dont M. Soulard était propriétaire, non tenu
à la dette ; que l'arrêt attaqué a estimé que, faute
d'avoir rapporté la preuve de ce qu'il avait rendu compte à MM.
Soulard et Lalanne de sa mission d'expertise, M. Novo ne pouvait invoquer le
droit de rétention du dépositaire de bonne foi ; que ce dernier
a donc été condamné à restituer la Bugatti à
M. Soulard et à lui verser 50 000 francs de dommages-intérêts
; que, de son côté, M. Lalanne a été condamné
à payer à M. Novo la somme de 102 467,88 francs, montant des travaux
par lui effectués ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1948 du Code civil ;
Attendu que le droit de rétention d'une chose, conséquence de
sa détention, est un droit réel, opposable à tous, et même
aux tiers non tenus de la dette ;
Attendu que, pour écarter le droit de rétention du garagiste Novo,
l'arrêt attaqué énonce " que Novo, partie au protocole,
s'était désigné Lalanne comme débiteur unique des
travaux et ne pouvait, de ce fait, opérer la rétention de la voiture
de Soulard pour obtenir paiement des réparations " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé
;
Et sur la cinquième branche du même moyen :
Vu l'article 1948 du Code civil ;
Attendu que le droit de rétention peut être exercé par tout
détenteur dont la créance a pris naissance à l'occasion
de la chose retenue, de sorte qu'il existe un lien de connexité entre
cette créance et cette chose ;
Attendu que l'arrêt attaqué a estimé que M. Novo ne pouvait
pas non plus exercer son droit de rétention, " en raison de son
absence de bonne foi ", sans pour autant retenir que l'existence ou le
montant de sa créance en soient affectés ; en quoi la cour d'appel
a, de nouveau, violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur ses trois premières
branches du moyen ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Novo à
restituer le véhicule litigieux à M. Soulard et à lui payer
la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts et
celle de 10 000 francs au titre de la liquidation de l'astreinte, l'arrêt
rendu le 20 février 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans
;
Publication : Bulletin 1992 I N° 4 p. 3
Semaine juridique, 1992-12-16, n° 51-52, p. 450, note Ramarolanto-Ratiaray
; RTDCiv 92, 586, obs PY Gautier