Cour de Cassation Assemblée plénière
Audience publique du 6 décembre 2004
Rejet.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 décembre 2002), rendu sur renvoi après cassation (COM., 26 octobre 1999, Bull., IV, n° 184), que, par acte du 14 septembre 1988, la société compagnie Assurances générales de France (compagnie AGF) a donné en location un appartement à M. X... pour une durée de six ans à effet du 1er octobre 1988 ; que, par acte du 31 août 1988, la société Sofal, aux droits de laquelle vient la société Archon Group France, anciennement dénommée WHBL 7 (société WHBL 7), s'est rendue caution solidaire du locataire pour le paiement de loyers ; que le 30 juin 1992, la compagnie AGF a vendu l'immeuble à la société Financière et Immobilière Marcel Dassault (société FIMD), aux droits de laquelle vient la société Groupe industriel Marcel Dassault ; que les loyers de décembre 1992 et d'octobre 1993 à mai 1994 étant restés impayés, la société FIMD a dénoncé la vente à la caution qui, invoquant l'extinction de son engagement par changement de créancier, l'a assignée en opposition au commandement de payer ces loyers ;

Attendu que la société WHBL 7 fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1 ) que la société WHBL 7 avait, dans l'acte de cautionnement du 31 août 1988, donné sa caution au profit de la seule société AGF ; qu'en énonçant que même si le nom du bailleur, société AGF, était bien sûr précisé dans l'acte de caution dans la mesure où le bail lui-même allait être souscrit quelques jours plus tard, il est néanmoins patent que la caution s'engageait bien pour une obligation pesant sur le locataire débiteur, et que la personne du bailleur lui était, dans ces conditions et logiquement indifférente, la cour d'appel a dénaturé l'acte de cautionnement et violé l'article 1134 du Code civil ;
2 ) qu'à défaut de manifestation de volonté de la part de la caution de s'engager envers le nouveau bailleur, acquéreur de l'immeuble loué, le cautionnement souscrit au profit du premier bailleur ne peut être étendu en faveur du second bailleur ; qu'en retenant, pour condamner la société WHBL 7 au paiement d'une certaine somme au nouveau bailleur, que la créance de loyers et ses accessoires et particulièrement le bénéfice du cautionnement étaient transmis au nouveau bailleur, que les limites du cautionnement de la banque ne portaient pas sur la personne du créancier qui était sans influence sur l'engagement de la caution et que la société WHBL 7 n'avait avant le début de la procédure judiciaire, aucunement discuté le principe de son obligation comme caution, cependant qu'à défaut de manifestation de volonté de la part de la société WHBL 7 envers la société Groupe Marcel Dassault , le cautionnement souscrit au profit de la compagnie AGF ne pouvait être étendu en faveur de la société Groupe Marcel Dassault , la cour d'appel a violé les articles 2011 et 2015 du Code civil ;
3 ) que l'article 1743 du Code civil a pour seul effet de rendre le bail opposable au cessionnaire de l'immeuble loué et qu'il n'entraîne pas de plein droit transport du bénéfice de la caution au cédant ; que si selon l'article 1692 du Code civil, la vente ou la cession d'une créance comprend les accessoires de la créance tels que la caution, cette disposition s'applique au transport des créances et autres droits incorporels ; qu'il n'y a eu entre la compagnie AGF et la société FIMD aucune cession de créance, mais une vente d'immeuble, laquelle n'entraîne pas cession de contrat de bail avec transmission de ses accessoires, mais seulement opposabilité du bail à l'acquéreur de la chose louée ; qu'en l'appliquant néanmoins à un tel contrat, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1692 du Code civil, ensemble l'article 1743 du même Code ;
4 ) que le cautionnement ne se présume point et que la caution du paiement des loyers est donnée en considération notamment de la personne du bailleur, de telle sorte qu'en cas de vente de l'immeuble, son bénéfice n'est pas de plein droit transféré au cessionnaire sans l'accord de la caution ; qu'en considérant cependant que la relation contractuelle née de la caution donnée par la société Sofal à la compagnie AGF, bailleresse, en garantie des loyers dus par M. X... , s'était poursuivie de plein droit dans les mêmes conditions avec la société FIMD, acquéreur de l'immeuble loué, la cour d'appel a violé les articles 1692 et 2015 du Code civil ;
5 ) que le cautionnement ne se présume point ; qu'en retenant que la société FIMD fait observer que dans ses lettres des 2 février et 10 mars 1994, soit avant le début de la procédure judiciaire, la société Sofal n'a aucunement discuté le principe de son obligation comme caution mais a fait valoir des arguments chiffrés sur son étendue, en exposant qu'un "parking" avait été loué après le bail initial et en protestant à propos d'une pénalité contractuelle de 10 %, éléments dont elle expliquait qu'ils n'étaient pas visés dans son engagement de caution d'origine, qu'il s'en déduit effectivement que la société Sofal s'estimait alors engagée à titre de caution et que cette attitude et cet engagement sont conformes aux développements ci-dessus, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la société Sofal avait expressément reconnu qu'elle s'était engagée envers la société FIMD, s'est déterminée par des motifs inopérants et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des exigences de l'article 2015 du Code civil ;

Mais attendu qu'en cas de vente de l'immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit au nouveau propriétaire en tant qu'accessoire de la créance de loyers cédée à l'acquéreur par l'effet combiné de l'article 1743 et des articles 1692, 2013 et 2015 du Code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

JCP 2005, II, 10010 Piédelièvre


Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 8 novembre 2005
Cassation.
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 236-3 du Code de commerce ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, la fusion absorption entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, dans l'état où il se trouve à la date de l'opération ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., ont apporté leur cautionnement solidaire à la société Optibail en garantie d'un contrat de crédit-bail portant sur un immeuble et conclu entre cette société et la société COBC, dont ils étaient les co-gérants ;
qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Samlex France qui avait absorbé la société COBC, la société Selectibanque devenue Selectibail qui avait absorbé la société Sicorail, laquelle avait elle-même absorbé la société Optibail, a assigné les cautions en paiement d'une certaine somme correspondant aux loyers, indemnités d'occupation et primes d'assurance demeurés impayés jusqu'à la libération des lieux ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Selectibanque l'arrêt retient que la fusion de la société créancière dans une personne morale nouvelle ou son absorption constituent un changement de créancier à l'égard de la caution, libérant celle-ci de ses obligations si elle n'a pas manifesté sa volonté de s'engager envers le nouveau bailleur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas de fusion absorption d'une société propriétaire d'un immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit à la société absorbante, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2005 IV N° 218 p. 234
JCP 2005, II, 10170, note Houtcieff