Concours financier
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 13 février 2007 Rejet
N° de pourvoi : 05-13308
Publié au bulletin
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... que sur le pourvoi
incident relevé par M. Y... :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 27 janvier
2005), que le 19 mai 1988, le Crédit lyonnais (la banque) a accordé
à la SNC Pharmacie de Monceau (la SNC) un prêt de 2 640 218 francs
au taux de 8,90 % l'an dont le remboursement a été garanti par
le cautionnement solidaire du Crédit médical de France (CMF),
aux droits duquel se trouve la société Interfimo (Interfimo),
lui-même s'étant fait contre-garantir par les cautionnements solidaires
de MM. Z... et Y..., associés et cogérants de la SNC ; que le
1er décembre 1989, ces derniers ont cédé leurs parts sociales
à un tiers dont l'acquisition a été financée par
la banque ; que le 22 novembre 1994, la SNC a été mise en redressement
judiciaire et, ultérieurement, a bénéficié d'un
plan de continuation ; qu'après avoir exécuté son engagement
envers la banque, le CMF a déclaré sa créance qui a été
admise pour un certain montant ; que la société Interfimo a réclamé
à MM. X... et Y... le remboursement de cette créance ;
Sur les premiers moyens des pourvois principal et incident, réunis :
Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré
recevable l'action de la société Interfimo dirigée à
leur encontre en leur qualité de cautions et de les avoir condamnés
solidairement à lui payer la somme de 286 089,09 euros représentant
le capital et les intérêts échus au 20 novembre 1996, alors,
selon le moyen :
1 / que constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d'appel,
la prétention qui ne tend pas aux mêmes fins que la demande soumise
aux premiers juges ; que la demande présentée en appel tendant
à une condamnation en qualité de caution, dès lors que
cette dernière ne peut se prévaloir des dispositions du plan de
continuation dont fait l'objet le débiteur et donc des remises accordées
dans le cadre de ce plan, n'a pas le même objet et ne tend pas aux mêmes
fins que la demande initiale tendant à une condamnation en qualité
d'associé de la société débitrice, cette demande
étant au contraire nécessairement limitée aux sommes dues
par la société dans le cadre du plan de continuation et réduites
donc des remises accordées ; qu'en décidant pourtant que la demande
n'était pas nouvelle, au motif que le paiement demandé l'était
de la même somme, cependant que seul comptait le résultat des deux
demandes qui ne pouvait en l'occurrence être identique quant au montant
des condamnations prononcées, la cour d'appel a violé les articles
564 et 565 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que la prétention est nouvelle en appel lorsqu'elle diffère
de la prétention soumise aux premiers juges par la qualité des
parties concernées ; qu'en retenant que la demande de la société
Interfimo n'était pas nouvelle dès lors qu'elle portait sur le
paiement de la même somme que celle réclamée en première
instance tout en constatant que cette demande était dirigée contre
MM. X... et Y... en leur qualité de cautions et non plus, comme en première
instance, en leur qualité d'associés, ce dont il résultait
que la prétention en appel différait de celle soumise aux premiers
juges par la qualité des parties concernées, la cour d'appel a
violé les dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure
civile ;
Mais attendu que la demande soumise à la cour d'appel tendait à
obtenir le remboursement de la somme acquittée par le Crédit médical
de France et pour laquelle il s'était fait contre-garantir par MM. X...
et Y..., peu important qu'en première instance la société
Interfimo, venant aux droits du Crédit médical de France, eût
recherché ces derniers en leur qualité d'associés et, en
appel, en leur qualité de cautions ; qu'ainsi, elle a, à bon droit,
écarté l'exception de nouveauté ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur les deuxièmes moyens des mêmes pourvois, pris en leurs premières
branches, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que MM. X... et Y... font le même grief à l'arrêt
alors, selon le moyen, que si le paiement des créances antérieures
au plan de continuation doit en principe se faire suivant les modalités
uniformes réglées par le code de commerce et les dispositions
du plan, l'imputation des paiements faits par le débiteur en présence
de plusieurs créances d'un même créancier obéit,
en l'absence de stipulations particulières, aux dispositions de l'article
1256 du code civil ; qu'en écartant l'application de ce texte, cependant
qu'il était acquis aux débats que la banque avait plusieurs créances
sur la SNC, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte
susvisé ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que le règlement des créances
incluses dans le plan est régi par les dispositions impératives
prévues par les articles L. 621-60 et L. 621-76 et suivants du code de
commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet
2005 de sauvegarde des entreprises, la cour d'appel en a exactement déduit
que les règles relatives à l'imputation des paiements ne pouvaient
être invoquées par les cautions ; que le moyen n'est fondé
en aucune de ses branches ;
Sur la seconde branche des deuxièmes moyens et sur les troisièmes
moyens des mêmes pourvois, réunis :
Attendu que MM. X... et Y... font encore le même grief à l'arrêt,
alors, selon le moyen :
1 / que les paiements effectués par le débiteur principal sont
réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement
de crédit, affectés prioritairement au règlement du principal
de la dette ; qu'en constatant en l'espèce que la société
Interfimo avait déduit de sa demande les dividendes qui lui avaient été
versés par le débiteur principal en application du plan de continuation,
sans préciser si ces versements avaient été imputés
sur le principal de la dette ou sur les intérêts, la cour d'appel
n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur
le respect, à cet égard, des dispositions de l'article L. 313-22,
alinéa 2, du code monétaire et financier ;
2 / que l'obligation d'information pesant sur les établissements de
crédit, en application de l'article L. 313-22 du code monétaire
et financier, qui a pour objet la protection de la caution, s'applique dans
les rapports entre un établissement de crédit ayant souscrit un
cautionnement et sa sous caution lorsque cet établissement a été
subrogé dans les droits de celui ayant accordé le concours financier
après paiement de sa créance ; qu'en décidant pourtant
que l'établissement de crédit subrogé, n'étant pas
celui ayant accordé le concours financier et qui n'en était donc
pas le gestionnaire, n'était tenu d'aucune obligation à l'égard
de la caution, privant celle-ci de son droit légitime à l'information,
la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 313-22
du code monétaire et financier ;
3 / que la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 s'applique immédiatement
à tous les cautionnements conclus entre un créancier professionnel
et une caution personne physique, y compris ceux souscrits avant son entrée
en vigueur, le 5 février 2004 ; qu'en jugeant que cette loi n'était
pas applicable au litige, faute d'être rétroactive, cependant qu'elle
s'appliquait au cautionnement litigieux à compter de son entrée
en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble
l'article L. 341-6 du code de la consommation issu de la loi précitée
;
4 / que M. X... invoquait expressément, dans ses conclusions d'appel,
le moyen tiré du défaut d'information qui incombe à tout
créancier au profit de personnes physiques en application de l'article
2016 du code civil ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour
d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile
;
5 / que M. Y... soutenait dans ses conclusions que le Crédit médical
de France ne l'avait pas informé de la défaillance de la SNC dès
le premier incident de paiement non régularisé, dans le mois de
l'exigibilité de ce paiement, ainsi que l'article L. 341-1 du code de
la consommation le lui commandait de faire et en déduisait qu'il ne saurait
être tenu au paiement des intérêts de retard échus
depuis la date du premier incident de paiement de cette société
; que dès lors, en se bornant à écarter les moyens fondés
sur les articles L. 313-22 du code monétaire et financier et L. 341-6
du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas donné de réponse
aux conclusions dont elle était saisie et a ainsi violé l'article
455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, de première part, qu'ayant relevé que la société
Interfimo était intervenue en qualité de caution principale et
non d'établissement de crédit ayant accordé un crédit
financier, la cour d'appel a écarté, à bon droit, l'application
de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;
Attendu, de deuxième part, que l'article L. 341-6 du code de la consommation
issu de la loi du 1er août 2003 ne peut entraîner la déchéance
du droit aux intérêts conventionnels qu'à compter de la
date de son entrée en vigueur et n'est pas applicable aux situations
consommées avant cette date ; que c'est à bon droit que la cour
d'appel a dit que l'article précité n'était pas applicable
;
Attendu, de troisième part, que les juges du fond ont satisfait à
l'exigence de motivation de leur décision en relevant que la société
Interfimo ne pouvait se voir reprocher une faute tirée de l'absence d'information
prévue par l'article 2016 du code civil ;
Attendu, enfin, que l'obligation d'information prévue par l'article L.
341-1 du code de la consommation issu de la loi du 29 juillet 1998 ne peut s'appliquer
aux situations consommées antérieurement à la date de son
entrée en vigueur sauf à conférer à cette disposition
un caractère rétroactif qu'elle ne comporte pas ; que c'est le
premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité
de ce paiement qui constitue le point de départ de l'information de la
caution par le créancier professionnel ; que dès lors que cet
événement était intervenu antérieurement à
l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel n'avait pas à
répondre aux conclusions invoquées qui n'étaient pas susceptibles
d'influer sur la solution du litige ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses troisième
et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le quatrième moyen du pourvoi incident :
Attendu que M. Y... fait enfin le même grief à l'arrêt, alors,
selon le moyen, qu'une banque soutient abusivement une entreprise en lui octroyant
en connaissance de cause un crédit dont le coût est excessif au
regard de sa trésorerie et lui interdit toute rentabilité quand
bien même sa situation ne s'en trouverait pas irrémédiablement
compromise dès le moment de l'octroi du crédit ; que la cour d'appel
qui, pour écarter le moyen tiré du crédit abusif consenti
par la banque à la SNC, a seulement relevé que cette dernière
n'avait fait l'objet d'un redressement judiciaire que près de cinq ans
après l'octroi du crédit et qu'un plan de continuation avait été
arrêté à son bénéfice, sans rechercher, comme
il lui était pourtant demandé, si l'octroi d'un concours bancaire
dont le remboursement annuel était supérieur au montant des bénéfices
annuels de l'emprunteur et la remise consentie par l'établissement de
crédit à hauteur des 2/3 de sa créance dans le cadre du
plan de continuation ouvert au profit de cet emprunteur ne révélaient
pas le caractère ruineux du crédit octroyé, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que cinq années se sont
écoulées entre l'octroi du prêt litigieux, le 1er décembre
1989, et l'ouverture de la procédure collective de la SNC, le 22 novembre
1994 ;
qu'ayant ainsi fait ressortir que pendant cette période, cette dernière
avait fait face à ses obligations financières de sorte que le
crédit octroyé ne présentait pas un caractère ruineux,
la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions
prétendument omises, a pu en déduire que la banque n'avait pas
commis de faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident
Publication : Bulletin
RTDCiv. 2007 p. 370
D 2007, p. 651, obs. Avenat-Robardet
Banque et droit n° 112, 32, obs. T. Bonneau