Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 11 février 2004
Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par actes du 7 février 1991, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de La Réunion (la Caisse) a consenti deux prêts à la société Informatique service international (la société) ; que M. X..., président du conseil d'administration de la société, est intervenu à ces actes en qualité de caution ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, la Caisse a assigné la caution en exécution de ses engagements ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la Caisse et en conséquence de l'avoir condamné à payer à celle-ci les sommes principales de 1 507 084, 93 francs et de 253 710, 48 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 16 juin 1997, alors, selon le moyen :
1 / que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information ou de conseil doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; que dès lors, en ayant fait peser sur M. X... la charge de prouver que la Caisse n'avait pas tenu compte de ses capacités de financement et avait ainsi manqué à son devoir de conseil, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;
2 / qu'il doit être tenu compte des garanties qui grevaient déjà le patrimoine de la caution lors de son engagement pour apprécier la disproportion du cautionnement par rapport à ses capacités de remboursement ; que dès lors, en jugeant que la Caisse n'avait pas manqué à son obligation pré-contractuelle de conseil, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le cautionnement apporté par M. X... en garantie des sommes prêtées à la société ne présentait pas un caractère disproportionné par rapport à ses capacités financières compte tenu du précédent cautionnement qu'il avait déjà consenti à la Caisse en garantie du remboursement de la somme de 2 300 000 francs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3 / que les revenus seulement éventuels de la caution et subordonnés à la réalisation de bénéfices par la société débitrice ne peuvent être pris en compte dans le calcul de la capacité de remboursement de la caution ; que c'est en effet précisément en cas de défaillance du débiteur, ce qui suppose l'absence de bénéfice, que la caution est appelée ; que dès lors, en tenant compte de la part des bénéfices éventuels de la société que M. X... ne pouvait percevoir qu'en cas de bonne santé financière de la société, c'est-à-dire uniquement s'il n'était pas appelé en tant que caution, pour juger que le cautionnement consenti par M. X... n'était pas excessif, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il incombait au premier chef à M. X... de garder à ses engagements un caractère raisonnable ; que, président du conseil d'administration, M. X... n'ayant jamais prétendu ni démontré que la Caisse aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'exploitation de la société, des informations que lui-même aurait ignorées, il n'était pas fondé à rechercher la responsabilité du créancier ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier ;
Attendu que pour condamner M. X... à payer les sommes de 1 507 084, 93 francs et 253 710, 48 francs, assorties des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 1997, l'arrêt retient que la Caisse fait observer à juste titre que l'obligation d'information a pris fin lorsque la société a fait l'objet d'une procédure collective ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les établissements de crédit ayant accordé à une entreprise un concours financier au sens du texte susvisé, sous la condition d'un cautionnement, doivent se conformer aux prescriptions de ce texte jusqu'à l'extinction de la dette garantie par le cautionnement, la cour d'appel a violé ce texte ;
Et sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la caution à payer les sommes 1 507 084, 93 francs et 253 710, 48 francs, assorties des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 1997, l'arrêt retient que la Caisse fait observer à juste titre que l'obligation d'information a pris fin lorsque la société a fait l'objet d'une procédure collective ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à répondre aux conclusions de M. X..., qui faisait valoir "qu'il n'avait jamais été informé par la Caisse dans les conditions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984", la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE

Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 6 avril 2004
Cassation.
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, par trois actes sous seing privé du 17 mai 1988, les époux X... se sont portés cautions solidaires du remboursement de deux prêts et d'une ouverture de crédit consentis à leur fils par le Crédit mutuel de Châteauneuf-du-Faou ; que, pour prononcer la nullité de ces cautionnements, l'arrêt attaqué énonce que ceux-ci représentent plus de deux fois les biens et revenus des cautions, que la banque n'allègue ni a fortiori n'établit qu'elle avait pris le soin de se renseigner sur la consistance du patrimoine et des revenus des époux X... lors de la conclusion de leurs engagements de caution, lesquels se révèlent manifestement disproportionnés à leurs facultés de remboursement, que la banque a ainsi commis une faute justifiant cette sanction ;
Qu'en se fondant sur de tels motifs, alors que la faute retenue à l'encontre de la banque pour avoir accepté le bénéfice de tels cautionnements ne pouvait être sanctionnée que par l'allocation de dommages-intérêts aux cautions, ou par la décharge de celles-ci, en réparation du préjudice qu'elles avaient subi, lequel était à la mesure de la disproportion ainsi constatée, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi principal, ni sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2004 I N° 110 p. 90
Répertoire du notariat Defrénois, 2005-02-28, n° 4, article 38111, p. 339-342, observations Philippe THERY