Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 7 novembre 2000
Cassation partielle.
Attendu que, par acte en date du 14 avril 1984, passé en l'étude de M. X..., notaire, la Société de crédit européen, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la Banque hypothécaire européenne (BHE), a consenti à la SARL Location 2000 (la SARL) une ouverture de crédit d'un montant de 500 000 francs ; que l'acte notarié contenait nantissement du fonds de commerce et transport d'indemnité d'éviction ; que plusieurs personnes, dont notamment M. et Mme Barremaecker, sont intervenues à l'acte pour se constituer cautions solidaires de l'emprunteur envers les prêteurs ; que les époux Barremaecker ont également affecté une maison d'habitation en garantie hypothécaire du remboursement du crédit ; que la SARL ayant été déclarée en liquidation et n'ayant pas réglé les sommes dues, la BHE a assigné en paiement les époux Barremaecker en leur qualité de cautions ; que ceux-ci ont invoqué la responsabilité de la banque ainsi que celle du notaire, qu'ils ont appelé en garantie des condamnations prononcées contre eux ; que l'arrêt attaqué a débouté les époux Barremaecker de leur appel en garantie et, avant dire droit sur la demande en paiement de la banque, prononcé la réouverture des débats pour susciter des explications sur l'application de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (Publication sans intérêt) ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter les époux Barremaecker de leur appel en garantie dirigé contre M. X..., l'arrêt relève, d'abord, d'une part, que compte tenu des stipulations extrêmement claires de l'acte, il appartenait aux époux de savoir si leurs ressources leur permettaient ou non de cautionner cet emprunt dont il était clairement précisé qu'il était destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce et à la constitution d'un fonds de roulement pour la société, et, d'autre part, qu'ils savaient que, s'agissant d'une exploitation nouvelle, l'opération comportait un certain nombre de risques qu'ils ont accepté d'assumer ; qu'il énonce, ensuite, qu'on ne peut reprocher au notaire un manquement à son devoir de conseil dès lors que l'engagement pris par les époux n'était manifestement pas disproportionné eu égard à leurs biens et leurs revenus, compte tenu des autres sûretés prises par l'organisme bancaire et s'agissant d'un cautionnement donné à une société dont le frère et beau-frère des époux était le gérant ;
Attendu, cependant, que les notaires sont tenus d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur les conséquences et les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique ; qu'en écartant la garantie de M. X..., sans constater que celui-ci avait appelé l'attention de M. et Mme Barremaecker sur l'importance et les risques des engagements, même proportionnés à leurs facultés, auxquels ils se proposaient de souscrire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que M. X... n'était pas tenu de garantir M. et Mme Barremaecker des condamnations prononcées à leur encontre, l'arrêt rendu le 2 octobre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée.

Publication : Bulletin 2000 I N° 282 p. 182
La Semaine juridique, édition entreprise, 2001-03-01, n° 9 p. 372, note D. LEGEAIS. Revue trimestrielle de droit civil, juillet-septembre 2001, n° 3, p. 627-629, note Monique BRANDAC et Pierre CROCQ.