Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 17 juin 1997 Rejet.
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Macron que sur le pourvoi
incident relevé par la Banque internationale pour l'Afrique occidentale
:
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 8 février
1995), que, par acte du 23 décembre 1987, M. Macron s'est porté,
envers la Banque internationale pour l'Afrique occidentale (la banque) et à
concurrence de 20 000 000 francs, outre les intérêts, commissions,
frais et accessoires, avaliste de toutes les dettes de la société
Comptoir français des pétroles du Nord (la société),
dont il présidait le conseil d'administration ; que la société
ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné
la caution en exécution de son engagement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal : (sans
intérêt) ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches, du même pourvoi : (sans
intérêt) ;
Et sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident :
Attendu que, de son côté, la banque reproche à l'arrêt
de l'avoir condamnée à payer à M. Macron la somme de 15 000
000 francs à titre de dommages-intérêts, et ordonné
que cette somme se compensera avec celle de 20 000 000 francs, due par ce dernier
en vertu de son engagement d'avaliste alors, selon le pourvoi, d'une part, que
la cour d'appel qui a constaté la qualité de dirigeant d'entreprise
de M. Macron, de nature à faire présumer la connaissance parfaite
qu'il avait de l'importance de son engagement eu égard à ses revenus
et à son patrimoine, a, en statuant comme elle a fait, privé sa
décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code
civil ; et alors, d'autre part, que seul l'engagement sans terme est susceptible
d'être considéré comme un engagement perpétuel, l'engagement
à durée indéterminée, tel le cautionnement conclu
sans limitation de durée, ayant quant à lui un terme potestatif
en raison de la faculté de résiliation unilatérale dont dispose
la caution ; qu'en considérant tout d'abord que la banque avait parfaitement
respecté les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, qui
impose aux établissements de crédit de rappeler aux cautions leur
faculté de révocation à tout moment de leur engagement, et
en constatant par là même la possibilité pour M. Macron d'user
de sa faculté de résiliation unilatérale, mais en estimant
néanmoins que l'engagement de celui-ci était perpétuel, la
cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses
propres constatations et violé l'article 2034 du Code civil, et par fausse
application un prétendu principe de prohibition des engagements perpétuels
;
Mais attendu qu'après avoir retenu que M. Macron avait souscrit un aval
de 20 000 000 francs, " manifestement disproportionné " à
ses revenus, d'un montant mensuel de 37 550 francs, et à son patrimoine,
d'un montant inférieur à 4 000 000 francs, la cour d'appel, tout
en estimant que M. Macron n'avait pas commis d'erreur, viciant son consentement,
a pu estimer, en raison de " l'énormité de la somme garantie
par une personne physique ", que, dans les circonstances de fait, exclusives
de toute bonne foi de la part de la banque, cette dernière avait commis
une faute en demandant un tel aval, " sans aucun rapport " avec le patrimoine
et les revenus de l'avaliste ; qu'ainsi, et abstraction faite des motifs surabondants,
relatifs au caractère perpétuel de l'engagement litigieux, critiqués
par la seconde branche, la cour d'appel a légalement justifié sa
décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches
;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident.
Publication : Bulletin 1997 IV N° 188 p. 165
Dalloz, 1998-04-23, n° 16, p. 208, note J. CASEY. Semaine Juridique, Edition
entreprise, 1997-10-30, n° 44, p. 235, note D. LEGEAIS.