Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 9 novembre 2004 Rejet.
Attendu que par acte sous seing privé du 14 novembre 1990, M. X... s'est
porté caution solidaire du remboursement du prêt de la somme de 2
300 000 francs consenti, ce même jour, par la BNP, aujourd'hui dénommée
BNP Paribas (la banque), à Mme Y..., à l'effet de financer l'acquisition
d'un bien immobilier ;
qu'en raison de la défaillance de Mme Y..., la banque a assigné
M. X... en exécution de son engagement de caution ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel (Angers, 24 avril 2002)
d'avoir refusé d'annuler le cautionnement qu'il avait souscrit alors, selon
le moyen, "que, à peine de nullité de son engagement, la caution
d'un prêt immobilier doit faire précéder sa signature d'une
mention manuscrite reproduisant exactement les termes imposés par la loi
; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, après
avoir précisé dans l'acte de cautionnement le montant qu'il garantissait,
l'exposant avait indiqué la durée de sa garantie sans faire précéder
cette mention de la conjonction "et", pourtant exigée ad validitatem",
de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article
L. 313-7 du Code de la consommation ;
Mais attendu que l'omission de la conjonction de coordination "et" entre,
d'une part, la formule définissant le montant et la teneur de l'engagement,
d'autre part, celle relative à la durée de celui-ci, n'affecte ni
le sens, ni la portée de la mention manuscrite prescrite par l'article
L. 313-7 du Code de la consommation ; que, dès lors, c'est à bon
droit que la cour d'appel a décidé que la sanction édictée
par ce texte n'était pas encourue ;
Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt confirmatif attaqué
d'avoir accueilli la demande formée à son encontre alors, selon
le moyen :
1 / que le prêt destiné à l'achat d'un bien immobilier est
accordé par l'établissement de crédit à l'emprunteur
au regard de sa situation financière personnelle à la date du prêt,
non en considération de ses ressources ajoutées à celles
de la caution dont l'engagement n'a qu'un caractère accessoire ; qu'il
ressort tant de l'acte de prêt que des constatations de l'arrêt attaqué
que le banquier avait consenti un prêt de 2 300 000 francs uniquement à
Mme Y..., seul acquéreur du bien immobilier qui en était l'objet,
non à M. X... qui s'était seulement porté caution en cas
de défaillance de l'emprunteuse ; qu'en décidant que le prêteur
n'avait pas commis de faute en se fondant sur une estimation de la situation financière
globale du couple formé par l'emprunteuse et la caution, bien qu'il eût
dû, pour octroyer le prêt, ne prendre en considération que
la capacité de remboursement de l'emprunteuse à l'exclusion de celle
de la caution qui n'était qu'un garant accessoire, la cour d'appel a violé
les articles 1382 et 2011 du Code civil ainsi que l'article L. 312-1 a) du Code
de la consommation ;
2 / que, en outre, un établissement de crédit ne peut se prévaloir
du cautionnement d'une opération de crédit lorsque l'engagement
de la caution était, lors de sa souscription, manifestement disproportionné
à ses biens et revenus ; qu'en retenant que la banque n'avait pas commis
de faute lorsque, pour demander à M. X... de cautionner le prêt de
2 300 000 francs, elle avait procédé à une estimation financière
globale du couple qu'il formait avec l'emprunteuse, quoiqu'elle eût dû
ne prendre en considération que les revenus de la caution à l'exclusion
de ceux de l'emprunteuse qui ne devaient servir qu'à apprécier l'opportunité
de lui accorder ou non le prêt sollicité, la cour d'appel a violé
tant les textes susvisés que l'article L. 313-10 du Code de la consommation
;
3 / qu'une banque engage sa responsabilité envers la caution lorsqu'elle
accorde à l'emprunteur un prêt excédant ses capacités
de remboursement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué
que, lors de l'octroi du prêt, l'établissement de crédit avait
apprécié la situation financière de l'emprunteuse sur l'unique
foi d'un certificat de l'employeur attestant non de revenus effectivement versés
mais d'un droit à percevoir des commissions dont le paiement et le montant
étaient aléatoires, tandis que les avances mensuelles sur commissions
versées à l'emprunteuse étaient de 25 000 francs et que les
échéances du prêt s'échelonnaient entre 20 987,50 et
31 586,50 francs, ce dont il résultait que la banque avait agi avec une
légèreté blâmable en accordant à l'emprunteuse
un prêt dont le montant était hors de proportion avec ses ressources
certaines ; qu'en écartant néanmoins toute faute imputable à
l'établissement de crédit, la cour d'appel a violé l'article
1382 du Code civil ;
4 / qu'enfin, un établissement de crédit ne peut se prévaloir
du cautionnement d'une opération de crédit lorsque l'engagement
de la caution était, lors de sa souscription, manifestement disproportionné
à ses biens et revenus ; qu'il s'infère des constatations de l'arrêt
attaqué que, au moment où il avait demandé à M. X...
de cautionner le prêt de 2 300 000 francs, l'établissement de crédit
avait apprécié sa situation financière sur l'unique foi d'un
certificat de l'employeur attestant non de revenus effectivement versés
mais d'un droit à percevoir des commissions dont le paiement et le montant
étaient aléatoires, tandis que les avances mensuelles sur commissions
qui lui étaient versées avoisinaient 30 000 francs par mois et que
les échéances du prêt qu'il avait pris l'engagement d'honorer
en cas de défaillance de l'emprunteuse s'échelonnaient entre 20
987,50 et 31 586,50 francs, ce dont il résultait que la banque avait agi
avec une légèreté blâmable en faisant souscrire à
M. X... un cautionnement dont le montant était hors de proportion avec
ses ressources certaines ; qu'en écartant néanmoins toute faute
imputable à l'établissement de crédit, la cour d'appel a
violé les articles L. 313-7 et L. 313-10 du Code de la consommation"
;
Mais attendu que loin de se borner à appréhender la situation
financière globale du couple formé par Mme Y... et M. X..., qu'appelait
l'examen des documents remis à la banque par ceux-ci à l'occasion
de la souscription tant du prêt que du cautionnement litigieux, les juges
du fond se sont attachés, par voie de comparaison entre les indications
figurant dans ces documents et d'autres éléments d'information,
telles les avances sur commissions versées à chacun des intéressés,
à évaluer leurs facultés contributives respectives, pour
en déduire qu'aucun d'eux ne pouvait se prévaloir d'une disproportion
entre les ressources dont il disposait et l'engagement qu'il avait souscrit
; que le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches, ne
tend, en ses deux dernières, qu'à remettre en cause cette appréciation
qui est souveraine ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2004 I N° 254 p. 212
JCP E 2005, n° 5 p. 183, note D. Legeais
JCP G 2005, I, 135, obs. P. Simler
Cour de Cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 8 mars 2006 Cassation partielle.
Sur le premier moyen :
Vu l'article 22-1de la loi du 6 juillet 1989 ;
Attendu que la personne qui se porte caution fait précéder sa
signature de la reproduction manuscrite du montant du loyer et des conditions
de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, de la mention
manuscrite exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance
qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte
et de la reproduction manuscrite de l'alinéa précédent
; que le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location
; que ces formalités sont prescrites à peine de nullité
du cautionnement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 4 novembre 2004 ) rendu
en matière de référé, que Mme Z... a, le 24 septembre
1997, donné un appartement à bail à usage d'habitation
aux époux X..., M. Georges X... se portant caution pour le paiement du
loyer ; que la bailleresse a assigné ses locataires et leur caution aux
fins de faire constater la résiliation de plein droit du bail et d'obtenir
la condamnation des trois défendeurs au paiement d'une provision au titre
des loyers échus et impayés et d'une indemnité mensuelle
d'occupation ; que M. Georges X... a soulevé la nullité de son
engagement de caution pour défaut de respect des formalités exigées
par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 ;
Attendu que pour accueillir la demande de Mme Z... et rejeter l'exception de
nullité, l'arrêt retient que l'acte de cautionnement de M. X...
mentionne de façon manuscrite qu'il se porte caution "pour le loyer
de Monsieur Madame X... Y..., loyer de l'appartement situé au 15 boulevard
Maglioli 20000 Ajaccio pour la somme mensuelle de quatre mille francs (4 000
francs)", qu'en tout état de cause l'inobservation des formalités
prescrites par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989, dont la remise d'un
exemplaire du contrat de location à la caution, n'est sanctionnée
par la nullité de l'engagement de caution qu'à charge pour la
caution de rapporter la preuve d'un grief, que M. X... ne démontre ni
même n'invoque l'existence d'un grief que le défaut de respect
des formalités exigées par l'article 22-1 précité
lui cause ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les formalités édictées
par l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 sont prescrites à peine
de nullité du cautionnement sans qu'il soit nécessaire d'établir
l'existence d'un grief, la cour d'appel a violé le texte susvisé
;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Georges X...
à verser, aux côtés des époux X..., à Mme
Z..., la somme de 6 373,13 euros représentant les loyers échus,
celle de 750 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure
civile, ainsi qu'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de
624,58 euros, à compter du 1er août 1999 jusqu'au départ
définitif des époux X..., l'arrêt rendu le 4 novembre 2004,
entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence,
quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de Montpellier ;
Publication : Bulletin 2006 III N° 59 p. 49
Revue trimestrielle de droit civil, 2006, n° 4, p. 797, obs. Pierre CROCQ.