Cour de Cassation, Chambre commerciale
Audience publique du 29 mai 2001 Rejet.

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 22 avril 1996), que, par acte du 30 mars 1988, la Banque française commerciale (la banque) a consenti à la société Chaudronnerie Sico (la société) un prêt d'un montant de 620 000 francs ; que les époux Giner et les époux Serre se sont portés cautions solidaires du remboursement de ce prêt ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, Mme Giner a réglé à la banque la somme de 747 013,13 francs au titre du prêt puis s'est retournée contre les époux Serre, en leur qualité de cofidéjusseurs, en leur demandant de lui rembourser la moitié de cette somme ;
Attendu que les époux Serre reprochent à l'arrêt d'avoir écarté la nullité du contrat de cautionnement pour dol, alors, selon le moyen :
1° que l'action en nullité pour dol peut être invoquée à l'encontre de la partie à qui est imputée la faute intentionnelle, à titre d'auteur principal ou de complice ; qu'ainsi, dès lors que la nullité du cautionnement était invoquée non à l'égard du créancier, qui n'était pas en la cause, mais de la caution cofidéjusseur, et que les manoeuvres frauduleuses étaient imputées à la caution cofidéjusseur, comme complice de l'ancien dirigeant de la société débitrice et dirigeante elle-même de la société, la cour d'appel ne pouvait écarter l'action en nullité aux motifs que les manoeuvres frauduleuses n'émanaient pas du créancier, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
2° qu'en énonçant que " resterait à démontrer " que M. Serre ignorait la situation de la société, et que les manoeuvres avaient été déterminantes du consentement, la cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa décision de tout motif pertinent en ce qui concerne le refus d'annuler le cautionnement de Mme Serre, et donc de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil, et a, en outre, en ne réfutant pas les motifs du jugement, qui avait relevé que M. Serre, travailleur manuel dépourvu de toute connaissance comptable, avait ignoré la précarité de la situation du débiteur et avait été trompé par des propositions alléchantes visant à lui faire prendre des responsabilités dans une société prête à déposer son bilan, privé sa décision de motifs en ce qui concerne l'annulation du cautionnement de M. Serre, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, dans les rapports entre cofidéjusseurs, le dol peut être invoqué par la caution qui se prévaut de la nullité du cautionnement lorsqu'il émane de son cofidéjusseur ; qu'ayant retenu qu'il n'était pas établi que M. Serre, coassocié dès l'origine de la société, était ignorant de la situation de celle-ci et que les manoeuvres invoquées par les époux Serre ont été déterminantes de leur cautionnement, la cour d'appel, qui a par là même répondu en les écartant aux conclusions dont fait état la seconde branche, a souverainement décidé que la preuve d'un dol commis par Mme Giner au préjudice de M. et de Mme Serre n'était pas rapportée ; qu'ainsi, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
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Publication : Bulletin 2001 IV N° 100 p. 92
Revue trimestrielle de Droit civil, octobre décembre 2001, n° 4 p. 920 921, note Monique BRANDAC et Pierre CROCQ.
Droit et patrimoine, février 2002, n° 101, p. 20 23, note F. BUY. Revue trimestrielle de droit civil, octobre-décembre 2002, n° 4, chroniques, p. 805-809, note Jacques MESTRE et Bertrand FAGES. RD bancaire et financier 2001, p. 228, obs D. Legeais.
Petites affiches, 8 nov 2001, p. 19 note Y. Dagorne-Labbé