Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 20 septembre 2005
Rejet.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 16 septembre
2003), que la société SHR 100, liée à la société
Primevère par un contrat de franchise, a conclu avec la société
UFB-locabail, aux droits de laquelle se trouve la BNP-Paribas lease group (la
crédit-bailleresse), deux contrats de crédit-bail portant sur du
mobilier et du matériel de restauration, garantis par le cautionnement
solidaire de M. et Mme X..., co-gérants de la société SHR
100 ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de cette société,
la crédit-bailleresse a assigné les cautions en paiement de sa créance
; que ces dernières ont recherché la responsabilité de la
crédit-bailleresse à leur égard ;
Attendu que la crédit-bailleresse fait grief à l'arrêt d'avoir
diminué le montant de la condamnation des cautions à son profit
de 50 000 euros en principal réduisant en conséquence celle-ci à
la somme de 30 002,35 euros, alors, selon le moyen :
1 ) qu'il n'appartient pas à un établissement de crédit de
s'immiscer dans les affaires de son client ; qu'en retenant la responsabilité
de la crédit-bailleresse, après avoir expressément constaté
que les cautions étaient associées et dirigeantes de la SHR 100
et donc demanderesses du crédit, la cour d'appel a violé l'article
1147 du Code civil ;
2 ) qu'en statuant comme elle a fait, au motif inopérant que l'opération
était particulièrement risquée, sans constater que la crédit-bailleresse
savait, au jour des cautionnements, que la situation de la société
SHR 100 était irrémédiablement compromise, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1147 du Code civil ;
3 ) qu'à défaut de circonstances exceptionnelles, les cautions dirigeantes
ne sont pas fondées à mettre en oeuvre la responsabilité
de la banque en invoquant le manquement de celle-ci à son obligation de
prudence et de conseil concernant la situation et les difficultés financières
de la société cautionnée au jour de l'octroi du cautionnement
; que la transmission directe par la société Primevère du
dossier relatif à l'opération envisagée à la crédit-bailleresse
ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle ; qu'ainsi, en statuant
au motif inopérant que la banque n'avait pas informé les cautions
des éléments d'appréciation reçus du franchiseur et
ne s'était pas assurée qu'elles en avaient connaissance, sans caractériser
"les circonstances exceptionnelles" dont il aurait résulté
que M. et Mme X..., associés et co-gérants de la société
SHR 100 depuis 1989, n'avaient pas ou ne pouvaient pas avoir connaissance des
éléments d'appréciation et du dossier préparé
par Primevère, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la crédit-bailleresse
ne conteste pas que le dossier, établi par la société Primevère,
lui a été transmis directement par cette dernière, qu'elle
n'en a pas donné connaissance aux cautions, n'a pas vérifié
que celles-ci avaient eu connaissance des éléments qu'il contenait,
et qu'elle disposait ainsi d'éléments d'appréciation ignorés
des cautions ; qu'il constate encore que "le compte prévisionnel type",
apparemment établi en 1989, sur lequel la crédit-bailleresse a fondé
sa décision en 1992 porte sur les années 1990 à 1994, quand
l'exploitation de l'hôtel n'a commencé qu'à la fin de l'année
1992, que les conditions économiques étaient devenues globalement
moins favorables et que les chiffres de ce compte étaient néanmoins
alarmants, le résultat net comptable étant négatif pour les
trois premières années l'équilibre ne devant être atteint
que la quatrième année avec un taux d'occupation de 70 %, hypothèse
très optimiste ; qu'il retient aussi qu'un professionnel du crédit
ne pouvait que déduire des éléments contenus dans ce dossier
et l'échec prévisible et même probable de l'opération
entreprise ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations
faisant ressortir que la crédit-bailleresse détenait, au moment
de la conclusion du cautionnement, des informations sur la viabilité de
l'opération entreprise par la société emprunteuse dirigée
par les cautions, que, par suite de circonstances exceptionnelles, ces dernières
ignoraient, la cour d'appel a pu en déduire que cette crédit-bailleresse
avait manqué à son obligation de contracter de bonne foi à
l'égard de ces cautions ; qu'elle a ainsi légalement justifié
sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2005 IV N° 176 p. 191