Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 13 novembre 2002 Rejet.
Publication : Bulletin 2002 IV N° 161 p. 185
LA COUR:
Attendu, selon l'arrêt déféré (Rouen, 29 juin 1995),
que, par acte du 6 juin 1989, M. X... s'est porté caution de la société
Edition presse professionnelle (la société), dont il était
le président du conseil d'administration, envers le Crédit industriel
de Normandie (la banque) ; que, par acte du 22 juin 1989, M. X... a consenti au
profit de la banque une inscription de nantissement de titres ; que la société
ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné
la caution en exécution de ses engagements ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné,
en qualité de caution, à payer à la banque les sommes de
300 000 francs et 147 164, 58 francs, alors, selon le moyen :
1 ) que le dol du débiteur principal entraîne la nullité de
l'engagement de caution ; qu'en effet, le cautionnement n'est que l'accessoire
d'une obligation principale dans lequel le débiteur principal est partie,
si bien que ce dernier n'est pas un tiers au contrat de cautionnement ; qu'en
décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1116,
2011 et 2012 du Code civil et 4 du Code de procédure pénale ;
2 ) que, dans ses écritures d'appel, M. X... avait demandé un sursis
à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale
statuant sur la plainte déposée contre M. Y..., en invoquant son
erreur résultant du comportement de M. Y... ; qu'en rejetant cette demande,
sans rechercher si M. X... avait commis une erreur ayant vicié son consentement,
la cour d'appel a violé les articles 1109 du Code civil, 4 du Code de procédure
pénale et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) que pour justifier le prononcé du sursis à statuer dans l'attente
de la décision pénale, M. X... avait soutenu que la signature de
son épouse figurant dans l'acte de cautionnement avait été
imitée, que ce cautionnement ne porte pas sur des biens propres de M. X...,
si bien que sa validité supposait l'accord de son épouse ; qu'en
rejetant cette demande de sursis à statuer, au motif que l'imitation de
la signature de Mme X... ne pouvait avoir aucune influence sur la validité
de l'engagement de son mari sur ses biens propres, la cour d'appel a méconnu
les termes clairs et précis du contrat de cautionnement et violé
l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que M. X... n'a pas soutenu, dans ses conclusions d'appel,
que M. Y... dont le comportement était en cause, aurait exercé dans
la société débitrice principale des fonctions lui faisant
perdre la qualité de tiers au contrat de cautionnement ;
Attendu, d'autre part, que M. X... a fait valoir, devant les juges du fond, que
son consentement avait été vicié par l'erreur provoquée
par les manoeuvres dolosives de M. Y... ; qu'ainsi, ayant retenu que le dol ne
peut être invoqué que dans le cas où les manoeuvres émanent
de l'une des parties contractantes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue
d'effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche, a, en
l'état des conclusions qui lui étaient soumises, légalement
justifié sa décision ;
Attendu, enfin, que l'arrêt retient exactement, sans dénaturer l'acte
de cautionnement, que l'issue de la plainte déposée contre M. Y...
qui aurait contrefait la signature de Mme X... ne peut avoir aucune incidence
sur la validité de l'engagement de M. X... ;
D'où il suit que nouveau, et mélangé de fait et de droit,
le moyen est irrecevable en sa première branche et mal fondé pour
le surplus ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches, après avis de la première
chambre civile sur la première branche :
Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors,
selon le moyen :
1 ) que chaque époux ne peut, par un cautionnement, engager que ses biens
propres et ses revenus ; que l'acte accompli par un époux en violation
de ses pouvoirs sur les biens communs est nul, et pas seulement inopposable à
l'autre époux ; qu'en retenant cependant que l'acte de nantissement conclu
par le mari seul était valable, au motif que l'absence de signature de
son épouse avait pour seul effet de rendre cet acte inopposable à
celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 1415 et 1427 du Code civil
;
2 ) que le nantissement d'un meuble ne donne au créancier que le droit
de se faire payer sur la chose, et non d'obtenir la condamnation du débiteur
au paiement de dommages-intérêts d'une valeur égale à
celle de l'objet nanti ; que la cour d'appel a relevé que la banque ne
pouvait appréhender les Sicav appartenant à la communauté
;
qu'en condamnant cependant le débiteur à payer au créancier
la valeur de ces Sicav, la cour d'appel a violé les articles 2073 et 2078
du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 1415
du Code civil qu'un cautionnement contracté sur des biens communs par un
seul des époux, sans le consentement exprès de l'autre, est inopposable
à la demande de l'un ou l'autre des époux, mais qu'il n'en demeure
pas moins valable, la caution restant tenue envers le créancier sur ses
biens propres et ses revenus, dans la double limite de la somme garantie et de
la valeur du bien engagé, appréciée au jour de la demande
d'exécution de la garantie ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que M. X... avait consenti un cautionnement
réel et que les actes des 6 et 22 juin 1989 comportaient des clauses aux
termes desquelles ces engagements étaient indépendants, la cour
d'appel, qui a retenu que la banque avait déclaré une créance
de 693 046 francs, montant du solde débiteur du compte ouvert à
la banque par la société, et de 88 267 francs, montant d'encours
d'escomptes, a condamné la caution, d'un côté, à la
somme de 300 000 francs en principal, à concurrence de laquelle elle s'était
engagée par le premier acte, et d'un autre côté, à
concurrence de la valeur des biens donnés en nantissement par le second
acte ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a légalement
justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ; que celui-ci
n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;