Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 15 mai 2002 Rejet.
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que M. Abihssira, président-directeur général de
la société Jest group (la société), a affecté
des parts de SICAV à la garantie solidaire du remboursement de toutes
sommes que la société pourrait devoir à la Banque nationale
de Paris aux droits de laquelle vient la BNP Paribas (la banque) à concurrence
de 4 000 000 francs ; que la société ayant fait l'objet d'un redressement
judiciaire, la banque a assigné M. Abihssira en réalisation du
nantissement à laquelle le débiteur s'est opposé en invoquant
sa nullité, les titres nantis étant communs et son épouse
n'ayant pas consenti à l'acte ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué
(Versailles, 9 mars 2000) de l'avoir déboutée de sa demande, alors,
selon le pourvoi :
1° que les dispositions de l'article 1415 du Code civil ne sont pas applicables
au nantissement pur et simple ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour
d'appel a violé, par fausse application, l'article 1415 du Code civil
;
2° à titre subsidiaire, que seul le conjoint dont le consentement
exprès est requis peut se prévaloir du défaut de ce consentement
à l'engagement de caution consenti par son époux commun en biens
; qu'en l'espèce, seul M. Abihssira s'est prévalu de l'absence
de consentement de son épouse à l'acte de nantissement qu'il avait
lui-même donné à la BNP ; qu'en privant d'effet cette sûreté,
la cour d'appel a violé l'article 1415 du Code civil ;
Mais attendu que le nantissement constitué par un tiers pour le débiteur
est un cautionnement réel soumis à l'article 1415 du Code civil
; que, dans le cas d'un tel engagement consenti par un époux sur des
biens communs, sans le consentement exprès de l'autre, la caution, qui
peut invoquer l'inopposabilité de l'acte quant à ces biens, reste
seulement tenue, en cette qualité, du paiement de la dette sur ses biens
propres et ses revenus dans la double limite du montant de la somme garantie
et de la valeur des biens engagés, celle-ci étant appréciée
au jour de la demande d'exécution de la garantie ; qu'ainsi l'arrêt
est légalement justifié ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 2002 I N° 127 p. 98
Revue trimestrielle de droit civil, juillet-septembre 2002, n° 3, p. 546-550,
note P. CROCQ. Revue juridique Personnes et famille (RJPF), septembre 2002,
n° 9, p. 13-14, note F. VAUVILLE. La semaine juridique, notariale et immobilière,
n° 50, 2002-12-13, p. 1737-1743, note S. PIEDELIEVRE.
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 15 mai 2002 Rejet.
Publication : Bulletin 2002 I N° 128 p. 98
Revue trimestrielle de droit civil, juillet-septembre 2002, n° 3, p. 546-550,
note P. CROCQ. Le Dalloz, 2002-06-06, n° 22, Jurisprudence, commentaires,
p. 1780-1785, note Ch. BARBEROT. La semaine juridique, notariale et immobilière,
n° 50, 2002-12-13, p. 1737-1743, note S. PIEDELIEVRE.
N° de pourvoi : 00-13527
Attendu que le 8 novembre 1994, la BNP (la banque), créancière
des sociétés Tolec et Vimec, dont M. Deliry, époux commun
en biens, était le dirigeant, a obtenu, au profit de ces sociétés
: de M. Deliry, un nantissement de diverses valeurs mobilières pour un
montant de 982 800 francs, un nantissement d'un PEA d'une valeur de 503 301
francs, et de Mme Deliry, un nantissement d'un PEA de même valeur ; que
les sociétés ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire,
la banque a assigné les époux Deliry devant le tribunal de commerce
pour obtenir que les titres nantis lui soient attribués ; que les deux
époux Deliry ont invoqué la nullité de leurs engagements
;
Sur le premier moyen qui est de pur droit :
Attendu que la BNP Paribas, venant aux droits de la BNP, fait grief à
l'arrêt confirmatif attaqué (Dijon, 11 janvier 2000) d'avoir dit
applicable aux nantissements l'article 1415 du Code civil, alors, selon le moyen,
que les dispositions de ce texte ne sont pas applicables au nantissement pur
et simple ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé,
par fausse application, ce texte ;
Mais attendu que le nantissement constitué par un tiers pour le débiteur
est un cautionnement réel ; que c'est donc à bon droit que la
cour d'appel, qui a constaté que les époux Deliry avaient donné
en nantissement auprès de la banque des titres en garantie des dettes
des deux sociétés, a décidé que ces nantissements
étaient soumis à l'article 1415 du Code civil, ce dont il résultait
qu'ils leur étaient inopposables en tant qu'ils portaient sur des biens
communs ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la banque fait encore le même grief à l'arrêt,
alors, selon le moyen :
1° qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que chacun des
époux Deliry avait le même jour donné en nantissement à
la BNP diverses valeurs mobilières et titres en garantie des mêmes
engagements des sociétés Tolec et Vimec ; qu'en retenant, néanmoins,
que chacun desdits époux n'avait pu engager les biens communs, faute
d'avoir recueilli le consentement de l'autre, la cour d'appel a violé,
par fausse application, l'article 1415 du Code civil ;
2° qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est limitée à
rechercher la présence, dans le texte même des actes de nantissements
litigieux, d'une mention écrite comportant le consentement exprès
de l'autre conjoint, sans rechercher, ainsi qu'il lui était pourtant
expressément demandé, si la preuve du consentement de chacun des
époux Deliry ne ressortait pas des circonstances de la cause et, plus
particulièrement, si elle n'était pas rapportée par le
seul fait qu'ils aient, au même moment, garanti les mêmes dettes
des mêmes sociétés par l'engagement de l'ensemble des valeurs
mobilières dont ils étaient chacun titulaires pour le compte de
la communauté légale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la
cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale
au regard de l'article 1415 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté, tant par motifs propres
qu'adoptés, que les nantissements avaient été consentis
unilatéralement par chaque époux, a justement estimé que
ces actes n'établissaient pas à eux seuls, le consentement exprès
de chacun des époux à l'engagement de caution de l'autre, de sorte
que l'article 1415 du Code civil devait s'y appliquer ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 15 mai 2002 Rejet.
Publication : Bulletin 2002 I N° 129 p. 99
Revue trimestrielle de droit civil, juillet-septembre 2002, n° 3, p. 546-550,
note P. CROCQ. La semaine juridique, notariale et immobilière, n°
50, 2002-12-13, p. 1737-1743, note S. PIEDELIEVRE.
Sur le moyen unique :
Attendu que le Crédit industriel et commercial (la banque) a accordé
un découvert à hauteur de 500 000 francs à la société
RBI (la société) et a fait souscrire à M. Piot, gérant
de la société, époux commun en biens, sans le consentement
de son épouse, un engagement de caution solidaire garantissant l'ensemble
des engagements de la société pour le même montant ; que,
la société étant en liquidation judiciaire, la banque a
assigné M. Piot en paiement de la somme de 500 000 francs et a été
autorisée par le président du tribunal de commerce de Versailles
à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire,
sur un immeuble commun ; que l'arrêt attaqué (Versailles, 18 décembre
1997) a condamné M. Piot à payer une certaine somme en sa qualité
de caution, mais a ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque
judiciaire provisoire prise sur un immeuble commun ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné
cette mainlevée, alors que, selon le moyen, en l'état du cautionnement
contracté par un époux commun en biens sans le consentement de
son conjoint, l'interdiction faite au créancier de poursuivre la réalisation
de son gage sur les biens communs est édictée dans l'intérêt
exclusif du conjoint de la caution, lequel a seul qualité pour se prévaloir
du moyen tiré de son absence de consentement ; qu'en décidant
le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1415 du Code civil, ensemble
l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1415 du Code civil, sous le régime
de la communauté légale, chacun des époux ne peut engager
que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à
moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement
exprès de son conjoint ; que, dès lors, la cour d'appel a décidé
à bon droit que le créancier ne pouvait être judiciairement
autorisé à inscrire une hypothèque provisoire sur un immeuble
commun en vertu d'un acte de cautionnement contracté par le mari sans
le consentement exprès de son épouse et que le mari pouvait se
prévaloir de cette disposition ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.